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Date: 19980105

Dossier: 97-67-UI

ENTRE :

NORMAND LAFLEUR, PASTEUR,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

La juge Lucie Lamarre, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel d’une décision du ministre du Revenu national ( « Ministre » ) selon laquelle il a été déterminé que l’appelant aurait exercé un emploi assurable alors qu’il aurait été associé à l’église américaine Yakima Bible Baptist Church ( « Yakima » ) à compter du 19 août 1995. Le Ministre s’est appuyé sur les alinéas 4(1)c) et 4(3)e) de la Loi sur l’assurance-chômage ( « Loi » ) et sur l’alinéa 12c) du Règlement sur l’assurance-chômage ( « Règlement » ). Il a considéré que l’appelant était depuis le 19 août 1995 un ministre du culte auprès de Yakima et que l’emploi exercé par un ministre du culte ou un membre d’un ordre religieux est inclus dans les emplois assurables. L’appelant prétend qu’il n’exerce pas un emploi assurable au sens de la Loi.

Faits

[2] En rendant sa décision, le Ministre s’est basé sur les faits énoncés au paragraphe 4 de la Réponse à l’avis d’appel. Ces faits se lisent comme suit :

(a) l’appelant travaille à titre de ministre du culte et a été ordonné le 2 septembre 1988;

(b) l’appelant n’a pas fait voeu de pauvreté;

(c) jusqu’en 1991, l’appelant oeuvrait au sein de l’église Capital City Baptist Church de Victoria, Colombie Britannique et il recevait une rémunération à titre d’employé;

(d) de 1991 au mois d’août 1995, l’appelant passait de 6 à 7 mois par année aux États-Unis comme prédicateur itinérant et il prêchait dans plusieurs églises et ces églises envoyaient régulièrement des offrandes à Yakima Bible Baptist Church ( « Yakima » ) qui déposait ces offrandes dans le compte de banque personnel de l’appelant;

(e) au mois d’août 1995, l’appelant est arrivé à Montréal où il a servi avec l’Église Baptiste de Montréal et ce jusqu’à l’été 1996;

(f) depuis l’été 1996, l’appelant habite à Hull, Québec où il est en train de mettre sur pied l’église Biblique Baptiste de l’Outaouais;

(g) depuis le mois d’août 1995, les églises continuent a envoyer des chèques à Yakima pour l’appelant, sous forme d’offrandes;

(h) les modalités des services rendus et la nature du travail exécuté par l’appelant sont analogues aux modalités des services rendus et à la nature du travail exécuté par des personnes exerçant un emploi aux termes d’un contrat de louage de services;

[3] Seul l’appelant a témoigné à l’audience. Il a admis les alinéas (a), (b), (e), (f) et (g). Il a admis l’alinéa (d) pour l’année 1995 seulement.

[4] L’appelant est pasteur de l’Église Biblique Baptiste de l’Outaouais. Il a expliqué qu’un pasteur est élu à vie par l’assemblée des membres de l’Église. Il ne peut être destitué que pour cause d’immoralité ou de fausse doctrine.

[5] L’appelant reçoit un soutien financier de plusieurs églises, dont 35 proviennent des États-Unis et 14 du Canada. Certaines églises font des chèques sur une base régulière, d’autres de façon temporaire ou irrégulièrement. Aux États-Unis, certaines églises font déposer l’argent dans le compte personnel de l’appelant par l’intermédiaire de Yakima. D’autres, font parvenir l’argent directement à l’appelant. Selon l’appelant, 69 pour cent de son soutien financier provient d’églises américaines par le biais de Yakima, 10 pour cent provient d’églises canadiennes par l’intermédiaire d’une seule église au Canada et 21 pour cent lui est versé directement.

[6] Les revenus de l’appelant ne sont pas fixes. Ceux-ci varient chaque mois, selon le bon gré des églises qui le financent. Si l’appelant manque de fonds, il a la responsabilité de se présenter devant les assemblés des membres des autres églises pour faire part de ses besoins financiers et aller chercher l’argent dont il a besoin.

[7] Bien que l’appelant ait mentionné qu’il se pouvait éventuellement que l’Église Baptiste de l’Outaouais (qui a été complétée au mois de septembre 1997) le prenne en charge financièrement, actuellement il ne reçoit aucun bénéfice de cette église.

Analyse

[8] Les alinéas 4(1)c) et 4(3)e) de la Loi se lisent comme suit :

4. (1) La Commission peut, avec l’approbation du gouverneur en conseil, prendre des règlements en vue d’inclure dans les emplois assurables

c) tout emploi qui n’est pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services, s’il paraît évident à la Commission que les modalités des services rendus et la nature du travail exécuté par les personnes exerçant cet emploi sont analogues aux modalités des services rendus et à la nature du travail exécuté par les personnes exerçant un emploi aux termes d’un contrat de louage de services;

4. (3) La Commission peut, avec l’approbation du gouverneur en conseil, prendre des règlements en vue d’exclure des emplois assurables

e) tout emploi d’un membre d’un ordre religieux qui a fait voeu de pauvreté et dont la rétribution est versée à l’ordre directement ou par son intermédiaire;

[9] L’alinéa 12c) du Règlement se lit comme suit :

12. Sont inclus dans les emplois assurables, s’ils ne sont pas des emplois exclus en vertu du paragraphe 3(2) de la Loi ou d’une disposition des présents règlements, les emplois suivants:

c) l’emploi exercé par une personne à titre de ministre du culte ou de membre d’un ordre religieux;

[10] Il est clair ici, compte tenu des admissions faites par l’appelant, que si il y a par ailleurs emploi, celui-ci ne peut être exclu des emplois assurables aux termes de l’alinéa 4(3)e) de la Loi. Toutefois, pour qu’un ministre du culte ou un membre d’un ordre religieux soit considéré exercer un emploi assurable aux termes de l’alinéa 12c) du Règlement, il faut en tout premier lieu que les modalités des services rendus et la nature du travail exécuté soient analogues aux modalités des services rendus et à la nature du travail exécuté par des personnes exerçant un emploi aux termes d’un contrat de louage de services (alinéa 4(1)c) de la Loi).

[11] Dans la présente situation, bien que l’appelant soit élu par l’assemblée des membres de l’église, une fois élu, il est le maître de ses propres actions. L’appelant est nommé à vie et ne peut donc être mis à pied. Il ne peut être destitué que pour cause d’immoralité ou de fausse doctrine. De plus, l’appelant ne reçoit aucune rémunération fixe de l’église où il agit comme pasteur. Au cours de la période en litige, il a reçu un soutien financier d’un très grand nombre d’églises. C’est l’appelant qui a la responsabilité de trouver un tel soutien financier.

[12] Il m’apparaît donc, dans les circonstances, que les modalités des services rendus et la nature du travail exécuté par l’appelant depuis le 19 août 1995 ne sont pas analogues à celles qui s’appliqueraient à des personnes exerçant un emploi aux termes d’un contrat de louage de services. Il ne s’agit donc pas d’un emploi assurable aux termes de l’alinéa 12c) du Règlement.

[13] En conséquence, l’appel est admis et le règlement de la décision du Ministre est infirmé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de janvier 1998.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

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