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Date:19980604

Dossier: 96-116-GST-I

ENTRE :

PAUL RAJ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] Vers la fin de l'automne 1993, l'appelant, Paul Robert Raj, qui était alors étudiant à la University of Alberta et agent immobilier titulaire d'un permis, avait entrepris de construire, sur un terrain qu'il possédait à Edmonton, une maison d'un étage et demi (la “ maison ”). La construction de la maison avait été achevée en mars 1994, mais l'appelant n'y a jamais emménagé. En février 1994, il avait accepté une offre d'emploi d'été chez Syncrude Lmited à Fort McMurray (Alberta). Comme il allait quitter Edmonton pour Fort McMurray, a-t-il déclaré, il avait mis la maison en vente en février 1994 et l'a vendue le 5 juillet 1994. M. Raj a dit que, lorsqu'il avait commencé la construction de la maison, il entendait y emménager une fois les travaux terminés. Ce n'était que parce qu'il avait obtenu l'emploi inattendu à Fort McMurray qu'il avait vendu la maison. Il se plaignait qu'il n'avait pu arriver à obtenir un emploi dans le domaine dans lequel il avait étudié. Lorsqu'il a fini par obtenir un tel emploi, à l'extérieur de la ville d'Edmonton, il a décidé de vendre la maison. M. Raj interjette appel d'une cotisation de taxe sur les produits et services (“ TPS ”) que, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”), le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a établie à son égard relativement à la vente de la maison. M. Raj soutient que la vente de la maison en juillet 1994 n'est pas assujettie à la TPS puisqu'il s'agit d'une fourniture exonérée en vertu de la partie I de l'annexe V de la Loi. De plus, il réclame le remboursement pour habitations neuves prévu au paragraphe 256(2) de la Loi. Durant toute la période pertinente, M. Raj n'était pas un inscrit en vertu de la Loi.

[2] Le ministre soutient pour sa part que la maison était un immeuble d'habitation et que M. Raj était un constructeur au sens du paragraphe 123(1) de la Loi. Ainsi, la vente de la maison par l'appelant est une fourniture effectuée dans le cadre d'une entreprise ou d'un projet à risques ou d'une affaire de caractère commercial et est donc taxable en vertu de la Loi.

[3] Les parents de M. Raj étaient propriétaires d'une agence immobilière, Ranger Realty Ltd., et M. Raj est devenu en 1992 agent immobilier titulaire d'un permis. Il a dit qu'il n'entendait pas suivre la carrière d'agent immobilier. Il voulait être ingénieur minier. Il avait commencé ses études en 1987 à la faculté de génie de la University of Alberta, puis avait étudié dans le domaine des minéraux et des ressources naturelles au Northern Alberta Institute of Technology. Il est retourné à la University of Alberta en 1992 et a obtenu son diplôme à la fin de 1994.

[4] Au cours des années 1993 et 1994, M. Raj travaillait à temps partiel pour Ranger Realty Ltd. et n'était pas optimiste quant à la possibilité d'obtenir un poste d'ingénieur minier une fois diplômé. S'il n'obtenait pas d'emploi dans le domaine qu'il avait choisi, il était prêt à continuer de travailler pour ses parents. Ainsi, a-t-il dit, il avait décidé de construire la maison.

[5] L'appelant a témoigné que les perspectives d'emploi pour les ingénieurs miniers n'étaient pas très bonnes à Edmonton en 1993. Les meilleures possibilités pour eux se trouvaient à Fort McMurray et dans le Grand Nord. En octobre 1993, Syncrude lui avait fait passer une entrevue pour un emploi d'été. Il savait que, si jamais il obtenait un emploi, chez Syncrude ou chez un autre employeur, ce serait à l'extérieur d'Edmonton.

[6] M. Raj avait obtenu du financement de ses parents pour l'achat du terrain et la construction de la maison. Il a témoigné qu'il avait acheté le terrain (le “ terrain en cause ”) avant 1993.

[7] La maison avait une superficie de 2 000 pieds carrés. Il y avait trois chambres à coucher, une salle de détente, une cuisine, une salle familiale et un salon. Le sous-sol n'était pas fini. Le coût de la maison et du terrain était d'environ 190 000 $, et l'appelant a vendu la propriété en juillet 1994 à un prix correspondant à celui qu'elle lui avait coûté.

[8] Durant toute la période pertinente, M. Raj était célibataire. En 1993, il avait 25 ans.

[9] M. Raj a dit qu'il avait consulté un comptable pour déterminer s'il était assujetti à la TPS à l'égard de la vente de la maison. Le comptable l'avait avisé que, comme il avait payé de la TPS durant la construction de la maison, aucune TPS n'était exigible une deuxième fois, c'est-à-dire à la vente de la maison.

[10] Les parents de M. Raj avaient précédemment exploité une entreprise de construction de bâtiments sous le nom de Adria Homes Ltd. M. Raj a demandé à sa mère de “ s'occuper ” de la construction de la maison, ce qu'elle a fait. D'après l'appelant, il était “ spectateur ” pour ce qui est de la construction proprement dite de la maison.

[11] La maison a été achevée en mars 1994. M. Raj a autorisé ses parents à lui servir d'agents pour la vente de la maison. Il a quitté Edmonton à la fin d'avril 1994 et s'est installé à Fort McMurray. L'offre d'achat relative à la maison a été acceptée en juillet 1994. Entre mars et juillet, la maison était restée inoccupée.

[12] M. Raj reconnaissait que l'offre d'emploi de Syncrude n'était que pour l'été 1994, mais, a-t-il déclaré, Syncrude avait la réputation d'offrir des postes permanents aux étudiants qui avaient travaillé pour elle durant l'été. M. Raj a dit que, en juillet 1994, Syncrude lui avait effectivement offert, officieusement, un poste à temps plein. Il a repris ses études en septembre 1994. En octobre 1994, Syncrude s'était montrée intéressée à engager M. Raj comme employé à temps plein, et M. Raj avait alors indiqué qu'un tel poste l'intéresserait. Il a fini par être engagé par Syncrude comme employé permanent et, le 1er mars 1995, a commencé à travailler à Fort McMurray. Il a travaillé à Fort McMurray jusqu'en 1997.

[13] M. Ralph Lee, vérificateur à Revenu Canada, a témoigné que, lorsqu'il avait reçu le dossier aux fins de l'examen de l'avis d'opposition à la cotisation en cause, il avait communiqué avec M. Raj par téléphone. M. Raj a alors informé M. Lee que la maison avait été construite en vue de la revente. L'appelant a dit à M. Lee de s'adresser à sa mère pour de plus amples renseignements. Lorsque M. Lee a parlé à Mme Raj, cette dernière a soutenu énergiquement qu'il n'y avait pas de TPS à payer relativement à la vente de la maison puisqu'il s'agissait d'une vente entre particuliers.

[14] Me fondant sur les faits qui m'ont été présentés, je ne suis pas convaincu que la seule intention de M. Raj en achetant le terrain en cause et en y faisant construire ensuite la maison était de vivre dans cette maison. M. Raj ne s'est pas servi de son propre argent pour acquérir le terrain et y bâtir une maison. Bien qu'étant agent immobilier titulaire d'un permis, il était surtout étudiant à la University of Alberta. Son but était de trouver un emploi comme ingénieur minier et, en 1993, les perspectives n'étaient pas bonnes à cet égard. Il était prêt à travailler comme agent immobilier à Edmonton s'il n'arrivait pas à trouver de travail dans le domaine qu'il avait choisi. Au mieux, selon mon appréciation de la preuve, travailler comme agent immobilier était pour lui un deuxième choix peu intéressant.

[15] Pour les motifs exposés ci-dessus — et même si je ne tiens pas compte de la déposition de M. Lee selon laquelle M. Raj l'avait informé que la maison avait été construite en vue de la revente —, je doute que, lorsqu'il a entrepris de faire construire la maison (ou même plus tôt, lorsqu'il a acquis le terrain en cause), M. Raj ait vraiment été disposé à s'y installer. Le fait qu'il était prêt à vendre la propriété parce qu'on lui avait offert un emploi d'été, un poste temporaire, ne fait que confirmer que, sinon lorsqu'il a acheté le terrain en cause, du moins lorsqu'il a décidé de construire la maison, la possibilité d'une revente était un motif qui l'a poussé à acquérir le terrain en cause et à y faire construire la maison[1]. M. Raj devait avoir en tête l'idée que, s'il survenait un certain type de circonstances, par exemple s'il obtenait un emploi à l'extérieur d'Edmonton, il vendrait la maison au lieu d'en faire sa résidence.

[16] Au moment où il a décidé de construire la maison, M. Raj avait l'“ intention secondaire ” de la revendre si les circonstances l'exigeaient, et je ne doute nullement qu'il entendait réaliser un profit sur une telle vente. Ainsi, l'achat du terrain, la construction de la maison et la vente de la propriété constituaient une activité commerciale de M. Raj au sens du paragraphe 123(1) de la Loi : les opérations constituaient un projet à risques ou une affaire de caractère commercial. Aucun élément de preuve n'indiquait que M. Raj n'avait pas d'attente raisonnable de profit lorsqu'il a entrepris l'activité en question.

[17] M. Raj était un constructeur au sens du paragraphe 123(1) de la Loi. Il avait un droit sur l'immeuble, soit le terrain, sur lequel l'immeuble d'habitation, soit la maison, est situé, et il a engagé une personne pour qu'elle s'occupe pour lui de la construction de la maison, et ce, dans le cadre d'un projet à risques ou d'une affaire de caractère commercial. Donc, de la TPS était exigible à l'égard de la vente de la maison.

[18] Pour ce qui est du remboursement pour habitations neuves réclamé par M. Raj, aucun élément de preuve n'indique, entre autres, que M. Raj a demandé le remboursement dans le délai imparti par le paragraphe 121(4) de la Loi. Comme l'a dit l'avocat de l'intimée, il se peut que M. Raj ait droit à un remboursement en vertu de l'article 252 de la Loi tel qu'il se lisait en 1994. Je crois comprendre que M. Raj n'avait pas demandé de tel remboursement à l'époque du procès et je lui ai conseillé de le faire immédiatement, car la demande doit être faite dans les quatre années suivant le jour où la contrepartie de la fourniture est devenue exigible ou a été payée sans être devenue exigible, soit, en l'occurrence, le 5 juillet 1994 ou vers cette date.

[19] L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juin 1998.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 11e jour de décembre 1998.

Erich Klein, réviseur



[1]               Voir le jugement Racine, Demers and Nolin v. M.N.R., 65 DTC 5098, à la page 5111.

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