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Date: 20000815

Dossier: 1999-2532-GST-I

ENTRE :

1036705 ONTARIO LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Le présent appel porte sur une cotisation de taxe sur les produits et services établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période allant du 10 septembre 1993 au 31 janvier 1995.

[2] Les trois questions suivantes sont en litige :

a) quelle était la juste valeur marchande de trois maisons au dernier en date du jour où la construction des maisons était achevée et du jour où la possession en a été transférée à des locataires;

b) si l'appelante a fait preuve d'une diligence raisonnable justifiant la suppression des pénalités imposées en vertu de l'article 280;

c) si les crédits de taxe sur les intrants accordés à l'appelante ont été correctement calculés.

[3] L'entreprise de l'appelante consistait à construire des habitations et à les louer à des locataires. L'appelante a construit trois maisons qui étaient spécialement conçues pour être occupées par des personnes handicapées. Elle a construit deux maisons pratiquement identiques, au 18, avenue Simson, et au 36, promenade Turner, à Simcoe (Ontario), ainsi qu'un duplex, au 264, rue Queen Sud, également à Simcoe.

[4] L'appelante a loué à des locataires les biens de l'avenue Simson et de la promenade Turner aux alentours de décembre 1993 et le bien de la rue Queen aux alentours de décembre 1994.

[5] L'appelante n'a pas présenté de demande pour être un inscrit en vertu de la sous-section d de la section V de la Loi. Avant le début de la construction des trois maisons, M. James King, qui est le directeur général de l'appelante, a téléphoné à quelqu'un du bureau de district de Hamilton du ministère du Revenu national et a posé une question au sujet de la TPS sur les biens de location. La preuve sur la formulation précise de la question n'était pas particulièrement claire. La réponse était également un peu vague, mais, apparemment, elle indiquait plus ou moins que les biens de location faisant l'objet de baux à long terme ne sont pas assujettis à la TPS et que le constructeur n'aurait pas droit à des remboursements (M. King voulait parler de CTI, à ce que je comprends).

[6] Une chose est raisonnablement claire : on ne lui a pas parlé du paragraphe 191(1) de la Loi sur la taxe d'accise, qui se lit comme suit :

Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation — immeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété — sont achevées en grande partie,

b) le constructeur de l'immeuble :

(i) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable (sauf un accord qui est connexe à un contrat de vente visant l'immeuble et qui porte sur la possession ou l'occupation de l'immeuble jusqu'au transfert de sa propriété à l'acheteur aux termes du contrat) conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel,

(ii) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'une convention, sauf une convention portant sur la fourniture d'une maison mobile et d'un emplacement pour celle-ci dans un parc à roulottes résidentiel, portant sur l'une des fournitures suivantes :

(A) la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment dans lequel est située l'habitation faisant partie de l'immeuble,

(B) la fourniture par bail du fonds faisant partie de l'immeuble ou la fourniture d'un tel bail par cession,

(iii) soit, s'il est un particulier, occupe lui-même l'immeuble à titre résidentiel,

c) le constructeur, la personne ou le particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper l'immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l'immeuble est transférée à la personne ou l'immeuble est occupé par lui;

e) avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

[7] Le paragraphe 191(3) va dans le même sens en ce qui a trait à des immeubles d'habitation à logements multiples.

[8] Ainsi, le ministre a conclu que, lorsque les biens ont été loués, une fourniture taxable, par vente, était réputée avoir été effectuée à la juste valeur marchande.

[9] Il a été présumé que la juste valeur marchande des biens de l'avenue Simson et de la promenade Turner était de 128 000 $ dans chaque cas et que la juste valeur marchande du duplex de la rue Queen était de 135 000 $. Ces chiffres étaient basés sur les états financiers de l'appelante dans lesquels cette dernière utilisait, aux fins du calcul de l'amortissement et de la déduction pour amortissement, une estimation de la juste valeur marchande plutôt que le coût. Ont été déposés des états financiers modifiés comptabilisant les biens selon le coût, mais cela n'a rien à voir avec la question litigieuse en l'espèce.

[10] Au procès, l'intimée a déposé des rapports d'un témoin expert conformément à l'article 7 des règles de notre cour concernant les appels en matière de TPS. L'expert, M. Udvari, était d'avis que le duplex avait une valeur de 125 000 $ et que les deux maisons individuelles avaient chacune une valeur de 110 000 $.

[11] M. King, qui représentait l'appelante, avait apparemment une évaluation de ces biens mais n'était pas disposé à appeler l'évaluateur à témoigner, et je ne lui ai pas permis de consigner l'évaluation en preuve, à la lumière du paragraphe 7(2) des règles. La présente espèce a été entendue sous le régime de la procédure informelle. En vertu du paragraphe 18.15(4) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, la Cour n'est alors pas liée par les règles de preuve (Ainsley c. Canada, [1997] A.C.F. no 701 (C.A.F.); Brennan c. R., C.C.I., no 95-3174(IT)I, 22 septembre 1997 ([1998] 1 C.T.C. 2143). Cela ne signifie toutefois pas que l'on peut dans une affaire entendue sous le régime de la procédure informelle ne pas tenir compte des règles d'équité en matière de procédure. Je n'estimais pas qu'il était approprié qu'un rapport d'expert puisse être présenté sans que l'auteur puisse être contre-interrogé.

[12] Ainsi, l'appelante n'a présenté aucun élément de preuve pour réfuter la preuve de M. Udvari. Malgré quelques erreurs techniques mineures dans les évaluations, celles-ci n'ont pas été réfutées pour l'essentiel, et ce, en dépit d'un contre-interrogatoire très approfondi de la part de M. King.

[13] L'approche de M. Udvari était relativement classique. M. Udvari a choisi des biens comparables situés dans le voisinage et a fait des ajustements.

[14] J'ai tendance à penser que les valeurs que M. Udvari a attribuées aux biens en cause dans la présente espèce peuvent être un peu élevées. Je me fonde sur les photos que j'ai vues des biens en cause et des biens comparables. Les biens comparables sont plus attrayants et sembleraient pouvoir commander un prix plus élevé. En outre, les biens comparables ont tous des sous-sols, dont certains sont finis, et certains des biens comparables ont aussi des garages.

[15] M. Udvari a utilisé les services d'établissement de coûts Marshall And Swift pour les ajustements qu'il a effectués concernant les garages et les sous-sols, soit :

garage simple 4 000 $

sous-sol 10 $ le pied carré

sous-sol fini 10 $ le pied carré

½ salle de bains 1 500 $

1 salle de bains ½ 5 000 $

Les biens en cause n'avaient pas de sous-sol ni de garage.

[16] Après avoir effectué les ajustements pour arriver à un prix de vente rajusté, M. Udvari a déterminé une valeur par pied carré et l'a appliquée aux biens en cause.

[17] Je ne trouve aucune faute dans sa méthodologie. Quoique j'estime que les ajustements à la baisse relatifs aux garages et aux sous-sols puissent être un peu faibles, aucun élément de preuve ne me permet de ne pas être d'accord sur ces ajustements.

[18] Ainsi, les chiffres figurant dans les rapports de M. Udvari doivent être maintenus.

[19] Pour ce qui est des CTI, M. Liota, le vérificateur, avait accordé à l'appelante des CTI totalisant 10 240,29 $. M. King disait que la TPS avait été payée sur les terrains à bâtir lorsque l'appelante les avait achetés. C'est possible, je suppose, mais aucune preuve en ce sens n'a été présentée.

[20] Enfin, il y a la question de la diligence raisonnable. Le ministère du Revenu national a à contrecoeur et, oserais-je dire, avec une certaine consternation été obligé de reconnaître que la diligence raisonnable est une défense à l'imposition de pénalités (Pillar Oilfield Projects Ltd c. La Reine, C.C.I., 93-614(GST)I, 19 novembre 1993 ([1993] G.S.T.C. 49); Consolidated Canadian Contractors Inc. c. La Reine, [1999] 1 C.F. 209 ([1998] G.S.T.C. 91). Je me demande quel principe peut justifier l'imposition de pénalités sous le régime de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'erreurs commises en toute bonne foi, alors que des erreurs semblables ne donnent pas lieu à l'imposition de pénalités sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu. Des progrès considérables ont toutefois été réalisés grâce à la reconnaissance obligée de la défense de diligence raisonnable. La diligence raisonnable n'est pas la même chose que la simple bonne foi. Je ne pense pas qu'un appel téléphonique à un fonctionnaire du ministère du Revenu dont on ne connaît pas le nom, à qui on aurait posé quelques questions vagues et générales et qui aurait donné des réponses tout aussi vagues et générales équivaut au type de diligence raisonnable requis pour éviter la pénalité imposée en vertu de l'article 280. Le problème concernant le genre de demande de renseignements qui a manifestement été fait dans ce cas-ci est que je doute que M. King ait vraiment su quelles questions poser. M. King a présenté certains éléments de preuve pour démontrer que, parfois, des réponses générales de fonctionnaires à des questions vagues sont moins que satisfaisantes. C'est évident. Je doute que l'on ait vraiment besoin d'éléments de preuve à l'appui d'une telle proposition. Cependant, la diligence raisonnable exige plus que de simples demandes de renseignements.

[21] Les appels sont accueillis pour donner effet aux évaluations des biens en cause établies par les rapports d'expert.

[22] Il n'y aura aucune adjudication des dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'août 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de février 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

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