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Date : 19971211

Dossier : 95-472-IT-G

ENTRE :

CANADIAN SOLIFUELS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus à Toronto (Ontario) le 4 juin 1997. Par la suite, l'audience a été rouverte et, le 18 novembre 1997, l'appelante a produit les pièces A-8 à A-10, les témoignages ont été entendus et des arguments additionnels ont été présentés. Ce sont les années d'imposition de l'appelante qui ont pris fin les 31 mars 1986 et 1988 qui sont en cause. Les exposés conjoints des faits se rapportant à chaque année se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

ANNÉE D'IMPOSITION 1986

1. L'appelante est une corporation privée dont le contrôle est canadien.

2. Pendant toute la période pertinente, l'appelante effectuait notamment des recherches scientifiques et du développement expérimental et, pendant la période pertinente, elle obtenait plus de 90 p. 100 de ses recettes de la poursuite de recherches scientifiques et de développement expérimental ou de la vente de droits sur des recherches scientifiques et du développement expérimental qu'elle effectuait ou de droits en découlant.

3. Le revenu imposable de l'appelante pour son année d'imposition qui a pris fin le 31 mars 1985 ainsi que les revenus imposables de toutes les corporations auxquelles l'appelante était associée dans l'année d'imposition 1986 pour leurs années d'imposition ayant pris fin en 1986 n'excédaient pas le plafond total des affaires de l'appelante et des corporations associées.

4. L'appelante était une « corporation admissible » aux fins de son année d'imposition qui a pris fin le 31 mars 1986 et n'était pas une « corporation exclue » .

5. L'appelante a obtenu des fonds dans son année d'imposition 1985 au moyen d'une opération « vente-rachat » dans le cadre de laquelle les « investisseurs » avaient avancé des fonds en échange de crédits d'impôt pour la recherche scientifique et d'un billet émis par l'appelante. Immédiatement après l'échange de ces documents, chaque « investisseur » a demandé le paiement du billet (ou des billets) et l'appelante a remboursé le billet. Les paiements que l'appelante a effectués en vue de s'acquitter de ses obligations en vertu de ces billets s'élevaient en tout à 2 128 500 $.

6. En ce qui concerne ce financement, l'appelante a obtenu en tout 2,2 millions de dollars. Le montant de 2 128 500 $, qui comprenait le montant de 893 500 $, était le montant total que l'appelante a remboursé aux investisseurs dans le cadre de ces opérations « vente-rachat » .

7. L'appelante a utilisé au moins une partie du produit de ce financement en vue d'effectuer des recherches scientifiques et du développement expérimental pendant l'année d'imposition 1986.

8. L'appelante a initialement cherché à traiter ces « frais de financement » , qui s'élevaient en tout à 893 500 $, à titre de « dépenses admissibles » dans le calcul du remboursement d'impôt de la partie VIII afin de s'acquitter de l'obligation qui lui incombait à l'égard dudit impôt pour l'année d'imposition 1985 par suite de l'opération « vente-rachat » . De plus, elle a déduit ce montant de 893 500 $ dans le calcul de son revenu pour l'application de la partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu, créant ainsi une perte autre qu'en capital de 639 822 $ pour l'année d'imposition 1985. L'appelante a déduit une partie de cette perte autre qu'en capital (356 987 $) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année d'imposition 1988.

9. La demande que l'appelante avait faite en vue de faire traiter le montant de 893 500 $ comme se rapportant à des dépenses afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental (les « dépenses de R & D » ) a été rejetée par Revenu Canada, qui a établi une cotisation à l'égard de la déclaration que l'appelante avait produite en vertu de la partie VIII compte tenu du fait que l'appelante n'effectuait pas de R & D. L'appelante a interjeté appel contre cette cotisation devant la Cour canadienne de l'impôt.

10. L'appel de la cotisation relative à l'impôt de la partie VIII pour l'année d'imposition 1985 a été réglé compte tenu du fait que l'appelante pouvait inclure, dans le calcul des dépenses afférentes aux activités de R & D et, par conséquent, dans le calcul des « dépenses admissibles » , une partie de ces « frais de financement » égale à 178 500 $. Le consentement au jugement que l'avocate de l'intimée et Me Neil Harris, avocat de l'appelante, de Goodman et Goodman, comme ce cabinet s'appelait alors, ont signé est joint à l'annexe « A » du présent exposé conjoint des faits. Les lettres dans lesquelles figurent les calculs qu'on a effectués pour arriver au montant convenu des « dépenses admissibles » sont jointes à l'annexe « B » .

SIGNÉ à Toronto (Ontario), le 4 juin 1997.

________________________

David W. Dolson

Avocat de l'appelante

SIGNÉ à Toronto (Ontario), le 3 juin 1997.

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Par :_____________________________

Alexandra K. Brown

Avocate de l'intimée

Ministère de la Justice

[...]

Pièce « A »

CONSENTEMENT AU JUGEMENT

Les parties, par l'entremise de leurs procureurs, consentent par les présentes au jugement, admettant l'appel interjeté par l'appelante pour l'année d'imposition 1985, sans que les dépens soient adjugés, et déférant l'affaire au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait :

a) que l'appelante effectuait des recherches scientifiques et du développement expérimental admissibles pendant l'année d'imposition 1985; et

b) que l'appelante a engagé au total des dépenses admissibles de 1 187 023 $ pendant l'année d'imposition 1985.

L'appelante n'a droit à aucun autre redressement.

[...]

Pièce B

Le 17 février 1993

Mes Goodman et Goodman

Avocats

250, rue Yonge

Case postale 24, bureau 2400

Toronto (Ontario)

M5R 2M6

À l'attention de: Me Neil Harris.

Monsieur,

Objet : Canadian Solifuels Inc. c. MRN

Dossier de la Cour 89-2095(IT) - Notre dossier TO-173702

Canadian Solifuels Inc. c. La Reine

Dossier de la Cour 91-1787(IT) - Notre dossier TO-189405

Par suite de la conversation téléphonique au cours de laquelle je vous ai fait savoir que vous seriez informé au plus tard le vendredi 15 février des résultats de la vérification qui vient d'être effectuée, j'ai le plaisir de vous informer de ce qui suit :

Le ministère reconnaît maintenant que toutes les dépenses sont admissibles sauf les dépenses suivantes :

1984

1. Des frais de consultation de 156 500 $ ont été payés le 23 mars 1984 à une compagnie liée pour les services rendus par Dali Bar. Il a été conclu que ces frais avaient été engagés sur une période de trois ans, dont deux se rapportaient à des années d'imposition antérieures au 19 avril 1983. En outre, il semble que ces frais se rapportaient en partie à l'administration de la compagnie liée. Pour l'application de la division 194(2)a)(ii)(A), une attribution doit être effectuée.

2. En ce qui concerne les dépenses engagées en 1984, la somme de 67 010 $ a été versée au cours de l'exercice qui a pris fin le 31 mars 1983 et reportée à l'année d'imposition 1984. Cette somme ne devrait pas être incluse dans le calcul du remboursement de la partie VIII au sens du paragraphe 194(2).

1985

1. Le solde d'ouverture de 1985 des dépenses devrait également être rajusté conformément à l'élément (2) ci-dessus.

2. Le projet concernant le système d'automatisation de la diffusion, d'un montant de 1 300 000 $, a été confié à forfait à une compagnie liée pour qu'elle fasse de la recherche en trois phases. Le plein montant a été déduit en 1985 avant que les travaux soient achevés.

Il a été conclu que la première phase avait pris fin en 1985 et le montant convenu de 404 000 $ a été payé. Le solde de 896 000 $ devrait être exclu du calcul du remboursement de la partie VIII à cause de la limitation prévue au paragraphe 18(9).

3. Les frais de financement de 893 500 $ qui ont été engagés en 1985 devraient être exclus du calcul du remboursement de la partie VIII étant donné qu'il s'agissait d'une dépense prescrite au sens de la division 2902a)(i)C) du Règlement.

4. Les activités de recherche et de développement se rapportant au « projet concernant le microprocesseur » ont été confiées à forfait à une compagnie non liée pour la somme de 355 000 $. À la fin de l'exercice 1985, seule la somme de 50 000 $ avait été versée et le contrat a été résilié. Le solde de 305 000 $ devrait être exclu du calcul du remboursement de la partie VIII à cause de l'alinéa 18(1)a).

Le vérificateur a admis toutes les dépenses sauf les éléments susmentionnés. Je serais disposée à vous rencontrer avec M. Scherman la semaine prochaine si vous le jugez nécessaire.

J'attends de vos nouvelles.

Veuillez agréer l'expression de mes meilleurs sentiments.

« signature »

Alexandra K Brown

Conseillère juridique, Contentieux des affaires fiscales

[...]

Le 5 mars 1993

Mes Goodman et Goodman

Avocats

250, rue Yonge

Case postale 24, bureau 2400

Toronto (Ontario)

M5R 2M6

À l'attention de : Me Neil Harris.

Messieurs,

Objet : Canadian Solifuels Inc. c. MRN

Dossier de la Cour 89-2095(IT) - Notre dossier TO-173702

Canadian Solifuels Inc. c. La Reine

Dossier de la Cour 91-1787(IT) - Notre dossier TO-189405

J'ai maintenant reçu des instructions du ministère du Revenu national et je suis autorisée à formuler la proposition suivante :

1. Les rajustements mentionnés dans ma lettre du 15 février 1993 [sic - il s'agit de la lettre du 17 février] conviennent aux deux parties à l'exception des rajustements mentionnés ci-dessous.

2. Les frais de consultation de 156 000 $ qui ont été déduits sont admissibles dans une proportion de 50 p. 100 et le reste est exclu.

3. Les frais de financement tels qu'ils ont été déduits ne sont pas admissibles. En ce qui concerne l'année d'imposition 1985, le ministère propose que le montant de 178 500 $ soit admis comme suit :

7,5 % x 2 200 000 $ - 165 000 $

7 500 $

6 000 $

178 500 $

4. Une somme additionnelle de 50 000 $ est admissible dans l'année d'imposition 1984 au titre des frais de financement réellement engagés cette année-là tel qu'il en est fait mention dans la lettre du 25 janvier 1993 de votre cliente.

Enfin, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que les années d'imposition 1986 et 1987 sont prescrites. Toutefois, pour chacune de ces années, une cotisation néant a été établie; quant aux années d'imposition 1988 et 1989, elles ne sont pas prescrites et elles font actuellement l'objet d'une vérification. Votre cliente ne se voit donc refuser aucun redressement dont elle pourra disposer pour les années subséquentes.

Je vous saurais gré de me faire connaître votre réponse au plus tard vendredi de cette semaine de façon à pouvoir me préparer aux fins de l'audience. J'attends de vos nouvelles.

Veuillez agréer l'expression de mes meilleurs sentiments.

« signature »

Alexandra K Brown

Conseillère juridique, Contentieux des affaires fiscales

[...]

Le 9 mars 1993

Mme Alexandra K. Brown

Conseillère juridique, Contentieux des affaires fiscales

Ministère de la Justice

Exchange Tower

2, First Canadian Place

C.P. 36, bureau 3400

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

Madame,

Objet : CANADIAN SOLIFUELS INC.

DOSSIERS DE LA COUR 89-2096 (IT)

et 91-1787(IT)

Comme vous me l'avez demandé, je joins aux présentes cinq copies d'un consentement au jugement dans chacun des dossiers susmentionnés et je confirme qu'ils seront déposés devant la Cour le 10 mars 1993.

Compte tenu de ces consentements au jugement, nous confirmons que le ministre du Revenu national établira de nouvelles cotisations en se fondant sur le fait que l'appelante a engagé des dépenses admissibles afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental de 1 125 889 $ dans son année d'imposition 1984 et de 1 187 023 $ dans son année d'imposition 1985.

Nous confirmons également que le ministre rajustera le montant des dépenses admissibles engagées par l'appelante dans chacune de ses années d'imposition 1986 et 1987 :

a) en ajoutant le montant de 667 924 $ au solde des dépenses admissibles engagées dans son année d'imposition 1986; et

b) en ajoutant les montants de 228 076 $ et de 305 000 $ au solde des dépenses admissibles engagées dans son année d'imposition 1987.

Nous confirmons en outre que compte tenu des dépenses admissibles susmentionnées, l'appelante a droit à un remboursement de l'impôt de la partie I d'un montant d'environ 250 000 $, plus les intérêts à l'égard de son année d'imposition 1988.

Je vous saurais gré de faire parvenir ce remboursement à l'appelante le plus tôt possible.

Veuillez agréer l'expression de mes meilleurs sentiments.

GOODMAN ET GOODMAN

« signature »

Neil H. Harris

[...]

Le 9 mars 1993

Mes Goodman et Goodman

Avocats

250, rue Yonge

Case postale 24, bureau 2400

Toronto (Ontario)

M5B 2M6

À l'attention de : Me Neil Harris

Objet : Canadian Solifuels Inc. c. MRN

Dossier de la Cour 89-2095(IT) - Notre dossier TO-173702

Canadian Solifuels Inc. c. La Reine

Dossier de la Cour 91-1787(IT) - Notre dossier TO-189405

La présente vise à confirmer que le ministère n'accepte pas de faire des rajustements précis aux comptes de votre cliente pour les années d'imposition 1986 et 1987. Les rajustements ne pourront être effectués qu'une fois que la vérification relative à ces années-là sera terminée. Il en va de même pour l'année d'imposition 1988.

C'est sur cette base que je déposerai demain les consentements au jugement devant la Cour.

Veuillez agréer l'expression de mes meilleurs sentiments.

Alexandra K. Brown

Conseillère juridique, Contentieux des affaires fiscales

[...]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

ANNÉE D'IMPOSITION 1988

1. L'appelante est une corporation privée dont le contrôle est canadien.

2. Pendant toute la période pertinente, l'appelante effectuait des recherches scientifiques et du développement expérimental et, pendant la période pertinente, elle obtenait plus de 90 p. 100 de ses recettes de recherches scientifiques et de développement expérimental ou de la vente de droits sur des recherches scientifiques et du développement qu'elle effectuait ou de droits en découlant.

3. Le revenu imposable de l'appelante pour son année d'imposition qui a pris fin le 31 mars 1988 ainsi que les revenus imposables de toutes les corporations auxquelles l'appelante était associée dans l'année d'imposition 1988 pour leurs années d'imposition ayant pris fin en 1987 n'excédaient pas le plafond total des affaires de l'appelante et des corporations associées.

4. L'appelante était une « corporation admissible » aux fins de son année d'imposition qui a pris fin le 31 mars 1988 et n'était pas une « corporation exclue » .

5. Au 31 décembre 1987, l'appelante était membre d'une société régie par la Limited Partnership Act (de l'Ontario), connue sous le nom de COGEN 2 Limited Partnership (la « société » ).

6. La société effectuait notamment des recherches scientifiques et du développement expérimental se rapportant aux recherches scientifiques et au développement expérimental que l'appelante effectuait dans le cadre de l'exploitation de son entreprise.

7. L'appelante participait activement à la gestion de l'entreprise de la société et, pour le compte de la société, elle supervisait et effectuait les recherches de la société.

8. L'appelante n'était pas un « commanditaire » étant donné que sa responsabilité n'était pas limitée [...] en vertu des dispositions de la Limited Partnership Act (de l'Ontario).

9. Au cours de l'exercice qui a pris fin le 31 décembre 1987, l'appelante a engagé en Ontario des dépenses qui seraient des « dépenses admissibles » si elles étaient engagées par un « contribuable » au sens du paragraphe 127(9), d'un montant total de 11 700 000 $.

10. Le contrat régissant la société prévoyait que l'appelante participait aux bénéfices, aux pertes et aux dépenses de la société dans une proportion de 15,23 p. 100; pareille attribution était raisonnable eu égard aux circonstances.

11. La part raisonnable des dépenses de la société attribuée à l'appelante qui constituerait des « dépenses admissibles » est de 1 781 822 $.

12. Le total des dépenses mentionnées au paragraphe 11 ci-dessus, plus les dépenses admissibles de l'appelante qui ne sont pas contestées, n'excédaient pas 2 000 000 $. Aucune corporation associée n'avait de dépenses admissibles.

13. Dans la déclaration de revenu de l'appelante pour l'année 1988, on a demandé des crédits d'impôt à l'investissement représentant 35 p. 100 des « dépenses admissibles » engagées par la société, lesquelles étaient de 1 781 822 $, ainsi que le remboursement de la totalité de ce montant.

14. L'appelante a déposé un formulaire T2038 avec sa déclaration de revenu de 1988 en vue de demander le remboursement de pareil montant.

15. Le 8 décembre 1993, le ministre a délivré un avis par lequel il établissait une nouvelle cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1988 de l'appelante en appliquant le taux de 20 p. 100 aux dépenses admissibles engagées par la société et en appliquant un taux de remboursement de 40 p. 100. Le ministre a donc établi la cotisation en se fondant sur le fait que l'appelante n'avait pas le droit de demander le crédit d'impôt à l'investissement majoré disponible en vertu de l'alinéa e) de la définition du « crédit d'impôt à l'investissement » figurant au paragraphe 127(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

16. La question sur laquelle la présente cour doit statuer est de savoir si l'appelante a le droit d'ajouter un montant fixé en vertu de l'alinéa e) de la définition du « crédit d'impôt à l'investissement » dans le calcul du crédit d'impôt à l'investissement découlant de l'activité exercée par la société.

SIGNÉ à Toronto (Ontario), le 4 juin 1997.

__________________________________

David W. Dolson

Avocat de l'appelante

SIGNÉ à Toronto (Ontario), le 3 juin 1997.

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Par :______________________________

Alexandra K. Brown

Conseillère juridique de l'intimée

Ministère de la Justice

[2] En plus desdits exposés conjoints, Fredrick Donald Turack, comptable agréé, et Dali Bar, président de l'appelante, ont présenté des témoignages pour le compte de l'appelante (le « contribuable » ). L'avocate de l'intimée (le « ministre » ) a appelé Neil Howard Harris ( « M. Harris » ) et Mitchell Jordan Sherman ( « M. Sherman » ), avocats qui avaient agi pour le contribuable dans une instance antérieure ayant donné lieu au consentement au jugement susmentionné. Le ministre a également appelé M. Cheung, agent des appels à Revenu Canada, qui s'était occupé des affaires ici en cause. Tous les témoins sauf MM. Harris et Sherman ont également été entendus lors de la réouverture de l'audience initiale, le 18 novembre 1997.

[3] La question soulevée dans l'appel se rapportant à l'année 1986 est de savoir si les 803 500 $ en question étaient admissibles à titre de dépense de recherche et de développement, de sorte qu'ils auraient dû être inclus dans le calcul des crédits d'impôt à l'investissement du contribuable. En ce qui concerne l'année 1988, il s'agit de savoir si l'appelante a le droit de demander le crédit d'impôt à l'investissement pleinement remboursable majoré au taux de 35 p. 100 ou si elle a uniquement droit à un crédit d'impôt à l'investissement au taux de 20 p. 100.

[4] Un résumé détaillé de l'historique législatif se rapportant au financement des CIRS et aux opérations « vente-rachat » figure dans la décision que la Section de première instance de la Cour fédérale a rendue dans l'affaire Penner v. Her Majesty the Queen, 94 DTC 6567. Un résumé plus succinct figure dans un article de Geoffrey G. Briant qui a paru dans le 1985 Conference Report, page 589 et pages suivantes. Aux pages 597 à 599, l'auteur dit ceci :

[TRADUCTION]

Financement des CIRS

Instruments à court terme donnant droit à un CIRS ( « vente-rachat » )

Les modifications apportées à la Loi [S.C. 1983-84, ch. 1] le 19 avril 1983 établissaient un nouveau mécanisme de financement à l'égard des compagnies effectuant des recherches scientifiques au Canada. Comme il en a ci-dessus été fait mention, ces dispositions législatives permettaient à une corporation canadienne imposable de transférer divers stimulants fiscaux dont elle disposait à l'égard des dépenses faites pour les recherches scientifiques à celui qui achetait des actions, des créances ou des redevances.

Depuis que ces modifications ont été édictées, un grand nombre de débentures et de billets ont été mis en vente aux fins des recherches et du développement. En général, les dispositions de ces opérations prévoient que la compagnie émet une débenture en faveur de l'acquéreur en vue de garantir une dette spécifique (le « montant de la débenture » ), mais la débenture est émise moyennant une contrepartie totale (la « contrepartie » ) qui comprend une prime en sus du montant de la débenture (la « prime » ). Ainsi, une débenture garantissant un montant de 60 $ pourrait être émise moyennant une contrepartie de 100 $. La contrepartie est donc composée du montant de la débenture (60 $) et d'une prime de 40 $. Les dispositions de la débenture prévoient que l'acquéreur peut exiger le remboursement du montant de la débenture n'importe quand après l'émission. La prime est conservée par la compagnie émettrice à son propre usage et sans qu'un impôt soit payable à cet égard.

Pour transférer les stimulants fiscaux, la compagnie émettrice désigne, conformément au paragraphe 194(4) de la Loi, un montant n'excédant pas la contrepartie à titre de contrepartie reçue par la compagnie pour l'émission de la débenture. Conformément aux dispositions de la Loi, l'acquéreur de la débenture a droit à un CIRS, qui correspond généralement à 50 p. 100 du montant désigné par la compagnie. La compagnie émettrice est assujettie à un impôt de la partie VIII correspondant à 50 p. 100 du montant désigné en vertu du paragraphe 194(4). La compagnie peut obtenir un remboursement de l'impôt de la partie VIII qu'elle doit payer représentant 50 p. 100 du montant des dépenses faites pour les recherches scientifiques qui seraient admissibles à titre de déductions conformément aux alinéas 37(1)a) ou 37(1)b) de la Loi, à part les dépenses prescrites pour l'application de l'alinéa 127(10.1)c) de la Loi. Dans la mesure où les dépenses sont imputées à la réduction de l'impôt de la partie VIII qu'elle doit payer, la compagnie doit renoncer à son droit de déduire les dépenses de recherche en vertu de l'article 37 de la Loi [paragraphe 194(2)]. Toute dépense admissible qui est faite au cours de l'année où la débenture est émise peut servir à réduire l'impôt de la partie VIII de la compagnie indépendamment de la question de savoir si les dépenses ont été engagées avant ou après l'émission de la débenture, à condition que pareilles dépenses aient été engagées après le 19 avril 1983 [ibid.].

Un grand nombre d'opérations relatives à des débentures se rapportant à la recherche et au développement ont été conclues sous la forme de « prêt au jour le jour » . Au moment de la conclusion de l'opération, la compagnie émet la débenture et l'investisseur verse la contrepartie. Peu de temps après, habituellement le même jour, l'acquéreur présente une demande de remboursement du montant de la débenture. Ce genre d'abri fiscal est intéressant en ce sens que l'investisseur a la possibilité d'éliminer l'impôt payable et d'obtenir un rendement à faible risque sur son investissement.

Par suite de l'émission de la débenture, la compagnie peut obtenir des fonds pour un projet de recherche tout en transférant à l'investisseur les crédits d'impôt découlant des dépenses engagées dans le cadre du projet. À supposer que le montant de la débenture soit de 60 $ et que la débenture soit émise moyennant une contrepartie de 100 $, le résultat de l'opération serait le suivant :

Pour l'acquéreur

Contrepartie versée 100 $

Montant de la débenture - retourné sur demande 60 $

Perte avant le crédit d'impôt (40) $

Crédit d'impôt obtenu par l'acquéreur 50 $

Gain net pour l'acquéreur avant impôt 10 $

Pour la compagnie

Montant reçu de l'investisseur 100 $

Montant remboursé sur demande 60 $

Montant conservé par la compagnie 40 $

[5] En ce qui concerne l'année 1986, l'avocate du ministre soutient que la question ici en cause se rapportant à la dépense de 893 500 $ a été réglée au moyen du consentement au jugement. Subsidiairement, l'avocate du ministre soutient que même si ce n'est pas le cas, le montant se rapportait fondamentalement au remboursement d'une dette imputable au capital et qu'il n'est pas admissible à titre de dépense de recherche et de développement. En ce qui concerne le consentement au jugement, le président de l'appelante, M. Bar, a soutenu qu'il l'avait signé sous contrainte et qu'à son avis, ledit consentement ne réglait pas entièrement la question des 893 500 $. M. Bar affirme que Mes Harris et Sherman ne l'avaient pas pleinement informé de la chose. Il croyait qu'il s'agissait d'une question de temps et que la partie des 893 500 $ qui n'avait pas été admise en 1985 pouvait être utilisée au cours d'années subséquentes. L'avocat du contribuable soutient en outre que compte tenu de la preuve présentée par MM. Turack et Bar, il est clair que la compagnie voulait autant que possible la totalité des montants engagés par les investisseurs, et non simplement 40 p. 100 de ce montant, comme le montre l'exemple susmentionné, et qu'elle avait besoin de la totalité de ce montant. Le contribuable n'avait pas d'autres sources de fonds et l'on a élaboré un plan selon lequel les investisseurs acquéraient les actions d'une corporation exploitant une petite entreprise qui, de son côté, acquérait les actions du contribuable, fournissant ainsi à ce dernier près de la totalité des montants que celui-ci pouvait utiliser pour la recherche et le développement. Il a été soutenu qu'étant donné que les fonds étaient alors complètement utilisés aux fins de la recherche et du développement, la dépense de 893 500 $ faisait partie intégrante des activités de recherche et de développement et qu'il devrait être admis au titre des frais de financement.

Analyse

[6] À mon avis, en ce qui concerne l'année 1986, le consentement au jugement réglait toute la question des 893 500 $. Il ressort clairement des exposés conjoints des faits et des lettres qui y sont jointes que les 893 500 $ étaient en litige et, comme le montrent les témoignages de MM. Harris et Cheung et les exposés conjoints des faits, il avait été résolu, sur consentement du ministre, de payer une somme de 178 500 $. Cela représentait 7,5 p. 100 des fonds totaux obtenus, qui s'élevaient à 2,2 millions de dollars, et le ministre estimait que ces 7,5 p. 100 représentaient des frais de financement raisonnables. En outre, le consentement dit que l'appelante n'avait droit à aucun autre redressement. Les passages suivants tirés de la correspondance établissent que les 893 500 $ étaient en litige :

Lettre du ministre à Me Harris en date du 17 février 1993 :

[TRADUCTION]

3. Les frais de financement de 893 500 $ qui ont été engagés en 1985 devraient être exclus du calcul du remboursement de la partie VIII étant donné qu'il s'agissait d'une dépense prescrite au sens de la division 2902a)(i)(C) du Règlement.

Lettre du ministère de la Justice à Me Harris en date du 5 mars 1993 :

[TRADUCTION]

3. Les « frais de financement » tels qu'ils ont été déduits ne sont pas admissibles. En ce qui concerne l'année d'imposition 1985, le ministère propose que le montant de 178 500 $ soit admis comme suit :

7,5 % x 2 200 000 $ = 165 000 $

7 500 $

6 000 $

178 500 $

Lettre de Me Harris au ministère de la Justice en date du 9 mars 1993 :

[TRADUCTION]

Comme vous me l'avez demandé, je joins aux présentes cinq copies d'un consentement au jugement dans chacun des dossiers susmentionnés et je confirme qu'ils seront déposés devant la Cour le 10 mars 1993.

Compte tenu de ces consentements au jugement, nous confirmons que le ministre du Revenu national établira de nouvelles cotisations en se fondant sur le fait que l'appelante a engagé des dépenses admissibles afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental admissibles de 1 125 889 $ dans son année d'imposition 1984 et de 1 187 023 $ dans son année d'imposition 1985.

[7] À vrai dire, l'appel qui a pris fin au moyen du consentement se rapportait initialement à la position que le ministre avait prise, à savoir que l'appelante n'était pas une compagnie de recherche et de développement, mais la preuve établit qu'après que le ministre eut convenu que ce n'était pas le cas, il s'agissait en somme de calculer les montants qui devaient être admis, y compris le montant de 893 500 $, et ce, bien que ce chiffre ne soit pas expressément mentionné dans le consentement.

[8] En outre, même si l'avocat du contribuable avait réussi à me convaincre que le consentement ne réglait pas la question, je suis convaincu que le montant en question représentait le remboursement d'une dette, qu'il est imputable au capital et qu'il ne s'agit pas d'une dépense admissible. À cet égard, et en ce qui concerne la mention apparemment inexacte de la division 2909a)(i)(C) du Règlement figurant dans la lettre du 17 février 1993 de Me Brown, il est utile de citer le témoignage que M. Harris a présenté lors de l'audience du 4 juin 1997. Voici ce que le témoin a dit :

[TRADUCTION]

Q. Dans le cadre des discussions relatives à la transaction, ou à toute autre moment, avez-vous informé un représentant du gouvernement que les 893 000 $ représentaient en fait le remboursement du principal mentionné dans les billets?

R. Non, et on ne me l'a pas demandé non plus.

Q. Est-il vrai que vous ne les avez pas obtenus parce que vous croyiez comprendre que la position du gouvernement serait peut-être bien différente si en fait celui-ci était parfaitement au courant de tous les faits et qu'on ne s'entendrait pas sur un montant de 178 000 $ plus 50 000 $ en 1984?

R. Oui. À notre avis, le montant de 893 000 $, comme le montre le témoignage que vous entendez aujourd'hui, représentait simplement le remboursement d'un billet. Une personne prêtait de l'argent à Canadian Solifuels, disons 100 $. C'est le remboursement, le remboursement immédiat, le remboursement simultané de ce montant de 893 000 $. Il nous semblait du moins qu'il était possible de dire que le paiement était imputable au capital. Cela n'avait rien à voir avec le financement. Il s'agissait simplement du remboursement du capital. Nous croyions donc que si l'affaire était entendue, la Cour pourrait conclure que tout le montant était imputable au capital, qu'il n'était pas déductible et que M. Bar ne recevrait donc aucune récompense pour ces sommes.

[...]

[...] nous croyions qu'il s'agissait d'une bonne transaction en ce sens que nous croyions que si une audience était tenue, il était certainement possible qu'il soit conclu que le montant est imputable au capital et non au revenu. Nous avons cité les dispositions de la Loi et, si nous examinons ces dispositions, nous parlons de la déduction, de l'article 29.02 du Règlement. Il est vrai que si quelqu'un exerce des activités de R & D, cela lui permet de déduire certains montants, mais même en pareil cas, les seuls frais de financement admissibles en vertu de la Loi sont ceux qui sont prévus aux alinéas 21c) à 21i). Cela comprend les intérêts, les intérêts composés, les frais de courtage, les frais de transfert d'actions, toutes les dépenses normales liées aux intérêts.

Lorsque nous avons communiqué avec M. Bar pour lui demander ce que c'était, le témoignage qu'il a présenté ici aujourd'hui était le même que celui qu'il a présenté il y a trois ans. Il ne s'agit pas d'intérêts. Il ne s'agit pas de frais de courtage. Il ne s'agit pas d'intérêts composés. Il s'agit simplement du remboursement des sommes que Canadian Solifuels avait empruntées et d'un remboursement simultané. Par conséquent, à notre avis du moins, ils n'étaient pas imputables au revenu et ils ne seraient donc pas déductibles et, une fois les faits établis à l'audience, il serait clair qu'ils ne sont pas — il pourrait être clair qu'ils ne sont pas déductibles.

LE JUGE : J'ai une question à vous poser, Monsieur. Lorsqu'il s'est agi de capitaliser ce montant et de l'étaler sur cinq ans, cela faisait-il partie des négociations?

LE TÉMOIN : Non, Monsieur le juge. Au point de vue comptable, M. Turack devait satisfaire à certains PCGR, il devait les indiquer dans un état fondamentalement sur un certain nombre d'années, mais c'était — ces 893 000 $, du moins à notre avis, il s'agissait d'un montant payé en octobre 1984 et en fait, comme M. Bar l'a déclaré dans son témoignage, Canadian Solifuels a reçu 2,2 millions de dollars et a immédiatement remboursé 2,1 millions de dollars. Les 893 000 $ représentent une partie des 2,1 millions de dollars. Il s'agissait d'un remboursement simultané. Par conséquent, il s'agissait clairement d'un montant qui avait du moins été remboursé aux investisseurs dans l'année 1985.

Par conséquent, même si selon la pratique comptable, les montants devaient être étalés sur un certain nombre d'exercices, il était clair, à mes yeux du moins, qu'au point de vue fiscal, ils avaient été dépensés en 1985 et la question se rapporte donc à l'année d'imposition 1985 de Canadian Solifuels.

LE JUGE : Vous étiez donc prêt à accepter 7,15 p. 100?

LE TÉMOIN : Certainement, Monsieur le juge.

LE JUGE : Des 2,2 millions de dollars, plus les 50 000 $?

LE TÉMOIN : C'est exact. Je crois que nous avons informé M. Bar de deux choses. Nous l'avons informé que s'il procédait à l'audience, le gouvernement soulèverait du moins la question de savoir si ces montants étaient imputables au capital et indépendamment des articles 29.00, 29.01 et 29.02 du Règlement et indépendamment des activités que M. Bar exerçait, lesquelles, comme le gouvernement en avait alors clairement convenu, étaient toutes des activités de R & D, cela n'était pas la question. Il s'agissait simplement de savoir si ces montants étaient visés par les alinéas 21c), d), e), f), g), h), ou i) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous ne pouvions pas dire à M. Bar que nous disposions d'une preuve très forte sur ce point. Nous avons donc dit qu'il s'agissait peut-être d'une possibilité.

[9] En ce qui concerne l'année 1988, les avocats du contribuable et du ministre étaient tous les deux parfaitement au courant de la décision que la Cour d'appel fédérale avait rendue dans l'affaire Allcolour Chemicals Limited et al. v. The Queen, 93 DC 1194. Toutefois, l'avocat du contribuable a soutenu qu'étant donné que le contribuable lui-même avait engagé toutes les dépenses et qu'il n'avait obtenu un remboursement qu'en soumettant des reçus à un cabinet d'avocats qui détenait l'argent des associés en fiducie, on ne devrait essentiellement pas tenir compte de la structure de la société. Les avocats ont souligné que les témoignages confirmaient que la société n'avait pas de compte bancaire et que toutes les sommes versées au contribuable provenaient desdites sommes détenues en fiducie.

[10] À mon avis, il ressort clairement de l'avis d'appel, de la réponse et de l'exposé conjoint des faits pour l'année 1988 que les dépenses avaient certainement été faites pour le compte de la société. Le fait que le contribuable exécutait les travaux en vertu du contrat du 23 février 1986 qu'il avait passé avec les commanditaires et la méthode par laquelle on remboursait le contribuable de ses frais ne changent rien à cette position. Les dépenses étaient celles de la société et la décision Allcolour s'applique, de sorte que le contribuable a uniquement droit au crédit d'impôt à l'investissement au taux de 20 p. 100.

[11] Pour les motifs susmentionnés, les appels sont rejetés avec dépens.

[12] En fait, la mention de l'article 2902 du Règlement figurant dans la lettre du 17 février 1993 est inexacte. Toutefois, cela ne peut pas empêcher le ministre de rejeter la dépense parce qu'il ne s'agit pas d'une dépense prévue aux alinéas 20c) à i) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de décembre 1997.

« T. P. O'Connor »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de janvier 1998.

Monique Pelletier, réviseure

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