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Date: 19981209

Dossiers: 97-1402-UI; 97-150-CPP

ENTRE :

WOMEN IN FILM & TELEVISION TORONTO INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MARGOT La ROCQUE,

intervenante.

Motifs du jugement

(Appel rendu oralement à l'audience à Toronto (Ontario) le 3 novembre 1998.)

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] Les parties dans cette affaire sont Women in Film & Television Toronto Inc., appelante, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”), intimé, et Mme Margot La Rocque, intervenante.

[2] Par avis d'évaluation en date du 6 juin 1996, l'appelante a reçu une évaluation pour avoir omis de remettre des cotisations d'assurance-chômage au montant de 1 602,93 $ à l'égard de Mme Margot La Rocque et pour des pénalités et intérêts y afférents pour 1995 et 1996. Par avis d'évaluation en date du 6 juin 1996, l'appelante a fait l'objet d'une évaluation pour avoir omis de verser des cotisations au Régime de pensions du Canada au montant de 1 082,74 $ à l'égard de Mme Margot La Rocque et pour des pénalités et des intérêts y afférents pour 1995 et 1996.

[3] L'appelante a demandé en vain à l'intimé un nouvel examen de ses évaluations; il les a confirmées par lettre en date du 9 mai 1997. L'appelante a interjeté appel auprès de notre cour contre la confirmation de ses évaluations et Mme Margot La Rocque s'est portée intervenante.

LES PLAIDOIRIES

[4] L'exposé des faits suivant a été plaidé à partir de l'avis d'appel, et je ferai des commentaires sur la position du ministre relativement à l'exposé des faits comme l'expose la réponse à l'avis d'appel (la “ réponse ”).

[5] “ 1. Le 15 juillet 1995 ou vers cette date, les services de Mme Margot La Rocque ont été retenus sur une base quotidienne en raison de ses connaissances et de son expertise, pour les appliquer à l'exécution d'un projet particulier. Il s'agissait d'élaborer un programme professionnel et de rédiger ensuite un compte rendu. ”. Le ministre n'est pas d'accord avec cette version des faits.

[6] “ 2. Mme La Rocque a remis des factures au fur et à mesure de la prestation de ses services... ”. Le ministre n'est pas d'accord.

[7] “ 3. Les heures de travail et la méthodologie de Mme La Rocque n'étaient pas contrôlées par WIFT-T ”. Cette assertion a été niée. La suivante a été admise : “ Elle n'était pas responsable des employés ni des biens de WIFT-T, ni de la marche quotidienne de l'organisation ”.

[8] “ 4. Mme La Rocque a fourni ses services à d'autres entités pendant les mois au cours desquels elle fournissait ses services à WIFT-T ”. Cela a été admis.

[9] “ 5. Les modalités du contrat ont été confirmées par WIFT-T, tel qu'il est décrit dans la lettre ci-jointe en date du 13 février 1996 ”. Cela a été admis.

[10] “ 6. Les modalités des services de Mme La Rocque étaient limitées dans leur étendue et leur délai d'exécution ”. Le ministre n'est pas d'accord.

[11] “ 7. WIFT-T est une organisation sans but lucratif avec des ressources financières limitées. À cette époque, WIFT-T employait une ou deux employées pour remplir les fonctions administratives et faire le travail de bureau de l'organisation. Tous les autres services sont fournis par des bénévoles ou, lorsque des fonds sont disponibles, on s'adresse à des experts-conseil rémunérés, comme Mme La Rocque, pour rédiger des cours, des programmes, des comptes rendus, etc. ”. Cela a été admis.

[12] “ 8. En avril 1996, Revenu Canada a envoyé un vérificateur pour procéder à la vérification de la paye, y compris l'examen des paiements pour services professionnels ”. Cela a été admis.

[13] “ 9. Revenu Canada a établi des évaluations en date du 6 juin 1996 aux montants de 480 $ pour le Régime de pensions du Canada et de 652,53 $ pour l'assurance-chômage respectivement, plus une pénalité et des intérêts pour 1996, et des évaluations de 602 $ à l'égard du R.P.C. et de 950 $ à l'égard de l'assurance-chômage respectivement, plus une pénalité et des intérêts pour 1995 ”, ce que reconnaît le ministre.

[14] “ 10. Le 9 juillet 1996, WIFT-T a déposé la formule CPT 100 pour interjeter appel contre l'évaluation établie à son égard ”, ce que reconnaît le ministre.

[15] “ 11. Le 12 juillet 1996, WIFT-T a aussi déposé un avis d'opposition (formule T400A) relativement à ses impôts sur le revenu fédéral et provincial pour 1996 à l'égard de la même situation ”. Le ministre a dit ne pas être au courant de cela.

[16] “ 12. Dans une lettre en date du 9 mai 1997, Revenu Canada (Direction des appels) a envoyé une lettre (...) confirmant l'évaluation du ministre ”, ce que ce dernier a reconnu.

[17] Venons-en maintenant à la réponse. À la page 2 (paragraphe 8) de la réponse, nous trouvons les faits suivants sur lesquels s'est fondé le ministre. Je m'occupe présentement de la réponse déposée relativement à la question de l'assurance-chômage qui suit ainsi que de la réponse déposée relativement à la question du Régime de pensions du Canada :

[18] “ a) : L'appelante est une société sans but lucratif ”. L'appelante en a convenu au procès.[1]

[19] “ b) L'appelante s'occupe de la promotion des femmes dans le cinéma ”. L'appelante en a convenu.

[20] “ c) L'entreprise de l'appelante est contrôlée par un conseil d'administration bénévole ”. L'appelante en a convenu.

[21] “ d) La travailleuse [que je désignerai désormais par le terme “ intervenante ”, pour plus de clarté] a été engagée en qualité de directrice du perfectionnement professionnel ”. L'appelante a indiqué au procès que cela se rapportait expressément aux fonctions de directrice du perfectionnement professionnel et à rien de plus.

[22] “ e) L'[intervenante] avait à remplir diverses fonctions en qualité de directrice du perfectionnement professionnel; elle devait notamment :

- faire des recherches sur les cours offerts par l'appelante et les étudier

- rédiger des comptes rendus à l'intention des organismes fournisseurs de fonds

- donner un soutien et des conseils aux membres

- élaborer et administrer le programme des mentors

- assister aux réunions des comités et du conseil d'administration

- travailler à l'élaboration et à la promotion d'ateliers de perfectionnement professionnel

- rechercher les possibilités de financement

- représenter l'appelante à une conférence sur le perfectionnement professionnel ”.

L'appelante a généralement été d'accord avec les hypothèses susmentionnées telles que formulées mais seulement dans la mesure où elles se rapportaient au projet que l'intervenante avait entrepris pour l'appelante. Pour ce qui est d'une hypothèse particulière, à savoir la présence aux réunions des comités et du conseil d'administration, l'appelante a précisé à la Cour que la présence de l'intervenante était occasionnelle et ne se rapportait qu'à l'avancement du compte rendu. L'intervenante a indiqué dans son témoignage qu'il ne s'agissait là que d'une partie de ses fonctions.

[23] “ f) L'intervenante faisait aussi du travail de bureau ordinaire lorsque nécessaire, comme répondre au téléphone, faire la lecture d'épreuves de lettres et de calendriers, aider à résoudre les problèmes causés par les ordinateurs et à trouver du personnel pour remplir des contrats à court terme ”. La position de l'appelante à cet égard est la suivante : si elle (l'intervenante) était dans le bureau et aidait à remplir le mandat de cette petite organisation, elle voyait à ces tâches. Mais l'appelante a clairement précisé qu'elle n'était pas tenue d'agir ainsi en vertu de son contrat. L'intervenante, dans son témoignage, a dit qu'elle estimait devoir faire ces travaux et qu'ils faisaient partie de son entente avec l'appelante.

[24] “ g) L'[intervenante] devait recevoir un salaire annuel de 30 000 $ fondé sur un salaire hebdomadaire de 600 $ pour une semaine de travail de 3 jours ”. L'appelante n'était absolument pas d'accord avec cela et j'y reviendrai un peu plus tard. L'appelante a dit qu'il s'agissait réellement d'une rémunération quotidienne et non d'un salaire annuel fixe de 30 000 $. L'intervenante estimait l'hypothèse correcte.

[25] “ h) L'intervenante était payée par chèque régulièrement à toutes les deux semaines, qu'elle ait ou non présenté les factures réclamées par l'appelante ”. Selon l'appelante, l'organisation fonctionnait de façon informelle et, même en l'absence d'une facture, elle payait l'intervenante de bonne foi de toute façon. Cependant, en fin de compte, lorsque tout a été complété, toutes les factures avaient été fournies.

[26] “ i) Même si les heures et/ou les jours de travail pouvaient varier selon les réunions auxquelles elle devait assister, l'[intervenante] devait rendre compte à la directrice administrative chaque jour de travail ”. L'appelante n'était pas d'accord avec cette hypothèse, et j'examinerai ce point plus tard en ce qui concerne l'obligation de rendre compte à la directrice administrative.

[27] “ j) L'[intervenante] était supervisée par la directrice administrative ”. Mme Day, la directrice administrative de l'appelante, a indiqué dans son témoignage que la supervision ne se rapportait qu'au projet entrepris par l'intervenante à la demande de l'appelante, et qu'il s'agissait simplement de rendre compte à la directrice administrative, pour l'organisation appelante, de l'avancement du contrat et que l'intervenante n'était pas supervisée en tant qu'employée. J'en parlerai plus tard.

[28] “ k) L'[intervenante] devait remplir ses fonctions personnellement ”. L'appelante en a convenu.

[29] “ l) L'appelante a fourni à l'[intervenante], sans frais, tous les outils de travail et le matériel nécessaires ”. J'examinerai ceci plus tard, mais de façon générale le matériel en cause était du matériel de bureau, y compris l'utilisation d'un ordinateur, d'un téléphone et d'une aire de travail.

[30] “ m) On remboursait à l'[intervenante] les dépenses qu'elle avait faites elle-même et qu'elle avait subies dans l'exécution de ses fonctions ”. Il en a été convenu.

[31] “ n) L'appelante avait le droit de mettre fin aux services de l'[intervenante] ”. Il en a été convenu.

[32] L'hypothèse suivante est une question de droit. Je ne l'examinerai pas pour l'instant. Et la dernière : “ p) L'appelante n'a pas retenu des cotisations d'assurance-chômage sur la rémunération de l'[intervenante] ”. Il en a été convenu.

[33] L'appelante n'a pas non plus retenu sur la rémunération de l'intervenante de cotisations au Régime de pensions du Canada. Cela ne semble pas avoir été contesté.

AUTRES ÉLÉMENTS DE PREUVE ET CONCLUSIONS

[34] Gardant cet historique à l'esprit, nous allons maintenant passer à certains éléments de preuve et à certaines conclusions d'importance qui se sont dégagés au cours de l'audience.

[35] Je conclus qu'au départ les parties envisageaient un contrat d'entreprise. L'intervenante possédait une expertise jointe à des talents intellectuels particuliers dont l'appelante avait besoin pour réaliser un projet, qui visait en partie l'évaluation et la gestion d'un programme de mentors, entre autres choses.

[36] L'intervenante facturait ses services et elle et l'appelante ont discuté de la question de la taxe sur les produits et services (la “ TPS ”), et la TPS devait être comptée. Aucune déduction n'a été faite (retenue) et il n'était pas prévu d'en faire (retenir).

[37] Le relevé d'emploi rempli par l'appelante était rédigé par l'organisation appelante à la demande expresse de Revenu Canada, et l'organisation appelante n'était pas d'accord qu'un tel relevé devait être remis.

[38] L'organisation appelante était petite, elle était une organisation bénévole et ne pouvait entreprendre des projets qu'une fois le financement trouvé.

[39] À la fin de leurs relations, l'intervenante et l'organisation appelante étaient sur le point de se séparer et l'intervenante a été congédiée.

[40] En rétrospective, je conclus que l'intervenante jugeait son rôle à l'époque davantage comme celui d'une employée que comme celui d'un d'entrepreneur indépendant alors qu'au cours de toute la durée de leurs rapports, et même aujourd'hui, l'appelante considérait l'intervenante comme un entrepreneur indépendant lié à elle par un contrat d'entreprise.

[41] J'ai entendu certains autres témoignages, dont celui d'un chef de bureau, mais j'ai trouvé son témoignage quelque peu influencé par son opinion que certaines des tâches qu'on lui demandait de faire et qu'on demandait à l'intervenante d'accomplir débordaient le cadre des tâches définies, soit les tâches du chef de bureau et celles de l'intervenante. Le chef de bureau éprouvait du ressentiment à l'égard des ordres de la directrice administrative.

[42] En appréciant le rôle de l'intervenante, je conclus que son témoignage manquait de détails à l'égard de ce qui s'est passé alors que le témoin de l'appelante, c'est-à-dire la directrice administrative, Mme Day, était plus précise et montrait une plus grande exactitude.

[43] Pour ce qui est des hypothèses du ministre et du témoignage important sur le rôle de la directrice du perfectionnement professionnel, l'hypothèse à cet égard a été quelque peu réfutée par la preuve de l'appelante, en ce sens que les tâches accomplies n'avaient trait qu'aux relations contractuelles de l'intervenante à l'égard des projets entrepris, sans plus.

[44] Les autres tâches de l'intervenante concernant le travail de bureau, etc., ne s'inscrivaient pas dans le cadre de sa relation contractuelle; elle les faisait pour aider la petite organisation à fonctionner. Elle n'était cependant pas tenue de s'en charger comme tel.

[45] Les honoraires versés conformément à l'emploi contractuel de l'intervenante étaient de 200 $ par jour et d'au plus 600 $ par semaine. L'intervenante pouvait choisir le mode d'exécution du projet au sein de l'organisation de l'appelante, et l'engagement de l'intervenante se pliait aux impératifs des autres obligations de cette dernière.

[46] La méthode de supervision employée par la directrice administrative n'était pas celle d'un employeur vis-à-vis son employée, mais elle s'exerçait par le biais du compte rendu régulier de l'intervenante au sujet de l'avancement du projet de l'organisation appelante. Cependant, selon le témoignage de l'intervenante, au fur et à mesure que progressaient leurs rapports vers la fin, le type de supervision dont elle faisait l'objet l'amenait plus à obéir aux ordres qu'à rendre compte. La position de l'appelante est toujours demeurée constante.

JURISPRUDENCE

[47] Compte tenu de ce qui précède, examinons maintenant brièvement la jurisprudence pertinente à l'analyse des rapports en cause. Comme il a été cité dans bien des décisions, dont l'arrêt Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. v. M.N.R., 88 DTC 6099, la Cour d'appel fédérale a dit à la page 6100 :

La cause décisive concernant cette question dans le contexte de la loi est la décision de la Cour dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. Le Ministre du Revenu national, 87 D.T.C. 5025. Parlant au nom de la Cour, le juge MacGuigan a analysé des causes canadiennes, britanniques et américaines et, en particulier, il a mentionné les quatre critères pour rendre une telle décision qui sont énoncés par lord Wright dans l'affaire La ville de Montréal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1974] 1 D.L.R. 161, aux pages 169 et 170. Il a conclu à la page 5028 que :

Dans ce contexte, les quatre critères établis par lord Wright constituent une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à [TRADUCTION] “ examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties ”. Quand il s'est servi de cette règle pour déterminer la nature du lien existant dans l'affaire Montreal Locomotive Works, lord Wright a combiné et intégré les quatre critères afin d'interpréter l'ensemble de la transaction.

À la page 5029, il déclare :

Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé [TRADUCTION] “ l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations ” et que même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.

[C'est moi qui souligne]

À la page 5030, il poursuit :

Il est toujours important de déterminer qu'elle relation globale les parties entretiennent entre elles.

Il fait également observer : “ Quant il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l'obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents ”.

[48] Le critère unique composé de quatre parties intégrantes, tiré de l'arrêt City of Montreal v. Montreal Locomotives Works Ltd. (précité) et dont parle le juge MacGuigan, se compose des critères subordonnés suivants, à savoir : le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte.

ANALYSE

[49] Compte tenu de cette toile de fond, je ferai maintenant l'analyse des rapports en cause.

[50] Pour déterminer s'il s'agit d'un contrat de louage de services ou d'un contrat d'entreprise, il faut tout d'abord examiner le contrôle et la supervision exercés, la question-clé. Au début, l'appelante avait l'intention de conclure avec l'intervenante un contrat d'entreprise, cette dernière devant élaborer des projets pour l'appelante et lui rendre compte de l'état et de l'avancement du projet. Après la conclusion du contrat, toutefois, la situation a quelque peu évolué : l'intervenante était présente dans les locaux de l'appelante à temps partiel, et parfois au cours de ses heures de présence, elle remplissait d'autres fonctions à la demande de l'organisation appelante, comme par exemple répondre au téléphone et remplir diverses autres tâches de bureau.

[51] L'appelante a soutenu que cela ne faisait pas partie du contrat, mais visait plutôt à assurer le fonctionnement de l'organisation bénévole.

[52] La preuve semble montrer que, vers la fin, l'intervenante considérait ses services, plus particulièrement après son renvoi, plutôt comme étant ceux d'une employée. Et, comme je l'ai indiqué, l'appelante a continué de voir en l'intervenante un entrepreneur indépendant ayant un rôle défini fixe.

[53] Conformément à ma conception globale des rapports et des modalités de contrôle et de supervision, je conclus que la supervision portait sur le compte rendu que devait faire l'intervenante au sujet de l'avancement du projet et non sur l'exécution du travail. L'intervenante était clairement libre de faire ou de ne pas faire les tâches dépassant le cadre des talents intellectuels pour lesquels elle avait été retenue et qu'elle devait appliquer à la rédaction d'un compte rendu et d'un programme de mentors.

[54] Pour ce qui est de la seconde rubrique, bénéfice et perte : les chances de bénéfice et les risques de perte se fondent sur la notion que, dans des relations employeur-employé, l'employé ne subit généralement pas des dépenses, ne court aucun risque pécuniaire et n'a aucune chance de réaliser un bénéfice.

[55] En l'espèce, les honoraires étaient de 200 $ par jour et ne devaient pas dépasser 600 $ par semaine. Les fonctions envisagées avaient tout d'abord été décrites comme celles d'une coordinatrice de la formation, puis elles ont évolué en fonctions de directrice du perfectionnement professionnel, et l'intervenante a assumé ce rôle à l'égard de projets précis qui étaient financés expressément à la condition qu'elle ne conclurait pas de contrat avec un concurrent, tout en restant libre de travailler pour d'autres organisations, ce qu'elle a fait pendant qu'elle remplissait ses fonctions. Elle avait d'autres clients. Plus particulièrement, relativement à l'organisation appelante, elle lui facturait ses services comme elle le faisait à l'égard des autres particuliers pour lesquels elle travaillait.

[56] La propriété des instruments de travail : généralement, si l'employeur fournit les instruments de travail, cela indique qu'il exerce un contrôle sur le travailleur; il existe cependant des exceptions. Un exemple dont nous avons déjà discuté est celui du mécanicien qui fournit les instruments de travail.

[57] En l'espèce, je conclus que l'intervenante a été retenue pour ses talents et capacités intellectuels et qu'elle a fourni quelques-uns des instruments de travail, que l'appelante en a aussi fourni et que, tout au moins à un certain point, l'intervenante s'est servie de son propre bureau chez elle, bien que la plupart du temps elle ait utilisé le bureau de l'organisation appelante.

[58] Ainsi donc, après avoir analysé l'ensemble de la règle comprenant quatre critères, nous passons maintenant au critère de l'organisation ou de l'intégration. C'est l'analyse qui doit déterminer la question ultime, celle de la propriété de l'entreprise. L'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations sert à quelle conclusion? Il est nécessaire de prendre en considération davantage que les rapports superficiels, c'est-à-dire qu'il faut étudier l'ensemble des rapports intrinsèques entre les parties.

[59] Partant de cela, muni de l'analyse qui précède, je conclus que l'intervenante a fourni des services à l'organisation appelante en tant que personne en affaires à son propre compte. Elle possédait les talents intellectuels requis pour aider l'organisation appelante à remplir une partie de son mandat, elle a réalisé un projet et elle a conclu un contrat d'entreprise à cette fin.

CONCLUSION

[60] Je conclus que les rapports en cause ne se sont pas transformés en un contrat de louage de services, comme le considérait l'intervenante à la fin de son engagement. Je suis donc parvenu à la conclusion que l'intervenante n'occupait pas un emploi assurable au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage (la “ Loi ”) comme elle était liée à l'appelante par un contrat d'entreprise, de sorte que cette dernière n'a pas fait l'objet d'une évaluation aux termes de l'article 56 de la Loi.

[61] En ce qui concerne l'appel visant le Régime de pensions du Canada, l'intervenante n'occupait pas un emploi ouvrant droit à pension au sens de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada puisqu'elle était liée à l'appelante par un contrat d'entreprise, de sorte que l'appelante n'a pas fait l'objet d'une évaluation aux termes de l'article 22 du Régime de pensions du Canada.

DÉCISION

[62] Par conséquent, je décide en l'espèce que l'appel est accueilli et que les évaluations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles évaluations en tenant compte du fait que l'intervenante était employée en vertu d'un contrat d'entreprise.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de décembre 1998.

“ D. Hamlyn ”

J.C.C.I.

La numérotation des paragraphes dans la version originale des motifs de jugement était erronée. La version originale a été corrigée et paraphée le 27 septembre 1999.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 18e jour d’octobre 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Les aveux et les dénégations au procès ont été faits par l'avocate de l'appelante pour le compte de sa cliente.

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