Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980814

Dossiers: 96-1607-UI; 97-1851-UI; 96-67-CPP; 97-191-CPP

ENTRE :

FIMRITE OILFIELD SERVICES LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] La Fimrite Oilfield Services Ltd. (la « Fimrite » ) interjette appel de règlements établis par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) en vertu du Régime de pensions du Canada (le « RPC » ) et de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ), règlements selon lesquels :

a) Wes Miskulin ( « M. Miskulin » ) a exercé pour la Fimrite un emploi ouvrant droit à pension au sens du RPC et un emploi assurable au sens de la Loi au cours de la période allant du 24 mars 1994 au 31 août 1994;

b) Beverly Headon[1], Rocky Pittman, Blain Dennis, Mark Cario, Christopher Head, Kieran Moore, Troy Fimrite, Derwin Wheeler, Kalvin Isele et Gary Kooll ont exercé pour la Fimrite un emploi ouvrant droit à pension au sens du RPC et un emploi assurable au sens de la Loi au cours de la période allant du 1er janvier 1995 au 30 juin 1996[2].

[2] Les appels ont été entendus sur preuve commune.

[3] Wavell MacArthur Fimrite, président de la Fimrite, a témoigné pour l'appelante. Après avoir obtenu son congé de la Marine royale du Canada, M. Fimrite est allé s'installer à Silver Valley (Alberta). Il s'est lancé dans le domaine pétrolier pour ajouter à son revenu d'agriculture. Il avait exercé dans l'Arctique un emploi en sismographie pour la Compagnie pétrolière impériale, maniant des explosifs et s'occupant du dynamitage dans le cadre d'opérations sismiques. Il a constitué l'appelante. Cette dernière exploite une entreprise consistant à fournir à des sociétés exploitant des gisements de pétrole et à des sociétés forestières des services d'entretien, à l'aide d'appareils industriels à vapeur et à de camions-citernes sous vide, ainsi que des services de fauchage.

[4] Durant la période pertinente, la Fimrite avait trois appareils à vapeur et trois camions-citernes sous vide et faisait appel à des travailleurs, que M. Fimrite appelait des « sous-traitants » , pour qu'ils assurent pour elle le fonctionnement de ce matériel. Un appareil à vapeur est un appareil sur camion qui produit de la vapeur servant à dégeler des canalisations, des puits de pétrole et des installations d'usine à gaz. Le système comporte un dispositif à eau chaude à haute pression utilisé pour assurer le nettoiement de déversements de pétrole et pour nettoyer des bâtiments industriels, des installations d'usine à gaz et « quoi que ce soit dans l'industrie pétrolière et gazière » . Les installations à vapeur sont dotées d'appareils de pulvérisation d'émulsifiants et de dégraissants. Les émulsifiants servent à dissocier le pétrole pour faciliter le nettoiement.

[5] La Fimrite a des camions-citernes sous vide qui servent à des opérations de nettoiement en cas de déversements de pétrole ou d'autres déversements ou accidents industriels. Les camions sont également utilisés pour enlever l'eau souillée, les déchets de condensation et les substances dangereuses de chantiers de forage de puits de gaz et d'installations d'usine à gaz. Tout ce qui ne peut être transporté par des camions ordinaires est transporté par les camions-citernes sous vide. Il faut un permis du gouvernement fédéral pour les citernes, lesquelles sont inspectées par les autorités gouvernementales.

[6] La maintenance de biens, le fauchage, l'élagage général et l'entretien de concessions de puits de pétrole et de chantiers représentent des services nécessaires pour la prévention de feux de surface autour des puits.

[7] M. Fimrite a dit qu'il estime que le revenu d'entreprise de la Fimrite provient des services de fauchage et d'entretien dans une proportion d'environ 10 p. 100, des services de nettoiement industriels dans une proportion de 45 p. 100 et des services relatifs aux camions-citernes sous vide dans une proportion de 45 p. 100. Alors que le fauchage s'effectue le printemps, l'été et l'automne, la partie de l'entreprise consistant à fournir des services d'appareils à vapeur est extrêmement occupée durant la saison des grands froids. La Fimrite offre ses services à longueur d'année, 24 heures sur 24.

[8] La Fimrite fournit des services à environ 75 à 80 différentes compagnies pétrolières et gazières ainsi qu'à certaines compagnies forestières, qui communiquent avec elle au besoin, lorsqu'il y a un déversement de pétrole ou lorsque quelque chose gèle. Le transport de fluides est « un peu plus régulier » , mais tout dépend de la production d'une usine donnée.

[9] Les travailleurs qui sont l'objet des appels considérés en l'espèce assuraient le fonctionnement des divers appareils. Lorsque la Fimrite recevait un appel d'un client, elle entrait en contact avec un des travailleurs, qui entreprenait de se rendre sur le chantier du client. Une fois rendu, lui et le client avaient une discussion et déterminaient quel travail devait être accompli, ce sur quoi le travailleur entreprenait d'exécuter le travail. Une fois celui-ci accompli, le travailleur établissait une facture, la faisait signer par le client et lui en laissait une copie. Dans certains cas, lorsqu'il s'agit d'élimination de déchets, le travailleur et le client déterminent le temps nécessaire pour mener la tâche à bien, et le nombre d'heures est inscrit sur la facture. Le travailleur transporte ensuite les déchets jusqu'à l'installation d'élimination.

[10] M. Fimrite a expliqué que la Fimrite essayait d'avoir des travailleurs capables de faire fonctionner aussi bien les appareils à vapeur que les camions-citernes sous vide, car, pour de nombreuses tâches, les deux camions sont utilisés ensemble. Il était pratique qu'une seule personne puisse se servir des deux camions.

[11] Les travailleurs, d'après M. Fimrite, étaient « compétents » , car ils devaient avoir de l'expérience dans le nettoiement de déversements de pétrole ou d'installations d'usine à gaz. Le travail est dangereux. Les travailleurs se préoccupaient des dangers que posaient la combustion à flamme nue et les réactions chimiques. Ainsi, ils doivent avoir une formation et posséder des connaissances quant à savoir comment travailler de façon sûre. Les travailleurs auxquels la Fimrite faisait appel, a dit M. Fimrite, étaient des personnes qui avaient de l'expérience en matière de gisements de pétrole, qui avaient été formées et qui détenaient les certificats nécessaires pour accomplir le travail.

[12] Les travailleurs n'étaient pas supervisés et n'avaient pas besoin de supervision, selon M. Fimrite. Ils paient les cours qu'ils doivent suivre pour obtenir leurs permis et paient ensuite les droits nécessaires pour conserver leurs permis. Le seul cours payé par la Fimrite était un cours sur le travail en espaces clos. Ce cours, a expliqué M. Fimrite, assure une formation aux travailleurs quant à savoir comment sauver une personne prise dans une citerne ou une berme.

[13] Le contrat entre les travailleurs et la Fimrite n'était pas un contrat écrit. Chaque contrat était conclu pour une période fixe d'un mois. Un recueil de documents déposé par l'appelante inclut un document intitulé « Bienvenue! » . Ce document explique au travailleur la relation que la Fimrite espère établir avec lui. Le document dit que le travailleur a :

[TRADUCTION]

[...] conclu un contrat verbal avec la Fimrite Oilfield Services Ltd. Comme entrepreneur, vous êtes responsable du paiement de l'impôt sur le revenu et des cotisations au RPC. En outre, les entrepreneurs ne sont pas couverts par l'assurance-chômage. Chaque mois, un nouveau contrat commence. Les contrats se terminent le dernier jour de chaque mois. L'entrepreneur est payé à l'achèvement de chaque contrat (veuillez déposer à la fin du mois les feuilles de registre que vous aurez remplies). Sur demande, des avances peuvent être obtenues.

Vous trouverez ci-joint les documents suivants :

Guide de la F.O.S. en matière de sécurité

Convention

Programme d'incitation à la sécurité

Feuilles de registre mensuelles.

Veuillez lire le guide de sécurité attentivement. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser.

Les entrepreneurs doivent s'assurer de satisfaire à toutes les exigences en matière de sécurité et veiller à ce que leur unité ait à sa disposition l'ensemble des vêtements et du matériel de sécurité requis.

Certificats à jour requis :

Travail en milieux clos* SIMDUT

Transport de produits dangereux H2S Alive

Permis de conduire de catégorie 3 Freins à air.

* Les frais du cours sur le travail en milieu clos sont pris en charge par la F.O.S.

En matière de sécurité, on tient régulièrement des réunions pour permettre à chacun d'exprimer ses préoccupations et pour informer tout le monde sur toutes nouvelles procédures.

Sur les feuilles de registre mensuelles que vous devez remplir, vous devez, de façon suivie, indiquer les heures que vous facturez et consigner les heures travaillées à l'atelier, avec des explications détaillées sur tout le temps passé à l'atelier. Pour ce qui est des heures travaillées à l'atelier, vous devez faire apposer les initiales de Tex ou de Charlie. S'il vous est impossible de faire apposer les initiales de ces personnes quotidiennement, prenez des dispositions pour que cela se fasse hebdomadairement.

[14] On remettait à chacun des travailleurs le document intitulé « Bienvenue! » ainsi qu'un guide de sécurité.

[15] C'est le bouche à oreille qui amenait les travailleurs à la Fimrite, d'après M. Fimrite. Ce dernier a dit que la Fimrite ne faisait jamais de publicité pour avoir des travailleurs. « Ils venaient à nous, et cela s'est fait sur un certain nombre d'années... Le nombre de travailleurs auxquels la compagnie fait appel a augmenté à mesure que la compagnie prenait de l'expansion. »

[16] C'est également grâce au bouche à oreille que la Fimrite obtenait son travail, d'après M. Fimrite. Ce dernier a expliqué qu'il travaillait dans l'industrie pétrolière et gazière depuis plusieurs années et que « cela s'était simplement su que nous avions le matériel... pour exécuter ce type de travail » . Il a dit qu'il faisait très peu de sollicitation. Un travail bien fait en amenait un autre, a-t-il déclaré.

[17] Le travail était attribué comme suit : un client de la Fimrite téléphonait au bureau de celle-ci pour dire qu'il avait besoin de services. Si le client demandait un travailleur en particulier, la Fimrite communiquait avec ce travailleur. Si celui-ci était libre, il se rendait chez le client et fournissait le service nécessaire. Fréquemment, le client contactait le travailleur le lendemain pour lui faire faire un autre travail ou, le même jour, une fois la première tâche accomplie, lui demandait de se rendre à des endroits différents pour exécuter d'autres travaux. La Fimrite n'avait pas à donner son approbation pour l'accomplissement de ces travaux supplémentaires, mais le travailleur devait la tenir au courant.

[18] Normalement, un travailleur était appelé lorsqu'il y avait une tâche à accomplir et qu'il était qualifié. Après que la Fimrite lui avait téléphoné, le travailleur partait directement de chez lui pour se rendre à l'endroit où devait être fourni le service ou passait d'abord par l'atelier de la Fimrite pour aller chercher le matériel.

[19] S'il y avait une urgence et que la Fimrite ne parvenait pas à trouver « le bon gars » pour le travail, M. Fimrite accomplissait le travail ou faisait appel à un concurrent.

[20] Les travailleurs étaient responsables de l'entretien et du nettoyage des camions-citernes sous vide et des camions à vapeur. Ils assuraient l'entretien de ces camions pour veiller à ce qu'ils soient en bon état de marche. Ils en faisaient le graissage, le ravitaillement en carburant et le lavage à l'atelier de la Fimrite[3]. Les travailleurs étaient payés pour le temps qu'ils consacraient à ces services d'entretien. Tous les autres travaux étaient accomplis chez le client.

[21] La Fimrite permettait à des travailleurs de garder chez eux un camion-citerne sous vide et, lorsqu'ils étaient appelés, ils pouvaient se rendre directement sur le chantier. Pour ce qui est des camions à vapeur, on les gardait à l'atelier de la Fimrite, car ils devaient être abrités contre le froid. Parfois, mais peu souvent, un travailleur disposant de l'installation appropriée chez lui était autorisé à garder un camion à vapeur chez lui. Ce n'était le cas d'aucun des travailleurs en cause dans les appels considérés en l'espèce. Le fils de M. Fimrite, Troy Fimrite, avait personnellement acheté un camion-citerne sous vide et avait conclu un contrat avec la Fimrite pour que celle-ci l'utilise moyennant le paiement de frais.

[22] Les travailleurs n'avaient pas à se présenter quotidiennement au bureau de la Fimrite. C'était uniquement lorsqu'il faisait extrêmement froid qu'on s'attendait que les conducteurs de camions à vapeur se présentent à l'atelier, soit habituellement à sept ou huit heures du matin, « car, dans ces conditions, nous savions que tous ces camions iraient quelque part » . M. Fimrite a aussi expliqué que, lorsqu'un travailleur se rendait sur un chantier par temps extrêmement froid, il y restait au moins jusqu'à la fin de la journée, au cas où le problème réapparaîtrait.

[23] Du point de vue de M. Fimrite, un travailleur pouvait refuser une tâche donnée. Cela arrivait lorsque le travailleur avait des engagements personnels ou une affaire à régler. Si un travailleur refusait une tâche donnée, il n'avait pas droit aux « retombées » de l'appel initial, soit les travaux subséquents. Certains des travailleurs oeuvraient aussi pour un concurrent. M. Fimrite a déclaré que les travailleurs oeuvraient « principalement » pour la Fimrite et que, toutefois, ils étaient libres de travailler pour qui ils voulaient.

[24] Après avoir fini son travail et avoir remis au client la facture y afférente, le travailleur apportait la copie de la facture au bureau de la Fimrite. La facture ainsi que les heures du travailleur étaient enregistrées par l'aide-comptable de la Fimrite.

[25] Le travailleur établissait la facture selon les prix de la Fimrite; il n'était pas autorisé à négocier des prix avec les clients.

[26] L'aide-comptable de la Fimrite recevait des factures de travailleurs quotidiennement, soit chaque soir. À la fin du mois, l'aide-comptable compare les factures avec les feuilles de temps des travailleurs, totalise les heures qu'ils ont consacrées à l'entretien et les heures qu'ils ont passées à l'atelier, puis soustrait toutes avances consenties aux travailleurs durant le mois. Un chèque est ensuite établi à l'intention du travailleur. Voici un relevé de paiement typique :

[TRADUCTION]

FIMRITE OILFIELD SERVICES

R.R. no 1, Spirit River (Alberta)

T0H 3G0

Entrepreneur : TROY FIMRITE POUR LE MOIS DE JUIN 1996

No de TPS : 894338649RT0001

Pour la prestation de services d'opérateur et la fourniture d'un véhicule et d'outils pour le mois courant.

Indemnisation des accidents du travail et assurance-responsabilité des entrepreneurs prises en charge par la Fimrite Oilfield Services.

DÉTAILS TOTAL

SELON FACTURES CE 0,0 0,00 $

OP 125,5 2 150,50 $

H 0,0 0,00 $

8 50,0 500,00 $

BONI 0,0 0,00 $

0,0 0,00 $

CONTRAT TOTAL 2 650,00 $

REMBOURSEMENT 23,99 $

TOTAL PARTIEL 2 674,49 $

MOINS RETENUES 143,66 $

MOINS COURS 0,00 $

MOINS AVANCES 0,00 $

PAIEMENT TOTAL 2 530,83 $

PAYÉ INTÉGRALEMENT _______________ CHÈQUE NO ________

ÉTABLI PAR : _______________

[27] Un travailleur recevait à ses débuts 10 $ l'heure pour le temps passé à l'atelier. Si un aide lui était nécessaire, il était payé 13 $ l'heure. Les heures travaillées à l'atelier comprennent les heures que l'on s'attend que le travailleur consacre à l'entretien des camions. Pour ce qui est du temps pendant lequel il travaillait sur le terrain, le travailleur était payé 15 $ l'heure. Ainsi, un travailleur oeuvrant avec un aide était payé 28 $ l'heure, c'est-à-dire 15 $ plus 13 $. Les travailleurs ayant davantage d'expérience étaient payés davantage. Les travailleurs étaient en outre rémunérés pour les heures supplémentaires; les heures travaillées au-delà de 180 heures par mois étaient considérées comme des heures supplémentaires. Le travail accompli les jours fériés justifiait aussi une paye supérieure. En outre, si un travailleur devait oeuvrer dans un espace clos, il était payé 2 $ l'heure de plus.

[28] Chaque travail comportait un minimum de trois heures; si un travailleur ne travaillait qu'une heure, il en facturait trois à la Fimrite. M. Fimrite a expliqué que, si un travailleur finissait une tâche rapidement, il était disponible pour d'autres travaux. Les heures facturées pouvaient facilement dépasser les heures effectivement travaillées. Par exemple, à la fin de la journée, les factures du travailleur pouvaient correspondre à un total de 16 heures, mais le travailleur pouvait en fait avoir travaillé 10 heures; il était payé pour 16 heures. (La Fimrite elle-même facturait au client un minimum de trois heures. Le temps de déplacement était inclus dans les trois heures.)

[29] Si du matériel faisait défaut pendant l'exécution d'une tâche, le travailleur tentait de le réparer sur place. Si la réparation exigeait un mécanicien ou nécessitait des pièces supplémentaires, un mécanicien était appelé sur place et effectuait la réparation. Dans certains cas, la Fimrite envoyait sur place un autre camion-citerne sous vide ou camion à vapeur pour remplacer le matériel défectueux. Lorsque du matériel ne fonctionnait pas, le travailleur n'était pas payé pour le temps perdu pendant la panne.

[30] C'était le client qui déterminait si un travailleur avait bien exécuté ou non telle ou telle tâche. Si le travail n'était pas jugé satisfaisant par le client, le travailleur retournait chez le client pour reprendre le travail, à ses propres frais, jusqu'à ce que le client soit satisfait. M. Fimrite se rappelait que, une fois, M. Miskulin avait laissé un chantier dans un état épouvantable et n'avait pas fini le travail; il avait dû retourner sur place et passer une journée complète à nettoyer.

[31] Lorsqu'un travailleur désirait prendre des vacances ou s'absenter pour des raisons personnelles, il était libre de le faire, a dit M. Fimrite. Il n'y avait pas d'horaire de travail officiel. M. Fimrite a dit que, en cas de conflit entre les travailleurs, il « essayait de faire en sorte que les travailleurs règlent entre eux la question des congés » . Cependant, la Fimrite voulait être certaine que tout le monde ne prenait pas congé en même temps. Habituellement, si un conducteur de camion-citerne sous vide, par exemple, voulait une longue fin de semaine, il veillait à ce qu'un autre travailleur prenne sa place.

[32] M. Fimrite a dit qu'un travailleur avait le droit d'engager un assistant. Il a dit que, normalement, cela arrivait lorsqu'un travailleur avait besoin d'une personne de plus pour fins de sécurité. C'était la Fimrite et non le travailleur qui payait cette personne supplémentaire. M. Fimrite a expliqué que la Fimrite obtenait bon nombre de ses travailleurs de cette manière. « Les aides participaient à quelques travaux avec l'un des entrepreneurs, puis, s'ils étaient compétents, qu'ils aimaient leur travail et qu'ils faisaient du bon travail, ils devenaient des entrepreneurs » .

[33] Comme je l'ai dit précédemment, la Fimrite fournissait les camions aux travailleurs. M. Fimrite a dit que le plus récent camion-citerne sous vide de la Fimrite, acheté en 1998, avait coûté 230 000 $. Un camion à vapeur également acquis en 1998 avait coûté environ 160 000 $. Tel était le type de matériel que la Fimrite fournissait aux travailleurs. Les travailleurs fournissaient tous les autres instruments de travail, par exemple les outils à main, les casques, les lunettes de protection, les bottes et les gants, outre leurs certificats.

[34] M. Fimrite a insisté sur le fait que les seules réunions avec les travailleurs étaient des réunions tenues à des fins de sécurité. Ces réunions avaient lieu environ une fois par mois. Il y avait en outre des réunions de dernière minute sur les chantiers; ces réunions se tenaient habituellement à l'initiative des clients, a dit M. Fimrite, notamment sur les chantiers d'usines à gaz. Le travailleur et le client pouvaient alors traiter des risques inhérents au travail. Avant de commencer, le travailleur devait remplir et signer une autorisation d'exécution de travaux en toute sécurité. À la fin, il devait signer de nouveau avant de quitter le client.

[35] Au cours de la première moitié de 1996, la Fimrite avait appris que Revenu Canada était d'avis que les travailleurs étaient des employés de la Fimrite et que des cotisations devaient donc être versées à l'égard des travailleurs aux fins du RPC et de la Loi. Par conséquent, a dit M. Fimrite, la Fimrite a changé la façon de payer les travailleurs : ceux-ci devaient être payés pour les heures effectivement travaillées. Les travailleurs n'étaient plus payés selon un minimum de trois heures. Parmi le personnel le plus expérimenté, bon nombre de travailleurs étaient partis. Dans l'intervalle, les concurrents de la Fimrite, qui n'avaient pas été l'objet d'une cotisation de Revenu Canada, avaient continué de payer leur personnel itinérant comme la Fimrite avait payé ses travailleurs durant la période en cause, de se plaindre M. Fimrite.

[36] Juste avant le début du contre-interrogatoire de M. Fimrite, l'avocate de l'intimé a, avec le consentement de l'avocat de l'appelante, produit un recueil de documents sous la cote R-1. Le recueil contenait diverses déclarations de revenu, ainsi que les questionnaires habituels, y compris les réponses, qui avaient été envoyés à chacun des travailleurs et à la Fimrite. Il contenait aussi un résumé de réponses aux questionnaires envoyés aux travailleurs, soit un résumé établi, je présume, par un fonctionnaire de Revenu Canada.

[37] L'avocate de l'intimé, Me Wong, a renvoyé M. Fimrite au questionnaire rempli par Blain Dennis, un des travailleurs. En annexe à ce questionnaire figurait un document portant l'en-tête de la Fimrite; ce document décrivait les exigences et les obligations de la Fimrite ainsi que les exigences et les obligations du travailleur. D'après ce document, la Fimrite devait veiller à l'indemnisation des accidents du travail et à l'assurance-responsabilité de l'entrepreneur et devait fournir les vêtements de sécurité ainsi que d'autre matériel. M. Fimrite a rétorqué que M. Dennis avait alors été engagé comme employé. M. Fimrite niait que la Fimrite ait déjà fait les paiements pour l'indemnisation des accidents du travail ou l'assurance-responsabilité et qu'elle ait en fait déjà fourni des vêtements et du matériel de sécurité. Évidemment, elle payait les assurances relatives aux véhicules dont elle était propriétaire.

[38] M. Fimrite a en outre reconnu que la Fimrite offrait à ses travailleurs des voyages dans des endroits « exotiques » . D'après la description de M. Fimrite, c'était :

[TRADUCTION]

« un plan que nous avions mis en place pour inciter nos entrepreneurs à aller travailler au beau milieu de la nuit, à 40 sous zéro, et nous estimions qu'une incitation en espèces ne ferait aucune différence, car, après le premier chèque de paye, l'incitation disparaît; nous estimions aussi que le fait d'avoir la chance de quitter le champ de pétrole et de sortir du pays leur donnerait une meilleure perspective sur leur travail. Ce n'était pas quelque chose d'officiel que nous avions intégré au contrat. Il s'agissait simplement d'une entente verbale établissant qu'ils seraient admissibles s'ils faisaient du bon travail et s'ils travaillaient pour nous pendant un certain nombre d'heures et d'années — 2 000 heures représentent à peu près une année de travail; c'était donc simplement un boni en vue duquel ils pouvaient travailler. Pas mal de travailleurs ont fait de tels voyages. »

[39] De temps à autre, la Fimrite retenait les services de ses concurrents, y compris la Bob's Steaming and Cleaning (la « Bob's » ), soit une entreprise appartenant à une personne qui avait précédemment travaillé pour la Fimrite. Le propriétaire de la Bob's avait acheté un camion à vapeur et livrait concurrence à la Fimrite. Toutefois, la Fimrite retenait les services de la Bob's « assez régulièrement » . M. Fimrite a dit que, lorsqu'il s'agit de faire appel à un concurrent, c'est la Bob's qu'on appelle en premier.

[40] La Bob's n'était pas payée de la même manière que les travailleurs. M. Fimrite a décrit une situation dans laquelle la Fimrite avait accepté de nettoyer du matériel de pipeline et d'accomplir des travaux de désherbage sur des terres agricoles. Ce contrat avait été réalisé, dans une large mesure, par la Bob's. La Fimrite et le client avaient convenu du tarif auquel le travail serait effectué. Le client avait payé la Fimrite, puis celle-ci avait payé la Bob's pour le travail accompli. Dans la plupart des cas, toutefois, lorsqu'on faisait appel à la Bob's, celle-ci établissait sa propre facture à l'intention du client. La Fimrite, a dit M. Fimrite, représentait simplement le contact de la Bob's. Le travail de cette dernière n'était pas consigné dans les livres et registres de la Fimrite comme celui qu'accomplissaient les travailleurs. La Bob's était payée selon son propre barème de tarifs et non selon celui de la Fimrite. Dans certaines situations, cependant, la Bob's a bel et bien facturé des travaux à la Fimrite, que celle-ci a ensuite facturés au client. Lorsqu'on faisait appel à d'autres concurrents, eux aussi facturaient les travaux directement au client et non à la Fimrite.

[41] M. Fimrite a dit que, depuis qu'elle a commencé à payer les travailleurs selon les heures effectivement travaillées, la Fimrite a engagé un contremaître à temps plein pour qu'il se rende sur les chantiers afin de veiller à ce que le travail soit accompli d'une manière acceptable. Il se plaignait aussi du fait que, maintenant, il a certaines préoccupations en matière de sécurité, parce que l' « attitude » des travailleurs « n'est pas la même qu'avant » . M. Fimrite a expliqué que les travailleurs sont appelés lorsqu'on a besoin d'eux, qu'il en était ainsi au moment du procès et qu'il en était également ainsi avant. M. Fimrite a en outre dit qu'il craint maintenant que, s'il met un travailleur à pied, celui-ci ne reviendra pas à la Fimrite; il demandera plutôt des prestations d'assurance-chômage.

[42] Troy Fimrite, soit le fils de Wavell MacArthur Fimrite, a également témoigné. Il travaillait pour la Fimrite durant les années 1994, 1995 et 1996. De façon générale, il a corroboré le témoignage de son père. Il a expliqué la procédure suivie la première fois qu'il allait sur un chantier : il conduisait le camion jusqu'au chantier, y rencontrait le client, discutait avec lui de la situation, remplissait les autorisations nécessaires et abordait avec lui les questions de sécurité. Ensuite, il entreprenait de fournir le service.

[43] Troy Fimrite passait également en revue les exigences en matière de sécurité en cas de fuites de gaz toxiques ou pour les cas où une évacuation serait nécessaire. Il a en outre décrit la difficulté du travail en espace clos. Troy Fimrite disait qu'il ne saurait trop insister sur tout le soin avec lequel le travail devait être accompli. Chaque travail était différent et potentiellement dangereux et ne pouvait être confié qu'à une personne compétente.

[44] Troy Fimrite a confirmé qu'il pouvait refuser un travail si celui-ci présentait des risques, si lui-même était trop fatigué pour se déplacer ou s'il avait des engagements personnels. Il a en outre reconnu qu'il n'était pas payé pour ses heures lorsque du matériel ne pouvait être utilisé, par exemple si du matériel s'enlisait dans la boue et qu'on ne parvenait pas à l'en sortir ou si le matériel tombait en panne.

[45] Il existe une abondante jurisprudence concernant les tentatives de parties à un litige pour convaincre les tribunaux que, selon leur intérêt dans le procès, une personne était un employé ou un entrepreneur indépendant. Actuellement, la principale décision faisant jurisprudence est l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Wiebe Door Services Ltd. v. The Queen[4].

[46] Traditionnellement, les tribunaux ont établi une série de critères pour déterminer si un contrat est un contrat de louage de services ou un contrat d'entreprise. Les critères les plus souvent utilisés étaient les suivants :

a) le degré ou l'absence de contrôle exercé par le prétendu employeur;

b) la propriété des instruments de travail;

c) les chances de bénéfice et les risques de perte;

d) l'intégration des travaux effectués par les prétendus employés dans l'entreprise du prétendu employeur.

[47] Ces critères, ainsi que l'importance qu'ils revêtent aujourd'hui, sont analysés par le juge MacGuigan dans l'arrêt Wiebe Door. Selon le juge MacGuigan, les critères n'ont pas un poids égal. Il s'agit en réalité d' « un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur [...] « l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations » , et ce, même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés » [5].

[48] Pour connaître l'essence de la relation entre un prétendu employé et employeur, il faut déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. Le juge MacGuigan cite à cet égard un extrait de l'ouvrage du professeur P. S. Atiyah[6], auquel il souscrit :

[TRADUCTION]

[N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services.

[...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée. Il reste que, dans un grand nombre de cas, le tribunal doit se contenter de comparer deux solutions en évaluant l'importance des facteurs qui tendent vers une solution et en les équilibrant par ceux qui tendent vers la solution contraire. Dans l'ordre des choses, il ne faut pas s'attendre à ce que cette opération soit effectuée avec une précision scientifique.

Ce point de vue semble se concilier avec les remarques qu'a formulées lord Wright, du Conseil privé, dans une décision peu connue intitulée Montreal Locomotive Works [...]

[49] En définitive, il faut se poser la question suivante : « La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte » ? Si la réponse est affirmative, écrivait le juge Cooke[7], il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, il s'agit d'un contrat de louage de services. Le juge Cooke ajoutait ceci :

[TRADUCTION]

Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement.

[50] Le juge de première instance, concluait le juge MacGuigan, doit soupeser tous les facteurs pertinents. Chaque cas doit être examiné selon les faits qui lui sont propres. Chaque cas a ses propres particularités qui influencent le juge présidant le procès. Tous les faits, considérés ensemble, détermineront la relation entre la personne qui fournit un service et celle qui paie pour ce service.

[51] Dans la présente espèce, il est clair que l'entreprise exploitée était celle de la Fimrite. La Fimrite exerçait un contrôle quant à savoir quel travailleur accomplirait une tâche donnée et quel prix serait demandé au client. Le travailleur n'avait aucune latitude dans le choix d'un travail ou ne pouvait demander un tarif différent de celui que la Fimrite avait indiqué. Le matériel, soit les camions à vapeur et les camions-citernes sous vide, qui était nécessaire pour accomplir l'essentiel du travail, appartenait à la Fimrite. Les travailleurs fournissaient effectivement certains instruments de travail, soit habituellement de petits outils, mais, sans l'équipement fourni par la Fimrite, aucun travail n'aurait pu être accompli.

[52] Les travailleurs individuels étaient autorisés à engager un aide au besoin; la Fimrite versait une somme supplémentaire au travailleur si un aide était engagé; le travailleur ne prenait pas à sa charge le coût total des services de l'aide[8]. Les risques financiers pour le travailleur étaient minimes.

[53] Les travailleurs se présentaient eux-mêmes pour travailler comme employés de la Fimrite. Certes, ils n'avaient pas besoin de supervision dans l'exécution de leur travail, mais c'était parce qu'ils avaient une excellente formation et qu'ils étaient compétents. Il s'agissait d'employés de la Fimrite.

[54] M. Fimrite prenait ombrage du fait que l'appelante avait été obligée de changer le mode de paiement des travailleurs après que Revenu Canada eut déterminé que les travailleurs étaient des employés, ce qui avait fait que la Fimrite avait perdu certains de ses travailleurs. Le mode de paiement n'est qu'un des nombreux facteurs qui déterminent la véritable relation entre le fournisseur et l'utilisateur du service. Rien n'empêche la Fimrite de continuer à payer ses travailleurs comme avant, pourvu qu'elle effectue les retenues sur la paye qui sont prévues par la loi. La véritable nature de la relation entre la Fimrite et les travailleurs doit être comparée avec ce qu'il en est dans le cas de la relation entre la Fimrite et les concurrents auxquels elle fait fréquemment appel. Dans cette dernière situation, par exemple, un concurrent comme la Bob's détermine les tarifs et n'est assujetti à absolument aucun contrôle de la part de la Fimrite, et ce, parce que le concurrent est un entrepreneur indépendant.

[55] Les appels sont rejetés, et les règlements du ministre sont confirmés.

Ottawa, Canada, le 14 août 1998.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme le 4 février 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Divers documents mentionnent Beverly Headon, Bev Steiner et Bev Pittman comme employées de l'appelante. L'avocat de l'appelante a fait savoir que Bev Steiner, Bev Pittman et Beverly Headon sont une seule et même personne.

[2]           Dans les présents motifs, les personnes dont il est question aux alinéas a) et b) sont collectivement appelées les « travailleurs » et individuellement appelées le « travailleur » .

            La Loi sur l'assurance-emploi est entrée en vigueur le 30 juin 1996, mais les présents motifs renvoient dans tous les cas à la Loi sur l'assurance-chômage, ainsi qu'au Régime de pensions du Canada.

[3]           Un certain M. Sherman travaillait pour la Fimrite comme « entrepreneur » . M. Sherman était propriétaire d'un atelier, et certains travaux d'entretien relatifs aux camions de la Fimrite y étaient accomplis.

[4]           87 DTC 5025.

[5]           Jugement précité, p. 5029.

[6]           Vicarious Liability in the Law of Torts, Londres, Butterworths, 1967, p. 38.

[7]           Affaire Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, pages 738 et 739, citée par le juge MacGuigan dans l'arrêt Wiebe Door, précité, à la page 5030.

[8]           Aucun élément de preuve n'a été présenté quant au salaire versé à l'aide.

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