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Date: 19981029

Dossier : 96-2339-IT-G

ENTRE :

TIMOTHY R. PEDWELL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] M. Timothy Pedwell, l'appelant, a interjeté appel contre les cotisations d'impôt établies pour 1989, 1990, 1991 et 1992 pour les motifs suivants :

aucune somme n'aurait dû être ajoutée à ses revenus pour chacune des années en appel conformément aux paragraphes 15(1) et 57(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”);

il n'a pas sciemment, ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde dans l'exécution d'un devoir ou d'une obligation imposés par la Loi, fait un faux énoncé ou une omission ni n'y a participé dans ses déclarations de revenu à l'égard d'aucune des années faisant l'objet des appels et, par conséquent, aucune pénalité ne devrait être imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi; et

les cotisations d'impôt pour les années 1989 et 1990 sont prescrites : alinéa 152(4)a) de la Loi.

[2] Me Pedwell, qui est avocat, s'est joint à l'étude de son père en 1987 et, à l'époque du procès, il exerçait sa profession seul à St. Catharines (Ontario). Le droit immobilier, particulièrement le droit immobilier résidentiel, constitue la grande partie de la pratique de Me Pedwell.

[3] Me Pedwell est titulaire de nombreux diplômes universitaires : baccalauréat ès arts en économie et sciences politiques, baccalauréat en commerce et maîtrise en gestion des affaires. Pendant ses études, il a suivi plusieurs cours de comptabilité.

[4] À toutes les époques concernées, Me Pedwell était l'unique actionnaire, administrateur et cadre de Turgovia Fruit Co. Ltd. (“ Turgovia ”), une compagnie qui, nonobstant sa raison sociale, loue des bars et des restaurants.

[5] Me Pedwell a aussi une participation dans 718615 Ontario Ltd. (la “ société à dénomination numérique ”), une compagnie qui possède des immeubles de bureaux et d'appartements. Lui et sa soeur, Mme Kimberley Pedwell, possèdent chacun 50 pour cent des parts émises de la société à dénomination numérique, et Me Pedwell en est le président et l'un des administrateurs.

[6] Me Pedwell a reconnu qu'à toutes les époques concernées, il était l'âme dirigeante de la société à dénomination numérique et de Turgovia.

[7] Par entente en date du 12 août 1988, Turgovia a convenu d'acheter de la succession de M. Clarence E. Peacock, décédé (la “ succession ”), approximativement 84 acres de terres agricoles dans la ville de Pelham (Ontario) (le “ bien-fonds ”), contre la somme de 182 000 $ plus les frais associés; le prix d'achat total était de 183 593 $[1]. Les parties reconnaissent que Turgovia a acquis le bien-fonds pour l'avantage de la société à dénomination numérique. Cette dernière a financé l'achat du bien-fonds en empruntant de Me Pedwell le prix d'achat total. Me Pedwell a trouvé l'argent nécessaire dans ses ressources personnelles et en empruntant 100 000 $ à Turgovia. La société à dénomination numérique a inscrit l'acquisition du bien-fonds dans ses livres en qualité de stock et elle a constitué un compte de prêt des actionnaires à l'égard de la somme de 183 593 $ avancée par Me Pedwell. Au cours des années visées par l'appel, la société à dénomination numérique a capitalisé tous les frais de possession associés au bien-fonds. Les sommes capitalisées s'élevaient à 12 404 $ en 1990, à 22 311 $ en 1991 et à 749 $ en 1992.

[8] À peu près à l'époque où a été conclu le contrat de vente du bien-fonds, la succession avait demandé l'autorisation à la Commission des affaires municipales de l'Ontario (la “ CAMO ”) de retrancher un acre du bien-fonds. Le bien-fonds était “ essentiellement une ferme ” où avait vécu feu M. Peacock en compagnie de son épouse, Mme Lilly Peacock. La parcelle d'un acre (le “ lot bâti ”) devant être retranchée du bien-fonds contenait la maison familiale des Peacock où Mme Peacock continuait d'habiter. Les parties ont convenu que si le lot bâti n'était pas retranché avant la clôture de la vente, le prix d'achat de la parcelle d'un acre serait majoré de 2 100 $; cependant, la succession aurait le droit de racheter l'acre en question dans l'année de la clôture au prix de 2 100 $ plus les intérêts au taux de 10 pour cent par an à partir de la clôture. On présumait que le retranchement se ferait dans l'année. En attendant, Mme Peacock continuerait d'habiter le bien-fonds.

[9] Certains membres de la famille de Mme Peacock souhaitaient conserver plus d'un acre du bien-fonds, mais Me Pedwell les a informés que cela n'était pas possible dans les circonstances.

[10] Me Pedwell a déclaré avoir acheté le bien-fonds par l'entremise d'une société parce qu'il voulait se rendre admissible à une subvention du ministère de l'Agriculture de l'Ontario sous le régime du “ programme de réduction des superficies de culture du raisin ”. Selon Me Pedwell, en application du programme, des subventions devaient être accordées aux propriétaires de terres productrices de raisin pour réduire les superficies de culture du raisin. En qualité d'avocat, a-t-il précisé, il n'était pas admissible à recevoir une subvention parce qu'il n'était pas agriculteur à temps plein. Quoi qu'il en soit, la société à dénomination numérique n'était pas admissible à la subvention recherchée.

[11] Le contrat de vente a été conclu le 31 octobre 1988. Le bien-fonds n'avait pas été morcelé avant la clôture. La CAMO n'a approuvé le morcellement qu'en février 1989. Toutefois, le lot bâti n'a jamais été retranché du bien-fonds de la façon envisagée initialement par l'appelant et la succession.

[12] Me Pedwell se souvient que Mme Peacock ne s'est pas présentée à l'audience de la CAMO en février 1989. Il a appris qu'elle souffrait de cancer et “ il était douteux qu'elle survivrait ”. Pendant ce temps, le voisin des Peacock, qui s'était à l'origine opposé à la demande de morcellement, a envisagé d'en appeler de la décision de la CAMO. Me Pedwell a demandé de rencontrer les trois filles de Mme Peacock qui souhaitaient conserver une partie du bien-fonds pour leur usage personnel. Me Pedwell dit avoir parlé au petit-fils et aux filles de Mme Peacock et leur avoir dit qu'il s'était peut être trompé lorsqu'il leur a dit initialement qu'ils ne pouvaient conserver aucune partie du bien-fonds. Le lotissement du bien-fonds pouvait se faire par testament. En d'autres termes, comme l'a décrit Me Pedwell, le testateur pouvait diviser le bien-fonds en lots et léguer des lots précis à diverses personnes, lotissant ou morcelant de la sorte le bien-fonds par testament. Ce genre de morcellement n'exigeait par l'approbation des autorités municipales ni de la CAMO. (La Loi sur l'aménagement du territoire de l'Ontario a depuis été modifiée de façon à empêcher ce genre de morcellement : Loi de 1991 modifiant des lois concernant l'aménagement du territoire, 1991, L.O. 1991, ch. 9, art. 1).

[13] La famille de Mme Peacock était intéressée à trouver le moyen de morceler le bien-fonds par testament.

[14] L'appelant a rédigé un projet, divisant le bien-fonds en lots et décrivant de façon précise à qui chacun serait attribué en vertu du testament. Il s'est assuré qu'il y avait un nombre suffisant de propriétaires pour qu'aucun d'entre eux ne possède des lots contigus donnant lieu à fusion. Il dit avoir compris que les filles de Mme Peacock ont montré à leur mère le projet et que celle-ci a convenu que sa famille conserverait six lots. Il a dit que les lots qui n'avaient pas été légués aux filles de Mme Peacock, c'est-à-dire les lots légués au père et à la mère de Me Pedwell, à son frère et à sa secrétaire, devaient être détenus par eux à l'avantage de la compagnie à dénomination numérique. Cet avantage tenait à ce que, dans l'éventualité où le bien-fonds serait morcelé et des permis de construire délivrés, tous les lots sur le bien-fonds augmenteraient de valeur.

[15] Me Pedwell a déclaré dans son témoignage que, selon la Loi sur l'aménagement du territoire, un lot morcelé par le biais d'un testament ne peut être détenu par une société[2]. Conséquemment, les lots ont été légués à des particuliers. Aucun n'a été légué à Me Pedwell, car il avait été témoin à la signature du testament de Mme Peacock.

[16] La première mesure visant à mettre en oeuvre la proposition de Me Pedwell a été la rétrocession du bien-fonds. Il a été cédé à Mme Peacock contre la somme d'un dollar, et non à la succession, par acte en date du 3 mars 1989 enregistré le 13 mars 1989. Mme Peacock a alors fait un testament, préparé par Me Pedwell, précisant qu'à son décès le bien-fonds devait être morcelé en environ 32 parcelles distinctes avec façade sur un chemin d'accès, et une grande parcelle sans façade sur un chemin d'accès. Plutôt que le lot initial d'un acre que devait conserver la famille Peacock, aux termes de la transaction modifiée, six des 32 parcelles ayant façade sur un chemin d'accès devaient être attribuées aux trois filles de Mme Peacock, soit deux à chacune d'elles. Les parcelles restantes devaient être cédées, par le biais du testament de Mme Peacock, au père de l'appelant, M. Keith Pedwell, à sa mère, Mme Mary Pedwell, à son frère, M. Robert Pedwell et à sa secrétaire juridique, Mme Joyce McLean. Le lot bâti ne comptait pas au nombre des lots légués aux filles de Mme Peacock.

[17] Me Pedwell a reconnu que rien dans le testament de Mme Peacock n'indiquait que les légataires étaient fiduciaires ou mandataires pour la société à dénomination numérique. De fait, il a été d'accord avec l'avocate de l'intimée pour dire qu'il n'existait aucune différence entre le libellé ou la nature des legs à ses parents et à son frère et ceux des legs aux trois filles de Mme Peacock. Chaque legs était fait à un légataire “ entièrement pour son propre usage ”.

[18] Mme Peacock est décédée le 10 mars 1989.

[19] Au décès de Mme Peacock, les fiduciaires et les exécuteurs testamentaires de sa succession ont signé des actes en faveur de chacun des bénéficiaires testamentaires, transférant à chacun d'eux le lot que leur attribuait le testament de Mme Peacock. Me Pedwell a dit que les actes transférant les lots ne pouvaient être transmis aux légataires en fiducie parce que le système du bureau d'enregistrement immobilier ne permettrait pas l'enregistrement “ en fiducie ”.

[20] Me Pedwell a déclaré que sa mère, son père et son frère ne savaient pas que les divers lots devaient leur être légués et que les lots leur avaient été cédés. Au moment où les cessions ont eu lieu, ses parents visitaient la Californie. Selon Me Pedwell, Mme McLean savait qu'elle détenait le lot en fiducie parce qu'“elle faisait la dactylographie, y compris celle du testament de Mme Peacock ”. Me Pedwell a déclaré que son père avait appris qu'il avait un titre en common law seulement lorsqu'un agent immobilier l'a appelé pour lui poser des questions. Le père de Me Pedwell a alors téléphoné à ce dernier pour savoir ce qui se passait, et ce soir-là, Me Pedwell a avisé sa mère et son père qu'ils étaient les propriétaires inscrits des lots mais pas les propriétaires bénéficiaires. C'est la société à dénomination numérique qui était la propriétaire bénéficiaire des lots, leur a-t-il dit. Me Pedwell a aussi déclaré que Mme McLean avait été la secrétaire de son père pendant environ 25 ans, et que ce n'était pas la première fois qu'elle détenait en fiducie un bien-fonds pour un client.

[21] Le 17 mai 1989, Me Pedwell, pour le compte de la société à dénomination numérique, a mis en vente le lot bâti pour la somme de 140 000 $. Le 15 juin 1989, M. et Mme David Euler ont convenu d'acheter le lot au prix de 135 000 $. Le lendemain, la société à dénomination numérique acceptait l'offre. L'affaire a été conclue le 4 juillet 1989 ou vers cette date. Le produit net de la vente a été versé, en fiducie, à Pedwell et Pedwell, le cabinet d'avocats de Me Pedwell. Le cabinet a tiré des chèques sur son compte en fiducie, soit 100 000 $ en faveur de la société à dénomination numérique et 25 360 $ en faveur de Me Pedwell. Aucune partie du produit de la vente du lot n'est allée à la société à dénomination numérique, et aucune modification n'a été effectuée au compte de prêt de Me Pedwell auprès de la société à dénomination numérique. Cette dernière lui devait encore 183 593 $, selon ses livres de comptes. Me Pedwell a reconnu que les états financiers de la société à dénomination numérique étaient préparés à la fin de chaque année “ dans le cours normal des affaires ”.

[22] Le comptable de Me Pedwell a établi à 106 974 $ les bénéfices tirés de la vente du lot bâti. Ni Me Pedwell, ni la société à dénomination numérique ni aucun autre membre de sa famille n'ont déclaré ces bénéfices dans une déclaration de revenu pour 1989 ou pour la période en question. Au cours de la vérification de la déclaration de revenu de Me Pedwell que Revenu Canada a effectuée pour 1989, l'appelant a écrit au fisc que la maison familiale des Peacock, soit le lot bâti, était sa résidence principale et que, par conséquent, le profit réalisé sur la vente du lot bâti n'était pas imposable. Dans sa lettre du 28 juin 1994 à Revenu Canada, Me Pedwell a écrit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il semble, d'après votre lettre, que le ministère a adopté la position selon laquelle les impôts sont levés en fonction de la propriété en common law du bien-fonds plutôt que de sa propriété bénéficiaire. Veuillez confirmer que c'est bien là la position du ministère. Comme nous en avons discuté avec vous et avec les autres enquêteurs lors de la réunion avec M. Forsyth, la propriété du fonds de terre a son importance dans la détermination du traitement fiscal approprié.

M. Forsyth était le comptable de Me Pedwell, de Turgovia et de la société à dénomination numérique.

[23] M. Forsyth a rédigé un sommaire des bilans de la société à dénomination numérique jusqu'au 30 juin, pour chacune des années d'imposition 1992, 1991, 1990 et 1989. Le fonds de terre obtenu de Mme Peacock est désigné comme étant un actif de la société à dénomination numérique pour chacune des quatre années concernées. De plus, un prêt d'actionnaire représentant la somme que Me Pedwell a avancée à la compagnie est désigné comme étant une dette de la compagnie : le sommaire des bilans ne montre pas que le produit de la vente aux Euler, et le partage subséquent du produit par le cabinet d'avocats de Me Pedwell, ont réduit la dette de la société envers ce dernier. Il n'a pu expliquer la raison pour laquelle, si la société à dénomination numérique était propriétaire bénéficiaire des lots, son emprunt n'a pas été réduit puisqu'à l'avis de Me Pedwell, une partie du prêt lui avait été remboursée. Il a déclaré que ce n'est qu'en commençant à se préparer pour les appels en cause qu'il s'est rendu compte que la dette de la société à dénomination numérique était surévaluée de 135 000 $.

[24] Quant à sa prétention que le lot bâti constituait sa principale résidence, Me Pedwell a déclaré qu'il habitait plusieurs mois la maison de la ferme et qu'il croyait pouvoir la déclarer en qualité de résidence principale. Il dit avoir réalisé plus tard que c'était la société à dénomination numérique, et non lui, qui devrait comptabiliser tout bénéfice réalisé sur le lot bâti. Me Pedwell a aussi ajouté qu'aucun permis de construire n'ayant été délivré pour le lot bâti, sa vente n'avait donné lieu qu'à un bénéfice insignifiant.

[25] En 1989, Landpark Homes Inc. en fiducie (“ Landpark ”) a convenu d'acheter de M. Keith Pedwell, Mme Mary Pedwell et Mme McLean, 16 des lots pour le prix de 1 080 000 $. Landpark a versé des arrhes de 22 500 $, soit 1 500 $ par lot. L'appelant a conservé les arrhes. Ici non plus, les arrhes ne figurent pas au bilan de la société à dénomination numérique à la fin de 1989 ni d'aucun autre exercice financier. Les opérations conclues avec Landpark devaient se clore à la date la plus rapprochée, soit le 31 décembre 1990, soit lorsque Landpark réclamerait un titre à l'égard d'un lot, mais aucune vente de lot n'a eu lieu. Au cours de 1993 ou de 1994, s'est souvenu Me Pedwell, le mandataire de Landpark a demandé que les arrhes lui soient rendues, et Me Pedwell lui a remis l'argent.

[26] C'est le conseil municipal qui délivre les permis de construire. Le conseil municipal de Pelham a refusé de délivrer des permis de construire à l'égard des lots du bien-fonds. Conséquemment, en 1992, les parents et le frère de Me Pedwell, ainsi que Mme McLean, ont intenté une action contre la cité de Pelham pour la contraindre à délivrer les permis réclamés, entre autres choses. En 1990, les Pedwell, Mme McLean et Landpark avaient poursuivi la cité de Pelham pour le préjudice consécutif au refus de délivrer des permis de construire. Les Pedwell et Mme McLean ont fait valoir dans les actes de procédure qu'ils étaient les propriétaires des lots conformément au testament de Mme Peacock. Ils n'ont jamais fait valoir qu'ils détenaient les lots en fiducie pour la société à dénomination numérique.

[27] Mme McLean est décédée en 1992. Le lot à son nom était inclus dans sa succession. Me Pedwell a déclaré qu'il “ n'a pas été capable d'aller trouver son mari et lui dire que le bien-fonds n'était pas à elle ”. Elle s'était mariée seulement deux ans avant sa mort. Me Pedwell a dit que son père et lui avaient été très liés avec Mme McLean en raison de ses longs états de services auprès de leur cabinet juridique, et qu'il lui répugnait de faire quoi que ce soit susceptible de se mettre sa famille à dos.

[28] L'avocate de l'intimée a interrogé Me Pedwell au sujet de l'acte translatif de la propriété du lot bâti aux Euler. L'acte désigne Me Pedwell et sa mère en qualité de cédants. Me Pedwell a expliqué que, puisqu'il avait déjà habité la maison, il avait un droit non enregistré sur le lot. Il était président de la société qui était propriétaire du lot. Aux questions insistantes de l'avocate de l'intimée, Me Pedwell a répondu qu'il pouvait avoir eu un droit sur le lot bâti dont l'acheteur voulait obtenir décharge. Il a déclaré que, dans toutes les opérations immobilières auxquelles il avait participé et dans lesquelles une société vendait des biens immobiliers, les administrateurs de la société déclaraient n'avoir aucun droit sur les biens. En tout état de cause, la société à dénomination numérique n'est pas désignée comme étant partie à l'acte.

[29] Me Pedwell a convenu que sa mère n'avait reçu aucune somme des Euler pour la vente du lot bâti.

[30] Le sommaire des bilans montre qu'à la fin de 1989, la société à dénomination numérique devait 204 381 $ aux actionnaires. En contre-interrogatoire, Me Pedwell a reconnu être le seul actionnaire de la société à dénomination numérique qui ait avancé de l'argent à cette dernière. Plus tôt, il avait prêté de l'argent à la société pour l'achat d'un immeuble de bureaux. Il s'est toutefois rappelé que sa soeur avait investi environ 10 000 $ dans la société. Cependant, Me Pedwell n'a pu préciser quelle partie de la somme due aux actionnaires lui était due et quelle partie était due à sa soeur. Il n'a pu dire à l'avocate de l'intimée s'il avait obtenu 100 000 $ de Turgovia pour faire une avance à la société à dénomination numérique au moyen d'un prêt ou autrement. Il a dit que l'argent était passé par son cabinet d'avocats. Il a expliqué que l'avance de Turgovia était indirecte : Turgovia a libellé un chèque de 100 000 $ au profit de son cabinet juridique, et l'appelant a rédigé un chèque de 82 000 $ également au profit de son cabinet; ce dernier a alors rédigé un chèque de 182 000 $ pour l'achat du bien-fonds de la succession.

[31] M. Forsyth est un comptable agréé qui, à toutes les époques concernées et au moment du procès, pratiquait à St. Catherines. Il a présenté des observations à Revenu Canada pour le compte de Me Pedwell. M. Forsyth n'a pas été cité comme témoin à l'appel en l'espèce, bien qu'il ait été disponible. Me Pedwell a dit que lui et M. Forsyth ne s'étaient pas parlé “ depuis des mois ”.

[32] Me Pedwell a déclaré que ses parents, son frère ainsi que Mme McLean avaient signé des déclarations de fiducie, attestant que la propriétaire bénéficiaire des lots était la société à dénomination numérique. Ces déclarations ont été signées “ en deçà d'un mois ” du décès de Mme Peacock, a-t-il dit. Un document a été signé par tous les propriétaires inscrits aussi bien que par la société à dénomination numérique. Me Pedwell, l'appelant, a signé au nom de la société à dénomination numérique. Il a dit que son frère, sa mère et son père avaient signé les déclarations à leur domicile et qu'il avait ensuite apporté les documents à son bureau. Me Pedwell croit qu'il se peut que sa soeur ait été chez ses parents pour être témoin de la signature des déclarations de fiducie, mais il ne pouvait pas s'en souvenir. Mme McLean a signé la déclaration de fiducie au cabinet d'avocats. Me Pedwell ne pouvait non plus se souvenir si un seul document ou plusieurs avaient été signés. Et il ne pouvait se rappeler “ expressément ” si des copies avaient été remises à sa mère ou à son père. Quoi qu'il en soit, le cabinet de Me Pedwell a été cambriolé le 21 mars 1993 et plusieurs de ses dossiers, y compris les déclarations de fiducie, ont été volés, a-t-il déclaré.

[33] Mme Mary Pedwell, la mère de l'appelant, a déclaré dans son témoignage qu'elle était cessionnaire d'un droit sur plusieurs lots en vertu du testament de Mme Peacock. Elle a déclaré qu'elle ignorait totalement être cessionnaire avant que son fils ne l'en avise à son retour de Californie. Elle a dit également qu'elle avait signé un document précisant que les lots à son nom appartenaient à la société à dénomination numérique. Elle a reconnu n'avoir reçu aucune partie du produit de la vente aux Euler, bien qu'elle ait été la propriétaire inscrite du lot bâti.

[34] M. Keith Pullen, vérificateur d'entreprises auprès de Revenu Canada, a aussi témoigné. Il a procédé à la vérification de la société à dénomination numérique. Lorsqu'on lui a confié la vérification en 1993, il a constaté que la société à dénomination numérique avait omis de produire des déclarations pour les années 1990, 1991 et 1992. Il s'est adressé à Me Pedwell pour lui demander de produire des déclarations pour les années en question. Comme ce dernier ne s'exécutait pas, il lui a fait adresser une “ sommation ”. Le 13 juillet 1993, il a rencontré Me Pedwell au bureau de celui-ci pour discuter des opérations relatives au bien-fonds. Me Pedwell lui a dit de s'adresser à M. Forsyth. Il lui a également appris qu'il manquait certains documents en raison du cambriolage à son bureau.

[35] Me Pedwell a dit à M. Pullen qu'il avait vendu le lot bâti sans en déclarer la vente parce que le lot était sa résidence principale et, par conséquent, non imposable. M. Pullen et un autre vérificateur ont interrogé les gens qui habitent près du bien-fonds, et ceux-ci leur ont dit que personne n'avait vécu dans la maison des Peacock sur le lot bâti depuis la mort de Mme Peacock. M. Pullen a déclaré que bien que Me Pedwell ait dit avoir habité le lot bâti et ait affirmé que la maison qui y est construite constituait sa résidence principale, il n'a pas prétendu qu'il était personnellement propriétaire du lot.

[36] M. Pullen a déclaré qu'il avait discuté avec Me Pedwell du fait que la société était propriétaire bénéficiaire du bien-fonds et aussi de la façon dont les lots étaient divisés. Me Pedwell l'a informé que des membres de sa famille détenaient les lots pour le compte de la société à dénomination numérique, et il a précisé que le registre des procès-verbaux de la société se trouvait chez M. Forsyth.

[37] Le 14 juillet 1993, M. Pullen a rencontré M. Forsyth au bureau de ce dernier et il a examiné tous les dossiers du comptable concernant la société à dénomination numérique. M. Forsyth n'avait pas le registre des procès-verbaux de la société à dénomination numérique ni aucun accord de fiducie. Il s'est entretenu “ seulement brièvement ” avec M. Forsyth parce qu' “ il était très occupé ”.

[38] En examinant les dossiers de M. Forsyth, M. Pullen a vu des feuilles de travail, des bordereaux de dépôt et des listes de dépenses faites par Me Pedwell, aussi bien que des chèques et des relevés bancaires. Il a admis avoir vu des contrats de vente des lots, mais il était d'avis que seule la vente aux Euler avait été complétée.

[39] Parmi la documentation que M. Pullen a trouvée dans les dossiers de M. Forsyth figurait une feuille de travail intitulée “ Ventes Pedwell ” (pièce R-1, onglet 22). Selon ce document, M. Forsyth semblait présumer que le vendeur du lot bâti était la société à dénomination numérique et que les vendeurs des lots bâtis cédés à Landpark étaient M. et Mme Pedwell, les parents de l'appelant. Une troisième vente était aussi notée, soit une vente conclue en février 1990 entre un certain Prysiazny et M. Robert Pedwell, Mme Mary Pedwell et une personne appelée “ Blair ”, sans doute le veuf de Mme McLean. M. Forsyth a établi les taux d'imposition applicables à la vente des lots, selon que le vendeur était un particulier ou une société. Si le vendeur était un particulier, M. Forsyth a cherché à savoir s'il était admissible à recevoir l'exonération des gains en capital. D'autre part, si le vendeur se trouvait être une société, M. Forsyth a étudié la possibilité d'un “ dépouillement à une autre société et une autre personne à taux bas d'imposition ”.

[40] M. Pullen a reconnu que Revenu Canada avait établi la cotisation de Me Pedwell en tenant pour acquis qu'il s'était approprié le bien-fonds de la société à dénomination numérique lorsque celle-ci l'avait cédé à Mme Peacock. Il a désigné les propriétaires inscrits des lots comme étant propriétaires pour son propre avantage. Revenu Canada convient que le transfert original du bien-fonds par la succession à la société à dénomination numérique était un transfert valide d'un bien à la société. Lorsque le lot bâti a été vendu et que Landpark a versé des arrhes de 22 500 $ en vue de l'achat d'autres lots, c'est Me Pedwell et non la société à dénomination numérique qui a eu l'argent. Cette dernière n'a déclaré aucune vente de bien-fonds dans ses déclarations de revenu. Ce fait confirme, aux yeux de Revenu Canada, que Me Pedwell est devenu le propriétaire bénéficiaire des lots du bien-fonds. M. Pullen a admis qu'il s'est fié à la destination de l'argent à la vente du lot bâti et aux arrhes versées par Landpark pour déterminer qu'il y avait eu appropriation. Il dit n'avoir jamais considéré que Me Pedwell avait habité le lot bâti ni que la société à dénomination numérique avait vendu des lots à Me Pedwell.

[41] Une pénalité prévue par le paragraphe 163(2) a été imposée à Me Pedwell, à l'instigation de M. Pullen, parce que l'appelant n'a jamais déclaré le revenu provenant de la vente des biens-fonds, c'est-à-dire la vente aux Euler et les arrhes versées par Landpark.

[42] Dans son interrogatoire préalable, M. Pullen a expliqué qu'à son avis, la mère, le père et le frère de Me Pedwell ainsi que Mme McLean étaient à la fois propriétaires en common law et propriétaires bénéficiaires des lots. Au procès, il a déclaré que si Mme Pedwell, par exemple, avait voulu conserver le produit de la vente du lot bâti, elle aurait pu le faire. À l'avocate de l'intimée qui lui demandait pourquoi Mme Pedwell n'avait pas été imposée, M. Pullen a répondu que, lorsque le “ bien-fonds a été légué par testament, il est devenu la propriété de l'appelant ”, et que sa mère a décidé de le laisser garder l'argent. En tout état de cause, a dit M. Pullen, l'appelant était le “ cerveau ” de l'opération, et Revenu Canada pouvait donc établir une cotisation en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi, car le produit de la vente constituait pour l'appelant un revenu d'entreprise. Au procès, il s'est montré d'avis que Me Pedwell, et non sa mère, était propriétaire du lot bâti et des autres lots.

[43] La majeure partie de la pratique de Me Pedwell est consacrée à l'immobilier. Cependant, ni ses livres de compte ni ceux de la société à dénomination numérique ne contiennent les écritures de journal appropriées. De plus, la société à dénomination numérique n'a pas produit de déclarations de revenu pendant trois ans. M. Pullen a dit que Me Pedwell n'a jamais informé Revenu Canada d'un cambriolage à son étude ni de son inhabilité à produire des déclarations pour le compte de la société. C'est seulement lorsque Revenu Canada l'a mis en demeure de produire des déclarations que la société a rédigé les déclarations de revenu nécessaires. Me Pedwell a rempli toutes les formalités juridiques associées à l'opération; il a rédigé le testament de Mme Peacock et il a préparé les actes donnant effet aux dispositions testamentaires. M. Pullen a aussi déclaré dans son témoignage que Me Pedwell avait représenté des contribuables au bureau de Revenu Canada à St. Catherines et qu'il connaissait, ou aurait dû connaître, l'obligation de produire des déclarations exactes. Par conséquent, M. Pullen a recommandé l'imposition de pénalités à Me Pedwell.

[44] Dès lors que Me Pedwell a décidé que la société à dénomination numérique allait céder le bien-fonds à Mme Peacock pour qu'elle lègue divers lots aux personnes qu'il lui désignerait, il ressort de la preuve que Me Pedwell a perdu de vue le fait que la société à dénomination numérique était propriétaire du bien-fonds. Après avoir obtenu le legs des lots à ses parents, à son frère et à Mme McLean, Me Pedwell croyait qu'il pouvait en faire ce qu'il voulait sans égard à leur véritable propriété bénéficiaire.[3]

[45] Au moment de la vente d'un lot, Me Pedwell déterminait qui en était le propriétaire bénéficiaire. Tant qu'un lot n'était pas vendu, il ne se préoccupait pas de la question banale du propriétaire véritable. Ainsi, lorsque le lot bâti a été vendu aux Euler, il a compris que les bénéfices de la vente pourraient échapper à l'impôt si le lot constituait sa résidence principale. En qualité d'avocat spécialisé dans le domaine de l'immobilier résidentiel, il savait que cette position n'était viable que s'il était propriétaire bénéficiaire du lot bâti et qu'il habitait réellement la maison qui s'y trouvait.

[46] En faisant valoir auprès de Revenu Canada que le lot bâti avait été sa résidence principale, il affirmait aussi - directement ou d'autre façon - qu'il en était le propriétaire bénéficiaire. Il n'est donc pas étonnant que les fonctionnaires de Revenu Canada, se fondant sur les prétentions de Me Pedwell, aient considéré qu'il était devenu le propriétaire bénéficiaire des lots légués aux membres de sa famille et à Mme McLean.

[47] La feuille de travail intitulée “ Ventes Pedwell ” (pièce R-1, onglet 22), rédigée par M. Forsyth, confirme dans une certaine mesure que quelqu'un, soit Me Pedwell, soit M. Forsyth, a considéré possible que les lots légués aux parents de Me Pedwell, à son frère et à Mme McLean aient différents propriétaires bénéficiaires. Ces personnes sont désignées comme étant les propriétaires respectifs des lots suivants : la société à dénomination numérique comme étant la propriétaire du lot bâti, Mme Mary Pedwell et M. Keith Pedwell comme étant les propriétaires de certains lots (les lots 7 à 25 sous réserve d'un contrat de vente avec Landpark) et d'autres personnes comme étant les propriétaires des lots assujettis à un contrat de vente conclu avec Prysiazny. Il était aussi fait mention d'un autre lot, le “ lot 23 ”, sans vendeur désigné.

[48] L'intimée est d'avis que Me Pedwell a ordonné le transfert des lots à ses parents, à son frère et à Mme McLean à son avantage. Me Pedwell a fait en sorte que la société à dénomination numérique transfère le bien-fonds à Mme Peacock pour qu'elle puisse le léguer à des personnes qui détiendraient un titre en common law sur les lots au profit de l'appelant, lui conférant de la sorte un avantage au sens accordé à ce mot par le paragraphe 15(1) de la Loi.

[49] À mon sens, la société à dénomination numérique a continué à détenir la propriété bénéficiaire du bien-fonds avant la cession à Mme Peacock, après cette cession et après le décès de Mme Peacock, lorsque les lots ont été légués aux membres de la famille de Me Pedwell et à Mme McLean[4].

[50] L'avocate de l'intimée a soutenu que, sous le régime de la Loi sur l'aménagement du territoire, les légataires doivent être les propriétaires bénéficiaires du bien-fonds par l'effet de la loi. Il s'ensuit donc que les membres de la famille de Me Pedwell doivent être les propriétaires bénéficiaires des lots. Je ne suis pas de cet avis. La Loi sur l'aménagement du territoire ne crée pas un droit de propriété sur des biens mais ne fait que régir l'exercice de droits de propriété déjà existants. On ne peut tirer des conclusions en matière de propriété sur le fondement de l'observation apparente de la Loi sur l'aménagement du territoire. Dans l'arrêt Re Wood and Dennet[5], le juge Maloney a écrit à la p. 343 :

[TRADUCTION]

L'effet de la Loi sur l'aménagement du territoire sur les fonds de terre régis par la Loi sur l'enregistrement des droits immobiliers dépend des dispositions de la seconde Loi, qui définit les domaines des propriétaires inscrits. Lorsqu'elle assujettit les transferts de droits à des dispositions de réglementation en matière de lotissement, on ne peut considérer que la Loi sur l'aménagement du territoire entache de nullité ou redéfinit ce qui, en droit, constitue la propriété des fonds de terre en question. [. . .]

[51] Quoi qu'il en soit, je ne partage pas nécessairement l'avis de Me Pedwell que le lotissement du bien-fonds s'est fait conformément à la Loi sur l'aménagement du territoire. Je peux statuer sur les appels en l'espèce sans avoir à tirer de conclusion en ce sens. Comme je l'ai déjà dit, selon les faits qui me sont présentés, la société à dénomination numérique était à toutes les périodes concernées, et continue d'être, la propriétaire bénéficiaire des lots morcelés et légués aux membres de la famille de Me Pedwell et à Mme McLean[6]. La Cour de l'Ontario (Division générale) a entendu une affaire visant des questions reliées à la Loi sur l'aménagement du territoire, mais elle ne s'était pas encore prononcée au moment du procès[7].

[52] À la clôture de la vente aux Euler, le produit appartenait à la société à dénomination numérique. Or, celle-ci n'en a jamais touché un sou. Cette situation n'est pas attribuable à une simple erreur, mais elle est la conséquence naturelle du défaut de Me Pedwell d'avoir réfléchi à la question évidente de la propriété bénéficiaire des lots en général, et du lot bâti en particulier. Il a cherché à tirer le meilleur avantage fiscal possible de la vente du lot bâti; l'identité du propriétaire bénéficiaire lui importait peu. S'il avait agi en qualité d'avocat pour un client autre que la société à dénomination numérique dans les circonstances en cause, Me Pedwell serait sûrement poursuivi par son client.

[53] Le versement du produit de la vente provenant des Euler dans le compte en fiducie de Pedwell et Pedwell et les paiements effectués à Turgovia et à Me Pedwell sur le compte en fiducie constituaient des appropriations de biens de la part de Me Pedwell. Celles-ci totalisaient le produit net de la vente, soit la somme de 125 360 $.

[54] Comme j'ai conclu qu'à toutes les époques pertinentes, la société à dénomination numérique était la propriétaire bénéficiaire des lots morcelés, cette dernière était tenue de payer les frais de possession et les autres frais reliés aux lots en 1990, 1991 et 1992. Les frais payés par la société à dénomination numérique l'étaient pour son propre compte et non pour celui de Me Pedwell.

[55] La somme de 125 360 $ provenant des Euler et la somme de 22 500 $ que Landpark a versée à Me Pedwell constituaient un bien appartenant au propriétaire bénéficiaire du lot bâti et des lots qu'il avait été convenu de vendre à Landpark. Me Pedwell a reconnu qu'il était l'âme dirigeante aussi bien de la société à dénomination numérique que de Turgovia. Il est aussi l'âme dirigeante de l'étude Pedwell et Pedwell, et c'est lui qui a ordonné la répartition des fonds de sorte que les 100 000 $ qu'il a empruntés à Turgovia soient remboursés. Me Pedwell a agi de la sorte parce qu'il avait pour position que le lot bâti était sa résidence principale aux fins de la Loi, situation dont il savait qu'elle ne pouvait exister que s'il avait été le propriétaire bénéficiaire du lot bâti. Il a aussi fait en sorte que Pedwell et Pedwell lui verse les arrhes de 22 500 $ de Landpark. L'omission d'inscrire les opérations effectuées avec les Euler et Landpark dans les livres de comptes de la société à dénomination numérique ne ressemble même pas de loin aux faits en cause dans l'affaire Clayton Long v. the Queen[8]. Dans l'arrêt Long, le juge Bowman, de la C.C.I., a conclu, à la p. 1421, que le simple fait d'omettre par inadvertance de redresser un compte de prêt susceptible de correction ne crée pas l'assujettissement à l'impôt. En l'espèce, l'omission de redresser le compte de prêt de la société à dénomination numérique n'était pas due à de l'inadvertance. Ce n'était pas une erreur du tout, mais c'était intentionnel. Me Pedwell avait l'argent en main et cela lui suffisait.

[56] Me Pedwell a commis une faute lourde en ne déclarant pas l'argent qu'il s'est approprié de la société à dénomination numérique en 1989. Il est un avocat qui pratique le droit immobilier. Il est aussi titulaire d'un diplôme en gestion des affaires et il a étudié la comptabilité. Il a également négocié avec Revenu Canada pour ses propres clients qui avaient des problèmes avec le fisc. Les antécédents de Me Pedwell ne sont pas semblables à ceux de M. Venne, par exemple[9]. Me Pedwell connaît ses responsabilités en vertu de la Loi. En qualité d'avocat pratiquant le droit immobilier, il s'efforçait d'atteindre un objectif précis, c'est-à-dire de lotir légitimement le bien-fonds, mais une fois celui-ci loti, il ne s'est pas préoccupé de l'identité des propriétaires bénéficiaires des lots.

[57] Me Pedwell, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde dans l'exercice d'un devoir ou d'une obligation imposés par la Loi, a participé à un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenu pour 1989 et il est passible de la pénalité prévue au paragraphe 163(2).

[58] Je conclus qu'étant donné mes conclusions à l'égard de la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2), l'année d'imposition 1989 n'est pas prescrite puisque Me Pedwell a présenté les faits de façon erronée dans sa déclaration de revenu pour 1989, situation imputable à la négligence, à l'inattention ou à une omission volontaire au sens donné à ces mots au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi.

[59] J'admets par conséquent les appels, avec dépens en faveur de l'intimée, de la façon suivante :

pour 1989,

la somme que s'est approprié l'appelant sur l'actif de 718615 Ontario Incorporated s'élevait à 147 860 $, soit le produit de la vente aux Euler, s'élevant à 125 360 $, et les arrhes de 22 500 $ versées par Landpark;

la pénalité établie à l'égard de 1989 conformément au paragraphe 163(2) devant être rajustée en conséquence;

la cotisation pour 1990 est prescrite;

pour 1991 et 1992, la somme ajoutée au revenu de l'appelant à titre d'appropriation à l'égard des coûts d'aménagement du terrain pris en charge par la société à dénomination numérique doit être retranchée et les pénalités y afférentes doivent être annulées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'octobre 1998.

“ G. J. Rip ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 21e jour de juin 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               L'avis d'appel et la réponse à l'avis d'appel disent tous deux que Mme Lulu Peacock a vendu le bien-fonds à la société à dénomination numérique. Dans ses moyens, l'avocat de l'appelant, en accord avec les actes de procédure, a déclaré que Mme Peacock était la vendeuse. Toutefois, ce fait n'est pas compatible avec les documents que les parties ont produits en guise de pièces. Le contrat de vente, l'état des rajustements préparé par le cabinet d'avocats de l'appelant et l'acte de cession du bien-fonds désignent le vendeur comme étant la “ succession de Clarence E. Peacock ”. M. Peacock est décédé sans testament le 2 septembre 1986. Mme Lulu Peacock a signé le contrat de vente et l'acte de cession en sa qualité d'administratrice de la succession de Clarence E. Peacock. De plus, la majorité des titulaires d'un droit de bénéficiaire sur la succession non testamentaire de M. Clarence E. Peacock, représentant ensemble au moins la moitié de tous les droits sur la succession, ont déclaré qu'ils approuvaient la vente; Mme Lulu Peacock, de concert avec ses trois filles, a passé l'acte de cession en sa qualité personnelle de bénéficiaire de la succession de M. Peacock. Dans les présents motifs, je tiens donc pour acquis que le vendeur du bien-fonds était Mme Peacock en sa qualité d'administratrice de la succession de M. Clarence Peacock et non pas en sa qualité personnelle.

[2]               Je ne suis pas nécessairement d'accord avec les avis juridiques que Me Pedwell a formulés au procès.

[3]               Je ne veux pas faire de commentaires sur le fait que le bien-fonds a été cédé à Mme Peacock plutôt qu'à sa succession. Il est évident qu'une cession à la succession ne pouvait satisfaire aux exigences de Me Pedwell à l'égard de transferts subséquents au moyen de legs testamentaires. L'objet de la cession du bien-fonds à Mme Peacock était de court-circuiter la procédure que Me Pedwell avait à l'esprit.

[4]               La société à dénomination numérique a cessé d'être la propriétaire bénéficiaire des six lots quand ils ont été légués aux filles de Mme Peacock. Le transfert de la propriété de ces lots aux filles de Mme Peacock constituait le prix ou la contrepartie que la société à dénomination numérique était prête à payer pour obtenir le morcellement de ses lots au moyen de legs testamentaires plutôt que d'y procéder par le biais d'audiences devant le conseil municipal local et peut-être devant la CAMO.

[5]               (1976), 15 O.R. (2d) 576 (H.C.J.).

[6]               Selon la preuve dont je dispose, il est très probable qu'au décès de Mme McLean, Me Pedwell a fait en sorte que la société à dénomination numérique transfère à la succession de Mme McLean, en guise d'avantage, le lot légué à cette dernière. Cet avantage peut avoir des incidences fiscales, mais je n'ai pas à régler cette question. Quoi qu'il en soit, il existe peut-être des faits non soulevés au cours de l'audition des appels qui peuvent réfuter la preuve qui m'est soumise.

[7]               Le jugement a été rendu dans l'affaire Pedwell v. Pelham (Town) le 25 août 1998; on peut le lire dans [1998] O.J. No 3461. Le juge Fleury a statué, notamment, qu'un règlement ayant pour effet de faire échec aux demandes des Pedwell visant à obtenir des permis de construire sur le bien-fonds était nul. Le lotissement du bien-fonds au moyen de legs testamentaires était régulier en vertu de la Loi sur l'aménagement du territoire. Je souligne que dans ses motifs, le juge Fleury désigne Mme Peacock comme étant le vendeur du bien-fonds et Me Pedwell, l'appelant, comme étant l'acheteur. Le juge Fleury a également considéré que les légataires individuels aux termes du testament de Mme Peacock étaient les propriétaires des lots du bien-fonds. Il est évident que la preuve dont il disposait différait de celle qui n'est soumise.

[8]               98 DTC 1420. Le juge Bowman, de la C.C.I., a adopté le principe appliqué dans les arrêts Gresham Life Society v. Bishop, 1902, 4 T.C. 464, 476 (H.L.) et Ed Sinclair Construction & Supplies Ltd. et al. v. M.N.R., 92 DTC 1163, 1169.

[9]               Voir l'arrêt Lucien Venne v. The Queen, [1984] C.T.C. 223 (C.F. 1re inst.).

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