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Date : 19980928

Dossier : 97-3034-IT-I

ENTRE :

JAN PERSAUD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Christie, C.C.I.

[1] Le présent appel est régi par la procédure informelle prescrite aux articles 18 et suivants de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt. L’année à l’étude est 1995.

[2] La question consiste à savoir si, dans le calcul de son revenu pour 1995, l’appelante a droit à un crédit pour frais de scolarité au montant énoncé à l’alinéa 118.5(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (“ la Loi ”). La partie applicable de l’alinéa 118.5(1)a) prévoit ce qui suit :

118.5 (1) Les montants suivants sont déductibles dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition :

a) si le particulier est inscrit au cours de l’année à l’un des établissements d’enseignement suivants situés au Canada :

(i) établissement d’enseignement - université, collège ou autre - offrant des cours de niveau postsecondaire,

(ii) établissement d’enseignement reconnu par le ministre de l’Emploi et de l’Immigration[1] comme offrant des cours - sauf les cours permettant d’obtenir des crédits universitaires - qui visent à donner ou à augmenter la compétence nécessaire à l’exercice d’une activité professionnelle,

le produit de la multiplication du taux de base[2] pour l’année par les frais de scolarité payés à l’établissement pour l’année si le total de ces frais dépasse 100 $ [...]

[3] L’appelante a versé à triOS Training Centres Limited (“ triOS ”) des frais de scolarité de 7 995 $ plus la TPS s’élevant à 559,65 $, soit un total de 8 554,65 $.

[4] Les paragraphes 1 et 7 de l’avis d’appel sont rédigés comme suit :

[TRADUCTION]

1. Les frais de scolarité ont été versés pour des cours de niveau postsecondaire offerts au Canada. J’ai comparé le programme de ces cours aux cours du Sheridan College donnant droit à des crédits, et j’ai conclu que les cours offerts par le triOS Training Centre contenaient plus de matières et d’heures d’enseignement que le cours offert par le Sheridan College, qui est admissible aux fins de l’impôt sur le revenu.

Les cours comparés sont les suivants :

triOS Training Centres (pièce B)[3]

a. Supporting Microsoft Windows 95(540)

b. Supporting Microsoft Windows NT 3.51 (505)

c. Supporting Microsoft Windows NT Server 3.51 (487)

d. Interworking Microsoft TCP/IP on Windows NO Server 3.5 (472)

e. System Administrator for Microsoft SQL Server 6 et Sheridan College (pièce C)[4]

a. Windows, Advanced (CWS 3958)

b. Windows NT Installation and Administration (CWS3776)

c. Building and Managing a LAN - Operational Issues (CWS3790)

d. TCP/IP Understanding the internetworking Protocol Suite (CWS3778)

e. Database Programming 1 & 2 (DBP3201 & DBP3202).

Les cours triOS couvraient les matières traitées par les cours du Sheridan College et dépassaient ceux-ci à tous égards. Les principales différences entre les cours des deux établissements respectifs tiennent à la technologie : les cours du triOS Training Centre sont plus avancés et conviennent d’avantage aux exigences actuelles en matière d’emploi. J’ai joint des copies des cours des deux établissements.

7. L’établissement répond aux exigences établies par Développement des ressources humaines Canada. Il possède un nom commercial et dispense ses cours ou sa formation au Canada. Il s’agit d’une entreprise privée offrant des cours - sauf les cours permettant d’obtenir des crédits universitaires - qui visent à donner ou à augmenter la compétence nécessaire à l’exercice d’une activité professionnelle reconnue. Les cours en question ne sont pas donnés en vue de conférences, d’ateliers, de séminaires, ni des cours permettant d’obtenir des crédits universitaires, des cours d’auto-perfectionnement, des cours offrant des connaissances générales, des cours de religion, des cours particuliers, des techniques applicables aux entrevues d’emploi, des cours visant la rédaction de curriculum vitae, etc. qui ne sont pas admissibles, mais ce sont des cours de formation très techniques.

Les triOS Training Centres répondent aux exigences de Développement des ressources humaines Canada en matière d’accréditation. Qu’ils n’aient pas demandé l’accréditation de devrait pas constituer l’unique raison du rejet de la déduction demandée.

[5] Le paragraphe 5 de la réponse à l’avis d’appel est rédigé comme suit :

[TRADUCTION]

5. Lorsqu’il a établi la cotisation de l’appelante et rejeté le crédit demandé, le ministre a établi les hypothèses de fait suivantes :

a) l’appelante a fréquenté le (triOS Training) Centre en 1995 pour obtenir une formation en informatique;

b) au cours de l’année d’imposition 1995, le Centre n’était pas reconnu par le ministre de l’Emploi et de l’Immigration comme étant un établissement d’enseignement qui offre des cours visant à donner ou à augmenter la compétence nécessaire à l’exercice d’une activité professionnelle;

c) les frais de scolarité de 7 995 $ que l’appelante a versés au Centre et à l’égard desquels elle a réclamé un crédit d’impôt non remboursable n’étaient pas visés par le paragraphe 118.5(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”) pour l’année d’imposition 1995.

[6] Dans son témoignage en interrogatoire principal, l’appelante a déposé que triOS n’était pas un établissement accrédité. Cela signifie que triOS n’était pas un établissement d’enseignement reconnu par le ministre de l’Emploi et de l’Immigration. Elle a ajouté :

[TRADUCTION]

“ Plus tard, j'ai constaté - que je ne savais pas que vous aviez - OK. Je ne savais pas que l’établissement devait être accrédité. Donc, j’ai cru que mon reçu attestant que j’avais payé était suffisant. J’ai appris plus tard que ce n’était pas le cas, lorsque j’ai reçu le refus du gouvernement.

J’ai demandé à triOS de se faire accréditer. D’après ce que j’ai reçu du gouvernement, je vois qu’il a tenté d’accréditer triOS, mais il ne l’a pas fait. Mais triOS donne les mêmes cours par l’entremise du Conseil scolaire de Peel, et ces cours - j’ai un livre dans lequel il est dit que le même programme est enseigné par triOS, auquel on peut s’inscrire auprès du Conseil scolaire de Peel et en obtenir un reçu aux fins d’impôt.

Ce que je ne comprends pas, c’est que les cours sont identiques. Le programme est identique. Il est dispensé par l’établissement en question, sauf que je me suis inscrite directement auprès de lui et non auprès du Conseil scolaire de Peel. On ne m’a pas donné ces renseignements à l’époque, et je ne les ai - de fait, j’en ai pris connaissance seulement au cours des derniers mois lorsqu’une brochure désormais livrée à chaque résidence est arrivée chez moi. On peut lire, en caractères fins, que les cours sont reconnus. Si je m’inscrivais auprès du Conseil scolaire, je pourrais obtenir un crédit d’impôt. Les cours sont identiques. ”

[7] Voici une partie du contre-interrogatoire de l’appelante :

[TRADUCTION]

“ Q. Ça va. Mme Persaud, le triOS Training Centre Limited est-il un collège, selon vous?

R. Non, il ne l’est pas.

Q. Est-il une université?

R. Non, il ne l’est pas.

Q. Et il n’est pas un établissement d’enseignement offrant des cours de niveau postsecondaire?

R. Non, il ne l’est pas. Pas directement

Q. Bien. Mme Persaud, comprenez-vous ce qu’est un établissement d’enseignement offrant des cours de niveau postsecondaire?

R. Oui, je crois. Mais vous pouvez continuer et ...

Le juge : Eh bien, dites-nous ce que nous croyez que c’est.

Le témoin : Je crois que c’est un établissement supérieur à l’école secondaire; que vous devriez posséder votre diplôme d’études secondaires pour aller plus loin - pour avancer plus loin dans le domaine.

Me Zaman : Connaissez-vous la distinction entre un établissement d’enseignement postsecondaire et une école de formation, Mme Persaud?

R. Pas la distinction exacte, non.

Q. Est-ce que - désolée. Allez-y.

R. Désolée. Je crois qu’il s’agit de formation, qui vous aide à obtenir un emploi, vous savez, qui vous sert professionnellement.

Q. Le programme auquel vous vous êtes inscrite nécessitait-il un diplôme postsecondaire?

R. Il exige de l’expérience ou des connaissances dans le domaine.

Q. Mais il ne demande pas un niveau d’instruction postsecondaire? Il ne requiert pas un diplôme d’études secondaires ni la collation d’un grade d’école secondaire?

R. Non, ce n’est pas une exigence requise ”.

[8] L’avocat de l’intimée a présenté en preuve un affidavit rédigé le 27 août 1998, dont voici le texte :

[TRADUCTION]

“ Je, Pierrette Thibodeau, de la ville de Hull, dans la province de Québec, DÉCLARE SOUS SERMENT CE QUI SUIT :

1. J’occupe le poste d’agente de programme d’accréditation au ministère du Développement des ressources humaines à Hull (Québec), et en cette qualilté j’ai personnellement connaissance des questions visées dans l’affidavit, sauf celles que l’on dit provenir de renseignements tenus pour véridiques, et lorsque c’est mentionné, je les crois véridiques.

2. Ci-jointe et cotée comme étant la pièce A du présent affidavit, est la liste de tous les établissements d’enseignement privés de la province d’Ontario qui, en décembre 1995, étaient reconnus par le ministre du Développement des ressources humaines en application du sous-alinéa 118.5(1)a)(ii) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

3. Cette liste fait partie d’une banque de renseignements que tient le ministère du Développement des ressources humaines dans le cours normal de ses affaires.

4. En février 1998, j’ai reçu une demande d’accréditation de la part de triOS Training Centres Limited. On m’a dit, et je crois, que c’était sa première demande. J’ai pris contact avec triOS en mars 1998 et j’ai demandé d’avantage de renseignements. Je n’en ai pas reçu.

5. J’ai consulté la banque de données et je crois exact que triOS Training Centres Limited n’était pas un établissement d’enseignement privé au Canada reconnu par le ministre du Développement des ressources humaines en 1995 en application du sous-alinéa 118.5(1)a)(ii). ”

[9] Dans la décision Edwards v. the Queen, [1998] A.C.I. no 712, le juge Bowie, de la C.C.I., a conclu qu’il appartenait à la Couronne de prouver qu’un établissement d’enseignement a été reconnu par le ministre. Il a dit aux paragraphes 4 et 5 :

4. Dès le début du siècle, la Cour suprême du Canada a statué que la charge de réfuter les faits sur lesquels une cotisation d’impôt est fondée incombait au contribuable. L’arrêt le plus souvent cité est Johnston v. M.N.R.; voir les motifs du juge Rand à la page 489 et du juge Kellock à la page 492. Le plus récent est l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, motifs du juge l’Heureux-Dubé, aux pages 378 à 381. Si l’on impose cette charge aux contribuables, c’est que, dans la plupart des cas, ce sont eux qui connaissent les faits pertinents. C’est ce qu’a expliqué succinctement le juge Duff, tel était alors son titre, dans l’arrêt Anderson Logging, [1924] R.C.S. à la page 50:

[TRADUCTION]

Premièrement, en ce qui a trait au débat sur la question du fardeau de la preuve. Si, dans le cadre d’un appel devant le juge de la Cour de révision, il semble, d’après les faits véridiques, que l’application de la loi pertinente soulève des doutes, il semblerait, en principe, que le ministère public doive être débouté. Ce serait la conséquence nécessaire du principe à la lumière duquel les lois imposant un fardeau de preuve au sujet ont, en vertu d’une pratique bien enracinée, été interprétées et appliquées. Mais en ce qui a trait à l’enquête sur les faits, l’appelant se trouve dans la même position que tout autre appelant. Il doit démontrer que la cotisation contestée n’aurait jamais dû être établie; c’est-à-dire qu’il doit faire la preuve de faits qui permettent d’affirmer que la cotisation n’était pas autorisée par la loi fiscale ou qui jettent un tel doute sur la question qu’en vertu des principes auxquels il a été fait allusion, la responsabilité de l’appelant ne peut être retenue. Naturellement, les faits véridiques peuvent être prouvés au moyen d’éléments de preuve directe ou d’inférences probables. L’appelant peut présenter des faits pour établir une prétention prima facie qui demeure incontestée; mais pour déterminer si une telle preuve a été établie, il est important de ne pas oublier, si tel est le cas, que les faits sont jusqu’à un certain point, sinon exclusivement, du domaine de la connaissance de l’appelant; bien que pour des raisons évidentes, il convienne de ne pas trop insister sur cette dernière question.

5. Le seul fait en litige en l’espèce est de savoir si, à l’époque pertinente, l’école était un établissement reconnu par le ministre compétent. Évidemment, ce n’est pas une question où la connaissance des faits exacts incombe au contribuable. C’est plutôt à la Couronne exclusivement qu’incombe cette connaissance et, comme il est ressorti de la preuve, ce n’est pas sans difficulté que le contribuable pourrait prendre connaissance des faits auprès d’une source de première main qu’il pourrait consulter lui-même. En pratique, on ne peut apparemment avoir accès à l’information en cause qu’en formulant une demande verbale à un bureau de Revenu Canada, soit en personne soit au téléphone, et en tenant pour acquis que la réponse obtenue est juste.

À mon avis, l’affidavit déposé par l’avocat de l’appelante l’acquitte du fardeau de la preuve susmentionné.

[10] Au cours de son argumentation, l’appelante a dit :

[TRADUCTION]

L’affidavit n’est pas valide parce que le Conseil scolaire de Peel n’y figure pas. Il n’est pas sur la liste. Or, j’ai un reçu de 1995 prouvant qu’il était un établissement admissible.

Comme l’appel est régi par la procédure informelle, j’ai admis le reçu en preuve même à ce stade avancé. Le document en question est une formule de Revenu Canada intitulée : “ CERTIFICAT POUR FRAIS DE SCOLARITÉ ET LE MONTANT RELATIF AUX ÉTUDES ”. Il est en date du 11 mars 1996 et est signé par l’appelante. On y mentionne des frais de scolarité de 299$ pour la période couvrant février et mars 1995. Le reçu a été adressé à l’appelante par “ LE CENTRE D'INFORMATIQUE PEEL du conseil scolaire de Peel ”; l’appelante l’a joint à sa déclaration de revenus pour 1995 et Revenu Canada l’a accepté.

[11] La réponse à la prétention de l’appelante voulant que l’affidavit soit invalide pour la raison donnée est que le paragraphe 2 de l’affidavit dit ce qui suit : “ [...] la pièce A du présent affidavit est la liste de tous les établissements d’enseignement privés de la province de l’Ontario qui, en décembre 1995, étaient reconnus par le ministre du Développement des ressources humaines en vertu du sous-alinéa 118.5(1)a)(ii) de la Loi de l’impôt sur le revenu ”. (je souligne)

[12] L’ensemble de la preuve me convainc que l’appelante n’est pas admissible à recevoir un crédit pour frais de scolarité en vertu de l’alinéa 118.5(1)a) de la Loi.

[13] L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de septembre 1998.

“ D. H. Christie ”

J.C.A.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour d'avril 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               L’alinéa 95h) de la Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines, L.C. 1996, ch. 11, substitue l’expression “ministre du Développement des ressources humaines” à l’expression “ministre de l’Emploi et de l’Immigration”. Cette modification est entrée en vigueur le 12 juillet 1996. L’article 103 de cette loi abrogeait aussi la Loi sur le ministère et sur la Commission de l’emploi et de l’immigration.

[2]               Conformément au paragraphe 248(1), l’expression “le taux de base” pour l’année d’imposition désigne “le taux le plus bas mentionné au paragraphe 117(2) et qui est applicable pour déterminer l’impôt payable en vertu de la partie I pour une année d’imposition.” Le taux le plus bas mentionné au paragraphe 117(2) applicable à l’année d’imposition 1995 est 17 p. cent.

[3]               La pièce B est l’annuaire Printemps/été 1996 publié par triOS.

[4]               La pièce C est l’annuaire automne 1996 des Études permanentes et à temps partiel publié par le Sheridan College.

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