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Date: 19981230

Dossier: 96-1452-IT-G

ENTRE :

ARNOLD SPENGLER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992, l'appelant avait déduit certaines sommes comme pertes subies par la ferme qu'il exploitait avec son épouse près de Nanton (Alberta). En établissant les cotisations d'impôt pour ces trois années, le ministre du Revenu national a adopté deux positions : (i) le ministre n'a pas admis certaines dépenses déduites par l'appelant au motif qu'il s'agissait de frais personnels et non de dépenses liées à la ferme; (ii) ayant ramené la perte déclarée à un montant qu'il considérait comme se rapportant à l'agriculture, le ministre a admis comme déduction pour chaque année le montant déterminé en vertu du paragraphe 31(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, soit la perte agricole restreinte. L'appelant en a appelé de ces trois cotisations.

[2] En admettant la perte agricole restreinte, le ministre se trouve admettre implicitement que l'exploitation agricole de l'appelant était une entreprise et non un passe-temps. Conformément à la décision rendue récemment par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire The Queen v. Donnelly, 97 DTC 5499, la question dans ces appels est de savoir quelle était la principale source de revenu et non de savoir s’il y avait une attente raisonnable de profit. Le revenu déclaré par l'appelant et les redressements effectués par le ministre peuvent être résumés comme suit :

1990

1991

1992

A. Revenu d'emploi

55 956 $

60 000 $

54 500 $

B. Perte agricole

33 938 $

45 414 $

17 383 $

C. Revenu déclaré

22 018 $

14 586 $

37 117 $

D. Dépenses non admises

7 858 $

7 774 $

3 983 $

E. Perte agricole rajustée

(B moins D)

26 080 $

37 640 $

13 400 $

F. Perte agricole admise selon

art. 31

8 750 $

8 750 $

7 950 $

G. Perte agricole non admise

(E moins F)

17 330 $

28 890 $

5 450 $

H. Revenu selon M.R.N.

(A moins F)

47 206 $

51 250 $

46 550 $

[3] L'appelant est né en Saskatchewan en 1945, mais a grandi près de Taber (Alberta), juste à l'est de Lethbridge. En 1964, il a commencé à travailler dans l'industrie pétrolière, principalement dans le forage. Après avoir acquis une certaine expérience dans ce domaine, il a vécu et travaillé au Moyen-Orient pendant une quinzaine d’années, soit de 1966 à 1980, passant une dizaine d’années en Iran. Il a progressé au point de pouvoir superviser une équipe de forage. L'appelant et son épouse ont trois enfants : une fille, née en 1970, et deux fils, nés en 1973 et en 1981 respectivement. Pendant environ neuf ans dans les années 70, son épouse et ses deux premiers enfants ont vécu avec lui au Moyen-Orient. En 1980, l'appelant et sa famille sont revenus pour de bon au Canada et ont acheté une maison à Nanton (Alberta), soit à quelque 45 milles au sud de Calgary.

[4] En 1980, l'appelant a lancé A.C.S. Oilfield Consultants Ltd. (“ ACS ”), une société albertaine dont il entendait se servir pour commercialiser ses compétences en forage. Il détient 51 p. 100 des actions de ACS, et son épouse en détient 49 p. 100. ACS était encore en exploitation à l'époque de l'audition de ces appels. Dans le cadre de son travail pour ACS, l'appelant est appelé sporadiquement à superviser des activités de forage un peu partout en Alberta et dans certaines parties de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique. Il pourrait devoir conduire pendant jusqu’à 15 heures pour se rendre à un chantier de forage. Il n'a pas à superviser l'équipe de forage elle-même, car l'entrepreneur de forage a un chef de chantier. L'appelant est embauché comme consultant par une compagnie pétrolière pour surveiller l'ensemble de l'opération, afin de veiller à ce que les choses se déroulent le plus efficacement possible et dans la plus grande sécurité. S'il y a conflit entre le chef de chantier et l'appelant en tant que représentant de la compagnie pétrolière, l'appelant a le dernier mot. Normalement, on fait appel à l'appelant davantage en hiver qu'en été, car il y a plus de forage en hiver.

[5] En 1983, l'appelant et son épouse ont acheté un quart de section (160 acres) de terre de ranch pour élever des bovins de race limousine. Ils ont opté pour des Limousins parce que, en tant que race, ils se classaient parmi les meilleurs bovins de boucherie et parce que les vaches d’élevage de boucherie de race limousine étaient les meilleures depuis un certain nombre d’années. Cette race présente ces deux avantages que les vaches n’éprouvent guère de problèmes de vêlage et que les veaux gagnent rapidement du poids. L'appelant et son épouse ont décidé d’avoir une exploitation de naissage, leur objectif étant de constituer leur troupeau en gardant les meilleurs veaux femelles et en vendant tous les veaux mâles. Ils ont commencé en 1983 avec six vaches. En 1990, ils avaient 18 vaches, 17 veaux, 3 génisses et 3 reproducteurs (taureaux). Dans les trois années dont il s’agit en l'espèce, le troupeau a grossi, passant à 21 vaches, 17 veaux, 11 génisses et les 3 mêmes taureaux. Lorsque ces appels ont été entendus en 1997, l'appelant et son épouse avaient 60 vaches, 57 veaux, 22 génisses et 3 taureaux. La pièce A-5 est un sommaire de la croissance de leur troupeau au cours de la période allant de 1983 à 1997.

[6] Trudy Spengler, l'épouse de l'appelant, a témoigné lors de l’audition de ces appels et a donné des détails précis sur le troupeau de Limousins, car c'est elle qui tenait les livres et registres relatifs à leur exploitation agricole. En outre, Trudy était à la ferme à longueur d'année, notamment lorsque l'appelant était parti sur un chantier de forage. Elle a grandi dans une ferme, et ses grands-parents maternels et paternels étaient agriculteurs.

[7] En 1990, l'appelant et Trudy avaient besoin de plus de terrain pour leur troupeau, qui grossissait, et ils ont donc loué des terres à la mère et à l'oncle de Trudy. En 1996, ils ont acheté à la mère de Trudy le quart de section qu'ils avaient loué, situé à environ 14 milles à l'est de Nanton, près de Vulcan. En 1995, ils ont acheté un autre quart de section, à 18 milles à l'est de Stavely, soit environ 30 milles au sud de Nanton. À l'époque de l'audience, l'appelant et Trudy étaient propriétaires de trois quarts de section : celui où ils habitaient, à Nanton, plus le quart de section situé près de Vulcan et le quart de section se trouvant à l'est de Stavely. Durant les années en question en l'espèce, toutefois, seule la ferme à Nanton leur appartenait et ils louaient deux autres quarts de section.

[8] L'appelant et Trudy ont tous les deux décrit les différents cycles de leur exploitation agricole dans l’année. Il s'agit d'une entreprise exploitée à longueur d'année. Durant les années en cause, les trois enfants vivaient à la maison et travaillaient à la ferme lorsqu'ils n'étaient pas à l'école. Il n'y avait aucun “ engagé ”. D'après l'appelant, Trudy s'occupe de tout ce qui concerne les bovins et leur alimentation et de la coupe du foin et de sa mise en balles. Il a dit [TRADUCTION] “ [qu’]elle fait tout ce qui est nécessaire sur la ferme ” (transcription, p. 37) et qu'il n'y a rien qu'elle ne fasse pas.

[9] La plupart des veaux naissent au cours de la période allant de janvier à mars. C'est une période d’activité intense, car les vaches doivent être examinées presque toutes les heures. En avril et mai, les champs sont apprêtés en vue de l'ensemencement. L'appelant cultive surtout de la luzerne, de l'avoine, de l'orge et du foin pour nourrir le bétail. L'ensemencement a lieu à la fin de mai et au début de juin. En juin et en juillet, ils sont occupés à faire l'irrigation, car leurs droits d'irrigation expirent le 31 juillet. Le matériel d'irrigation doit être déplacé toutes les huit heures. En août, ils réparent les clôtures et surveillent les cultures, guettant une occasion de récolter. En septembre et en octobre, ils rentrent leurs récoltes, mettent en balles et entreposent le foin et vendent les veaux qui ne seront pas gardés pour le troupeau. À partir de la fin d'octobre et tout au long de l'hiver, ils doivent nourrir tous les animaux, car, après le gel, ils ne peuvent plus paître.

[10] En 1983, l'appelant et Trudy ont payé 350 000 $ leur ferme située près de Nanton (pièce A-10). Il y a un ruisseau qui traverse toute la ferme, et ils voulaient donc s'en servir pour irriguer leur terre. Ils ont obtenu le levé nécessaire et ont alors demandé un permis d'irrigation. En 1985, on leur a accordé des droits d'irrigation pour seulement le tiers de la ferme, et un moratoire touchant toute irrigation dans la région de Nanton les a empêchés d’obtenir des droits d'irrigation accrus (pièce A-8).

[11] Le critère de la “ principale source de revenu ” est énoncé comme suit au paragraphe 31(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu :

31(1) Lorsque le revenu d'un contribuable, pour une année d'imposition, ne provient principalement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source, aux fins des articles 3 et 111, ses pertes, si perte il y a, pour l'année, provenant de toutes les entreprises agricoles exploitées par lui, sont réputées être le total formé

[...]

Il existe une abondante jurisprudence portant sur le critère de la “ principale source de revenu ”. Dans l'affaire The Queen v. Donnelly, précitée, le juge d'appel Robertson a résumé le droit comme suit aux pages 5500-5501 :

Pour déterminer si l'agriculture est la principale source de revenu d'un contribuable, il faut établir une comparaison favorable entre cette source de revenu et l'autre source de revenu du contribuable sous l'angle des capitaux investis, du temps consacré à chacune et de la rentabilité présente et future. Il s'agit d'un critère à la fois relatif et objectif. Ce n'est pas une simple question de proportion. Ces trois facteurs doivent être soupesés et aucun d'eux n'est décisif. Malgré tout, il ne saurait y avoir de doute que le facteur de la rentabilité est le principal obstacle auquel se heurtent les contribuables qui cherchent à convaincre les tribunaux que l'agriculture est leur principale source de revenu. Il en est ainsi parce que les contribuables ont la charge de prouver que le revenu net qu'ils pourraient raisonnablement s'attendre de tirer de l'agriculture est considérable par rapport à leur autre source de revenu : il s'agit invariablement d'un revenu d'emploi ou de profession libérale. Si la règle de droit était différente, la Cour de l'impôt n'aurait aucun moyen d'établir une comparaison entre les montants relatifs censés être tirés de l'agriculture et de l'autre source de revenu, ainsi que le prévoit l'article 31 de la Loi. [...]

[12] Je me propose d'examiner, dans l'ordre, les capitaux investis, le temps consacré et la rentabilité présente et future. Il est indubitable que l'appelant et Trudy ont plus de capitaux investis dans leur exploitation agricole que dans ACS, l’entreprise de consultation en forage exploitée par l'appelant. La ferme où ils habitaient, située près de Nanton, a coûté 350 000 $. Ils ont dépensé au moins 40 000 $ pour du matériel d'irrigation. Ils ont construit une étable et y ont fait installer l'électricité de manière que la pièce calorifugée pour le vêlage puisse être chauffée. L'étable a coûté 25 000 $. D'après la pièce A-6, la valeur du troupeau de bovins en 1992 était d'environ 46 000 $. Puis, en 1995 et en 1996, l'appelant et Trudy ont acheté deux quarts de section supplémentaires. De plus, ils ont un tracteur, une faucheuse, une ramasseuse-presse et une remorque pour transporter le foin. Même si le coût de la ferme domiciliaire (350 000 $) est réparti entre l'habitation familiale et la terre agricole, l'investissement dans la ferme est important.

[13] L'entreprise de consultation ACS de l'appelant n'exige pas beaucoup de capitaux, car l'entrepreneur de forage fournit le matériel, tandis que l'appelant apporte son expérience et ses connaissances. Le bilan de ACS pour 1990 (pièce R-11) fait état d'immobilisations d'une valeur comptable nette de 130 935 $. La note 2 du bilan indique que les véhicules et le matériel informatique ont coûté à l'origine 282 000 $ mais ont un amortissement cumulé de 156 000 $, ce qui donne un solde non amorti d'environ 126 000 $.

[14] Il importe de noter que ACS exploite en fait deux entreprises. Outre l'entreprise de consultation dans le cadre de laquelle l'appelant offrait des services de superviseur de forage, il y a le fait que ACS est propriétaire de quatre camions à gravier et embauche des chauffeurs pour les mois autres que les mois d'hiver (c.-à-d. pour la période d’avril à octobre) aux fins de l'exploitation d'une entreprise de camionnage. L'appelant a dit que, à l'occasion, lorsqu'un de ses quatre chauffeurs était absent, il conduisait lui-même un des camions à gravier, ce qui n’arrivait toutefois pas souvent. Si l’on compare les trois activités commerciales de l'appelant, dont deux sont exercées dans le cadre de l’exploitation de ACS, il ne fait aucun doute que l'appelant a beaucoup plus de capitaux investis dans l'agriculture que dans son entreprise de consultation ou son entreprise de camionnage.

[15] La preuve n'est pas équivoque quant au fait que l'appelant consacre plus de temps à l'agriculture qu'à toute autre activité. L'appelant a déposé en preuve les pièces A-1, A-2 et A-3, qui sont les factures de ACS indiquant le nombre de jours pour lesquels ACS a facturé des services à ses clients, soit des compagnies pétrolières, en 1990, en 1991 et en 1992 respectivement. Le nombre maximum de jours couvert par ces factures était :

1990 176 jours

1991 81 jours

1992 80 jours

Lorsque Trudy Spengler a témoigné, elle a dit que les factures de ACS n'indiquaient pas nécessairement le nombre exact de jours que l'appelant avait passés hors de la ferme. Trudy enregistrait elle-même les jours où l'appelant était parti et, d'après elle, l'appelant a dû, dans le cadre de l'entreprise de consultation ACS, quitter la ferme pendant le nombre de jours suivant au cours des trois années en cause :

1990 155 jours

1991 87 jours

1992 103 jours

[16] La preuve ci-dessus quant au temps consacré par l'appelant à l'entreprise de consultation ACS n'a pas été contestée par l'intimée. Que j'accepte la preuve de l'appelant — 337 jours au total en trois ans — ou celle de Trudy — 345 jours au total —, cela n'a pas d'importance. En 1990, l'appelant a consacré un peu plus de temps à l'agriculture qu'au forage, mais, en 1991 et en 1992, il a consacré trois jours à l'agriculture pour chaque jour consacré à l'entreprise de consultation. Tout le monde sait que la semaine de travail à la ferme n'est pas celle de 40 heures comme c'est habituellement le cas dans la société urbaine. Quand on a un troupeau de bovins comme celui de l'appelant, il faut les nourrir tous les jours durant les mois d'hiver et, l'été, il faut récolter le fourrage lorsque les conditions météorologiques le permettent. Du point de vue du temps consacré, l'agriculture était la principale activité de l'appelant.

[17] Le troisième facteur est celui de la rentabilité. Dans l'affaire Donnelly, précitée, le juge d'appel Robertson disait à la page 5501 :

L'analyse du facteur de la rentabilité permet de dissiper les doutes qui subsistent quant à savoir si la principale source de revenu d'un contribuable est l'agriculture. Il existe une différence entre le genre de preuve qu'un contribuable doit produire concernant la rentabilité en vertu de l'article 31 de la Loi et le genre de preuve applicable à l'expectative raisonnable de profit. Dans ce dernier cas, le contribuable n'a qu'à démontrer qu'il a ou avait une expectative de profit, que ce soit un dollar ou un million de dollars. Il est bien établi en droit fiscal que les termes “ expectative raisonnable de profit ” et “ expectative de bénéfices raisonnables ” ne sont pas synonymes. En ce qui concerne la rentabilité prévue à l'article 31, toutefois, le montant est pertinent parce qu'il permet de comparer un revenu agricole potentiel avec le revenu que le contribuable a effectivement tiré de l'autre occupation. Autrement dit, nous cherchons des éléments de preuve de nature à appuyer une conclusion d'expectative raisonnable de bénéfices “ considérables ” en provenance de l'agriculture.

Dans le passage de l'arrêt Donnelly cité au paragraphe 11 des présents motifs, le juge Robertson utilisait les termes “ rentabilité présente et future ”. En l'espèce, la déclaration de revenus de l'appelant pour 1996 (pièce A-4) indique que l'appelant a en fait déclaré pour cette année-là un modeste profit de 303,14 $ provenant de l'agriculture. Bien plus important toutefois que ce modeste profit est le témoignage de Trudy Spengler quant à la façon dont ils allaient pouvoir porter à 200 têtes leur troupeau. L'appelant et Trudy ont tous les deux dit que la ferme serait rentable lorsqu'il compterait 200 têtes. Ils devraient alors avoir environ 200 veaux chaque année. S'ils vendaient tous les veaux mâles à l'âge de six mois et les veaux femelles non nécessaires comme animaux de remplacement, ils tireraient assez de revenus de l'agriculture pour que l'entreprise soit rentable. De 1983 à 1996, leur troupeau a décuplé, passant de 6 à 60 vaches.

[18] Trudy estimait que, en quatre ou cinq ans, leur troupeau pourrait passer de 60 vaches à 200. Il leur faudra plus de terrain, car les trois quarts de section qu'ils possédaient en 1996 ne seraient suffisants que pour 120 têtes, la terre étant répartie entre cultures fourragères et pâturages. Leur plan est de vendre la grande maison qu'ils occupent sur la ferme de Nanton (sur un terrain arpenté de 10 acres), d'emménager dans une maison plus petite (qui est actuellement louée) sur un des quarts de section dont ils sont propriétaires, et d'utiliser le produit de la vente pour acquérir un autre quart de section. Ce plan semble raisonnable, et il y a aucun élément de preuve qui indique qu'il ne l'est pas.

[19] L'appelant n'est pas une de ces personnes “ qui gagnent leur revenu à la ville et le perdent à la campagne ”, pour reprendre la formule employée dans l'arrêt Donnelly. L'appelant est né en Saskatchewan et a été élevé à la campagne en Alberta. L'épouse de l'appelant a été élevée sur une ferme, comme l’avaient été ses parents. L'appelant et son épouse sont des agriculteurs qui mettent la main à la pâte. L'appelant consacre tout son temps à l'agriculture (sept jours par semaine), sauf les jours où il doit superviser le forage pour des compagnies pétrolières. Trudy Spengler consacre tout son temps à l'agriculture, sans aucune exception. Il est avéré que l'appelant a pu se verser un salaire de l'ordre de 60 000 $ par année sur les revenus de ACS pendant que sa ferme perdait de l'argent. Le tableau figurant au paragraphe 2 des présents motifs indique que la perte agricole non admise (ligne G) n'est pas importante par rapport au revenu d'emploi (ligne A).

[20] Dans l'affaire Hover v. M.N.R.,93 DTC 98, le ministre du Revenu national a permis à un dentiste de Lethbridge (Alberta) de déduire la perte agricole restreinte et non l'intégralité de ses pertes agricoles pour les années 1984, 1985 et 1986. Le dentiste a interjeté appel. En accueillant l'appel du contribuable dans l'affaire Hover, le juge Bowman de notre cour a dit, aux pages 107 et 108 :

La Loi ne stipule pas expressément que l'autre source de revenu doit être secondaire ou accessoire. Il semble que, si l'agriculture peut être combinée à une autre source de revenu, avec laquelle elle a ou non un rapport, elle peut tout aussi bien être combinée à un emploi ou à une entreprise important qu'à un emploi ou à une entreprise secondaire. De fait, si l'autre source de revenu n'était que secondaire ou accessoire, elle n'empêcherait pas que l'agriculture soit considérée à elle seule comme la principale source de revenu du contribuable, sans que celle-ci ne soit combinée à quelque autre source secondaire avec laquelle elle n'a aucun rapport.

[...]

Dans le présent appel, l'engagement de l'appelant dans l'agriculture, le temps qu'il y a consacré, bien qu'il soit peut-être inférieur à celui qu'il a été tenu de consacrer à son cabinet dentaire, ainsi que les capitaux engagés dans l'exploitation agricole mènent tous à la conclusion que celle-ci n'était pas une entreprise secondaire, mais plutôt le centre de sa vie. Pour atteindre cet objectif, la pratique de la médecine dentaire a été un ajout indispensable qui, sans être secondaire sur le plan de la production de revenu, était accessoire à la réalisation de l'objectif global du Dr Hover. [...]

À mon avis, l'appelant dans la présente espèce est dans une position beaucoup plus forte que ne l'était le contribuable dans l'affaire Hover, car l'appelant et son épouse vivent sur leur ferme en tout temps. C'est leur seule habitation. Tous les deux jouent un rôle actif dans l'agriculture et le font à temps plein, sauf pour ce qui est des jours — représentant tout au plus le tiers de son temps — où l'appelant est appelé à quitter pour superviser le forage pour des compagnies pétrolières clientes de ACS. L'agriculture est le centre de la vie de l'appelant.

[21] Il est dit dans le passage de l'arrêt Donnelly cité au paragraphe 11 des présents motifs que le critère des capitaux investis, du temps consacré et de la rentabilité est à la fois relatif et objectif, que ce n'est pas une simple question de proportion, que ces trois facteurs doivent être soupesés et qu'aucun d'eux n'est décisif. Les facteurs capitaux investis et temps consacré appuient fortement la cause de l'appelant. Pour ce qui est de la rentabilité, la ferme a perdu de l'argent, mais l'objet de l'article 31 est de permettre la déduction de pertes agricoles dans certaines circonstances. Eu égard au mode de vie de l'appelant et aux trois facteurs dont se compose le critère, je conclus que le revenu de l'appelant pour les années 1990, 1991 et 1992 provenait principalement de l'agriculture ou d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source. Statuer autrement serait permettre que le facteur de la rentabilité l'emporte sur les facteurs capitaux investis et temps consacré. Les appels sont admis, avec dépens. Conformément aux exposés faits par les deux avocats au début de l'audience, les appels de l'épouse de l'appelant pour les trois mêmes années (concernant une question non connexe) suivront l'issue des appels de l'appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de décembre 1998.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour d’août 1999.

Erich Klein, réviseur

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