Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980317

Dossier: 95-3443-IT-G

ENTRE :

LAWRENCE S. NESIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

LE JUGE BONNER, C.C.I.

[1] Cet appel est interjeté à l'encontre d'une cotisation d'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1988 de l'appelant. Il concerne l'inclusion, prévue au paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, d'un avantage dans le revenu de l'appelant. La cotisation résulte du fait qu'une écriture au crédit de 350 000 $ a été passée le 30 septembre 1988 dans le compte de l'actionnaire que détenait l'appelant auprès de la Steadford Investments Limited (“ S. Limited ”). Ce crédit constatait le transfert, par l'appelant à sa société, S. Limited, d'une créance sur la 581283 Saskatchewan Ltd. (“ Leisureland ”). Le ministre du Revenu national a présumé dans la cotisation que la créance n'avait aucune valeur au moment du transfert, et on n'a pas établi le contraire.

[2] L'appelant soutient que l'avantage a été conféré non pas dans son année d'imposition 1988 — au cours de laquelle tout ce qui s'est produit, d'après lui, c'est l'inscription d'un crédit dans les comptes de la S. Limited — mais plutôt dans son année d'imposition 1987, lorsque la S. Limited a acquis la créance de lui1.

[3] Voici maintenant les circonstances dans lesquelles s'inscrit le différend. Durant toute la période pertinente, l'appelant était le principal sinon le seul actionnaire de la S. Limited, société qui, comme l'indique sa déclaration de revenu de 1988, exploite une entreprise consistant en la “ vente de placements exonérés d'impôt ”. L'appelant et deux autres personnes détenaient le tiers chacun des actions avec droit de vote de la Leisureland, société qui, d'après ce que je crois comprendre, avait été créée en vue d'acquérir et de mettre en valeur des terrains. En août 1987, l'appelant avait prêté 450 000 $ à la Leisureland. Le prêt était attesté par un billet à l'ordre de l'appelant en date du 18 août 1987. La Leisureland a remboursé 100 000 $ à l'appelant en octobre 1987. L'entreprise de la Leisureland a connu des difficultés, et il est devenu évident que la Leisureland était incapable de rembourser le solde du prêt.

[4] Le 10 novembre 1987, l'appelant a cédé ou prétendait du moins céder à la S. Limited le billet de la Leisureland. Une écriture a été passée dans les livres de la S. Limited le 30 septembre 1988, dernier jour de l'exercice 1988 de la S. Limited, soit une écriture portant une somme de 350 000 $ au crédit du compte de l'actionnaire de l'appelant. Le ministre du Revenu national a considéré qu’un avantage avait ainsi été conféré à l'appelant en 1988 en application du paragraphe 15(1).

[5] L'avocate de l'appelant fait valoir que l'avantage a été conféré en novembre 1987, lorsque l'appelant a transféré un billet sans valeur à la S. Limited pour une contrepartie de 350 000 $. Tout ce qui s'est produit en 1988, soutient-elle, c'est l'inscription, dans le compte de l'actionnaire, du crédit de 350 000 $ constatant ou comptabilisant l'opération de novembre 1987. Elle disait qu'il s'agissait d'une écriture de régularisation qu'il fallait apporter en fin d'exercice pour rectifier le solde du compte de l'actionnaire de manière à ce qu’il soit correctement tenu compte du crédit résultant de la vente du billet effectuée en novembre 1987.

[6] L'intimée considère que la créance de 350 000 $ n'a jamais été cédée à la S. Limited. L'appelant, qui a témoigné qu'il avait cédé le billet à la S. Limited le 10 novembre 1987, a produit une copie d'une cession écrite portant cette date-là et sa propre signature. Ce que M. Nesis n'a pas produit — et cette omission est à mon avis fatale pour la thèse qu'il avance —, c'est une preuve établissant que, en novembre 1987 ou du moins avant le 31 décembre 1987, la S. Limited avait accepté de lui payer 350 000 $ en contrepartie du billet. Selon moi, on ne peut dire que la S. Limited a conféré un avantage à l'appelant tant qu'elle n'a pas payé ou consenti à payer une contrepartie pour un billet sans valeur. L'appelant peut avoir voulu en 1987 faire en sorte que la S. Limited lui paie 350 000 $ et avoir voulu utiliser la cession comme prétexte à cette fin, mais aucun élément de preuve n'indique qu'il a pris une telle mesure avant le 30 septembre 1988. Un engagement contractuel entre un actionnaire et une société à peu d'actionnaires n'est pas conclu du fait d'une décision prise dans l'esprit d'un actionnaire, à moins que cette décision ne s'accompagne d'un acte manifeste de la société2. Le premier acte semblable, d'après la preuve présentée en l'espèce, a été l'écriture passée le 30 septembre 1988.

[7] Dans les circonstances, il est inutile de se pencher sur l'argument de l'intimée selon lequel l'appelant est préclus de soutenir qu'il a transféré le billet à la S. Limited parce qu’il avait fait valoir au ministre qu’il était, durant toute la période pertinente, le seul créancier de la Leisureland relativement au solde de 350 000 $ dû sur le billet.


[8] Pour les motifs susmentionnés, l'appel sera rejeté, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mars 1998.

Michael J. Bonner

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de décembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur



1 Cette thèse semble avoir été adoptée pour la première fois lorsque l'avis d'appel a été modifié, soit à peu près deux mois avant l'audience.

2 Rose v. M.N.R., 73 DTC 5083.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.