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Date: 19980508

Dossier: 96-1627-IT-G

ENTRE :

MARY CHRISTENSEN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

POINT EN LITIGE

[1] Il s'agit de savoir si, aux termes du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), l'appelante a pour l'année d'imposition 1989 une responsabilité à l'égard de la somme que la High-line Drilling (International) Inc. (la « High-line » ) est tenue de payer en conformité avec la Loi, en raison du transfert, à l'appelante, du bien situé au 151, Wathaman Terrace (le « bien » ).

[2] L'avocat de l'appelante prétendait que le point en litige, précité, soulevait trois questions particulières, soit :

a) Est-ce la High-line qui a transféré le bien à l'appelante?

b) Si la réponse à la question a) est oui, l'appelante avait-elle un lien de dépendance avec la High-line;

c) Si les réponses aux questions a) et b) sont oui, la juste valeur marchande du bien était-elle supérieure à la contrepartie donnée et, subsidiairement, la responsabilité de la High-line déterminée par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) était-elle exacte?

FAITS

[3] D'après ce qui a été admis dans les actes de procédure, une compagnie appelée Albert Ethier Holdings Ltd. (la « Holdings » ) était le seul actionnaire de la High-line. Albert Ethier ( « Albert » ) était le seul actionnaire de la Holdings durant toute la période pertinente. Albert contrôlait la Holdings et la High-line durant toute la période pertinente. Le 5 mars 1982, la High-line Airways Inc. (la « Airways » ) était devenue propriétaire inscrit du bien. Le nom de la Airways a été changé pour High-line le 29 juin 1987.

[4] L'appelante était et est encore teneuse de livres. Elle avait été l'épouse d'Ed Christensen de 1959 à 1989; elle et lui se sont séparés et ont cessé de vivre ensemble en 1982. Les deux fils de l'appelante habitaient avec elle. L'appelante n'a jamais été actionnaire ou administratrice de la High-line et n'avait aucun intérêt bénéficiaire dans celle-ci. Elle n'a jamais été actionnaire ou administratrice de la Holdings et n'avait aucun intérêt bénéficiaire dans celle-ci.

[5] L'appelante avait rencontré Albert en 1980 et s'était mise à le fréquenter. Elle avait déménagé de Prince Albert à Saskatoon en 1982 et avait emménagé dans le bien; ses enfants vivaient avec elle. Albert a emménagé dans le bien en 1983. La High-line était propriétaire du bien. L'appelante travaillait pour la High-line.

[6] Une copie d'un certificat de titre en date du 5 mars 1982 mentionnait que le bien était enregistré au nom de la High-line Airways Inc. Une mention apposée sur le certificat indique que le titre a été transféré à l'appelante le 16 juin 1989. Le document portant transfert est daté du 26 mai 1989; il indique que le terrain a été transféré à l'appelante par la High-line Drilling (International) Inc. pour un dollar et une autre contrepartie de valeur. L'affidavit attestant de la valeur, qui figure sur ce document, précise que la valeur de l'immeuble et des améliorations était, de l'avis d'Albert, de 131 000 $.

[7] L'appelante a témoigné qu'Albert et elle avaient vécu ensemble de 1982 à 1989 et qu'elle s’était dit que, si quelque chose arrivait à Albert et qu'il fût encore marié — et il est resté marié —, ses enfants et elle se retrouveraient sans maison. Elle avait demandé à Albert de lui transférer le titre. Elle a témoigné qu'Albert avait dit que cela ne lui faisait nullement problème, qu'il ferait transférer le titre et qu'il y avait assez d'argent qui lui était dû par la High-line au titre de prêts de l'actionnaire pour assurer le transfert. L'appelante a dit qu'elle avait préparé le transfert avec une certaine aide de la part d'Albert et en se fondant sur une conversation téléphonique qu'elle avait eue avec un avocat, M. Simonot. Elle a dit qu'elle avait eu une seule conversation téléphonique avec l'avocat, Albert ayant téléphoné à l'avocat alors qu'elle était en train d'établir le document à la machine à écrire. Elle a témoigné qu'Albert ne lui avait pas dit comment le titre serait transféré et qu’il s'était entretenu avec M. Simonot. Elle a dit qu'elle se rappelait que l'on pouvait faire en sorte que le terrain lui soit transféré par la High-line, de manière à réduire les frais du bureau d'enregistrement des droits immobiliers. Elle a dit que le bien n'était grevé d'aucune hypothèque, ajoutant qu’il y avait toutefois des arriérés d'impôts fonciers, ceux-ci n'ayant jamais été payés pendant la période où elle résidait à cet endroit. L'appelante a dit que le prix initial de la maison était de 131 000 $ et qu'elle avait vendu celle-ci 126 000 $ en 1994.

[8] L'avis de nouvelle cotisation établi à l'égard de la High-line pour 1988 et mis à la poste le 18 novembre 1991 indiquait ce qui suit : IMPÔT FÉDÉRAL — 25 792,77 $, AUTRES PÉNALITÉS — 9 297,91 $, IMPÔT PROVINCIAL ET PÉNALITÉ — 2 553,24 $, INTÉRÊTS AU TITRE D'ACOMPTES PROVISIONNELS — 1 580,36 $, ARRIÉRÉ D'INTÉRÊTS — 21 616,72 $, INTÉRÊTS SUR REMBOURSEMENT — 342,36 $ et SOLDE IMPAYÉ — 61 183,36 $.

[9] L'avocat de l'appelante a produit un avis de nouvelle cotisation établi à l'égard de la High-line pour 1989 et mis à la poste le 18 novembre 1991, document qui indiquait « NÉANT » aux rubriques intitulées IMPÔT FÉDÉRAL, INTÉRÊTS AU TITRE D'ACOMPTES PROVISIONNELS, IMPÔT REMBOURSABLE AU TITRE DE DIVIDENDES, AJUSTEMENT DE PÉNALITÉ POUR PRODUCTION TARDIVE, REMBOURSEMENT AU TITRE DE DIVIDENDES et REMBOURSEMENT TOTAL. L'avis indiquait également ce qui suit : AUTRES PÉNALITÉS — 3 015,06 $, IMPÔT PROVINCIAL ET PÉNALITÉ — 287,72 $, AJUSTEMENT D'ARRIÉRÉ D'INTÉRÊTS — 1 187,72 $ et SOLDE IMPAYÉ — 4 490,50 $.

[10] Des avis d'opposition à ces nouvelles cotisations avaient été déposés, et des négociations s'étaient soldées par l'établissement de nouveaux avis de nouvelle cotisation pour les années d'imposition 1988 et 19891, mis à la poste le 27 avril 1993. La nouvelle cotisation pour 1988 indiquait « NÉANT » aux rubriques suivantes : IMPÔT FÉDÉRAL, AJUSTEMENT DE PÉNALITÉ POUR PRODUCTION TARDIVE, REMBOURSEMENT AU TITRE DE DIVIDENDES et SOLDE IMPAYÉ. Elle indiquait en outre ce qui suit : AUTRES PÉNALITÉS — 7 575,50 $, IMPÔT PROVINCIAL ET PÉNALITÉ — 551 $, INTÉRÊTS AU TITRE D'ACOMPTES PROVISIONNELS — 376,57 $, ARRIÉRÉ D'INTÉRÊTS — 19 888,62 $, INTÉRÊTS SUR REMBOURSEMENT — 342,36 $, IMPÔT REMBOURSABLE AU TITRE DE DIVIDENDES — 176,87 $ (DT) et REMBOURSEMENT TOTAL — 49 440,25 $.

[11] L'avis de nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1989 indiquait « NÉANT » aux rubriques suivantes : IMPÔT FÉDÉRAL, AJUSTEMENT DE PÉNALITÉ POUR PRODUCTION TARDIVE, REMBOURSEMENT AU TITRE DE DIVIDENDES, INTÉRÊTS AU TITRE D'ACOMPTES PROVISIONNELS, INTÉRÊTS SUR REMBOURSEMENT, IMPÔT REMBOURSABLE AU TITRE DE DIVIDENDES et SOLDE IMPAYÉ. Il indiquait en outre ce qui suit : AUTRES PÉNALITÉS — 2 854 $, IMPÔT PROVINCIAL ET PÉNALITÉ — 272 $, ARRIÉRÉS D'INTÉRÊTS — 99,45 $ et REMBOURSEMENT TOTAL — 276,23 $. Aucun relevé de compte faisant état d'une somme due par la High-line n'a été produit.

[12] L'appelante a dit qu'elle avait appris l'existence des avis de nouvelle cotisation en 1994. Elle a dit qu'elle avait reçu une lettre de Revenu Canada concernant le transfert de sa maison. Elle avait alors communiqué avec M. Schneider, de Deloitte & Touche, au sujet de cette affaire. Un avis de cotisation envoyé par la poste à l'appelante le 27 avril 1995, faisant état d'un montant total de cotisation de 29 685,79 $, comportait la note suivante :

[TRADUCTION]

Obligation fiscale de 29 685,79 $ en application du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'article 19 de l'Income Tax Act (Saskatchewan) à l'égard du transfert, le 16 juin 1989 ou vers cette date, du bien situé au 151, Wathaman Terrace, Saskatoon (Saskatchewan), soit un transfert de la High-line Drilling (International) Inc. à Mary Christensen.

L'appelante a dit qu'elle avait cessé d'habiter avec Albert en 1993 et qu'elle n'avait jamais été son épouse.

[13] En contre-interrogatoire, l'appelante a dit qu'elle n'avait pas payé plus de un dollar pour le bien. Elle a dit qu'elle avait commencé à travailler pour la compagnie d'Albert et qu'elle avait un horaire flexible lorsque ses garçons étaient jeunes. Elle a dit qu'Albert avait fixé son salaire et qu'elle se voyait accorder des augmentations de salaire de temps à autre. Elle a dit que, si elle avait besoin de plus d'argent pour joindre les deux bouts, elle « le saisissait » de la question, et il lui donnait l'argent. Elle était payée par la High-line. Elle a dit qu'Albert était resté marié tout au long de leur relation. Elle a dit que c'était elle qui payait la plupart des dépenses du ménage et que, toutefois, s'il y avait quoi que ce soit de majeur, Albert payait. C'était elle qui payait toute l'épicerie. Elle a dit qu'ils couchaient ensemble et que seuls ses deux fils vivaient avec eux. Elle a également dit qu'ils se faisaient des cadeaux lors d'occasions spéciales, qu'ils s'aidaient s'ils étaient malades et qu'elle préparait tous les repas. C'était elle qui lavait et repassait les vêtements, y compris ceux d'Albert. Ils sortaient ensemble à l'occasion et participaient à des réunions familiales. Elle a fait deux voyages avec Albert, l'un à Palm Springs, l'autre à Amsterdam, et c'était lui qui payait les dépenses. Elle a dit qu'Albert avait acheté certains des gros meubles lorsqu'ils avaient emménagé dans le bien. Elle a dit qu'ils ne prenaient pas de décisions ensemble et que, certes, ils vivaient sous le même toit, mais Albert faisait ce qu'il voulait, et elle ne savait jamais d'où il venait ni où il allait. Les enfants d'Albert venaient le voir occasionnellement.

[14] Le document portant transfert du terrain, de la High-line à l'appelante, avait été signé par Albert pour la High-line. En contre-interrogatoire, l'appelante a répété qu'Albert lui avait dit qu'ils pouvaient économiser sur le transfert du terrain. Elle a dit qu'Albert et M. Simonot en discutaient et qu'elle ne comprenait pas tout. Elle a également dit qu'elle estimait exercer un emploi et qu'elle avait déjà été teneuse de livres.

[15] M. Mervin Schneider ( « M. Schneider » ), comptable agréé qui est associé au sein du cabinet d'expertise comptable Deloitte & Touche, était chargé du travail de vérification ainsi que de l'établissement des déclarations d'impôt de la High-line, de la Holdings et d’Albert. Il a dit qu'il avait établi les déclarations d'impôt de 1988, 1989 et 1990, de même que les états financiers. Il recevait ses instructions d'Albert. Il a fait état de pertes importantes concernant la déclaration d'impôt de 1989, soit 673 808 $. Sur cette somme, le montant de 330 325 $ avait été reporté à l'année antérieure, et le montant de 343 480 $ pouvait être reporté à des années ultérieures. Il a dit qu'il n'y avait aucun impôt à payer pour 1988, 1989 et 1990. Il a dit que le montant porté au débit du compte de l'actionnaire d'Albert n'avait pas été inclus dans la déclaration d'impôt de 1989 parce qu'il n'était pas au courant de cela. Il a également dit qu'il avait discuté avec Albert, au printemps 1991, de la manière d'enregistrer cette opération et qu'ils avaient déterminé qu'ils pourraient corriger l'erreur dans les états financiers en incluant le montant dans les états financiers de 1990 et en décrivant cette opération comme une opération courante de cette année-là. Il a témoigné qu'Albert avait dit à Mary qu'il avait un compte de l'actionnaire qui lui permettrait d'assurer le transfert du bien. Il a également témoigné qu'il avait discuté avec Albert des conséquences liées au fait que la High-line était propriétaire de la maison. Il a renvoyé au document de travail indiquant la somme due à l'actionnaire (soit Albert) par la Holdings, soit, au 31 mars 1990, une somme de 297 610,61 $. Il a en outre renvoyé à un document de travail de la High-line relatif au compte de l'actionnaire qui indiquait que le solde dû à Albert était de 112 696,21 $ au 31 mars 1989 et de 71 647,75 $ au 31 mars 1990. M. Schneider a également dit que, parce que les compagnies étaient financièrement en mauvaise posture, il n'y avait pas d'argent pour recourir de nouveau aux services du cabinet d'expertise comptable au sein duquel il est associé et que le cabinet n’avait rien fait d’autre, même pas en ce qui concerne le montant porté au débit du compte de l'actionnaire d'Albert.

[16] En contre-interrogatoire, M. Scheider a dit que les nouvelles cotisations initiales avaient été établies par suite d'une vérification effectuée par le ministère du Revenu national. Lors du réinterrogatoire, M. Schneider a répété qu’il avait discuté avec Albert, après 1982 et avant 1989, des conséquences liées au fait que la compagnie était propriétaire de cette maison et qu'il avait avisé Albert que la compagnie pouvait transférer la maison et imputer le montant sur le compte de l'actionnaire d'Albert.

[17] L'avocate de l'intimée a fait comparaître comme témoin un certain Bill Laing, qui travaille comme vérificateur de paye pour Revenu Canada. Ce témoin a dit que la High-line avait une obligation fiscale de 29 685,79 $ envers Revenu Canada à l'époque où le bien avait été transféré à l'appelante.

ANALYSE ET CONCLUSION

[18] Dans son exposé des faits et du droit, l'avocat de l'appelante mentionnait que les questions étaient les suivantes :

[TRADUCTION]

13. L'appelante soutient que les questions sont les suivantes :

(i) La High-line a-t-elle transféré le bien à Mary Christensen, directement ou indirectement, comme le prévoit le paragraphe 160(1) de la Loi?

(ii) Si la réponse à la question 13(i) est oui, Mary Christensen était-elle une personne avec qui la High-line avait un lien de dépen­dance à l'époque du transfert du 151, Wathaman Terrace? À cet égard, les sous-questions suivantes se posent :

a) Mary Christensen était-elle, pour l’application de la Loi (du Canada), liée à la High-line à l'époque du transfert du 151, Wathaman Terrace?

b) Si Mary Christensen n'était pas liée à la High-line, la High-line et elle n'avaient-elles aucun lien de dépendan­ce à l'époque du transfert du 151, Wathaman Terrace?

(iii) Si la réponse aux questions 13(i) et 13(ii) est oui dans les deux cas, la juste valeur marchande du 151, Wathaman Terrace, était-elle supérieure à la contrepartie donnée pour le 151, Wathaman Terrace, à l'époque du transfert du 151, Wathaman Terrace? Subsidiairement, quel montant la High-line était-elle tenue de payer aux termes de la Loi pour l'année d'imposition dans laquelle le bien a été transféré ou pour une année d'imposition antérieure?

[19] Ma conclusion concernant la question (i) est que la High-line a effectivement transféré le bien à l'appelante, directement ou indirectement, comme le prévoit le paragraphe 160(1). Comme l’indique l'argumentation de l'appelante, il est soutenu que le bien a été transféré d'abord de la High-line à la Holdings, ensuite de la Holdings à Albert — la somme représentant la valeur du bien, soit 131 000 $, ayant été portée au débit du compte de prêts de l'actionnaire à la Holdings —, puis à l'appelante. Celle-ci soutient qu'on voulait réduire les frais du bureau d'enregistrement des droits immobiliers en effectuant trois transferts distincts plutôt qu'un. De telles cessions étaient monnaie courante, mais il n'y a en l'espèce aucune documentation attestant du fait que cela ait eu lieu. Il n'y a même pas d'inscription dans les registres comptables de la Holdings pour étayer la prétention selon laquelle de tels transferts d'intérêt bénéficiaire ont été faits. En outre, Albert n'a pas été appelé à témoigner sur la question de savoir s'il entendait que la propriété bénéficiaire soit transférée d'abord à la Holdings, ensuite à lui-même, puis à l'appelante. L'appelante a témoigné qu'Albert avait eu une conversation avec l'avocat pendant qu'elle dactylographiait le document portant transfert du terrain. Cet avocat n'a pas été appelé à témoigner. Aucune explication quant à l'absence d'Albert ou de l'avocat n'a été donnée. Je renvoie à l'affaire Sedelnick Estate v. M.N.R., 86 DTC 1563, dans laquelle la Cour déclarait, à la page 1565 :

[...] À cet égard, il est opportun de citer le passage suivant de l'ouvrage intitulé Evidence in Civil Cases, de Sopinka et Lederman, aux pages 535 et 536 :

[TRADUCTION] « Dans l'arrêt Blatch v. Archer ((1774), 1 Cowp. 63), à la p. 65, lord Mansfield a déclaré ce qui suit :

« Il existe un principe établi selon lequel la preuve doit être appréciée dans son ensemble en tenant compte des preuves qu'une partie était en mesure d'établir et que l'autre partie était en mesure de réfuter » .

Or, l'application de ce principe est à l'origine de la règle reconnue que si une partie ou un témoin omet de faire une déposition alors qu'il était en mesure de le faire et qu'il aurait ainsi pu préciser les faits, le tribunal peut à juste titre conclure que ladite déposition n'aurait pas été en faveur de la partie à laquelle l'omission est attribuée. Dans le cas d'un demandeur à qui il incombe d'établir un fait, il se peut, compte tenu de pareille conclusion, que la preuve présentée ne soit pas suffisante pour lui permettre de s'acquitter de l'obligation qui lui incombe » .

Des propos semblables ont été tenus dans l'affaire Markakis, 86 DTC 1237, dont les observations suivantes, à la page 1241 :

[...] J'ai du mal à croire M. Markakis lorsqu'il dit qu'il a dû se rendre à Chicago pour convertir de l'argent grec en devises canadiennes et, comme Mme Tsimiklis n'a pas témoigné au sujet de cette somme de 10 800 $, je suis porté à conclure que son témoignage n'aurait pas été favorable à M. Markakis [...]

Et le juge poursuit en disant :

M. Markakis ne m'a pas convaincu que Revenu Canada a eu tort d'ajouter la somme de 10 800 $ à son revenu [...]

M. Giannoukos n'a pas été convoqué comme témoin, ce qui m'a également semblé étrange.

Au sujet de cette question, ma conclusion est en partie déterminée par l'absence de deux témoins qui, si le témoignage de l'appelante était exact et que leur déposition eût corroboré celle de l'appelante, auraient pu aider la Cour considérablement.

[20] La question (ii) est de savoir si l'appelante n'avait aucun lien de dépendance avec la High-line. Bien que l'avocat de l'appelante ait présenté des arguments quant au fait que l'appelante et Albert n'étaient pas des personnes liées entre elles, il n'est pas nécessaire que je passe ces arguments en revue, car cette relation n'existait pas. La notion de « lien de dépendance » a été examinée par le juge Bonner dans l'affaire McNichol et al. v. The Queen, 97 DTC 111, dans laquelle le juge Bonner disait, aux pages 117 et 118 :

On utilise communément trois critères pour déterminer si les parties à une opération ont entre elles un lien de dépendance. Il s'agit des critères suivants :

a) l'existence d'une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,

b) les parties à une transaction agissent de concert et n'ont pas d'intérêts distincts, et

c) le contrôle « de facto » (réel).

[21] Il est clair qu'Albert avait un lien de dépendance avec la High-line. Albert peut ou non n'avoir eu aucun lien de dépendance avec l'appelante. On pourrait déduire, eu égard aux circonstances décrites précédemment, qu'ils avaient un lien de dépendance. Toutefois, même si tel était le cas, où cela mène-t-il? La question est de savoir si l'appelante n'a aucun lien de dépendance avec la High-line. En bref, l'appelante voulait le bien. Pour des raisons non communiquées à la Cour, Albert a décidé que le bien serait transféré à l'appelante et a fait en sorte que la High-line transfère le bien. Aucun élément de preuve n'indique que qui que ce soit était au courant d'une obligation quelconque de la High-line aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'époque du transfert. Donc, aucune tentative d'évitement fiscal ne peut être attribuée à Albert ou à l'appelante.

[22] Il n'y avait pas une même personne dirigeant les négociations des deux parties relativement au transfert du terrain. En termes simples, l'appelante voulait que le bien lui soit cédé, et Albert a fait en sorte que la High-line transfère ainsi le bien. Comme je l'ai dit précédemment, l'appelante voulait que le bien lui soit transféré afin d'avoir une résidence pour elle et ses fils, au cas où quelque chose arriverait à Albert. On ne peut que conjecturer quant à savoir ce qui a motivé Albert à faire en sorte que la High-line transfère ce bien. Il semble clair, en l'espèce, que les parties n'ont pas agi de concert et qu'elles avaient des intérêts distincts.

[23] Les passages pertinents de l'article 160 de la Loi précisent que certaines règles s'appliquent lorsque :

[...] une personne a [...] transféré des biens [...] à [...] une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance [...]

Comme j'ai conclu que l'appelante et la High-line n'avaient aucun lien de dépendance, l'article 160 ne s'applique pas en l'espèce. Il n'est donc pas nécessaire de répondre à la question (iii).

[24] L'appel est admis, avec dépens.

Ottawa, Canada,

le 8 mai 1998.

R. D. Bell

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 7e jour de décembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur



1            La fin de l'exercice était le 31 mars pour chaque année.

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