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Date: 19980602

Dossiers: 97-2159-IT-I; 97-2160-IT-I

ENTRE :

AGNÈS DUPRIEZ, CHRISTIAN COUTLÉE,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus par voie de la procédure informelle. Ils ont été entendus lors de la même audience mais la preuve n’est pas commune. Pour chacun des appelants, le motif d’appel ainsi que l’année d’imposition sont distincts tout en concernant le même sujet de droit, i.e. la donation au sens de l’article 118.1 dela Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2] Dans le cas de madame Dupriez, il s’agit de savoir si, pour l’année d’imposition 1994, elle a fait, au sens dudit article 118.1 de la Loi, une donation de biens autres qu’en espèces en remettant à un organisme de bienfaisance enregistré des seringues pour une valeur marchande alléguée de 4 000 $.

[3] Dans le cas de monsieur Coutlée, il s’agit de savoir si au cours de l’année 1995, il a fait un don de 3 000 $ toujours au sens de l’article 118.1 de la Loi, quand il a versé cette somme à un organisme qui s’occupait de l’adoption de l’enfant des appelants.

[4] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s’est fondé pour établir la nouvelle cotisation de l’appelante sont décrits au paragraphe 4 de la Réponse à l’avis d’appel (la « Réponse » ) comme suit :

a. dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1994, l'appelante a réclamé au titre du crédit pour dons de bienfaisance, le montant de 4 000 $ mentionné sur un reçu, portant la date du 24 février 1995, établi au nom de l'appelante par l'organisme TDH POUR LES ENFANTS situé à Montréal;

b. ce reçu n'est pas conforme à l'article 3501 du Règlement de l'impôt sur le revenu;

c. le reçu fait état d'une « donation in kind made in 1994 » , sans préciser quels sont les biens en nature en question;

d. il ne s'agit pas d'un véritable don à TDH POUR LES ENFANTS;

e. l'organisme TDH POUR LES ENFANTS a servi d'intermédiaire entre l'appelante et l'un des orphelinats au Vietnam auprès duquel l'appelante a adopté un enfant;

f. les biens (des seringues selon l'appelante) étaient destinés par l'appelante à ces orphelinats au Vietnam;

g. l'organisme TDH POUR LES ENFANTS ne servait que d'intermédiaire pour leur envoyer ces biens;

h. aucune facture montrant l'achat de seringues par l'appelante n'a été soumise, ni aucun autre document montrant que la valeur de ces biens aurait été de 4 000 $;

i. à toutes époques pertinentes au présent litige, les orphelinats au Vietnam auxquels étaient destinées les seringues n'étaient pas des organismes de bienfaisance enregistrés au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, ni des oeuvres de bienfaisance situées à l'étranger et auxquelles Sa Majesté du chef du Canada aurait fait un don au cours de l'année d'imposition 1994 ou au cours des douze mois précédant cette année.

[5] Pour établir la nouvelle cotisation de l’appelant, le Ministre s’est fondé sur les faits décrits au paragraphe 4 de la Réponse, comme suit :

a. dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1995, l'appelant a réclamé au titre du crédit pour dons de bienfaisance, le montant de 3 000 $ mentionné sur un reçu, portant la date du 15 janvier 1996, établi au nom de l'appelant par l'organisme TDH POUR LES ENFANTS situé à Montréal;

b. ce reçu n'est pas conforme à l'article 3501 du Règlement de l'impôt sur le revenu;

c. l'organisme TDH POUR LES ENFANTS a servi d'intermédiaire entre l'appelant et l'orphelinat au Vietnam auprès duquel l'appelant a adopté un enfant;

d. un montant de 3 000 $ était exigé des parents adoptifs à titre de « don » faisant partie des frais d'adoption de l'enfant;

e. il ne s'agit pas d'un véritable don;

f. ce montant prédéterminé de 3 000 $ était destiné à l'orphelinat au Vietnam, et les parents adoptifs avaient l'obligation légale ou morale de payer ce montant, qui leur était facturé, avant le dernier voyage et l'arrivée de l'enfant au Canada;

g. l'organisme TDH POUR LES ENFANTS ne servait que d'intermédiaire pour transmettre ce montant à l'orphelinat au Vietnam;

h. ce montant a été effectivement transmis à l'orphelinat au Vietnam en 1995;

i. à toutes époques pertinentes au présent litige, l'orphelinat au Vietnam n'était pas un organisme de bienfaisance enregistré au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, ni une oeuvre de bienfaisance située à l'étranger et à laquelle Sa Majesté du chef du Canada aurait fait un don au cours de l'année d'imposition 1995 ou au cours des douze mois précédant cette année.

[6] L’avis d’appel est identique pour les deux appels et se lit comme suit :

...

Nous voulons par la présente interjeter appel, par la procédure informelle, quand à la décision prise dans nos deux dossiers de dons de bienfaisance à TDH pour les enfants.

Nous avons tout d'abord reçu une lettre du bureau de Québec de Revenu Canada nous spécifiant que nous avions reçu un bénéfice en échange de notre don, soit un enfant! C'était la raison pour laquelle les deux dons de charité avaient été refusés. À cela nous ne pouvions que répondre que nous n'avions pas acheté notre fils et nous avons donc fait opposition.

Nous avons par la suite appris que notre dossier avait été lié à une autre cause d'adoption et que toutes les oppositions avaient été rejetées. À la lecture du jugement, rendu le 9 mai dernier, dans la cause de Jean-Pierre Beaudry c. la Reine, nous notons un certain nombre de différences qui font en sorte que les deux causes ne peuvent pas être apparentées.

En effet, contrairement à la cause de Jean-Pierre Beaudry, nous avions signé avec TDH pour les enfants une lettre d'entente dans laquelle les coûts directement reliés à l'adoption étaient clairement identifiés, soient les frais de notaire, ceux de traduction, les frais juridiques au Vietnam, les frais de voyage et le don de charité pour le bon fonctionnement de l'orphelinat et les différents projets réalisés par l'organisme au Vietnam pour les enfants qui n'ont pas eu la chance d'être adoptés. Voilà donc un premier point bien différent.

Le second point que nous voudrions faire valoir, c'est qu'au moment où nous avons entrepris les démarches d'adoption, TDH avait le statut d'organisme de charité accordé par Revenu Canada et ce précisément pour ses activités dans les orphelinats des différents pays où TDH est impliqué.

Nous avions fait la démarche de vérification auprès du Ministère qui nous l'avait confirmé. C'est donc de bonne foi que nous avons fait nos déclarations d'impôt en nous prévalant de ces dons de charité et que, plus particulièrement, j'ai fait l'acquisition de 4,000 seringues qui constituent mon don de charité.

...

[7] L’appelante a admis les alinéas 4 a), 4 c), 4 e), 4 f) et 4 h) de la Réponse. Lors de son témoignage, l’appelante a expliqué qu’en 1994, elle aurait rendu des services à une clinique de santé-voyages, et en contre-partie de ces services elle aurait reçu 4,000 seringues. En septembre 1994, elle les aurait données à Terre des hommes pour les enfants Inc., ci-après appelée TDH pour les enfants. L’appelante soutient que ces seringues avaient une valeur d’au moins 6 000 $. Toutrefois, l’appelante n’a produit aucun document provenant de cette clinique qui constaterait les services de l’appelante et qui constaterait que les seringues avaient une valeur d’au moins 4 000 $. Il est à noter qu’au dernier paragraphe de l’avis d’appel, l’appelante ne fait pas référence à une clinique de santé-voyages, mais tout simplement à une acquisition de 4,000 seringues.

[8] Le reçu de TDH pour les enfants, mentionné aux alinéas 4 a) à 4 c) de la Réponse a été produit avec la déclaration de l’appelante comme Pièce I-1. Il est tel que décrit à ces alinéas.

[9] La pièce A-1 est la demande préliminaire d’inscription faite par les appelants auprès de TDH pour les fins d’adoption. Attachée à cette demande, il y a la cédule des paiements que nous retrouvons aussi à la pièce I-14. On y voit que dès le début, le parent adoptif est informé que dans les coûts totaux d’adoption de 6 300 $ US plus 6 500 $ CDN est compris un don au montant de 3 000 $.

[10] La pièce I-2 est la description du programme d’adoption de TDH. Nous y lisons notamment :

...Tous les frais couvrent la continuité du programme d'adoption au Canada et les frais encourus par des agences internationales ou avocats pour l'adoption dans un pays étranger. Il y a par contre une demande d'un don (déductible d'impôt) de 3 000 $, lequel supportera le développement de projets visés à venir en aide aux enfants du pays d'origine de votre enfant. Nous ferons tout en notre pouvoir pour réduire le plus possible les dépenses dans tous les autres domaines. Nous croyons fermement qu'il est impératif d'insister sur une norme d'adhérence stricte.

Il est important de réaliser que plusieurs pays du tiers-monde sont peu disposés à voir leurs enfants adoptés dans des pays étrangers. C'est ainsi que nous voulons clairement leur montrer que même si nous sommes impliqués dans l'adoption internationale, nous sommes également impliqués dans des projets dans leur pays pour les aider à chercher une solution au sous-développement, ainsi que venir en aide aux mères à prendre soins et à renforcer économiquement, socialement et émotionellement leur famille.

Nous désirons souligner ici que plusieurs pays du tiers-monde eux-même souvent encouragent et/ou mandatent cette philosophie. C'est pourquoi cette stratégie est consistante dans notre philosophie et sert également à établir de très bons rapports entre les pays du tiers-monde et nous, et également aident à réaliser quatre buts étroitement reliés entre eux :

1 - La réalisation des besoins des parents au Canada pour un enfant.

2 - Pourvoir des parents ainsi qu'une meilleure vie à un enfant qui a ni l'un ni l'autre.

3 - Aider par le biais de votre don à développer des actions directes pour les centaines d'enfants et leurs familles qui demeurent dans le pays d'où viendra votre enfant.

4 - Donner aux pays du tiers monde une vision de Terre des Hommes en temps d'agence de développement les aidant à développer leur population dans leur pays propre.

[11] Voici le texte anglais du même document :

... There is however, the request of a donation (tax-deductible) of $3,000, which will go to support development projects involving the children from the country from which a particular child is adopted. Whereas we will make every effort to reduce costs as much as possible in all other areas, this is an area where we feel it is imperative to insist on strict adherence to a norm.

It is important to realize that many third world countries themselves are very reluctant to see their children adopted into foreign countries, and we wish to demonstrate clearly to them that while we are involved in foreign adoption, we are at the same time committed to projects in their country which seek solutions to the causes of underdevelopment, and which help mothers to look after and strengthen their families economically, socially, and emotionally.

We wish to stress that the foreign countries themselves often encourage and/or mandate this philosophy. Thus this strategy is both consistent with our own philosophy and serves to establish a strong relationship between us and the third world country, and so helps in realizing four interrelated goals:

1 - The realization of the needs of parents in Canada for a child.

2 - The provision of parents and a better life to a child who has neither.

3 - The help through your donation to hundreds of other children and their families in the country from which your child comes.

4 - The informed perspective of the third world country in seeing TDH's adoption program as a means for sustaining developmental programs in their country.

[12] Le paiement du supposé don s’est fait par chèque le 17 mars 1995 (pièce I-4).

[13] Monsieur José Garcia a témoigné à la demande de l’avocate de l’intimée. Il est le contrôleur de TDH. Il a expliqué qu’en 1992, Terre des hommes Canada Inc. avait constitué une autre corporation, appelée « Terre des hommes pour les enfants Inc. » , (qui dans ces motifs nous avons appelée TDH) et que cette corporation sans but lucratif avait pour objet les adoptions internationales, alors que Terre des hommes Canada Inc. avait pour objet des activités humanitaires en général, excepté les activités d’adoption internationale. Après 1992, la papeterie peut ne pas avoir changé mais la comptabilité était distincte. Donc toutes les transactions décrites dans la présente affaire l’ont été avec Terre des hommes pour les enfants Inc ou TDH.

[14] La pièce I-12 est un document en date du 27 mai 1992, écrit pour le Directeur, « Charities Division » de Revenu Canada. On y mentionne que TDH pour les enfants Inc. est un organisme de bienfaisance dûment enregistré à partir du 1er janvier 1992. On y fait référence à la Circulaire d’information 80-10R et au Bulletin d’interprétation IT-110R2. On y dit aussi que l’organisme de bienfaisance ne peut donner des fonds qu’à d’autres organismes qui sont des donataires reconnus, tels que définis au paragraphe 149.1(1) de la Loi.

[15] La pièce I-6 est une lettre provenant d’un agent du Ministre en date du 28 mai 1996. Elle dit notamment ceci :

...

Nous refusons les reçus provenant de l'organisme « TDH POUR LES ENFANTS INC. » puisque les paiements effectués à l'organisme représentent des frais relatifs à l'adoption d'un enfant. Aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, un don est un transfert volontaire de biens, le donateur ne doit s'attendre à recevoir aucune contrepartie pécuniaire ou autre avantage quelconque résultant de ces paiements.

[16] L’avocate de l’intimée fait valoir, en ce qui concerne l’appelante, que cette dernière n’a pas fait la preuve de la valeur marchande des biens donnés, et que le reçu fourni par l’organisme de bienfaisance ne contenait pas les renseignements prescrits. Elle s’appuie à cet égard sur les paragraphes 118.1(1) et 118.1(2) de la Loi et sur les articles 3500 et 3501 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement » ).

[17] En ce qui concerne l’appelant, l’avocate de l’intimée fait valoir d’une part que le paiement de 3 000 $ fait par l’appelant n’était pas un don parce qu’il ne s’agissait pas d’un transfert d’un bien à titre gratuit, et que d’autre part ladite somme n’a pas été remise par l’organisme de bienfaisance à un donataire reconnu. En ce qui concerne le premier point, elle s’appuie sur le sens d’un don aux fins de l’application du paragraphe 118.1(1) de la Loi et en ce qui concerne le deuxième point, sur la définition d’organisme de bienfaisance enregistré au paragraphe 248(1) de la Loi et sur les définitions d’oeuvre de bienfaisance, de donataire reconnu, de fins de bienfaisance et de fondation de bienfaisance au paragraphe 149.1(1) de la Loi.

[18] Les appelants font valoir, en ce qui concerne le paiement du montant de 3 000 $ en 1995, qu’il s’agissait d’un transfert à titre gratuit, fait après l’adoption de leur enfant, et qui avait pour motif leur souci d’aider au bien-être des enfants qui n’étaient pas adoptés et qui restaient dans les orphelinats du pays où ils avaient adopté leur enfant. En ce qui concerne la valeur des biens donnés en 1994, l’appelante fait valoir que les seringues remises à TDH valaient bien la somme de 4 000 $.

[19] Les définitions de total des dons et total des dons de bienfaisance se retrouvent au paragraphe 118.1(1) de la Loi et sont les suivantes :

« total des dons » — S'agissant du total des dons d'un particulier pour une année d'imposition, le total des montants suivants :

a) le moins élevé du total des dons de bienfaisance du particulier pour l'année et du cinquième du revenu du particulier pour l'année;

b) le total des dons à l'État du particulier pour l'année;

c) le total des dons de biens culturels du particulier pour l'année.

« total des dons de bienfaisance » — S'agissant du total des dons de bienfaisance d'un particulier pour une année d'imposition, le total des montants dont chacun représente la juste valeur marchande d'un don (à l'exclusion d'un don dont la juste valeur marchande est incluse dans le total des dons à l'État ou le total des dons de biens culturels du particulier pour l'année, ou aurait été ainsi incluse pour une année d'imposition antérieure si le présent article s'était appliqué à cette année antérieure) que le particulier a fait au cours de l'année ou au cours d'une des cinq années d'imposition précédentes (mais non au cours d'une année pour laquelle le particulier a demandé une déduction en application du paragraphe 110(2) dans le calcul de son revenu imposable) aux entités suivantes — dans la mesure où ces montants n'ont été ni déduits dans le calcul du revenu imposable du particulier pour une année d'imposition se terminant avant 1988, ni inclus dans le calcul d'un montant déduit en application du présent article dans le calcul de l'impôt payable par le particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition antérieure : (Le souligné est de moi.)

a) organismes de bienfaisance enregistrés;

...

g) oeuvres de bienfaisance situées à l'étranger et auxquelles Sa Majesté du chef du Canada a fait don au cours de l'année ou au cours des douze mois précédant cette année.

[20] Le paragraphe 118.1(2) de la Loi concerne l’attestation du don et se lit comme suit :

(2) Attestation du don — Le don qui n’est pas attesté par un reçu, contenant les renseignements prescrits, présenté au ministre ne peut être inclus dans le total des dons de bienfaisance, le total des dons à l’État, le total des dons de biens culturels ou le total des dons de biens écosensibles.

[21] L’expression reçu officiel est définie à l’article 3500 du Règlement comme suit :

« reçu officiel » — s'entend d'un reçu remis pour l'application des paragraphes 110.1(2) ou (3) ou 118.1(2), (6) ou (7) de la Loi, sur lequel figurent les détails exigés par les articles 3501 ou 3502.

[22] Le paragraphe 3501(1) du Règlement décrit ce que doit contenir un reçu officiel :

3501. Contenu des reçus — (1) Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer que ledit reçu est un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon qu’ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

a) le nom et l’adresse au Canada de l’organisation ainsi qu’ils sont enregistrés auprès du Ministre;

b) le numéro d’enregistrement attribué par le Ministre à l’organisation;

c) le numéro de série du reçu;

d) le lieu ou l’endroit où le reçu a été délivré;

e) lorsque le don est un don en espèces, le jour ou l’année où le don a été reçu;

e.1) lorsque le don est un don de biens autres que des espèces,

(i) le jour où le don a été reçu,

(ii) une brève description du bien, et

(iii) le nom et l’adresse de l’évaluateur du bien si une évaluation a été faite;

f) le jour où le reçu a été délivré, si ce jour diffère du jour visé à l’alinéa a) ou e.1);

g) le nom et l’adresse du donateur y compris, dans le cas d’un particulier, son prénom et son initiale;

h) le montant qui correspond

(i) au montant du don en espèces, ou

(ii) lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, à la juste valeur marchande du bien au moment où le don a été fait; et

i) la signature, ainsi qu’il est prévu au paragraphe (2) ou (3), d’un particulier compétent qui a été autorisé par l’organisation à accuser réception des dons.

[23] Les services bénévoles ne peuvent faire l’objet d’un don parce que les services ne sont pas des biens c’est-à-dire quelque chose qui soit susceptible d’appropriation. Pour qu’il y ait un don, il faut qu’il y ait transfert d’un bien. J’ai fait récemment dans une décision datée du 15 mai 1998, Slobodrian c. La Reine, l’analyse de savoir si des services bénévoles pouvaient faire l’objet d’une donation au sens du paragraphe 118.1(1) de la Loi pour conclure qu’ils n’en pouvaient faire l’objet vu qu’ils ne s’agissaient pas de biens susceptibles d’appropriation.

[24] L’appelante soutient avoir reçu les seringues en contrepartie de services bénévoles qu’elle aurait rendus à une clinique. Puisqu’elle n’était pas rémunérée pour ses services, elle les aurait acquis pour rien. Ce qui n’aide pas à déterminer leur valeur marchande. Si ces seringues avaient véritablement une valeur marchande d'au moins 4 000 $ on peut se demander pourquoi la clinique s’en serait départie comme si elles ne valaient rien. L’appelante n’a produit aucun document qui permette d’établir la valeur marchande de ces seringues. Je dois donc conclure que en ce qui concerne la valeur marchande des seringues, l’appelante n’en a pas fait la preuve.

[25] De plus, premièrement, le reçu fourni par l'organisme de bienfaisance enregistré n'est pas en conformité avec les alinéas 3501(1)e.1) et 3501(1)h)(ii) du Règlement, et deuxièment, les seringues n'ont pas été utilisées pour les activités de TDH, ni celles d'un donataire reconnu au sens de cette définition au paragraphe 149.1(1) de la Loi.

[26] L’avocate de l’intimée s’est référée à La Reine c. Zandstra [1974] 2 F.C. 254, La Reine c. McBurney 85 DTC 5433 (C.A.F.), et La Reine c. Burns 88 DTC 6101 (C.F.) et 90 DTC 6335 (C.A.F.). Ces décisions veulent toutes que le versement d’une somme à un organisme de bienfaisance n’est pas un don si le versement n'a pas été fait à titre gratuit mais fait dans le but, entre autres choses, d’obtenir une contrepartie. Je me référerai à la deuxième décision mentionnée qui est une décision de la Cour d’appel fédérale et qui concernait des sommes versées à une école religieuse par des parents qui y envoyaient leurs enfants. Il s’agissait de savoir si ces paiements étaient des dons. Le tribunal s’est référé à la jurisprudence australienne. Ainsi à la page 9 de la version française, on cite : Normalement, un don n’a pas pour but de satisfaire à une obligation contractuelle : le seul fait qu’une personne se soit dans un contrat, engagée à faire un don n’enlève toutefois pas nécessairement sa qualité de don à cet acte au moment où il est posé. Le juge pense alors à la donation pour cause de mariage. Tout dépendra de la raison pour laquelle la personne s’est engagée à faire le don. ...[U]n don ne sera pas fait à titre onéreux... [Un] don, généralement, « procède d’une ‹générosité empreinte de détachement et de désintéressement›... ‹de l’affection, au respect, de l’admiration, à la charité, ou à d’autres élans de ce genre›... Un don est un acte fait à titre gratuit, avec une intention libérale et sans but de contrepartie.

[27] Je continue la citation : ...Dans un cas limite où est débattue la question de savoir si une transaction particulière constitue un don ... la présence ou l’absence des caractéristiques habituelles d’un don constituera un point de repère servant à répondre à la question fondamentale. Le fait que dans la présente affaire tous les parents adoptifs éventuels aient fait une contribution d’un montant identique et élevé est indicateur d’une opération qui n’est pas de la nature d’un don mais relative à l’exécution d’une obligation contractuelle à laquelle les parents ont souscrit pour devenir parents adoptifs.

[28] Tout comme dans l’affaire McBurney, l’appelant soutient que le paiement a été fait en raison d’une obligation morale et non d’une obligation légale ou contractuelle. Dans l’affaire McBurney, la Cour avait conclu que la preuve démontrait que les paiements à l’école religieuse étaient directement reliés à la fréquentation de cette école par ses enfants tout en procédant d'une obligation morale. Il est aussi intéressant de lire une remarque de la Cour concernant la diminution des paiements à l’école quand les enfants ne l’ont plus fréquentée. Je cite :

En l'espèce, il est également difficile de douter que l'intimé considérait que son devoir de chrétien lui imposait d'assurer à ses enfants le genre d'éducation que fournissaient ces écoles. Les paiements ont été effectués en accomplissement de ce devoir, conformément à une entente claire intervenue entre les organismes de charité et l'intimé, selon laquelle celui-ci contribuerait, dans la mesure de ses moyens, au coût de fonctionnement des écoles concernées aussi longtemps que ses enfants les fréquenteraient. Je ne puis souscrire à l'argument selon lequel les paiements doivent être considérés comme des « dons » parce que l'intimé n'aurait pas été juridiquement tenu de fournir une contribution. Les paiements effectués par l'intimé et l'éducation de ses enfants selon ses principes allaient de pair. Tous deux procédaient de l'obligation morale que se faisait l'intimé, en tant que père chrétien, d'assurer à ses enfants une éducation chrétienne et de payer en contrepartie, aux organismes exploitant les écoles concernées, des sommes conformes à leurs attentes et à ses moyens. ...

À mon avis, le fait que les paiements de l'intimé à cet organisme de charité ont diminué considérablement lorsque ses enfants ont cessé de fréquenter l'école OCSA est révélateur. ...

[29] De la même manière, le paiement effectué par les appelants en 1995 et l’adoption de leur enfant allaient de pair. Le paiement procédait sans doute de l’obligation morale que se faisaient les appelants d’assurer à leur enfant et à d’autres un milieu de vie décent. Mais ce paiement a été effectué en accomplissement d'une entente claire intervenue entre TDH et les appelants. S'agissait-il d'une obligation légale ou seulement morale? Il n'est pas essentiel de trancher cet aspect. Il ne faut que constater que le paiement du présumé don était une des conditions pour obtenir le service d'adoption. Également, dans le cas des appelants, il est révélateur que leur contribution à l’organisme de bienfaisance ait été de l’ordre de 150 $ pour l’année 1997.

[30] Je conclus donc que le paiement de 3 000 $ n’a pas été fait à titre gratuit ou en d’autres termes n’a pas été fait avec la seule intention libérale requise pour que le paiement soit considéré comme un don. Je cite le juge Pinard dans La Reine c. Burns, précité, à la page 11 de la version française :

J'aimerais souligner que l'élément essentiel d'un don est l'élément intentionnel que le droit romain a précisé comme animus donandi ou l'intention libérale (voir Mazeaud, Leçon de Droit Civil, tome 4ième, 2ième volume, 4ième édition, no 1325, page 545). Le donateur doit être conscient qu'il ne recevra pas de contrepartie autre qu'un avantage purement moral; il doit être prêt à s'appauvrir dans l'intérêt du bénéficiaire du don sans recevoir aucune contrepartie. ...

[31] De plus, la somme de 3 000 $ n’a pas été consacrée aux activités de bienfaisance menées par TDH elle-même ni non plus n’a-t-elle été versée à un donataire reconnu le tout tel que requis par le paragraphe 149.1(1) de la Loi.

[32] Les appels sont en conséquence rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juin 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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