Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980213

Dossier: 96-1639-IT-I

ENTRE :

SUSAN BUSSEY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] L'appelante, citoyenne des États-Unis d'Amérique, réside avec son époux à Windsor (Ontario). Elle travaille dans l'État du Michigan pour un employeur appelé Blue Cross, Blue Shield. Dans le cadre de son emploi chez Blue Cross, Blue Shield, l'appelante peut souscrire à l'un ou l'autre de deux régimes de pension. Le premier, qu'on appelle « régime de pension à prestations déterminées » , est un régime auquel seul l'employeur contribue, l'employé ne versant aucune cotisation. Le deuxième, appelé « régime de pension à cotisations déterminées » , est appelé couramment aux États-Unis le régime 401K. Aux termes du régime 401K auquel l'appelante peut souscrire, l'employeur verse 50 cents pour chaque dollar versé par l'employé à titre de cotisation. Les deux régimes sont régis aux États-Unis par la Employee Retirement Income Security Act.

[2] Au cours de l'année d'imposition 1994, le ministre du Revenu national a ajouté au revenu déclaré de l'appelante le montant de 3 486 $ (en devises canadiennes), représentant les cotisations au régime 401K. Ce montant est l'équivalent en devises canadiennes du montant de 2 552,94 $ (en devises américaines) versé au régime 401K. L'une des difficultés que présente l'appel en instance tient à la question de savoir quelle partie a versé une cotisation de 2 552,94 $ au régime 401K. Si l'on se reporte à l'alinéa 6 c) de la réponse à l'avis d'appel, le ministre s'est fondé sur l'hypothèse de fait suivante pour établir la cotisation visée par l'appel :

[TRADUCTION]

au cours de l'année d'imposition 1994, l'employeur américain a versé une cotisation de 2 552,94 $ américains, pour le compte de l'appelante, au régime de pension 401K;

À l'audition, seul l'époux de l'appelante a témoigné; il a déclaré que le montant que le ministre a ajouté au revenu déclaré de l'appelante était celui qu'elle avait versé au régime 401K. On peut lire, à la page 9 de la transcription, les propos suivants :

[TRADUCTION]

MONSIEUR LE JUGE : Alors, de quel régime parlons-nous?

M. BUSSEY : Il s'agit du 401K.

MONSIEUR LE JUGE : Mais vous m'avez dit qu'elle verse une cotisation d'un dollar et que, pour chaque dollar de cotisation, ils versent 50 cents.

TÉMOIN : 50 cents, c'est exact.

MONSIEUR LE JUGE : Ce que je veux savoir, c'est ce qui a été ajouté à son revenu dans la cotisation d'impôt sur le revenu qu’elle porte en appel aujourd'hui. Est-ce seulement le montant qu'elle a versé à titre de cotisation ou est-ce sa cotisation en plus de la contribution de son employeur?

TÉMOIN : Uniquement le montant qu'elle a versé à titre de cotisation.

MONSIEUR LE JUGE : Alors le ministre n'a inclus dans son revenu de 1994 que sa cotisation au régime 401K?

TÉMOIN : Exactement. Donc, la question est de savoir si sa pension est imposée pleinement à deux reprises, c'est-à-dire aujourd'hui, au Canada, par Revenu Canada, et, plus tard, lorsqu'elle sera retirée, par le gouvernement américain.

[3] L'appelante n'a pas témoigné du tout. Elle était représentée en cour par son époux, qui a témoigné et présenté des observations pour le compte de l'appelante. Il y a manifestement un conflit entre le témoignage donné par l'époux de l'appelante et l'hypothèse de fait énoncée à l'alinéa 6 c) de la réponse de l'intimée et sur laquelle s'est fondé le ministre. S'il existe une certaine confusion entourant la question de savoir si le montant en cause a été versé à titre de cotisation au régime par l'employeur ou par l'appelante, personne ne conteste que le montant de 3 486 $ (en devises canadiennes) équivaut à 2 552,94 $ (en devises américaines). Je suis enclin à adopter le point de vue de l'époux de l'appelante, selon lequel le montant de 3 486 $ est celui que l'appelante a versé à titre de cotisation au régime. Aux pages 16 et 17 de la transcription, on peut lire les propos suivants :

[TRADUCTION]

MONSIEUR LE JUGE : Contestez-vous le calcul du montant de 3 486 $? En d'autres termes, je me reporte à la réponse à l'avis d'appel, où l'on peut lire :

L'appelante n'a pas inclus le revenu de 3 486 $, qu'elle a tiré d'un emploi.

Bon, je sais que vous dites qu'elle n'a pas reçu ce revenu et vous avez peut-être raison, en un sens. Mais convenez-vous que le montant de 3 486 $ en devises canadiennes est l'équivalent du montant en dollars américains que votre épouse a versé au régime 401K?

TÉMOIN : Oui.

MONSIEUR LE JUGE : Et convenez-vous que ces montants ont été prélevés sur sa paie nette, si je puis dire? À savoir que, si elle avait choisi de ne pas souscrire au régime 401K, elle aurait reçu l'équivalent en dollars américains des 3 486 $ canadiens.

TÉMOIN : Oui

MONSIEUR LE JUGE : Il n'y a donc pas de conflit quant aux montants ou à la conversion des dollars américains en dollars canadiens?

TÉMOIN : C'est exact.

MONSIEUR LE JUGE : Il s'agit uniquement de savoir si ce montant, qui a été retenu sur son salaire et versé au régime, peut être inclus dans son revenu canadien?

TÉMOIN : Oui.

[4] D'après l'époux de l'appelante, les cotisations de cette dernière au régime 401K ont été faites au moyen de retenues à la source. Cela signifie que, sur chacun de ses chèques de paie, un montant était retenu à la source par l'employeur à titre de cotisation de l'appelante au régime 401K, et que la contribution de l'employeur au régime était fonction du montant de la cotisation de l'employée. Si l'appelante était employée au Canada et qu'elle cotisait à un régime de pension d'employeur, je suppose que son revenu total serait indiqué sur le feuillet T4 qu'un employeur canadien est tenu de remettre à un employé à la fin de chaque année civile, et que la cotisation de l'appelante au régime de pension d'employeur serait indiquée dans une case distincte sur le feuillet T4. Cette documentation n'a pas été produite en preuve dans l'appel en instance. Si je suppose que l'employeur du Michigan a remis un feuillet semblable à l'appelante, celui-ci indiquerait le salaire brut total de cette dernière en 1994 et la portion de ce revenu brut qu'elle aurait versée à titre de cotisation au régime 401K. Je vais tenir pour acquis que le montant de 3 486 $ faisait partie de son salaire total en 1994 et qu'il était l'équivalent en devises canadiennes du montant (en dollars américains) qu'elle a versé à titre de cotisation au régime 401K. La seule question dans l'appel en instance est de savoir si l'appelante peut déduire, dans le calcul de son revenu aux fins de l'impôt au Canada, ce montant de 3 486 $. L'appelante a choisi la procédure informelle.

[5] La disposition fondamentale de la Loi de l'impôt sur le revenu qui régit l'appel en instance est l'alinéa 6(1)a), dont la partie pertinente est ainsi libellée :

6(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages quelconques qu'il a reçus ou dont il a joui au cours de l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi, à l'exception des avantages suivants :

(i) ceux qui résultent des cotisations de son employeur à un régime de pension agréé, un régime d'assurance collective contre la maladie ou les accidents, un régime privé d'assurance-maladie, un régime de prestations supplémentaires de chômage, un régime de participation différée aux bénéfices ou une police collective d'assurance temporaire sur la vie.

(ii) ceux qui découlent d'une convention de retraite, d'un régime de prestations aux employés ou d'une fiducie d'employés,

[...]

Je soulignerais d'abord les termes suivants de l'alinéa a) : « la valeur de [...] et autres avantages quelconques qu'il a reçus ou dont il a joui au cours de l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi » . Au cours des 40 dernières années, les tribunaux ont donné à ces termes un sens très large. En ce qui concerne le sous-alinéa (i), un « régime de pension agréé » , qui semble le seul régime qui s'applique aux faits de la présente affaire, est défini dans les termes suivants à l'article 248 :

248(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

« régime de pension agréé » S'entend d'un régime de pension que le ministre a agréé pour l'application de la présente loi et dont l'agrément n'a pas été retiré.

Aucun élément de preuve n'indique que l'un ou l'autre des deux régimes auxquels l'appelante pouvait souscrire dans le cadre de son emploi au Michigan avait été agréé par le ministre du Revenu national. Cela m'étonnerait que l'un ou l'autre de ces régimes ait de fait été agréé.

[6] La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit un nombre très limité de déductions qui peuvent être faites dans le calcul du revenu tiré d'une charge ou d'un emploi. Plus précisément, le seul alinéa qui semble pouvoir être invoqué par l'appelante est l'alinéa 8(1)m), dont le libellé est le suivant :

8(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[...]

m) le montant que le contribuable peut déduire en application du paragraphe 147.2(4) dans le calcul de son revenu pour l'année au titre des cotisations versées à des régimes de pension agréés;

Compte tenu du fait qu'il n'y a aucune preuve que le régime 401K a été agréé par le ministre du Revenu national et, partant, qu'il serait admissible à titre de « régime de pension agréé » , l'appelante ne peut déduire quelque montant que ce soit qu'elle a versé à titre de cotisation au régime 401K. Par conséquent, l'appelante doit inclure, dans le calcul de son revenu tiré d'un emploi aux fins de l'impôt au Canada, la portion de son revenu brut qu'elle a affectée aux cotisations versées au régime 401K. Elle ne peut déduire ces cotisations dans le calcul de son revenu.

[7] On a fait valoir pour le compte de l'appelante que cette dernière n'avait pas « reçu » le montant en question car elle n'a jamais eu l'argent dans ses mains. En pratique, c'est exact, car elle n'a jamais eu l'argent dans son compte de banque, mais, en théorie, elle a reçu ce montant. Il faisait partie de son revenu brut, mais elle a volontairement choisi de demander à son employeur de le retenir et de le verser au régime 401K. Si j'avais des doutes sur cette question de savoir s'il y a eu réception présumée du montant de 3 486 $ par l'appelante (et je n'ai pas de doutes), je me reporterais à la décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire The Queen v. Hoffman, 85 DTC 5508. Bien que les faits dans l'affaire Hoffman soient différents parce que les cotisations avaient été versées sous le régime de la Social Security Act américaine, le principe est le même en ce qui concerne les montants retenus sur le revenu brut d'un employé.

[8] En peu de mots, la réponse dans la présente affaire est que l'appelante ne peut, aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu canadienne, déduire sa cotisation au régime 401K parce que le régime en question n'est pas un « régime de pension agréé » au sens de la Loi. L'appel pour l'année d'imposition 1994 est rejeté.

Signé à Ottawa, ce 13e jour de février 1998.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de juin 1998.

Isabelle Chénard, réviseure

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.