Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20000114

Dossiers: 1999-1695-EI; 1999-1696-CPP

ENTRE :

ET'S ELECTRICAL SERVICES LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le Juge suppléant Cain, c.c.i.

[1] ET's Electrical Services Ltd., ci-après appelée l'“ appelante ”, interjette appel d'évaluations en date du 22 septembre 1997 établies par le ministre du Revenu national, ci-après appelé l'“ intimé ”, soit des évaluations de 7 103,67 $ de cotisations d'assurance-chômage et d'assurance-emploi, plus les pénalités, pour les années 1996 et 1997 et de 10 533,20 $ de cotisations au régime de pensions du Canada, plus les pénalités et les intérêts connexes, pour les années 1995, 1996 et 1997.

[2] En annexe à l'avis d'évaluation figurait une liste de travailleurs à l'égard desquels il était allégué que des cotisations auraient dû être versées. Ces travailleurs sont les suivants :

1. DAVID ADRIAANSE

412, TRAVISS DRIVE

NEWMARKET (ON) L3Y 7J9

2. PETER J. BARNAS

R.R.3

TOTTENHAM (ON) L0G 1W0

3. DARYL BRODERICK

731, BOUL. KROSNO

PICKERING (ON) L1W 1G4

4. ALLEN COX

36, CLOSS SQUARE

AURORA (ON) L4G 5H5

5. MARK J. DEXTER

383, DAVIS DRIVE

NEWMARKET (ON) L3Y 2N8

6. WILLIAM FINNERTY

R.R.4

MARMORA (ON) K0K 2M0

7. ELMER OILING

31, AV. JELLICOE

ETOBICOKE (ON) M8W 1W2

8. CLAYTON STALLARD

C.P. 78, STATION MAIN

BRADFORD (ON) L3Z 2A7.

[3] L'avis d'évaluation avait été envoyé à tous les travailleurs susnommés, mais aucun d'eux n'a déposé d'avis d'intervention. Un des travailleurs, Peter J. Barnas, a comparu à l'audience et a été appelé à témoigner pour l'appelante.

[4] Les parties ont convenu que la preuve présentée dans l'appel concernant la Loi sur l'assurance-chômage et la Loi sur l'assurance-emploi s'appliquerait à l'appel concernant le Régime de pensions du Canada sans qu'il soit nécessaire de rappeler les témoins ou de reverser officiellement cette preuve au dossier.

[5] L'intimé se fondait sur les hypothèses de fait suivantes pour les deux appels. Toute mention de cotisations dans ces hypothèses s'applique également à des cotisations au régime de pensions du Canada, car les hypothèses valent aussi pour l'appel relatif au régime de pensions du Canada :

[TRADUCTION]

a) l'appelante exploite une société de personnes;

b) Edward et Leanne Taylor sont associés à parts égales;

c) les associés sont des personnes liées entre elles — ils sont mari et femme;

d) l'appelante est un entrepreneur en électricité — service, entretien et installations;

e) c'est Edward Taylor qui contrôlait les activités quotidiennes et qui prenait les principales décisions relatives à l'entreprise;

f) les travailleurs étaient engagés pour exécuter divers types de travaux en matière d'électricité;

g) certains travailleurs exerçaient un emploi en vertu d'un contrat écrit, et d'autres en vertu d'un contrat verbal;

h) les travailleurs s'acquittaient de leurs fonctions à divers endroits;

i) les travailleurs devaient remplir un formulaire complet de relevé de temps conformément aux instructions données par l'appelante;

j) les relevés de temps doivent être remis le jeudi soir, et les chèques sont émis le vendredi suivant;

k) en général, les heures de travail des travailleurs allaient de 8 heures à 16 heures, du lundi au vendredi;

l) les taux de rémunération des travailleurs se situaient entre 8 $ et 28 $ l'heure, selon le niveau de connaissance et la difficulté des projets;

m) les travailleurs étaient payés par chèque, hebdomadairement;

n) l'appelante et / ou ses électriciens agréés supervisaient les travailleurs;

o) l'appelante se réservait le droit de mettre fin à l'emploi exercé par les travailleurs;

p) l'appelante fournissait gratuitement aux travailleurs l'ensemble des matériaux et de l'équipement nécessaires, sauf les petits outils, qui étaient fournis par les travailleurs;

q) l'appelante était responsable du règlement des plaintes de clients;

r) les fonctions des travailleurs faisaient partie intégrante de l'entreprise de l'appelante;

s) les travailleurs exerçaient un emploi pour l'appelante en vertu de contrats de louage de services;

t) l'appelante n'a retenu aucune cotisation au titre de l'assurance-chômage ou de l'assurance-emploi sur la rétribution des travailleurs.

[6] L'appelante a admis les hypothèses b) à e), h) à j), l), o) et t). Elle a nié toutes les autres hypothèses énoncées.

DÉCISION

[7] Concernant l'hypothèse a), l'appelante a témoigné qu'en 1994 la charte d'ET's Electrical Services Limited avait été abandonnée à cause du non-paiement des droits annuels de dépôt. Cela n'avait été découvert par les dirigeants de la compagnie qu'en 1998, puis une demande de remise en vigueur avait été faite, et la charte avait été remise en vigueur. Aucun élément de preuve ou argument n'a été présenté quant à l'effet juridique de cette remise en vigueur, mais, comme la compagnie a été tenue de produire pour les années où la charte avait été abandonnée toutes les déclarations d'impôt sur les sociétés qui n'avaient pas été produites, notre cour partira du principe que, la charte ayant été remise en vigueur, la compagnie appelante était en fait reconstituée dans les années auxquelles se rapportent les évaluations.

[8] Concernant l'hypothèse f), l'appelante a témoigné qu'elle faisait appel à des travailleurs pour la prestation de services en matière d'électricité et que, toutefois, elle faisait également appel de temps en temps à d'autres gens de métier, lorsque des clients avaient besoin de faire faire des travaux par de tels ouvriers.

[9] Concernant l'hypothèse g), l'appelante a témoigné que tous les travailleurs exerçaient un emploi comme sous-traitants, et ce, en vertu d'un contrat écrit, sauf que l'on convenait verbalement du taux de rétribution dans tous les cas.

[10] Concernant l'hypothèse k), l'appelante a présenté des éléments de preuve pour démontrer que, bien que les travailleurs puissent avoir travaillé de 8 heures à 16 heures certains jours, le travail pouvait être accompli à d'autres heures, pour autant que soit respecté le calendrier de construction du client.

[11] Concernant l'hypothèse m), l'appelante a présenté des éléments de preuve indiquant que les travailleurs étaient payés lorsque leurs relevés de temps étaient présentés, mais la pièce R-1, soit un “ calendrier de paiement ”, dit :

[TRADUCTION]

Veuillez noter que, à compter du 1er novembre 1996, les paiements seront reportés d'une semaine, pour s'assurer que les relevés de temps sont bien remplis.

Les relevés de temps incomplets seront déposés dans une boîte étiquetée à cet effet. Il vous incombe de corriger toute erreur ou omission. Les paiements ne seront effectués qu'après que de tels relevés auront été remplis correctement et présentés de nouveau.

Les relevés de temps doivent être remis le jeudi soir.

Les chèques seront émis le vendredi suivant.

La direction

[12] Il faut présumer que, avant l'affichage du “ calendrier ” précité, l'appelante payait ses travailleurs sans contrôler beaucoup les relevés de temps ou sans les contrôler du tout. L'affichage d'un tel document donne à entendre que des personnes exerçant un emploi en vertu de contrats de louage de services ne tenaient pas de relevés de temps appropriés et que l'on a établi ce mécanisme de contrôle pour s'assurer qu'elles consignaient bien leurs heures. Un tel mécanisme ne serait pas approprié dans le cadre d'un contrat d'entreprise. L'employeur ou l'entrepreneur renverrait au sous-traitant les factures mal établies et lui demanderait des précisions ou des détails.

[13] Concernant l'hypothèse m), la preuve n'est pas concluante quant à savoir si une supervision directe était exercée sur le travail. Edward Taylor, soit le président de l'appelante, travaillait lui-même sur les chantiers de temps à autre, et cela représentait une forme de supervision. Peter J. Barnas a témoigné que, la première fois qu'il avait travaillé pour l'appelante, il avait été l'objet d'une supervision individuelle, jusqu'à ce que l'appelante soit convaincue qu'il était capable de s'acquitter sans supervision des tâches qui lui étaient assignées. Cela donne à entendre que, au début, M. Barnas n'aurait pas été assez habile pour être un sous-traitant.

[14] Concernant l'hypothèse p), la preuve présentée par l'appelante étaye cette hypothèse, sauf que les travailleurs fournissant eux-mêmes le matériel que l'appelante devait normalement louer et fournir étaient payés selon un tarif horaire supérieur.

[15] Les dénégations relatives aux hypothèses susmentionnées étaient subtiles, mais ces subtilités, bien que pouvant soulever des questions quant à la valeur de ces hypothèses, ne “ démolissent ” pas les hypothèses, et la Cour n'y accorde pas d'importance dans la détermination du statut des travailleurs visés par l'évaluation.

[16] Se fondant sur la preuve présentée par l'appelante, la Cour rend les conclusions de fait suivantes.

[17] L'appelante est constituée en compagnie, mais, en réalité, il s'agit de l'entreprise d'un seul homme, soit un entrepreneur en électricité. L'appelante était spécialisée dans les rénovations et travaillait presque exclusivement sur la base des coûts, y compris le prix des matériaux. Elle concluait avec des clients des contrats en vertu desquels elle fournissait des hommes, selon un tarif horaire, et des matériaux, au prix de revient majoré d'un pourcentage. Elle embauchait des hommes pour la prestation des services et négociait des tarifs horaires ainsi qu'un prix de matériaux assurant un bénéfice à l'appelante.

[18] L'appelante employait un consultant pour se faire conseiller sur son entreprise, et les dirigeants de l'appelante et le consultant avaient conçu un plan pour soustraire l'appelante à l'obligation administrative de percevoir et de remettre des cotisations d'employeur et d'employé au titre de l'assurance-chômage ou de l'assurance-emploi et au titre du régime de pensions du Canada.

[19] Ce plan partait du principe que l'appelante n'aurait aucun employé à proprement parler et que tous les travailleurs seraient embauchés comme sous-traitants; une lettre rédigée sur du papier à en-tête de l'appelante devait être signée par tous les travailleurs ainsi embauchés. Je reproduis ci-après l'une de ces lettres, laquelle fait partie de la pièce A-4 et avait été signée par P. Barnas, qui a témoigné pour l'appelante et a confirmé l'authenticité de cette lettre :

[TRADUCTION]

ET'S ELECTRICAL SERVICES LTD.

R.R. 1, CEDAR VALLEY (ONTARIO) L0G 1E0

727-6909

836-9546

À QUI DE DROIT,

La présente lettre a pour objet d'énoncer les modalités du contrat conclu en matière d'emploi entre ET'S Electrical Services Ltd. et P. Barnas.

P. Barnas doit toujours être considéré comme un travailleur autonome, de sorte qu'ET'S ELECTRICAL SERVICES LTD. n'a à retenir sur les paiements à P. Barnas aucune somme au titre de l'impôt sur le revenu, du régime de pensions du Canada ou de l'assurance-chômage.

En signant la présente lettre, P. Barnas accepte d'assumer l'entière responsabilité de l'impôt sur le revenu à payer et garantit ET'S ELECTRICAL SERVICES LTD. contre toute action à cet égard.

[20] La lettre était signée par P. Barnas, ainsi que par un témoin, mais la signature du témoin est illisible.

[21] Il est clair que la lettre vise à établir que la relation entre M. Barnas et l'appelante est une relation entre un sous-traitant et un entrepreneur. Bien que la lettre puisse avoir une certaine portée juridique dans la relation entre l'appelante et les particuliers qui signaient ces lettres, notre cour doit examiner la relation qui existait effectivement entre les parties signataires durant les périodes en cause du point de vue de la Loi sur l'assurance-chômage, de la Loi sur l'assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada. Le fait que les deux parties signataires décrivent leur relation comme étant une relation entre un entrepreneur et un sous-traitant ne signifie pas qu'il en est nécessairement ainsi. La question de savoir si une telle relation existe est une question de fait devant être tranchée au cas par cas (voir l'affaire M.N.R. v. Standing, [1992] 147 N.R. 238 (C.A.)).

[22] Initialement, M. Edward Taylor, soit le président de la compagnie, avait témoigné que tous les contrats étaient conclus avec des hommes de métier sur la base d'heures et de matériel spécifiés, c'est-à-dire que ces hommes acceptaient d'accomplir le travail pour une durée déterminée et selon un tarif horaire déterminé. Ultérieurement, M. Taylor a toutefois concédé que, bien qu'il puisse avoir parfois refusé de payer un ouvrier selon les heures effectivement déclarées, parce que cela incluait des heures non effectivement passées au travail, il payait habituellement les ouvriers selon les heures effectivement travaillées, et ce, au tarif horaire convenu. M. Barnas a témoigné que son emploi ne comportait ni chance de bénéfice ni risque de perte et que, toutefois, il s'attendait à être payé pour le nombre effectif d'heures de travail et selon le tarif horaire convenu et que tel était toujours le cas.

[23] M. Taylor a témoigné que les ouvriers qualifiés devaient corriger gratuitement tout défaut que lui ou un inspecteur du gouvernement pouvaient découvrir, ce qui a été corroboré par M. Barnas. Cependant, aucun exemple précis n'a été donné et, se fondant sur la preuve présentée, la Cour conclut que ces travaux correctifs étaient rares et concernaient des ajustements mineurs.

[24] En résumé, l'appelante était un entrepreneur en électricité. Elle engageait des électriciens et parfois d'autres hommes de métier pour la réalisation de travaux à contrat.

[25] Ces ouvriers qualifiés travaillaient à des projets des clients de l'appelante. Ils étaient payés par l'appelante, selon un tarif horaire convenu, et étaient payés pour toutes les heures effectivement travaillées. Leur travail était assujetti aux inspections et approbations de l'appelante et du client, et le président de l'appelante se rendait parfois sur les chantiers, où lui-même travaillait comme ouvrier qualifié ou inspectait le travail.

[26] Les ouvriers qualifiés se rendaient directement au chantier de construction, et il arrivait qu'ils travaillent tous les jours pendant des mois. M. Barnas a témoigné qu'il avait déjà travaillé sur un chantier tous les jours pendant plusieurs mois. L'appelante était responsable de l'exécution globale du travail. On n'a présenté aucun élément de preuve pour démontrer que l'un quelconque de ces ouvriers qualifiés avait déjà eu un risque de perte.

[27] Les travailleurs étaient tenus de faire rapport de leurs heures de travail effectives, qu'ils indiquaient sur des formulaires fournis par l'appelante. Aucune facture sur du papier à en-tête des travailleurs n'était présentée par les travailleurs. Malgré le fait que, parfois, les ouvriers qualifiés n'avaient pas à travailler chaque jour un nombre d'heures spécifié, ils étaient assujettis aux contraintes de temps imposées par le client.

[28] Les travailleurs qualifiés devaient fournir leurs propres outils à main, soit une exigence professionnelle, mais l'appelante devait de temps à autre louer et fournir à ses frais du matériel, y compris des échafaudages, devant servir aux travailleurs dans l'accomplissement de leurs tâches.

[29] Il est clair que les ouvriers qualifiés ne travaillaient pas pour leur propre entreprise. Leur travail faisait partie intégrante de l'entreprise de l'appelante. L'appelante n'a présenté aucun élément de preuve pour démontrer que les revenus de l'un quelconque des travailleurs étaient déclarés comme gains provenant d'un travail indépendant.

[30] Par rapport aux critères énoncés dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, une supervision suffisante était exercée sur les travailleurs, compte tenu de ce qui suit : une supervision constante, sur place, n'est pas nécessaire à l'égard d'hommes de métier compétents; les instruments de travail autres que les outils à main étaient fournis aux travailleurs, sauf à ceux qui avaient tout l'équipement nécessaire et, dans ces cas-là, les travailleurs étaient payés selon un tarif horaire supérieur, en raison de ce facteur; les travailleurs n'avaient aucun risque de perte et n'avaient aucune chance de bénéfice en sus de leur tarif horaire convenu; enfin, leur travail faisait partie intégrante de l'entreprise de l'appelante.

[31] La Cour conclut qu'au cours des périodes en cause, énoncées dans les avis d'évaluation, les travailleurs énumérés ci-dessus exerçaient pour l'appelante un emploi assurable et ouvrant droit à pension et la Cour confirme par les présents motifs les évaluations établies par l'intimé.

[32] L'appelante a demandé que la Cour envisage d'ordonner que l'on renonce à la partie des évaluations afférente aux “ pénalités et intérêts ” parce que la preuve démontrait que ce n'était pas par indifférence ou pour essayer de contourner la législation que l'appelante avait omis de verser des cotisations au titre de l'assurance-chômage ou de l'assurance-emploi et au titre du régime de pensions du Canada. Aucun texte faisant autorité n'a été cité à l'appui de l'existence d'une telle compétence, et la Cour n'a trouvé aucun texte faisant autorité qui lui permette de modifier les évaluations du ministre si elle ne concluait pas que les évaluations avaient été établies autrement qu'en conformité avec les lois en cause.

Signé à Rothesay (Nouveau-Brunswick) ce 14e jour de janvier 2000.

“ M. F. Cain ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour d'août 2000.

Benoît Charron, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.