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Date: 19990108

Dossier: 97-1037-IT-I

ENTRE :

DAVID P. BERGERON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] David P. Bergeron interjette appel de cotisations d'impôt établies pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994. Il a soulevé deux questions initialement.

[2] D'une part, dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1992 et 1993, l'appelant a demandé la déduction de pertes d'entreprise nettes de 6 101,25 $ et 7 131,07 $ respectivement. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé la déduction de la partie des frais de ménage de 2 312 $ et 1 356 $ prétendument engagés à des fins commerciales. L'appelant soutient que le refus en question n'est pas en litige; il demande plutôt à la Cour d'annuler l'intérêt et les pénalités ou à l'intimée d'y renoncer pour le motif qu'ils sont le résultat des actions de Revenu Canada, qui a mis beaucoup de temps à traiter les déclarations de revenu. Au procès, l'appelant a abandonné cette partie de l'appel.

[3] D'autre part, dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1993 et 1994, l'appelant a demandé la déduction de pertes locatives nettes de 5 813,66 $ et 5 704,02 $ respectivement. La déduction de ces pertes a été refusée. Par conséquent, l'unique question dont la Cour est saisie est de savoir si les dépenses se rapportant au bien locatif ont été effectuées en vue de tirer un revenu au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[4] Les faits suivants ne sont pas en litige. En avril 1993, l'appelant et son épouse ont acheté en tant que copropriétaires un condominium (le bien) à Orlando, en Floride, qui est un endroit de villégiature. Ils ont payé 21 300 $ (US) et financé la totalité de l'achat en augmentant de 27 688,44 $ (CAN) le montant dû sur le prêt hypothécaire contracté pour acheter la maison dont ils étaient tous deux propriétaires à Kingston.

[5] Au cours des années d'imposition 1993 et 1994, l'appelant a déclaré le revenu brut et les pertes locatives nettes suivants :

1993

1994

Revenu brut

1 153,74 $

0 $

Dépenses

Taxes foncières

597,09 $

674,62 $

Entretien et réparations

622,21

99,03

Frais de gestion et d'administration

0

4,35

Frais de véhicule à moteur (à part la déduction pour amortissement)

0

116,14

Honoraires d'avocat, de comptable et autres frais professionnels

0

194,33

Intérêt

1 420,08

11,22

Assurance

63

47,60

Éclairage, électricité et eau

438,44

722,62

Publicité

30

70,11

Câble

101,67

141,16

Téléphone

333,54

188,57

Charges communes

1 423,59

2 406,95

Déplacement/essence

867,66

0

Total partiel

5 897,28 $

4 676,70 $

Plus : Déduction pour amortissement

1 070,12

1 027,32 $

Total des dépenses

6 967,40 $

5 704,02 $

Perte nette

(5 813,66 $)

(5 704,02 $)

L'appelant a déduit la totalité des pertes nettes subies relativement au bien en question dans les années d'imposition visées par l'appel.

[6] Le ministre a refusé la déduction des pertes locatives nettes en question pour le motif que les dépenses qui ont donné lieu à ces pertes n'avaient pas été effectuées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Le ministre a en outre déterminé que, de toute façon, certaines des déductions faites par l'appelant dans le calcul de son revenu net n'étaient peut-être pas admissibles. Il s'agit de la déduction pour amortissement (DPA) de 1 070,12 $ et de 1 027,32 $ relativement au coût du bien en 1993 et en 1994 respectivement, et de la déduction en 1993 de frais de déplacement de 867,66 $.

[7] Le ministre soutient que ces déductions ne sont pas admissibles parce que :

dans le cas de la DPA, une telle déduction est interdite par le paragraphe 1100(11) du Règlement de l'impôt sur le revenu (le Règlement);

les frais de déplacement étaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelant au sens de l'alinéa 18(1)h) de la Loi.

[8] L'intimée a en outre fait valoir que, puisque le bien en question appartenait conjointement à l'appelant et à son épouse, qu'il était géré conjointement et que les frais d'entretien étaient engagés par les deux, l'appelant n'a droit qu'à 50 p. 100 des pertes locatives nettes pour les années d'imposition 1993 et 1994 s'il obtient gain de cause dans l'appel.

[9] Seul l'appelant a témoigné. Il a déclaré que, pendant les périodes pertinentes, il travaillait (et il travaille encore) pour le ministère des Transports de l'Ontario. Son épouse est secrétaire juridique. Ils ont deux pré-adolescents. Préoccupés du coût de la vie et inquiets de leur avenir, ils se sont lancés dans plusieurs entreprises en vue d'accroître leurs revenus. L'épouse de l'appelant a commencé à vendre des produits cosmétiques Mary Kay et l'appelant a choisi de devenir distributeur de produits Amway. À la suite de leur échec dans le secteur immobilier (l'objet de l'appel en l'instance) et prévoyant une grève dans la fonction publique, l'appelant a construit une friterie mobile qu'il a exploitée « avec succès » pendant plus d'un an et qu'il a abandonnée une fois son emploi devenu « plus sûr » .

[10] C’est par l’entremise d’un collègue de travail, dont le frère voulait se départir du bien, que l’appelant a été mis au courant de l’existence du bien. L'appelant a parlé au propriétaire du bien, puis au gérant du complexe (le « gérant » ). L'intérêt de l'appelant et de son épouse a été piqué et, en mars 1993, l'appelant s'est rendu en Floride pour examiner le bien. Pendant qu'il y était, il a comparé le bien à d'autres unités du complexe, il a parlé à des agents immobiliers et il a vérifié d'autres sources d'information pour comparer les prix et les loyers. Le gérant l'a informé qu'il avait en main des réservations pour l'unité pour une période de trois semaines à l'automne de cette année-là. Au cours de cette même visite, l'appelant a rencontré un couple d'Américains (les Pond) qui avaient auparavant loué d'autres unités dans le complexe. Ils ont déclaré être intéressés à réserver l'unité et ont versé à l'appelant le montant de 150 $ (US) en acompte pour un période de trois mois et demi à quatre mois à partir de janvier 1994, à 1 000 $ (US) par mois.

[11] Satisfaits des renseignements obtenus et convaincus qu'ils pourraient louer le bien à temps plein aux Pond tous les hivers, l'appelant et son épouse ont acheté le bien. L'appelant estimait avoir établi des contacts suffisants et avoir conclu avec le gérant (qui était inscrit auprès du Tourist Department de la Floride) un arrangement pour qu'il leur trouve d'autres locataires. L'appelant a donc commencé à faire de la publicité, principalement par le bouche à oreille et en plaçant des affiches à son lieu de travail et dans les autres bureaux. Il a déclaré qu'un certain nombre de personnes avaient manifesté de l'intérêt mais que, en raison de l'entente qu'il avait avec les Pond, il n'avait pas pu répondre à la demande. L'appelant a également déclaré qu'à un moment donné, lui et son épouse se sont rendus sur place « pour effectuer des travaux de rénovation puisque l'unité se trouvait dans un état quelque peu délabré » .

[12] Au début du mois de décembre 1993 environ, M. Pond a appelé l'appelant pour l'informer que lui et son épouse avaient eu un accident et qu'ils ne pouvaient pas se déplacer, de sorte qu'ils annuleraient leur réservation. L'appelant a immédiatement informé le gérant que l'unité était libre et il en a parlé à plusieurs personnes qui avaient antérieurement manifesté de l'intérêt, mais sans succès.

[13] Au printemps de 1994, l'appelant a découvert que le gérant possédait aussi un certain nombre d'unités dans le complexe; ce dernier a d'ailleurs librement admis qu'il « louait les siennes » en premier. En dépit de ces difficultés, l'appelant a indiqué que :

[TRADUCTION]

[...] Je crois qu'à ce moment-là nous avons continué d'essayer, après avoir refait nos calculs. Nous nous disions que M. Pond reviendrait une fois son épouse remise sur pied; nous avons décidé de conserver l'unité pour cette année-là et avons commencé à la louer pour la saison 1995. Par conséquent, l'année 1994 était essentiellement une année perdue.[1]

Vers la fin de 1994, ils ont commencé à accepter pour la saison 1995 des réservations qui n'étaient cependant pas à long terme. Le gérant a distribué des dépliants et l'appelant a lui-même fait de la publicité dans le journal de Kingston. Il a également continué à placer des affiches au travail et dans des centres d'emploi du gouvernement à Ottawa et à Almonte. Ces démarches ont donné lieu à un certain nombre de demandes de renseignements, et « c'est à ce moment-là, a dit l'appelant, que j'ai commencé à obtenir la majorité des locations que j'ai effectivement eues » .

[14] L'appelant a déclaré dans son témoignage que lui et son épouse prévoyaient pouvoir réaliser des profits dès le début. Ce calcul était fondé sur le loyer de 3 750 $ (US) que les Pond verseraient, les trois semaines qui avaient été réservées par les anciens propriétaires et une autre réservation d'une semaine que l'appelant avait obtenue, chacune à 300 $ (US) par semaine. En conséquence, a-t-il dit, ils s'attendaient à « faire » approximativement 1 000 $ (US) la première année.

[15] L'appelant n'a pu se rappeler le nombre exact de semaines qui avaient été réservées en 1995, mais il affirme que, si aucun profit n'a été réalisé, il a malgré tout fait ses frais. À un autre moment, il a déclaré dans son témoignage que le revenu brut s'élevait en 1995 à 4 000 $ (CAN), ce qui, d'après ses calculs, représentait un loyer de 12 à 13 semaines. Aucune autre information appuyant cette hypothèse n'a été produite, et les dossiers dont il disposait n'ont pas été très utiles.

[16] Pour la période antérieure à la vente en 1996, le revenu locatif déclaré s'est élevé à 1 865 $ (CAN) et les dépenses, à 1 166,69 $ (CAN). L'appelant a souligné que dans les premiers six mois de l'année lui et son épouse avaient réalisé un profit de 700 $. Cependant, il est devenu évident au cours de l'interrogatoire que l'appelant avait omis d'inclure dans son calcul un certain nombre de frais, dont l'intérêt hypothécaire (environ 2 300 $ en 1995) et d'autres frais fixes.

[17] Le bien a été vendu à perte en juin 1996. D'après l'appelant, la décision de vendre a été prise pour le motif suivant :

[TRADUCTION]

[...] lorsque nous avons appris que les Pond n'étaient plus intéressés à louer, que notre gérant, qui avait une compagnie distincte, possédait en fait la majorité des unités du complexe, et que l'activité ne serait pas rentable, nous avons décidé de prendre cet argent et de le réinvestir ailleurs.

Conclusion

[18] Dans l'appel en l'instance la question en litige est le droit de l'appelant de déduire d'un autre revenu, aux fins de l'impôt, sa part des pertes locatives conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu. Les alinéas 18(1)a) et h) de la Loi sont libellés dans les termes suivants :

18(1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

un débours ou une dépense, sauf dans la mesure où le débours ou cette dépense a été fait ou engagé par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

[...]

h) le montant des frais personnels ou des frais de subsistance du contribuable — à l'exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l'exploitation de son entreprise alors qu'il était absent de chez lui;

[19] L'appelant fait valoir que le bien n'a pas été acquis aux fins d'y prendre des vacances ou pour son usage personnel. En outre, il soutient que son analyse initiale de la viabilité commerciale de l'acquisition l'a amené à conclure avec raison que les chances de réaliser des profits étaient assez bonnes. Dans les observations faites pour le compte de l'appelant on a surtout fait valoir que l'attente de profit n'était pas déraisonnable au point de soulever un doute et que, aucun élément personnel n'ayant été établi, il n'y avait pas lieu de mettre en doute la conclusion à laquelle l'appelant était arrivé honnêtement sur la question de la rentabilité[2].

[20] Pour obtenir gain de cause, l'appelant doit établir que les dépenses en litige ont été faites en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien. En pratique, donc, l'appelant doit exploiter une entreprise au sens de la Loi. Dans l'arrêt Moldowan c. La Reine[3], le juge Dickson (par la suite juge en chef) a examiné ce que suppose l'exploitation d'une entreprise et conclu qu' « [i]l y a d'abord eu controverse, mais [qu']il est maintenant admis que pour avoir une « source » de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit » . Aussi, l'expression « source de revenu » est-elle un équivalent du terme « entreprise » . Le juge Dickson a ensuite fait remarquer ce qui suit :

Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l'expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s'en dégage aucune constante. À mon avis, on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants: l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive. [...]

Donc, si dans les faits il est déterminé qu'un contribuable n'a pas d'attente raisonnable de profit, il n'y a aucune source de revenu et, partant, rien sur quoi le contribuable peut calculer une perte locative.

[21] Je dois déterminer si la preuve établit clairement que l'appelant (et son épouse) exploitaient une entreprise et, plus particulièrement, que leur attente de profit n'était pas déraisonnable dans les circonstances. Pour s'acquitter de la charge de la preuve, l'appelant n'a pas à démontrer que l'achat du bien était fondé sur une analyse ou des conseils savants portant sur la possibilité de tirer un revenu locatif compte tenu des dépenses locatives. Cependant, il doit présenter à la Cour des éléments de preuve sur le fondement desquels il est possible de conclure objectivement que son comportement était celui d'une personne raisonnablement prudente qui se lance dans une entreprise, à savoir la location d'un bien immobilier, en vue de réaliser des profits.

[22] À mon avis, la déduction par l'appelant des pertes découlant de cette entreprise doit être refusée. Non pas parce que le contribuable a pris une mauvaise décision d'affaires, mais parce que je suis convaincu que les « attentes de rentabilité » étaient manifestement déraisonnables. Ainsi que le juge Bowman l'a fait remarquer dans l'affaire Cheesmond c. La Reine[4] :

Néanmoins, il doit y avoir suffisamment d'indices de commercialité pour qu’il soit possible de conclure à l’existence d’une véritable entreprise commerciale. [...]

Ce n'est pas le cas en l'espèce.

[23] Premièrement, l'acquisition du bien a été financée entièrement à l'aide de fonds empruntés. Dans son témoignage sur la façon dont lui et son épouse prévoyaient réduire le principal de l'emprunt, l'appelant a dit ceci : « Bien, comme revenu — c'est-à-dire lorsque nous aurions de l'argent, en supposant que nous ayons de l'argent, nous commencerions à le rembourser » . Il a admis que leur seule stratégie était d'utiliser le revenu locatif tiré du bien pour rembourser l'emprunt hypothécaire. Dans l'arrêt Mohammad v. The Queen[5], le juge Robertson, de la Cour d'appel fédérale, a dit ceci :

L'analyse précitée a pour but de démontrer qu'il ne peut y avoir d'expectative raisonnable de profit tant et aussi longtemps que des paiements importants ne sont pas faits sur le principal de la dette. Cela mène inévitablement à la question de savoir si une perte locative peut être réclamée même si aucun paiement de ce genre n'a été fait au cours des années d'imposition en question. Je répondrais par l'affirmative, mais en ajoutant cependant quelques réserves. Le contribuable doit établir à la satisfaction de la Cour de l'impôt qu'il ou elle avait un plan réaliste en vue de réduire le principal de l'emprunt. Comme tout propriétaire l'apprend tôt ou tard, presque toutes les mensualités hypothécaires sont imputées au paiement des intérêts pendant les cinq premières années d'un prêt hypothécaire amorti sur vingt à vingt-cinq ans. Il est tout simplement irréaliste de s'attendre à ce que le système fiscal canadien subventionne l'acquisition d'un immeuble de rapport pour des périodes indéfinies. Les contribuables qui ont l'intention de financer l'acquisition d'un immeuble à usage locatif de façon qu'aucun bénéfice ne soit déclaré, malgré qu'ils aient touché la totalité des revenus locatifs prévus, ne doivent pas s'attendre à bénéficier d'un traitement fiscal favorable en l'absence d'une preuve objective et convaincante de leur intention et de leur capacité financière de rembourser une part importante de l'emprunt ayant servi à l'achat dans les quelques années qui suivent l'acquisition du bien. Si, en raison du niveau de financement, l'immeuble ne peut générer suffisamment de bénéfices pouvant servir à réduire l'emprunt en cours, alors le contribuable doit trouver d'autres sources de revenu pour parvenir à ce résultat. Si les autres sources de revenu d'un contribuable, par exemple, le revenu tiré d'un emploi, sont insuffisantes pour lui permettre de réduire le montant de l'emprunt qui a servi à l'acquisition, alors il se peut que le contribuable ait à supporter le plein coût de la perte locative. Certainement, de vagues attentes indiquant qu'un apport de capital était attendu de tante Béatrice ou d'oncle Bernard ne sera pas suffisant pour conclure que le contribuable s'est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. En pratique, le contribuable s'acquittera de ce fardeau en démontrant que des paiements importants ont été faits sur le principal dans les années d'imposition suivant de près l'année de l'acquisition.

[24] La capacité de l'appelant de rembourser l'emprunt est sérieusement mise en doute. Je signale que, dans les années 1992, 1993 et 1994, il a déclaré un revenu d'emploi de 37 400 $, 36 900 $ et 38 950 $ respectivement, duquel il a tenté de déduire des pertes d'entreprise (Amway) de 6 100 $, 7 131 $ et 4 790 $ respectivement. Aucune preuve relative au revenu d'emploi de son épouse ou à la question de savoir si celle-ci tirait de son activité secondaire un revenu suffisant pour réaliser des profits n'a été présentée à la Cour.

[25] Je ne peux non plus accepter sans réserve le témoignage de l'appelant selon lequel leur décision n'était pas du tout motivée par la possibilité d'utiliser le bien comme lieu de vacances. Si ce facteur ne revêt pas une grande importance dans ma conclusion, son existence ne peut être passée sous silence. Pendant la brève période au cours de laquelle il a été propriétaire du bien, l'appelant s'est rendu seul à la propriété à trois reprises à la seule fin, soutient-il, de faire des travaux de rénovation et de nettoyage. Il s'est également rendu là-bas deux fois avec son épouse et deux fois avec les enfants en famille, mais il insiste pour dire que ces voyages n'ont pas été faits à titre récréatif seulement, mais à la fois pour le plaisir et pour le travail.

[26] Quant à l'achat du bien, il n'appartient évidemment pas à la Cour de remettre en question le sens des affaires d'un contribuable dont l'entreprise se révèle moins rentable que prévu[6]. Cependant, ainsi que l'a fait remarquer le juge Linden, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Tonn v. The Queen[7] :

[...] lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise [...]

[27] Dans l'évaluation de la viabilité commerciale de son projet, l'appelant paraît avoir négligé plusieurs facteurs ou en avoir fait peu de cas. D'une part, il savait que des clients potentiels, dont les Pond, avaient manifesté leur intérêt pour le bien au moyen d'une demande de réservation. Le formulaire utilisé par l'appelant indique qu'un acompte de 100 $ (US) doit être remis avec la demande et indique également clairement que, s'il annule au moins 30 jours avant le début du séjour, le client a droit au remboursement complet de cet acompte. Il n'y a aucune preuve que l'appelant a demandé des renseignements sur le taux moyen d'annulation qui, on peut le supposer, aurait pu facilement lui être communiqué par le gérant qu'il avait engagé. D'autre part, il a été établi que le gérant avait droit à 25 p. 100 du montant des locations qu'il arrangeait lui-même. Par ailleurs, pour ce qui est de l'hypothèse initiale de l'appelant selon laquelle il réaliserait un profit la première année, il y a lieu de noter que le « revenu » qu'il a utilisé dans son calcul était une combinaison des revenus bruts projetés en s'appuyant sur la dernière partie de 1993 et la première partie de 1994. Enfin, bien qu'il ait dit s'être informé du coût d'exploitation de l'unité, il a admis n'avoir fait aucune « analyse des profits » que ce soit. Il admet aujourd'hui avec le recul qu'il aurait dû « élaborer un plan d'affaires écrit » avec l'aide de spécialistes.

[28] Il ressort clairement du témoignage de l'appelant qu'il était peu probable que le bien génère suffisamment de profits pour payer l'intérêt sur l'emprunt. Si on ajoute à cela l'absence de toute preuve de la capacité financière de l'appelant et de son épouse de rembourser une partie importante de l'emprunt dans un délai raisonnable, on arrive à la conclusion qu'aucune évaluation raisonnable de la viabilité commerciale du bien ni aucune forme de plan réaliste visant à réduire le principal du montant emprunté n'avait été effectué. Ces facteurs ainsi que l'élément personnel ne sont pas compatibles avec l'existence d'une entreprise de location véritablement viable.

[29] Si ma conclusion avait été différente, j'aurais tout de même conclu : a) que le paragraphe 1100(11) du Règlement ne permet pas à l'appelant de demander la déduction pour amortissement, et b) que l'appelant n'a droit qu'à 50 p. 100 des pertes locatives nettes pour les années d'imposition en question.

[30] Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de janvier 1999.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour d’août 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           L'état des résultats de l'appelant pour l'année d'imposition 1994 révèle qu'aucun revenu n'a été gagné cette année-là.

[2]           Les principes invoqués par l'avocat de l'appelant sont ceux qui ont été énoncés dans les arrêts Tonn v. The Queen, 96 DTC 6001, et The Attorney General of Canada v. Mastri et al, 97 DTC 5420, de la Cour d'appel fédérale.

[3]           [1978] 1 R.C.S. 480.

[4]           [1995] A.C.I. no 775.

[5]           97 DTC 5503, à la page 5506.

[6]           The Attorney General of Canada v. Mastri et al, précité, à la page 5423.

[7]           Précité, à la page 6013.

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