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Date: 19990107

Dossiers: 96-1239-IT-G; 96-1248-IT-G; 96-1231-IT-G; 96-1235-IT-G

ENTRE :

KEVIN J. CAMPBELL, EDWARD DIELSCHNEIDER, ROCKY R. OISHI, DON PRICE,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

[1] Le terme “ appelant ” désigne chacun des appelants susmentionnés puisque les faits qui leur sont propres sont identiques dans chaque cas.

Question en litige

[2] La question en litige est de savoir si l'appelant a le droit de déduire, au titre de “ frais d'exploration au Canada ” (“ FEC ”), des montants supérieurs à ceux que le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a admis.

[3] Dans les présents motifs, chaque fois qu'il est question d'une loi, il s'agit de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[4] Pour les années en question, les FEC étaient décrits, notamment, au sous-alinéa 66.1(6)a)(iii), dans les termes suivants :

(6) Au présent article et aux articles 66, 66.2 et 66.4,

“frais d'exploration au Canada” engagés par un contribuable désigne tous débours ou frais engagés ou supportés après le 6 mai 1974 qui constituent

une dépense supportée par lui dans l'année aux fins de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'une ressource minérale au Canada, y compris

les frais de prospection,

les frais d'études géologiques, géophysiques ou géochimiques,

les frais de forage au moyen d'un appareil rotatif ou à diamant, par battage ou d'autres méthodes, ou

les frais de creusage de tranchées, de creusage de trous d'exploration et d'échantillonnage préliminaire,

à l'exclusion

des frais d'aménagement au Canada, ou

des dépenses qui peuvent raisonnablement être considérées comme reliées à une mine, appartenant ou non au contribuable, qui a commencé à produire des quantités commerciales raisonnables ou comme reliées à un prolongement potentiel ou réel de cette dernière, [...][1]

Au sous-alinéa 66.1a)(v), la définition des FEC inclut également :

une dépense visée à l’un des sous-alinéa (i) à (iii.1) et engagée par le contribuable conformément à une convention écrite conclue avec une corporation avant 1987 par laquelle le contribuable n’engage la dépense qu’en paiement d’actions de la corporation — à l’exclusion des actions visées par règlement — émise en sa faveur ou de droits afférents à de telles actions,

[5] L'appel porte sur les années d'imposition 1985, 1986, 1987 et 1988.

[6] Le calcul des FEC influera sur le montant de la déduction pour épuisement et celui de la déduction d'épuisement pour exploration minière.

FAITS

[7] M. Ross Stanfield (“ M. Stanfield ”) détenait plus de 99 p. 100 des actions avec droit de vote émises et en circulation de Fort Steele Mineral Corporation (“ Fort Steele ”) et de Zeus Mining Corporation (“ Zeus ”), et il contrôlait indirectement Gallowai Metal Mining Corporation Ltd. (“ Gallowai ”) et Bul River Mineral Corporation Ltd. (“ Bul River ”). Seules ces quatre compagnies importent dans l'appel en l'instance. Au cours des années d'imposition en cause, elles ont assuré le bon déroulement de programmes d'exploration minière sur des propriétés situées près de Cranbrook, dans le sud-est de la Colombie-Britannique. Bul River était l'exploitante des autres compagnies pour ce qui est des travaux d'exploration effectués dans le cadre du programme d'actions accréditives. Le programme d'exploration minière était financé au moyen d'actions accréditives émises par Gallowai et Zeus.

[8] Approximativement 200 investisseurs, dont l'appelant, ont acheté des actions accréditives de Gallowai et de Zeus au cours des années pertinentes. Aux termes d'un contrat de représentation, qui a été versé au dossier, conclu entre Gallowai et Don Price (“ M. Price ”), l'un des appelants, ce dernier devait avancer des fonds à Gallowai, celle-ci devait émettre et répartir des actions ordinaires de catégorie B à M. Price et investir les fonds, en tant que représentant de M. Price, dans son programme d'exploration.

[9] Les FEC dont la déduction a été demandée et ceux dont la déduction a été accordée ou refusée par le ministre sont les suivants :

FEC déduits par Bul River :

1985

1986

1987

1988

1 652 246 $

1 769 415 $

1 962 180 $

1 527 485 $

FEC admis :

1985

1986

1987

1988

809 315 $

744 389 $

764 112 $

655 161 $

FEC refusés :

1985

1986

1987

1988

842 931 $

1 025 026 $

1 198 068 $

872 324 $[2]

Les appels en l'instance sont interjetés à l'encontre du refus de ces montants.

[10] Dans la réponse à l'avis d'appel, le ministre aurait fait notamment les hypothèses suivantes :

[TRADUCTION]

aucuns des frais dont la déduction a été demandée par l'appelant et que le ministre du Revenu national a refusés n'étaient des frais d'exploration au Canada au sens de l'alinéa 66.1(6)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu;

les frais de forage au diamant dont la déduction a été refusée se rapportent à des frais de location déraisonnables par des sociétés liées à Bul River Mineral Corporation Ltd.;

les frais de forage au diamant raisonnables s'élèvent au plus à 20 $ le pied;

aucuns des frais de forage par battage dont la déduction a été refusée n'ont été engagés;

les FEC se rapportant à des travaux routiers et dont la déduction a été refusée n'étaient pas liés à une activité de forage ou d'exploration particulière;

seule une partie des frais de campement a été admise à titre de FEC se rapportant à la période au cours de laquelle les travaux d'exploration ont bel et bien été effectués;

seulement 70 p. 100 des frais de location de matériel, des frais routiers et de la masse salariale en C.-B. en 1985 étaient des FEC au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu;

les FEC dont la déduction a été refusée pour les années 1985, 1986, 1987 et 1988 parce qu'ils étaient soit :

des frais qui ont été engagés mais qui n'étaient pas des FEC;

des frais qui n'ont pas été engagés et qui n'étaient pas des FEC;

des frais déraisonnables qui n'étaient pas des FEC;

sont précisés en annexe (A, B, C et D respectivement) à la présente réponse.

[11] M. Benjamin Ainsworth (“ M. Ainsworth ”) a été reconnu comme témoin expert ayant des connaissances dans le domaine de l'exploration et de la prospection minières en Colombie-Britannique. Il a déposé un rapport sur le programme d'exploration minière des compagnies mentionnées précédemment. Il a déclaré que son mandat consistait à recueillir et à présenter une preuve du caractère raisonnable du programme d'exploration minière exécuté au cours des années 1985 à 1988, compte tenu plus particulièrement des procédures normales en vigueur dans ce secteur d'activités et de son interprétation des règlements relatifs aux actions accréditives. La déduction de certaines dépenses, a-t-il déclaré, semble avoir été refusée par Revenu Canada en raison :

[TRADUCTION]

peut-être d'une mauvaise compréhension des projets d'exploration et des pratiques et des difficultés qui y sont liées.

[12] Le témoin a indiqué également qu'en ce qui concerne les travaux de forage le coût moyen établi par Revenu Canada était de beaucoup inférieur au coût maximal qu'avaient dû assumer d'autres groupes d'exploration travaillant en Colombie-Britannique. Il a déclaré avoir eu de la difficulté à vérifier certaines dépenses parce que les dossiers étaient incomplets et qu'il manquait certaines pièces justificatives, ce qui n'est pas rare dans des petites compagnies minières qui tentent du mieux qu'elles peuvent de contenir les frais généraux. Le témoin a déclaré en outre que certaines dépenses avaient été refusées parce que Revenu Canada :

[TRADUCTION]

a décidé que, même lorsqu'il s'agit clairement d'un projet à long terme et que les règlements provinciaux exigent que les routes servant aux travaux d'exploration soient entretenues en tout temps, ces travaux d'exploration doivent être effectués dans un bref délai pour donner lieu à des coûts d'exploration accessoires.

[13] D'après lui, Revenu Canada aurait considéré que les travaux d'exploration et la construction de routes devaient être liés aux travaux d'exploration dans les deux ans de la date à laquelle ont été effectuées les dépenses relatives à la construction ou à l'entretien de la route. Il a déclaré qu'il n'avait jamais, jusqu'à maintenant, entendu parler d'une telle période de deux ans. Son rapport contenait des annexes sur le forage au moyen d'un appareil rotatif et à diamant et par battage. Il a dit que le coût du forage au diamant était habituellement plus élevé, s'élevant à 35 $ le pied environ. Il a indiqué également que le taux de 20 $ le pied fixé par Revenu Canada semblait être un “ taux contractuel réduit au plus strict minimum, qui n'inclut aucun des coûts supplémentaires qui vont normalement de pair avec le forage ”.

[14] M. Ainsworth a décrit les différentes étapes de l'exploration minière. La première consiste à localiser une ressource minérale par la prospection, l'analyse d'images prises par satellite, d'études géochimiques avec échantillonnages de matériaux rocheux ou constitutifs du sol, et l'analyse subséquente de ces derniers. Il a ajouté que la cartographie géologique était importante, comme l'est l'échantillonnage des matériaux rocheux provenant des affleurements naturels ou des tranchées creusées à la main ou à l'aide de machines. Il a également mentionné la nécessité d'avoir accès au lieu où se trouve la ressource minérale au moyen de sentiers ou de routes, ou par hélicoptère.

[15] M. Ainsworth a également déclaré dans son témoignage que les propriétaires de concessions minières de la Colombie-Britannique doivent, au moins une fois par année, déposer un rapport d'évaluation dans lequel ils indiquent la quantité de travaux effectués pour maintenir les concessions en règle. À défaut de respecter cette exigence, les propriétaires doivent verser un montant d'argent. En ce qui concerne les rapports d'évaluation, le témoin expert a indiqué qu'il était très courant pour les compagnies de ne pas y consigner tous les renseignements et ce, pour deux raisons. D'une part, le coût du dépôt peut être très élevé et, d'autre part, la compagnie peut souhaiter ne pas révéler certains renseignements à ses concurrents, les rapports devenant publics après quelques années.

[16] Il a déclaré en outre que Bul River avait effectué des travaux d'exploration sur une longue période. Il a dit :

[TRADUCTION]

Elle l'a fait sans interruption pendant un grand nombre d'années, y compris en 1985 et en 1988.

[17] Il a de plus expliqué, et cela n'a pas été contesté, que, par règlement, le gouvernement de la Colombie-Britannique exige que les routes d'accès soient entretenues s'il est prévu qu'elles serviront dans l'avenir. Si elles ne sont pas entretenues, elles doivent être fermées et les terres doivent être remises en état. M. Ainsworth a dit que fermer les routes et les rouvrir coûteraient beaucoup plus cher, que Bul River avait profité du fait qu'elle se trouvait raisonnablement près d'un grand nombre d'affleurements miniers et qu'elle en facilitait l'accès grâce à son propre réseau routier. À son avis, a-t-il déclaré, c'était plus efficient que d'utiliser l'autre moyen qui, en fait, était l'hélicoptère. De façon générale, il ressort de son témoignage que l'utilisation d'hélicoptères dans une région très montagneuse serait beaucoup plus coûteuse que l'entretien de routes donnant accès à des concessions minières.

[18] Il a déclaré, relativement au forage par battage, que Revenu Canada semblait avoir fondé sa décision sur les coûts directs et n'avoir inclus aucun des coûts liés, comme l'installation et le démantèlement, l'essence et autres frais de soutien, l'accès, la préparation de l'emplacement, la supervision géologique et les campements. Il a terminé en affirmant que les frais se situaient dans les limites des frais qui sont engagés dans ce domaine en Colombie-Britannique.

[19] En ce qui concerne les installations, le témoin a estimé à 3 000 $ par mois le total des frais liés au bureau de chantier, à l'entrepôt de carottes et aux baraques. Il a déclaré que l'atelier d'usinage représentait un coût distinct. Puis il a dit que les frais étaient inférieurs aux sommes normalement dépensées dans l'industrie. Il a indiqué que Gallowai, Zeus et Fort Steele étaient propriétaires de différentes machines qu'elles louaient à Bul River. Il s'agit de machines d'exploration comme des bulldozers, des chargeuses, des pelles rétrocaveuses et des trépans. Il y a également des camions et autres machines. Il a déclaré que les travaux d'exploration ne pouvaient être faits sans ce matériel.

[20] Appelé à résumer ses conclusions, M. Ainsworth a dit :

[TRADUCTION]

Premièrement, toutes les dépenses engagées relativement au travaux routiers, dont la masse salariale, le campement, les frais généraux, etc., sont à juste titre liées aux travaux d'exploration. Je crois que Revenu Canada a adopté une position très rigide en refusant certaines des dépenses du fait d'une mauvaise compréhension des difficultés et des normes en matière d'exploration et, en particulier, des coûts liés au maintien des programmes de forage. Les frais d'attente sont des frais d'exploration légitimes. Dans certains cas, le temps d'attente peut cependant paraître élevé, mais il existe probablement des circonstances atténuantes qui devraient être reconnues. Pour faire contrepoids à cela, si les frais d'attente ne sont pas admis, on devrait admettre certains des coûts d'installation et de démantèlement. Les frais relatifs au campement n'étaient pas excessifs et se situaient dans les limites des frais normalement engagés dans le cadre d'autres projets d'exploration. À l'annexe II où j'ai examiné les rapports d'évaluation déposés et la documentation et le détail avec lequel ils ont décrit leurs dépenses, il est tout à fait clair que c'est beaucoup plus de détails qu'on en donne souvent au sujet des coûts d'exploration liés aux travaux routiers en Colombie-Britannique.

[21] En contre-interrogatoire, M. Ainsworth a parlé des frais qui s'ajoutent aux frais de forage de base. Il y a, notamment, les additifs utilisés pour maintenir la lubrification du train de sonde; il peut s'agir de boue de forage comme la bentonite ou la barytite, qui permettent de réguler le débit de l'eau, de la même façon plus ou moins que la barytite est utilisée dans le champ de pétrole. Il y a aussi les tiges de forage perdues, l'usure de l'équipement, les câbles brisés qui doivent être remplacés et les caisses à carottes, qui font normalement partie des frais de forage directs. Le témoin a déclaré que les caisses à carottes servaient à entreposer les cylindres pleins contenant des carottes de matériaux rocheux que les géologues devaient ensuite inspecter. Il a également déclaré que des arrêts dus à la présence d'un mauvais sol et à la cimentation pouvaient se produire et ainsi entraîner une hausse des frais liés à la durée d'utilisation des machines et de l'équipe. Il a dit :

[TRADUCTION]

Je n'ai pas à connaître tous les détails d'un projet donné. Je sais d'expérience que le coût sera plus élevé que le taux contractuel.

[22] Puis il a mentionné un contrat en vigueur n'ayant aucun rapport avec l'appelant et a indiqué qu'habituellement le total des frais de forage est trois fois plus élevé que le taux contractuel.

[23] M. Ainsworth a expliqué que les compagnies en question étaient en affaires pour le long terme et il a laissé entendre que les routes ne seraient pas facilement abandonnées. Il a déclaré également que le fait de ne pas trouver de site de minéralisation à un endroit donné dans une concession ne rend pas inutiles les travaux d'exploration dans cette même concession. Conclure à l'absence de minéralisation sous une certaine parcelle du terrain est :

[TRADUCTION]

presque plus difficile que de trouver la ressource minérale.

[24] Douglas Glenn Searle (“ M. Searle ”), directeur de bureau chez Bradley W. Manufacturing, une filiale de Bradley Brothers Drilling, un entrepreneur canadien en carottes, a déclaré dans son témoignage qu'un forage sur traîneau effectué sans le soutien d'hélicoptères dans la région centrale de la Colombie-Britannique pouvait coûter de 58 $ à 62 $ avec une clause “ fond de trou ”[3]. Ce témoignage n'a ni été mis en doute lors du contre-interrogatoire ni été contredit par d'autres témoignages.

[25] Dennis de Souza (“ M. de Souza ”), ingénieur minier, a déclaré qu'il avait commencé à fournir des services de consultant à Bul River dans la deuxième moitié de 1987. Il a déclaré qu'en parcourant le bien-fonds, il avait relevé 27 affleurements miniers dispersés un peu partout. Il a déclaré dans son témoignage que le bien-fonds de la Dalton Mine, qui appartenait auparavant à une personne non liée, avait produit 60 000 pieds de carottes de forage au diamant. Il a déclaré que le programme d'exploration de Bul River avait produit approximativement 140 000 pieds supplémentaires. Puis il a dit que toutes ces carottes avaient été entreposées. Il a déclaré que des travaux de forage au diamant avaient été effectués sur environ 60 000 à 70 000 pieds pendant la durée de son mandat à la compagnie. Dans son témoignage, M. de Souza a indiqué que le rapport d'évaluation ne faisait pas état de tous les travaux d'exploration effectués. Il a en outre déclaré qu'il avait étudié les cartes du gouvernement du Canada établies à partir d'un “ levé géophysique en haute altitude ” ce qui lui avait permis de délimiter certains secteurs du bien-fonds qui n'avaient pas été sélectionnés auparavant. Il a aussi examiné d'autres cartes figurant dans d'anciens rapports.

[26] Il a déclaré que M. Stanfield se rendait au bien-fonds toutes les semaines. Plus particulièrement, il a dit :

[TRADUCTION]

[...] J'imagine qu'il était là-bas probablement de 80 à 85 p. 100 du temps toutes les fins de semaine. Il parcourait les collines à pied, en véhicule ou par d'autres moyens. Il s'assoyait en haut d'une montagne et élaborait des plans. J'y suis allé avec lui. J'ai participé activement à tout cela. Il fait cela depuis qu'il a commencé à acquérir des concessions dans la région. [...] Il s'agit sans l'ombre d'un doute de prospection [...] Dans ce cas-ci, il le sait mieux que quiconque.

[27] En ce qui concerne les rapports d'évaluation, M. de Souza a indiqué que les activités d'exploration autres que le forage étaient :

[TRADUCTION]

[...] très difficiles à quantifier. Je peux monter et descendre une montagne et rédiger un rapport d'exploration. Ce rapport est fondé sur mes observations et sur un ensemble d'autres facteurs. Ce rapport est en soi un document d'exploration en raison du processus de réflexion. [...] un document de prospection en raison du processus de réflexion qu'il exige. De façon générale, vous ne voulez pas donner le genre de renseignements qui résultent de ce genre d'études à qui que ce soit d'autre au cas où vous abandonneriez une concession, par exemple, mais voudriez la reprendre plus tard, lorsque vous aurez plus d'argent. Dès que vous laisser tomber une concession, quelqu'un peut se présenter et la prendre si elle est jugée intéressante. Alors on ne dévoile pas ce genre de renseignements.

[28] Il a ensuite témoigné au sujet de vastes programmes d'exploration supplémentaires exécutés sur les bien-fonds. Il a aussi fait remarquer que le réseau routier était absolument essentiel.

[29] Dans un rapport rédigé en 1987, M. de Souza recommandait à la compagnie d'entreprendre un important programme d'exploration. Il a également indiqué qu'à ce jour l'exécution de ce programme demeurait incomplète. M. de Souza a déclaré qu'à sa connaissance aucune route n'avait été construite de 1985 à 1988.

[30] Il a déclaré qu'il fallait utiliser du matériel pour transporter les gros appareils de forage d'un emplacement à un autre et qu'un autre bulldozer à chenilles servait au nettoyage des lieux et à l'entretien général des routes. Il a également déclaré que les camions et la machinerie lourde étaient essentiels au programme d'exploration minière. Il a également dit du campement qu'il était confortable sans être luxueux, et il a décrit l'entrepôt où toutes les carottes et les pierres concassées résultant du forage par battage sont remisées. Il a également décrit un atelier d'entretien. Il a indiqué qu'il fallait installer un campement ainsi qu'un bureau, qu'il y avait des mécaniciens parmi les membres du personnel, et que les compagnies effectuaient la location de matériel entre elles. L'appelant a déposé en Cour un certain nombre de factures faisant état de la location de matériel pour la période du 31 décembre 1985 au 31 décembre 1988. Elles indiquent que le matériel utilisé était loué à Bul River, qui en assumait le coût. L'ensemble des installations du campement étaient aussi louées aux termes du programme d'exploration, qui prévoyait également des travaux de creusage de tranchées.

[31] M. Stanfield, président des quatre compagnies en cause, a déclaré dans son témoignage qu'il avait un permis de mineur indépendant lui permettait d'effectuer des travaux de prospection sur des terres de la Couronne et de jalonner le terrain à volonté. Il a décrit l'acquisition de concessions ainsi que les installations du campement, les véhicules et le matériel utilisés dans le cadre du programme d'exploration. Il a également décrit le programme d'exploration qui avait été élaboré par M. Allen, le prédécesseur de M. de Souza, et qui prévoyait des travaux d'exploration totalisant 40 millions de dollars.

[32] Il a déclaré qu'il avait initialement construit des routes sur une distance de 110 milles dans les montagnes et qu'il fallait entretenir ces routes. Il a indiqué que celles qui avaient été construites sous sa supervision reliaient un grand nombre d'affleurements, mais pas tous. Il a affirmé avoir vu tous les affleurements, dont les 27 affleurements décrits par M. de Souza. Il a déclaré avoir tout vu, y compris les roches et les carottes que les hommes rapportaient continuellement, et avoir vérifié toutes les pierres concassées que les sondeurs à appareil rotatif rapportaient. Il a déclaré :

[TRADUCTION]

C'est mon entreprise.

[33] Il a dit s'être occupé d'à peu près tout ce qui se passait sur le bien-fonds. Au sujet de la nécessité de construire des routes, il a dit :

[TRADUCTION]

Si vous avez 110 milles de routes, vous avez, mon Dieu, l'un des plus merveilleux moyens de prospecter.

À cet égard, il a dit qu'effectivement les compagnies moins importantes n'avaient pas les moyens d'effectuer des travaux d'exploration par hélicoptère.

[34] En ce qui concerne les rapports d'évaluation, Stanfield a déclaré qu'ils ne faisaient état que des travaux de forage requis à des fins d'évaluation. Les autres travaux n'étaient pas consignés dans le rapport. Il a déclaré qu'on se gardait bien de déclarer au gouvernement les découvertes intéressantes puisque les dossiers peuvent être consultés par le public dans l'année et parfois dans les six mois qui suivent le dépôt du rapport. Il a décrit en détail les installations du campement, dont les entrepôts, les ateliers de réparation, le bureau, la salle de récréation, la salle à dîner, les baraques, etc.

[35] Il a déclaré que le taux de location de matériel entre compagnies était déterminé en fonction des frais forestiers facturés en Colombie-Britannique pour la location de différentes machines et des frais facturés par le gouvernement de l'Alberta à cet égard. Il a déclaré qu'après avoir discuté avec son organisation interne, il avait pris la décision relative aux frais de location. Il a décrit en détail à quoi servait le matériel loué. Il a également indiqué que les levés géologiques et les levés géophysiques avaient été effectués pendant cette période. Il a décrit la réfection des routes et le creusage continu de tranchées, qui avait donné lieu au prélèvement d'un morceau de la roche encaissante, qui présentait une nouvelle géologie, à des fins d'analyse. Il a déclaré que la plupart des mines avaient été découvertes en Colombie-Britannique grâce à des travaux routiers et à des creusages de tranchées[4]. Il a décrit les travaux routiers effectués ainsi que le carottage en continu. Il a déclaré qu'une très petite quantité des travaux de prospection, de levés géologiques, de forage et de creusage de tranchées étaient consignés dans les rapports d'évaluation. Puis il a parlé d'une compagnie sans lien de dépendance, appelée Cora Lynn, qui avait fourni des services de forage de 1984 à 1988. Il a décrit en détail la façon dont certaines tâches liées au forage étaient effectuées, dont la préparation de remblais, etc. Il a également décrit l'entreprise minière très rentable qu'il avait exploité en Colombie-Britannique avant la mise en oeuvre du programme d'exploration minière en cause en l'espèce[5].

[36] M. Wallwork, vérificateur à Revenu Canada ayant pris part à la vérification des années 1986 à 1988, a déclaré qu'il ne s'était jamais rendu au campement minier. Il a également déclaré que la pratique consistant à admettre les frais pour travaux routiers uniquement si les travaux d'exploration se rapportant aux routes en question étaient effectués dans les deux années de la date à laquelle les frais pour travaux routiers avaient été engagés, découlait d'une politique établie par l'administration centrale de Revenu Canada, après consultation du ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources. Il a déclaré avoir examiné les grands livres des trois années ainsi que les factures à l'appui et les rapports d'évaluation. Il a également examiné les rapports de remise en état qui lui avaient été fournis.

[37] Appelé à expliquer les résultats de son examen du grand livre et des factures relativement aux frais liés au campement et aux salaires, M. Wallwork a dit :

[TRADUCTION]

Mon examen serait considéré comme une démarche en deux étapes. La première consistait à analyser chaque facture et à déterminer s'il s'agissait de frais de campement, de frais généraux ou d'une dépense non déductible. La deuxième étape consistait à répartir le montant des frais de campement, le cas échéant, entre les travaux d'exploration et les autres travaux.

[38] La méthode adoptée par Maureen Chrush (“ Mme Chrusch ”), vérificatrice à Revenu Canada, était essentiellement la même. Mme Chrusch a effectué la vérification de l'année 1985. Elle a déclaré comprendre que les quatre compagnies exploitaient des entreprises d'exploration minière. Elle a convenu qu'elles ne se livraient à aucune autre activité.

[39] L'avocat de l'appelant a admis que les frais suivants, engagés par Bul River dans les années en question, n'étaient pas des FEC :

frais de bureau en Allemagne, de 106 145,46 $;

total des frais de cartes de crédit pour 1986, de 64 028,61 $;

total des frais de cartes de crédit pour 1987, de 50 988,08 $;

certains frais de cartes de crédit pour 1988, totalisant 26 470,23 $;

la moitié du total des frais de cartes de crédit pour 1985, de 45 945 $.

ANALYSE ET CONCLUSION

[40] J'accepte tous les témoignages qui ont été rendus pour le compte de l'appelant. L'intimée n'a pas contesté le fait que les montants dont la déduction a été demandée ont effectivement été dépensés par l'exploitant. Bien que la preuve sur divers travaux de forage et sur la location entre compagnies ait été détaillée et complexe, il ressort des témoignages rendus pour le compte de l'appelant que toutes les sommes dépensées sur les biens miniers en question l'ont été dans le cadre de travaux d'exploration visant à localiser des ressources minérales.

[41] La définition de frais d'exploration au Canada ne prévoit aucun délai pour effectuer les travaux d'exploration après que les frais pour travaux routiers sont engagés, contrairement à ce qu'a décrété le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources. Par conséquent, ce facteur n'a aucune incidence sur mon évaluation des dépenses en question.

[42] Les travaux décrits dans la preuve, à savoir la prospection, les levés géologiques, géophysiques ou géochimiques, le forage au moyen d'un appareil rotatif ou à diamant, ou par battage, le creusage de tranchées et l'échantillonnage préliminaire, relèvent tous de la définition de FEC.

[43] L'avocat de l'intimée a tenté de convaincre la Cour d'inférer de son examen des factures que certains des frais de location d'équipement entre compagnies n'avaient pas été engagés. Plus particulièrement, il a demandé à la Cour de tirer une conclusion de cette nature :

[TRADUCTION]

comme une inférence raisonnable ou déraisonnable, mais il n'y a aucune preuve sur ce point.

Cette remarque faisait suite à l'échange suivant entre la Cour et l'avocat :

[TRADUCTION]

La Cour : Bien, vous faites maintenant valoir une thèse qui, me semble-t-il, requiert une preuve à l'appui, laquelle aurait pu être examinée dans le cadre du contre-interrogatoire de deux témoins au moins, ce qui n'a pas été le cas.

Avocat : Non, cela n'a pas été le cas, Monsieur le juge, non, il n'y a pas de preuve.

[44] J'accepte les témoignages de M. Stanfield et de M. Ainsworth selon lesquels les rapports d'évaluation ne contiennent pas tous les renseignements en raison simplement des coûts en cause et de la nécessité de protéger les renseignements. L'intimée a incorrectement refusé la déduction des dépenses en question. Les compagnies existaient à la seule fin d'effectuer des travaux d'exploration minière sur des biens miniers. La preuve me convainc que c'est exactement ce qu'elles ont fait. Par conséquent, les montants qui ont été déduits à titre de FEC dans les quatre années en question sont à juste titre ainsi qualifiés, sauf ceux, décrits précédemment, que l'avocat de l'appelant a admis ne pas être des FEC.

[45] Puisque les frais engagés par l'appelant conformément à l'entente écrite mentionnée précédemment satisfont à la définition des frais énoncée au sous-alinéa 66.1(6)a)(iii), ils sont des FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(v). Par conséquent, ils sont déductibles par l'appelant en vertu du paragraphe 66.1(3), avec les déductions d'épuisement qui s'ensuivent.

[46] Les frais sont accordés à l'appelant. En ce qui concerne la demande présentée par l'avocat de l'appelant au terme de l'audition, les avocats des deux parties peuvent communiquer avec la Cour pour qu'une date soit fixée afin de régler cette question.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de janvier 1999.

“ R. D. Bell ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour d’août 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Les changements apportés à la Loi et entrés en vigueur avant le 10 mai 1985 ne sont pas importants et n'influent pas sur l'issue de la présente affaire.

[2]               Il semble que ce montant devrait plutôt être 897 904 $, mais cela ne change rien aux présents motifs.

[3]               La clause “ fond de trou ” couvre les coûts de tous les outils perdus dans un trou.

[4]               Le creusage de tranchées, comme M. Stanfield l'a décrit, est effectué avec une pelle rétrocaveuse qui permet de regarder le côté ou la paroi de la tranchée.

[5]               Bien que ce ne soit pas pertinent quant à l'issue de l'appel, les propriétés faisant l'objet de travaux d'exploration en l'espèce se sont révélées très riches.

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