Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980331

Dossier: 97-220-IT-I

ENTRE :

GILLES MADORE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel pour l’année d’imposition 1992.

[2] L’appel vise essentiellement le montant des intérêts réclamés à l’appelant à la suite d’une révision de son dossier.

[3] L’appelant a soutenu que les intérêts devaient être annulés du fait qu’il avait été victime, comme plusieurs autres, d’un projet, en apparence légitime et conforme aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le Revenu (la “Loi”), permettant un allégement fiscal à ceux et celles qui y avaient adhéré.

[4] À la suite de vérifications et enquêtes du Ministre du Revenu national, il s’est avéré que le projet en question ne rencontrait pas les exigences de la Loi et ce pour des raisons et motifs étrangers à la volonté de l’appelant; ce dernier était en quelque sorte plutôt victime qu’acteur ou artisan. D’ailleurs, il n’a fait l’objet d’aucune pénalité. Le Ministère ne lui a réclamé que les intérêts comme la loi l’y autorisait.

[5] Refusant d’acquitter le montant des intérêts réclamés, l’appelant a initié le présent appel sans avoir demandé au Ministère de les annuler ou de les réduire.

[6] L’intimée a plaidé que selon la Loi, les intérêts pouvaient être réduits ou annulés en vertu d’un pouvoir discrétionnaire exclusivement réservé au Ministère. L’article 220 (3.1) se lit comme suit :

Renonciation aux pénalités et aux intérêts Le ministre peut, en tout temps, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société en application de la présente loi, ou l’annuler en tout ou en partie.

[7] D’autre part, se référant à plusieurs jugements, l’intimée a fait valoir que cette Cour n’avait pas juridiction pour réduire ou annuler les intérêts réclamés à l’appelant.

[8] La juridiction de cette Cour en matière d’impôt est clairement définie à l’article 171 de la Loi :

ARTICLE 171: Règlement d’un appel.

(1) La Cour canadienne de l’impôt peut statuer sur un appel

a) en le rejetant, ou

b) en l’admettant et

(i) annulant la cotisation,

(ii) modifiant la cotisation, ou

(iii) déférant la cotisation au Ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

[9] Plusieurs décisions de ce tribunal, dont certaines ont été citées à l’appui des prétentions de l’intimée, font clairement état de l’absence de juridiction de cette Cour sur la question des intérêts imposés par le Ministère.

[10] Lors de son témoignage, l’appelant a fait valoir qu’un de ses amis, à qui on avait imposé des intérêts dans des circonstances semblables, avait eu gain de cause devant le tribunal.

[11] Il s’agit d’un jugement de l’honorable juge Jacques Pagé de la Cour du Québec, Division des petites créances, dans l’affaire Gilles Lemieux v. Le sous-ministre du Revenu du Québec, no. 450-32-000064-873.

[12] L’honorable juge Pagé a effectivement donné raison à Lemieux en décidant que ce dernier n’avait pas à payer les intérêts réclamés et cela, dans des circonstances à peu près semblables à celles du présent litige, étant donné que le contribuable Lemieux avait toujours été de bonne foi et qu’il n’avait pas fourni de renseignements inexacts ou incomplets. L’honorable juge Pagé s’est exprimé comme suit :

Dans le cas actuel, un avis de cotisation fut posté à monsieur Lemieux le 30 mai 1986. L’excédent d’impôt est exigible à compter du 30 mai 1986 au motif que le montant d’impôt qui avait été remboursé ou affecté en excédent n’a pas été sur la foi de renseignements inexacts ou incomplets fournis par la personne (le contribuable monsieur Lemieux) mais plutôt par un tiers, la compagnie Daperlie, promoteur immobilier et constructeur de condominium à Mont Tremblant. Monsieur Lemieux avait investi de l’argent en 1981 et pour lequel il avait obtenu une déduction d’impôt supposément valable en autant que la compagnie Daperlie remplisse ses obligations vis-à-vis l’impôt. Or, il appert trois ans plus tard, soit vers 1984, que cette compagnie a fait faillite et qu’elle n’avait pas investi dans l’immobilier les argents que différentes personnes avait contribués et pour lesquels elles avaient obtenu des déductions d’impôt. Les personnes, y compris monsieur Lemieux, qui avaient investi de l’argent dans Daperlie Condominium se virent informées par le Gouvernement de la situation et recotisées. On ne leur accordait plus la déduction qu’ils avaient de bonne foi demandés avec les papiers nécessaires.

C’est pourquoi le contribuable a à payer cet impôt additionnel pour l’année 1981 mais, il n’a pas à subir de pénalité pour les intérêts entre 1981 jusqu’au 30 mai 1986, date à laquelle il y a eu dépôt à la poste de l’avis de cotisation.

[13] La Cour canadienne de l’impôt n’est pas liée par cette décision de la Cour des petites créances. D’autre part, la loi applicable n’était pas la loi fédérale mais la loi provinciale.

[14] S’appuyant sur le jugement de l’honorable juge Pagé, l’appelant assimile, à tort, la réclamation pour les intérêts à une sanction ou une pénalité. En l’espèce, il ne s’agit aucunement de pénalité et la bonne foi de l’appelant n’est aucunement en cause; il s’agit essentiellement de l’application des dispositions de la Loi et la question de la bonne ou mauvaise foi n’a rien à voir avec la réclamation des intérêts.

[15] Dans les circonstances, l’appelant devra comprendre que le jugement auquel il fait référence n’est pas opposable à cette Cour. Même si les faits sont semblables, la Loi applicable n’est pas la même; les deux ministères ne sont pas assujettis à la même loi car chacun est régi par sa propre loi.

[16] Les pouvoirs accordés au juge de ce tribunal sont définis par la Loi de l’impôt sur le Revenu du Canada. De plus, à quelques reprises, le Tribunal a précisé la signification de ces dispositions ayant trait à la juridiction en matière d’intérêts.

[17] La Loi prévoit un pouvoir discrétionnaire, lequel est toutefois réservé au Ministre. Les faits du présent dossier sont peut-être ceux qu’avait le législateur à l’esprit quand il a prévu ce pouvoir discrétionnaire; il y aurait possiblement lieu que l’appelant présente sa demande d’abandon ou de réduction au Ministère plutôt qu’à ce tribunal.

[18] Je n’ai pas l’autorité d’ordonner l’annulation des intérêts, seul le Ministre jouit de ce pouvoir. D’autre part, je ne vois aucune raison de ne pas souscrire à la jurisprudence bien établie à l’effet que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas juridiction pour annuler les intérêts ayant trait à une cotisation.

[19] Dans les circonstances, je me dois d’annuler l’avis d’appel pour le motif que cette Cour n’a pas juridiction.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 1998.

“Alain Tardif”

J.C.C.I.

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