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Date : 19971125

Dossier : 95-2988-IT-G

ENTRE :

HARCHARAN S. SENDHER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Teskey, C.C.I.

[1] L'appelant interjette appel de la cotisation d'impôt sur le revenu établie à son égard pour l'année 1990.

Question en litige

[2] L'unique question à trancher est de savoir si la vente d'une parcelle de terrain d'approximativement 3,03 acres, sur laquelle la résidence principale de l'appelant était située, peut être considérée comme la vente de sa résidence principale, ce qui ramènerait son gain en capital à zéro.

Les faits

[3] L'appelant a acheté une parcelle de terrain ayant 209 pieds de façade sur le côté sud de ce qui est connu comme étant la 64e avenue, et 628 pieds de profondeur, ce qui équivaut à plus ou moins 3,03 acres ou 1,226 hectares, sur laquelle était située sa résidence principale. L'adresse civique de la propriété est le 12274-64e avenue, Surrey (Colombie-Britannique). L'appelant ne voulait pas acheter toute la parcelle, mais il a été contraint de le faire.

[4] À la date de l'achat et jusqu'à la date de la vente, la propriété était zonée de telle façon qu'un lot devait avoir une superficie d'au moins un acre et une façade d'au moins 165 pieds. Je suis convaincu qu'une demande visant à morceler la propriété ou à la subdiviser d'une manière ou d'une autre, présentée avant 1988, aurait été rejetée. À la fin de 1987, les services municipaux courants comme l'égout, l'égout pluvial et l'eau avaient été installés jusqu'à la propriété de l'appelant ou tout près de celle-ci.

[5] En novembre 1988, l'appelant a fait déposer à la municipalité une demande visant à subdiviser la propriété en lots de 6 000 pieds carrés et à rezoner la propriété de façon à rendre possibles des lots d'une telle superficie. Les services d'une firme d'ingénierie ont été retenus, lesquels services ont été payés sur présentation des factures, ainsi que tous les droits municipaux requis. Le plan de subdivision prévoyait la subdivision du terrain de l'appelant en 12 lots pleine grandeur (6 000 pieds carrés) et en quatre lots partiels qui étaient combinés avec un autre bien de l'appelant, ce qui n'est pas pertinent dans l'appel en l'instance.

[6] Une approbation préliminaire a été accordée relativement à ce changement le 9 mars 1989. Le règlement 10042 donnant effet au changement demandé a été lu une première puis une deuxième fois le 1er mai 1989. Une audience publique a été tenue le 5 juin 1989. Le règlement a été lu une troisième fois le 13 juin 1989. Entre le 13 et le 28 juin 1989, les travaux d'ingénierie ont été achevés, un accord de subdivision a été signé et le financement nécessaire a été obtenu. Le 28 juin 1989, l'appelant savait qu'à toutes fins pratiques, tout avait été fait en vue de la subdivision prévue et que le rezonage n'était qu'une simple formalité. Ce jour-là, dans le cadre d'une vente entre parties sans lien de dépendance, il a transféré la propriété, ce pour quoi il a obtenu 700 000 $. Le 13 juillet 1989, le règlement 10042 a été réexaminé et finalement adopté, de sorte que le plan de subdivision a pu être enregistré et la propriété zonée de façon à rendre possibles des lots de 6 000 pieds carrés.

Analyse

[7] La Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”) prévoit une exemption de l'impôt sur les gains en capital réalisés lors de la vente d'une résidence principale. Le sous-alinéa 54g)(v) porte sur la superficie du bien-fonds qui constitue la résidence principale. Le passage pertinent de la disposition en question se lit comme suit :

(v) [...] la résidence principale d'un contribuable pour une année d'imposition, sauf dans le cas d'une action du capital-actions d'une coopérative d'habitation constituée en corporation, est réputée comprendre le fonds de terre sous-jacent au logement et la partie de tout fonds de terre adjacent qu'il est raisonnable de considérer comme facilitant au contribuable l'usage et la jouissance du logement comme résidence; toutefois, si la superficie totale du fonds de terre sous-jacent et de cette partie dépasse un demi-hectare, l'excédent est réputé ne pas avoir facilité au particulier l'usage et la jouissance du logement comme résidence, sauf si le contribuable prouve que cet excédent était nécessaire à cet usage et à cette jouissance, [...]

[8] La preuve dont je dispose n'établit pas que la partie du bien-fonds qui dépasse un demi-hectare (1,23 acres) était nécessaire à l'usage et à la jouissance de la résidence. La question du bien-fonds qui dépasse un demi-hectare lorsque le zonage des biens-fonds en question interdit la vente de l'excédent a été examinée par la Cour d'appel fédérale à trois occasions, à savoir :

The Queen v. Yates 86 DTC 6296

Augart v. The Queen 93 DTC 5265

Carlile v. The Queen 95 DTC 5483

The Queen v. Yates

[9] La Cour d'appel fédérale dans cette affaire a convenu que le juge Mahoney, en première instance, n'avait pas commis d'erreur en concluant que la vente de 9,5 acres (3,7 hectares) était la vente d'une résidence principale. La décision en première instance est publiée dans 83 DTC 5158. Le juge Mahoney a déclaré que la date critique est la date de la vente, et il a déclaré à la page 5159 :

Les défendeurs ne pouvaient légalement occuper leur logement à titre de résidence sur une superficie inférieure à dix acres. Il s'ensuit non seulement que l'on “peut raisonnablement” considérer que l'ensemble des dix acres, sous-jacents et contigus facilite au contribuable l'usage et la jouissance du logement à titre de résidence, mais aussi qu'il faut conclure en ce sens. Il s'ensuit également que l'excédent était nécessaire à cet usage et à cette jouissance.

Augart v. The Queen

[10] Le juge Robertson, aux motifs duquel a souscrit le juge Heald, a dit à la page 5209 :

L'avocat de l'intimée soutient que pareille approche avait pour effet de faire échec à la définition de résidence principale prévue à la Loi de l'impôt sur le revenu, aux termes de laquelle l'exemption est subordonnée à la condition que l'excédent de terre soit nécessaire à l'usage et à la jouissance du logement comme résidence principale. Et que le droit de disposition et de lotissement pourrait avoir un rapport avec la jouissance d'un logement, mais non avec la jouissance de ce logement à titre de résidence.

Je suis enclin à convenir avec l'intimée, mais seulement dans la mesure où les restrictions de morcellement ou même l'impératif de superficie minimum, en vigueur à la date de l'aliénation, ne sont pas le facteur déterminant de la solution du litige. La décision relative à la superficie de terre réputée constituer la résidence principale ne saurait, à mon avis, se fonder sur l'application mécanique d'un seul critère comme celui de la superficie minimum au moment de l'aliénation. Pareille approche n'est certainement pas justifiée par le raisonnement tenu dans Yates. En fait, il y était expressément question de la superficie minimum au moment de l'acquisition. Le juge Mahoney a tiré la conclusion suivante en page 5188 :

Les défendeurs ne souhaitaient pas acheter un terrain de dix acres, mais ont été contraints de le faire alors qu'ils voulaient seulement un fonds de terre assez grand pour y habiter. Ils n'ont pas utilisé plus d'un acre pour leur habitation.

et, à la page 5210, il a dit :

En conclusion, la superficie minimum de terre, classée à usage résidentiel, que l'appelant était tenu d'avoir au moment de l'achat comme au moment précédent l'aliénation, était de 8,99 acres.

Carlile v. The Queen

[11] Dans cette affaire, le juge Desjardins, avec l'appui du juge MacGuigan, a conclu que la contribuable (dont la parcelle totale mesurait 32,75 acres), tant au jour de l'évaluation qu'à la date de la disposition, avait satisfait au critère objectif, non seulement à l'égard du minimum requis de 25 acres, mais également pour l'ensemble de sa propriété puisque les autorités locales ne l'auraient pas autorisée à morceler son lot entre 25 acres et le reste du terrain. Le juge a par conséquent conclu que l'appelante dans cette affaire devait être exemptée de l'impôt sur les gains en capital pour l'ensemble de sa parcelle de 32,75 acres.

[12] Les faits dans la présente affaire sont très semblables à ceux de l'affaire Carlile. En l'espèce, l'appelant n'avait besoin que d'un acre. Cependant, la propriété était assujettie à une autre restriction, selon laquelle chaque parcelle devait mesurer 165 pieds de façade. Je suis convaincu que la municipalité n'aurait en aucun temps permis un morcellement permettant à l'appelant de vendre ou de créer un lot et de ne retenir pour lui qu'un acre mesurant en façade 165 pieds, car la parcelle restante n'aurait mesuré que 44 pieds en façade. La création de ce genre de bande de terre étroite aurait été, compte tenu de l'emplacement de la propriété en cause, contraire à la politique municipale formulée dans un rapport daté du 29 février 1988 (pièce A-4).

[13] L'intimée convient que le montant de 700 000 $ représentait la juste valeur marchande de toute la parcelle (dont l'adresse civique était le 12274-64e avenue) à la date de la disposition. L'appelant n'a pas contesté que, s'il y avait un excédent, celui-ci avait une juste valeur marchande de 397 300 $.

[14] Bien qu'il n'y ait aucune preuve devant moi, je crois pouvoir conclure sans craindre de me tromper que cette parcelle de 3,03 acres valait 700 000 $ en raison de l'approbation de la subdivision et du rezonage imminent du bien-fonds visant à rendre possibles des lots de 6 000 pieds carrés.

[15] Je ne vois aucune différence en l'espèce avec le contribuable qui achète une résidence unifamiliale délabrée et mal entretenue sur un lot d'un demi-hectare et où l'aménagement paysager est totalement à refaire. Dans ses temps libres, le contribuable acheteur peint la maison, remet en état le gazon et les jardins et, trois ans plus tard, ce qui était une horreur est devenu une superbe propriété au gazon fourni et bien taillé et aux jardins et bosquets bien entretenus. La propriété a pris de la valeur, et le gain, qui est une conséquence directe des efforts du contribuable, est exempt d'impôt.

[16] Dans la présente affaire, la valeur élevée du bien était attribuable aux efforts du contribuable, mais la restriction relative à la superficie du lot et à la façade existait à toutes les époques. L'appelant dans la présente affaire s'est empressé, dès qu'il a été possible de le faire, de demander le rezonage du bien-fonds et un nouveau plan de subdivision. Il n'a retardé l'un et l'autre d'aucune façon.

[17] Je dois déterminer si les mesures manifestes qu'ont prises l'appelant et ses représentants pour obtenir le rezonage du bien-fonds et l'autorisation d'enregistrer un plan de subdivision change quoi que ce soit au fait qu'à la date du transfert, l'appelant devait vendre la totalité du bien-fonds. De toute évidence, en novembre 1988, l'appelant s'est lancé dans une entreprise, ou à tout le moins dans une affaire de caractère commercial.

[18] En raison de la restriction relative à la façade, qui est aussi pertinente que la restriction relative à la superficie, dès le moment de l'achat et jusqu'à la date de la vente, l'appelant devait entretenir la totalité du bien-fonds, payer les taxes municipales et vendre l'ensemble du bien-fonds en tant que bien-fonds unique, ce qu'il a fait. C'est la date à laquelle un contribuable peut légalement transférer une partie de ses avoirs, et non pas la date à laquelle il entreprend des démarches pour obtenir l'autorisation de transférer une partie de ses avoirs, qui, certainement, doit être la date pertinente.

[19] L'appel est admis avec frais et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la vente par l'appelant de la totalité de la parcelle de 3,03 acres était la vente de sa résidence principale au sens de l'alinéa 54g) de la Loi.

“Gordon Teskey”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour d’avril 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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