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Date: 20001122

Dossier: 98-9344-IT-I

ENTRE :

CHRIS SKRETAS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] Chris Skretas a porté en appel des cotisations fiscales établies pour les années d’imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 au motif que le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a commis une erreur en lui refusant de déduire ses pertes locatives dans le calcul de son revenu.

[2] M. Skretas a témoigné à l’aide d’un interprète grec. Mme Skretas, la conjointe de l’appelant, a également témoigné au nom de l’appelant. Leurs témoignages ne concordaient pas.

[3] Selon M. Skretas, en 1987, sa conjointe et lui-même ont acquis une maison à étage comprenant trois chambres à coucher sur le chemin Ashbourne, à Etobicoke, en Ontario (le “ bien de Ashbourne ”) pour le prix d’achat de 172 000 $, dont un montant de 150 000 $ a été financé au moyen d’une hypothèque. L’objet de l’acquisition était de tirer un revenu du bien de Ashbourne. Le dernier étage de la maison comprenait trois chambres à coucher ainsi que des toilettes. Le premier étage était composé d’un salon, d’une salle à manger, d’une cuisine, d’une petite pièce et des toilettes. Il y avait une pièce au sous-sol, laquelle a par la suite été aménagée. M. Skretas a indiqué dans son témoignage que sa conjointe [TRADUCTION] “ gardait des enfants ” dans le salon et la salle à manger. Il s’agissait d’une aire ouverte qui permettait aux enfants de jouer. Apparemment, Mme Skretas exploitait une garderie.

[4] M. et Mme Skretas ainsi que leur famille ne vivaient pas sur le chemin Ashbourne : ils vivaient au 41, promenade Burnelm, à Etobicoke, à environ deux pâtés de maisons du bien de Ashbourne.

[5] Selon M. Skretas, Mme Skretas exploitait une garderie à l’extérieur du bien de Ashbourne et de leur maison. Les trois chambres à coucher du deuxième étage du bien de Ashbourne ont été louées à une certaine dame Valcourt et ses enfants. M. Skretas a déclaré que sa conjointe gardait environ cinq ou six enfants pendant les années en litige.

[6] Le bien de Ashbourne appartenait à M. et Mme Skretas, qui y consacraient de l’argent et contribuaient aux paiements de l’hypothèque. Toutefois, seul M. Skretas a déduit les pertes relatives au bien dans le calcul de son revenu pour les années en litige.

[7] M. Skretas n’a pas nié l’hypothèse du ministre selon laquelle en 1987, en 1988 et en 1989, il avait déclaré des pertes nettes de location du bien de Ashbourne de 17 915 $, de 11 304 $ et de 13 809 $ respectivement. Il a reconnu ne pas avoir conservé de livres, de registres des dépenses et de reçus pour le bien de Ashbourne. Toutefois, il a conservé tous les reçus des dépenses qu’il a engagées au cours des années en litige.

[8] Le ministre a également supposé que le bien de Ashbourne n’avait pas été loué en 1993, même si M. Skretas a déclaré un revenu du bien de 9 000 $ au cours de cette année-là. M. Skretas a expliqué que Mme Valcourt n’habitait plus la maison en 1993 et que cette dernière ne servait que pour la garderie. Il a affirmé que sa conjointe imposait des frais pour les enfants qui lui étaient laissés et qu’elle avait déclaré le revenu d’entreprise de cette garderie. Toutefois, elle n’a pas déduit de dépenses relatives au bien de Ashbourne.

[9] M. Skretas a indiqué dans son témoignage que Mme Valcourt payait un loyer de 500 $ toutes les deux semaines. Il a déclaré que ce montant incluait le loyer ainsi que la fréquentation de la garderie par deux de ses enfants.

[10] L’appelant n’est pas au courant du loyer des logements semblables au bien de Ashbourne dans la collectivité.

[11] M. Skretas a également indiqué dans son témoignage qu’à aucun moment il n’avait loué le bien de Ashbourne à des membres de sa famille. Il a toutefois reconnu que son fils, qui au moment du procès était âgé de 33 ans, quittait la résidence familiale, sur la promenade Burnelm, durant les soirées afin de trouver [TRADUCTION] “ la paix et la tranquillité ” au sous-sol du bien de Ashbourne.

[12] L’appelant a indiqué dans son témoignage qu’il s’attendait à réaliser un profit sur le bien de Ashbourne grâce à la location ainsi qu’au revenu que sa conjointe gagnerait en gardant des enfants. Selon l’appelant, aucun profit ne pouvait découler du bien de Ashbourne parce que les loyers étaient bas. Il a déclaré qu’il prévoyait en tirer un profit si toute la maison pouvait être retapée, c’est-à-dire si le sous-sol était terminé et disponible pour la location. Idéalement, le dernier étage et le sous-sol seraient loués, et le premier étage, soit le salon et la salle à manger, serait utilisé pour la garderie. M. Skretas a semblé indiquer que, si cela était accompli, il pourrait gagner un revenu suffisant pour payer les factures [TRADUCTION] “ sans pression, avec facilité ”. Il a déclaré ne pas s’attendre à faire de profit, mais seulement à payer le bien de Ashbourne et à payer l’hypothèque, et [TRADUCTION] “ la maison serait à nous ”.

[13] M. Skretas a indiqué dans son témoignage que pendant les années en litige, il avait engagé des dépenses pour l’installation d’une cuisine au sous-sol, de toilettes, d’une douche et d’un climatiseur. De plus, des coûts ont été engagés pour l’aménagement paysager. Mme Skretas, d’un autre côté, a indiqué dans son témoignage que durant les années en litige, aucune amélioration n’avait été apportée au sous-sol parce que la famille avait connu des difficultés financières, qui ne leur ont pas permis de suivre leurs plans.

[14] L’avocate de l’intimée a examiné l’état des revenus et dépenses de M. Skretas. Aucune répartition des dépenses relatives au bien de Ashbourne n’a été faite quant aux utilisations personnelle et commerciale. M. Skretas a déclaré ne pas avoir imposé de loyer à sa conjointe quant à l’utilisation du bien de Ashbourne pour la garderie, puisque [TRADUCTION] “ l’immeuble nous appartenait à tous les deux ”. Il faut dire, à la décharge de M. Skretas, qu’il ne pouvait expliquer comment les dépenses étaient déterminées, puisque ces calculs étaient faits par Mme Skretas.

[15] Mme Valcourt a également témoigné. Elle réside maintenant à Winnipeg et s’est présentée à la Cour, à Toronto, apparemment à la demande de M. et de Mme Skretas.

[16] Mme Valcourt a reconnu avoir loué les trois chambres et la cuisine du bien de Ashbourne durant les années en litige. Elle a déclaré que le loyer incluait tous les services, sauf le téléphone. Elle a loué le bien du 1er juin 1989 au 30 juin 1992. Elle a mentionné qu’elle avait deux enfants lorsqu’elle avait emménagé dans les locaux et qu’un troisième était né en janvier 1990. Mme Valcourt a confirmé qu’elle payait par chèque un loyer de 500 $ toutes les deux semaines. Le loyer incluait le stationnement, tous les services ainsi que trois chambres à coucher, la cuisine et l’utilisation de la salle de jeu, soit la salle à manger et le salon.

[17] Mme Valcourt a déclaré ne rien avoir payé à M. ou à Mme Skretas pour que ses enfants puissent fréquenter la garderie. Tous les frais de garderie des enfants de Mme Valcourt ont été payés par la Municipalité de la Communauté urbaine de Toronto.

[18] Mme Valcourt a déclaré que Mme Skretas n’utilisait pas régulièrement le bien de Ashbourne comme garderie. Habituellement, lorsque Mme Skretas se présentait sur les lieux pour une vérification, les enfants jouaient dans la cour.

[19] En contre-interrogatoire, Mme Valcourt a déclaré que le loyer qu’elle payait à M. Skretas pouvait avoir été de 575 $ toutes les deux semaines, comme elle l’avait écrit [TRADUCTION] “ à qui de droit ” le 1er août 1997, bien qu’elle n’en fût pas certaine.

[20] Mme Skretas a indiqué dans son témoignage qu’elle exploitait de sa résidence, sur la promenade Burnelm, une garderie qui accueillait cinq enfants. Elle a déclaré que dans le cadre de la vérification du bien de Ashbourne, elle y emmenait parfois les enfants. Elle a confirmé que son fils avait utilisé le sous-sol du bien de Ashbourne de façon à pouvoir se détendre, puisque environ dix à douze personnes vivaient à la résidence de la promenade Burnelm.

[21] L’avocate de l’intimée a examiné avec Mme Skretas différentes demandes faites par M. Skretas à titre de dépenses de location. Par exemple, les demandes incluaient de la nourriture et des livres pour enfants. Mme Skretas a déclaré que l’on avait donné l’ordre que certaines marchandises soient livrées à sa résidence personnelle, même si les marchandises étaient destinées au bien de Ashbourne. Elle a expliqué qu’elle restait à la maison jusqu’à l’arrivé du camion de livraison, puis donnait comme instructions au conducteur de livrer les marchandises au bien de Ashbourne.

[22] Parmi les dépenses engagées par M. Skretas afin de tirer un revenu de location comptaient également des vêtements pour jeunes filles, une batterie de cuisine, des paniers à linge, des photographies et des sachets pour congélation, un magnétoscope à cassettes, un nettoyeur à tapis et du matériel similaire.

[23] Mme Skretas a déclaré en contre-interrogatoire que le bien de Ashbourne avait été principalement acquis pour servir de garderie pour cinq autres enfants. Le bien n’a pas nécessairement été acquis à des fins de location, mais bien pour l’exploitation d’une garderie. Une fois la maison acquise, selon Mme Skretas, elle a d’abord été louée afin que l’on voie [TRADUCTION] “ comment se déroulerait la location de la maison ” et ensuite, une garderie serait établie. Toutefois, à ce moment, son fils lançait également une entreprise, et la famille a donné la priorité à celle-ci. Le bien de Ashbourne n’a jamais été aménagé dans la mesure souhaitée et prévue par l’appelant et sa conjointe.

[24] Il est évident que le bien de Ashbourne n’a pas été acquis en vue de tirer un revenu d’un bien. L’intention de M. et de Mme Skretas, en acquérant le bien de Ashbourne, était de faire en sorte que Mme Skretas tire un revenu de l’exploitation de la garderie sur les lieux, intention qui a rapidement été abandonnée. M. Skretas, l’appelant, n’a jamais eu l’intention, raisonnable ou autre, de tirer un revenu du bien de Ashbourne. Tout loyer provenant du bien n’était qu’un mécanisme utilisé par la famille Skretas pour rembourser l’hypothèque et couvrir les dépenses. Tout revenu, dans un avenir raisonnable, serait généré par l’exploitation d’une garderie par Mme Skretas. Et selon le témoignage de M. Skretas, il semble que Mme Skretas ne payait pas de loyer pour son utilisation du bien comme garderie. Les dépenses déduites par M. Skretas au cours des années en litige constituaient des frais personnels ou de subsistance au sens du paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”) et ne peuvent être déduites dans le calcul du revenu : alinéas 18(1)a) et h).

[25] De plus, de nombreuses dépenses (comme l’installation d’une cuisine, de toilettes, d’une douche et d’un climatiseur) mentionnées par M. Skretas semblent constituer des dépenses en immobilisation et ne doivent pas être incluses parmi les dépenses dans le calcul du revenu de M. Skretas tiré du bien. Les détails de ces dépenses n’ont pas été examinés au procès.

[26] L’intimée a également soulevé, dans ses actes de procédure, la question selon laquelle les dépenses rejetées n’étaient pas déductibles en vertu de l’article 67 de la Loi, puisqu’elles n’étaient pas raisonnables dans les circonstances. Comme M. Skretas est le propriétaire bénéficiaire d’un intérêt indivis de 50 p. 100 sur le bien de Ashbourne, il n’est pas raisonnable, en tout état de cause, qu’il déduise 100 p. 100 des dépenses relatives à ce bien, même si j’avais conclu que les demandes ne portaient pas sur des frais personnels ou de subsistance.

[27] Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de novembre 2000.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

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