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Date: 19980817

Dossier: 96-1814-UI

ENTRE :

CHARLES REYNOLDS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

EVANS SERVICE CENTRE, DIVISION DE GARRY EVANS ENTERPRISES INC.,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] Dans cet appel, interjeté contre un règlement d'une question par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”), il s'agit de déterminer si Charles Reynolds a droit à des prestations d'assurance-chômage en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage (la “ Loi ”) pour la période au cours de laquelle il prétend avoir travaillé pour Garry Evans Enterprises Inc. (l'“ employeur ”), soit du 26 septembre 1994 au 1er mai 1995[1] (la “ période ”).

[2] Le ministre est d'avis que la rémunération de M. Reynolds pour laquelle des cotisations d'assurance-chômage étaient payables s'élevait au total à 1 717 $ et que l'appelant n'a occupé un emploi assurable chez l'employeur que pendant sept semaines au cours de la période. M. Reynolds soutient qu'il a travaillé pour l'employeur à compter du 26 septembre 1994, jusqu'à ce qu'il se blesse lors d'un accident de travail le 1er mai 1995, ou vers cette date. L'employeur est intervenu dans l'appel interjeté par M. Reynolds et a nié plusieurs allégations formulées dans l'avis d'appel.

[3] L'employeur exploite, sous la dénomination Evans Service Centre, un garage où l'on effectue la réparation de véhicules automobiles et de matériel de construction et la vente de pièces. Garry Evans, l'unique actionnaire de l'employeur, est aussi président de l'entreprise.

[4] M. Evans est mécanicien de catégorie A. Au cours de la période, a-t-il témoigné, l'employeur a engagé M. Larry Kellestine à temps plein et M. Reynolds à temps partiel. Au début du mois de mai 1995, l'employeur s'est installé dans de nouveaux locaux et a engagé un autre mécanicien de catégorie A ainsi qu'un assistant.

[5] M. Reynolds a témoigné qu'il avait commencé à travailler pour l'employeur à titre d'apprenti mécanicien le 26 septembre 1994 et qu'il touchait alors 250 $ par semaine; ce salaire hebdomadaire a été ramené à 200 $ lorsque Garry Evans s'est rendu compte qu'il ne pouvait garantir à M. Reynolds un minimum de 28 heures de travail par semaine pendant 50 semaines, comme l'exigeait le programme d'emploi provincial Boulot Ontario. M. Reynolds allait donc toucher 10 $ l'heure et travailler 20 heures par semaine.

[6] M. Evans a témoigné que M. Reynolds avait commencé à travailler pour l'employeur, à temps partiel, au cours de la première semaine du mois d'août. Il a déclaré que, lorsque M. Reynolds est venu le voir la première fois pour lui demander un emploi, il n'y avait pas beaucoup de travail et il n'avait pas besoin d'un autre employé. M. Evans essayait de tenir M. Kellestine occupé et lui-même se chargeait du surplus de travail. À l'époque, M. Evans cherchait de nouveaux locaux et il a cru que M. Reynolds pourrait l'aider à assumer tout surplus de travail. Il a dit avoir averti M. Reynolds qu'il ne pouvait pas l'engager à temps plein, mais qu'il pourrait lui confier quelques travaux. Selon M. Evans, M. Reynolds a accepté de travailler pour l'employeur selon ces modalités.

[7] Lors de l'entrevue avec un employé éventuel, M. Evans a-t-il déclaré, l'employeur lui demandait ce qu'il s’attendait à recevoir comme salaire et, s'il demandait plus que ce que l'employeur pouvait se permettre de payer, il n'était pas engagé. M. Evans a résumé dans les termes suivants les modalités de l'entente qu'il a conclue avec M. Reynolds :

[TRADUCTION]

R. Oui, premièrement, j'ai dit -- oh, premièrement, il m'a remis un curriculum vitae indiquant qu'il avait déjà effectué du travail ponctuel pour RV Enterprises; il a dit qu'il avait travaillé pour elle à titre de sous-traitant. Je lui ai dit que, s'il avait déjà sa propre entreprise, c'était plus facile pour moi, et qu'il n'avait qu'à me remettre une facture après avoir exécuté un travail; ainsi, j'économiserais sur les coûts indirects et la tenue de livres en serait facilitée. Puisqu'il allait travailler à la tâche, c'était beaucoup plus facile. C'est ainsi que nous avons commencé; il a dit qu'il était d'accord, qu'il allait simplement consigner ce qu'il faisait et que, lorsqu'il aurait besoin d'argent, il me remettrait une facture pour ce qu'il avait fait. J'ai dit que cela me convenait. Nous avons parlé d'argent et je lui ai dit que je lui verserais 10 $ l'heure s'il s'arrangeait pour être disponible quand j'avais besoin de lui, parce qu'il exploitait son entreprise et que j'en exploitais une aussi. Cela me paraissait équitable. Il me paraissait équitable d'avoir quelqu'un à ma disposition lorsque j'en aurais besoin.

[8] M. Evans a reconnu qu'après avoir engagé M. Reynolds, ce dernier l'a informé que l'emploi pouvait être subventionné par Boulot Ontario. M. Evans s'est donc renseigné auprès de Boulot Ontario, qui l'a informé que, dans les circonstances, il ne pouvait obtenir aucune subvention. À l'époque, M. Evans n'était pas en mesure de permettre à M. Reynolds de travailler avec lui pour qu'il apprenne le métier de mécanicien comme l'exige le programme. M. Evans a indiqué que Boulot Ontario “ évaluerait ” combien de temps il devait passer avec M. Reynolds et il a déclaré qu'il ne pouvait s'engager puisqu'il s'absentait souvent du garage. M. Evans a suggéré à M. Reynolds de se tenir [TRADUCTION] “ dans l'atelier ” pour observer le travail et [TRADUCTION] “ acquérir des connaissances ”. M. Evans a insisté sur le fait que M. Reynolds n'avait pas été engagé à titre d'apprenti, bien que ce dernier ait exprimé son désir de devenir mécanicien. M. Evans a dit de M. Reynolds qu'il n'avait pas beaucoup de compétences mais qu'il [TRADUCTION] “ voulait apprendre et [...] était un bon travailleur ”.

[9] Le différend entre M. Reynolds et M. Evans — et le ministre — porte sur la question de savoir si M. Reynolds a travaillé pour l'employeur pendant presque tout le mois d'août et pendant la plus grande partie du mois de septembre 1994. M. Reynolds dit que non, alors que M. Evans soutient qu'il l'a fait, mais à titre de sous-traitant et non à titre d'employé.

[10] M. Reynolds a témoigné qu'au cours du mois d'août, à tout le moins, il avait passé la plus grande partie de son temps à faire du camping et à pêcher et avait consacré une partie de son temps à chercher un emploi. Il a déclaré qu'il avait fait du camping près de Goderich (Ontario) au cours de la première semaine du mois d'août. Au mois de septembre, il a [TRADUCTION] “ beaucoup pêché ” aussi. Il se rappelle avoir fait de nombreuses expéditions de pêche, effectuant des allers et retours entre London et l'endroit où il pêchait, avec deux femmes avec lesquelles il vivait à l'époque et Don Vermist, un ami. Il a déclaré qu'il ne pêchait pas seul parce qu'il ne sait pas nager.

[11] Erika Burton, qui était alors sa petite amie et qui est maintenant une simple amie, a reconnu qu'elle avait accompagné M. Reynolds à un terrain de camping la première semaine du mois d'août et qu'elle y était restée une ou deux semaines. Elle se rappelle que le terrain de camping [TRADUCTION] “ n'était pas plein à craquer ” et que Cathleen Benjamin, qui vivait avec elle et l'appelant, les avait accompagnés.

[12] Mme Burton a déclaré que lorsqu'ils étaient chez eux dans leur appartement au mois d'août 1994, M. Reynolds [TRADUCTION] “ ne se levait pas pour aller travailler ”. Elle ignore quelle était alors sa source de revenu. Au mois de septembre, a-t-elle déclaré, M. Reynolds a passé le gros de son temps à la pêche, à l'extérieur de London; il était “ obsédé ” par la pêche. Elle a aussi témoigné que M. Reynolds avait quitté l'appartement au mois d'octobre 1994 pour se rapprocher du garage de l'employeur.

[13] Mme Benjamin qui, au moment du procès, vivait avec M. Reynolds, se rappelle avoir réservé un emplacement de camping pour le début du mois d'août 1994. Elle a produit un calendrier indiquant qu'elle avait fait du camping les 2, 3, 4 et 5 août 1994. (Après le 7 août, seuls ses jours de paie sont indiqués sur le calendrier.) Elle a dit qu'elle pêchait avec M. Reynolds, qui était un obsédé de la pêche. Des amis les ont rejoints au terrain de camping.

[14] M. Vermist connaît M. Reynolds depuis 1983 et se considère comme un [TRADUCTION] “ bon ami ” de l'appelant. Il a lui aussi témoigné qu'il était allé à la pêche au saumon avec M. Reynolds au cours des mois d'août et septembre 1994, comme il l'avait fait dans des années précédentes. M. Vermist est certain d'avoir pêché avec M. Reynolds [TRADUCTION] “ au cours ” des deux premières semaines de septembre. M. Reynolds l'avait auparavant informé qu'il commencerait à travailler à la fin de septembre. Lors du contre-interrogatoire, M. Vermist a reconnu qu'il travaillait à temps plein en 1994 et qu'il n'était allé à la pêche que les fins de semaine.

[15] L'un des principaux points sur lesquels l'appelant, d'une part, et l'intimé et l'intervenante, d'autre part, ne s'entendent pas est l'utilisation et la pertinence des ordres de travail et des feuilles de temps pour déterminer quand une personne a travaillé et le nombre d'heures travaillées. L'employeur utilisait un ordre de travail (pièces R-7, R-8, R-9) pour consigner, entre autres choses, le nom du propriétaire du véhicule à réparer, le véhicule à réparer, le travail effectué, le prix unitaire des pièces et le tarif de la main-d'oeuvre. L'ordre de travail est numéroté et daté. En général, mais pas toujours, la feuille de temps de l'employeur (pièces R-3, R-4, R-11) indique le numéro de l'ordre de travail, la durée du travail, le client, le type de service, les pièces posées ou le travail entrepris et le temps facturé. Le temps facturé et la durée du travail sont normalement les mêmes. C'est le mécanicien qui consigne sur la feuille de temps les heures consacrées à un travail donné.

[16] La page 1 des pièces R-3 et R-11[2] est censée être une feuille de temps couvrant la période du 1er août au 2 septembre 1994, plus particulièrement les semaines du 1er au 5 août, du 8 au 12 août, du 15 au 19 août, du 22 au 26 août et du 29 août au 2 septembre; la page 2 est censée être une feuille de temps couvrant la période du 5 au 23 septembre 1994, plus particulièrement les semaines du 5 au 9 septembre, du 12 au 16 septembre et du 19 au 23 septembre. Le premier élément à la page 1 concerne le travail effectué pour Tri County Paving, un client. La pièce R-11 renvoie à l'ordre de travail no 1432. L'ordre de travail no 1432 (qui fait partie de la liasse d'ordres de travail produite sous la cote R-9) est daté du 19 août 1994. Si l'on compare l'écriture à la page 1 de la feuille de temps produite sous la cote R-3 avec l'écriture de M. Reynolds que l'on retrouve sur plusieurs pages de la pièce R-9, on est porté à croire qu'elles sont de la même personne.

[17] M. Reynolds a reconnu que l'écriture sur les feuilles de temps produites sous les cotes R-3 et R-4, à l'exception des pages 1 et 2 de la pièce R-3 (et R-11), était la sienne. À son avis, les pages 1 et 2 étaient des “ feuilles guides ” servant à lui montrer comment remplir les feuilles de temps. Pour appuyer la thèse selon laquelle le travail décrit sur les feuilles de temps et sur les ordres de travail était légitime, le ministre a produit une copie d'un relevé de compte provenant de l'un des fournisseurs de l'employeur, daté du 17 août 1994, pour des services de sous-traitance relatifs au travail décrit à la page 1 de la pièce R-3.

[18] M. Evans a témoigné que M. Reynolds [TRADUCTION] “ effectuait du travail ponctuel ”. Il a déclaré avoir demandé à M. Reynolds de consigner toutes ses heures et lui avoir montré comment remplir les feuilles de temps. Il a expliqué à M. Reynolds la façon de tenir les feuilles de temps et de remplir les diverses colonnes. Les feuilles de temps étaient gardées sur la planchette à pince de l'employé. Chaque employé avait une telle planchette, sur laquelle il [TRADUCTION] “ griffonnait le travail qu'il était en train d'effectuer, pour remplir ensuite les ordres de travail ”. M. Evans a témoigné qu'il avait souligné à M. Reynolds l'importance de consigner tout le travail effectué. Le terme [TRADUCTION] “ payé ” figurant sur la feuille de temps, a dit M. Evans, [TRADUCTION] “ représente ce que je devais à Charlie pour le travail ”.

[19] Dans son témoignage, M. Evans a expliqué de façon très détaillée comment les feuilles de temps sont remplies et comment l'employé reprend l'information consignée sur la feuille de temps lorsqu'il remplit un ordre de travail. Il a expliqué que tous les ordres de travail sont numérotés consécutivement et qu'ils peuvent être comparés avec l'information qui se trouve sur les feuilles de temps. Après son interrogatoire préalable, M. Evans a tenté de faire le rapprochement des feuilles de temps et des ordres de travail. Il a produit la pièce R-11 qui, pour l'essentiel, est un double des pièces R-3 et R-4, et il a comparé les ordres de travail avec les travaux indiqués sur les feuilles de temps de M. Reynolds. Ainsi, l'ordre de travail numéro 1431 indique que le travail a été entrepris le 17 août 1994 et la feuille de temps pertinente indique que M. Reynolds a effectué le travail et qu'il a été payé pour ce travail.

[20] M. Reynolds a reconnu que les ordres de travail numéros 1671, 1674 et 1677, par exemple, qui sont datés du 16, du 21 et du 24 février 1995 respectivement, portaient son écriture, du moins en partie. M. Evans et Mme Radford, l'aide-comptable de l'employeur, ont reconnu l'écriture de M. Reynolds sur ces ordres de travail. Ils affirment aussi que les pages 1 et 2 de la pièce R-3 ont été écrites de la main de M. Reynolds. Ce dernier, M. Evans a-t-il témoigné, lui avait remis ces feuilles de temps et, ensemble, ils avaient passé en revue les différents éléments qui y figurent pour fixer la paie de M. Reynolds. Mme Radford a dit qu'elle pouvait reconnaître l'écriture de M. Reynolds grâce à d'autres documents qu'il lui avait fournis. Les ordres de travail numéros 1467 et 1482, datés du 7 septembre et du 19 septembre 1994, paraissent avoir été remplis par la même personne. Une comparaison de l'écriture du terme “ safety ” (sécurité) et de la lettre “ f ”, par exemple, confirme l'opinion de M. Evans et de Mme Radford selon laquelle M. Reynolds a rempli les ordres de travail en question.

[21] M. Evans se rappelle que le premier travail que M. Reynolds a effectué pour le compte de l'employeur était pour Ronson. M. Kellestine avait d'abord été chargé d'effectuer ce travail, à savoir réparer un tracteur, mais M. Evans a ensuite confié la tâche à M. Reynolds, qui avait dit avoir réparé des tracteurs dans le passé. C'était au mois d'août 1994, et c'est le premier travail mentionné à la page 1 de la liasse des feuilles de temps de M. Reynolds (pièce R-3).

[22] Le représentant de M. Reynolds a fait valoir que l'employeur avait remis les feuilles de temps produites sous la cote R-3 à Développement des ressources humaines Canada (“ Ressources humaines ”) lorsque ce ministère faisait enquête par suite de l'opposition de M. Reynolds à la décision rejetant sa demande de prestations d'assurance-chômage. Cependant, a-t-il affirmé, l'employeur n'a fourni que les ordres de travail concordant avec les feuilles de temps.

[23] L'agente des appels de Ressources humaines, Mme Patricia Lyn Meston, a étudié l'opposition de M. Reynolds. Elle a rencontré Mme Radford, qui lui a remis les livres et registres de son employeur afin qu'elle les examine à son bureau. Dans son rapport, Mme Meston a écrit ce qui suit :

[TRADUCTION]

L'employeur a indiqué que, lorsqu'il a commencé à travailler pour lui, le prestataire voulait être payé au noir. L'aide-comptable a conseillé à l'employeur de ne pas le faire, de sorte que l'employé a refusé d'utiliser les formulaires de temps habituels de l'employeur, où sont indiquées les dates, etc. Ci-jointes sont les feuilles de temps remplies à la main par le prestataire, où figurent, de gauche à droite : le numéro de l'ordre de travail, les heures travaillées, le travail à faire et pour quel client, les commentaires indiquant le type de travail effectué, et les lettres “ pd ” (“ paid ”) indiquant le nombre d'heures payées par l'employeur. À noter qu'il n'y a pas de jour ni de date, etc., sur aucune feuille de temps, à l'exception de celles sur lesquelles l'aide-comptable a inscrit ces renseignements. Vicki Bradford [sic] a indiqué que le premier jour de travail du prestataire était le 1er août 1993 et le dernier jour, le 6 mai 1994. Le seul moyen dont l'employeur pouvait déterminer le nombre d'heures travaillées par semaine par le prestataire était de faire le total de chaque feuille, de déterminer le nombre d'heures travaillées selon la date figurant sur l'ordre de travail et de faire une comparaison avec la date figurant sur les documents de l'employeur relatifs aux ventes. Elle a indiqué avoir utilisé cette méthode pour chaque inscription faite par le prestataire sur chaque feuille. Elle a ensuite divisé le nombre total d'heures par le nombre de semaines au cours de la période en question pour déterminer le salaire hebdomadaire moyen. Vicki a confirmé que le prestataire n'avait jamais travaillé plus de 15 heures par semaine, à l'exception de quelques semaines au mois de mars, au cours desquelles l'employeur préparait le déménagement dans de nouveaux locaux, prévu pour le 1er avril 1995. Vicki a indiqué qu'aucun autre employé n'a jamais refusé de remplir les feuilles de temps; celui-ci était le seul. La première page des deux séries de feuilles de temps sont des résumés fournis par l'aide-comptable. Il y a entre le feuillet T4 pour 1994 et les feuilles de temps un écart d'environ 86 $ puisque le feuillet T4 a été établi en fonction de la date à laquelle la rémunération a effectivement été versée.

[24] Mme Meston a témoigné que l'employeur avait remis à M. Reynolds deux relevés d'emploi. M. Reynolds s'est plaint initialement que le premier relevé (la pièce R-1) contenait des renseignements erronés sur sa rémunération et sur le nombre de semaines au cours desquelles il avait été employé. Dans le relevé révisé (la pièce R-2), le montant de la paie et le nombre de semaines travaillées, par exemple, sont différents de ceux qui figurent sur le premier relevé. Dans son témoignage, Mme Meston a déclaré que les renseignements figurant sur le premier relevé et sur le relevé révisé n'appuient pas la prétention de M. Reynolds selon laquelle il a droit à des prestations d'assurance-chômage[3].

[25] Mme Meston a déclaré avoir “ utilisé des moyennes ” pour calculer le nombre de semaines où M. Reynolds a occupé un emploi assurable.

[26] M. Kellestine a travaillé pour l'employeur à titre d'apprenti mécanicien de l'automne de 1992 au mois d'août 1993, mais pas de façon continue. Il a été mis à pied pendant six semaines en décembre 1994 et en janvier 1995, lorsque l'entreprise de l'employeur a été fermée. M. Kellestine, qui est un mécanicien beaucoup plus expérimenté que M. Reynolds, était sur le point d'obtenir son permis de mécanicien. Au départ, il était payé 10 $ l'heure et travaillait 40 à 45 heures par semaine. Par la suite, sa paie a été portée à 12 $ l'heure, selon le taux uniforme[4]. Il se rappelle que M. Reynolds a commencé à travailler pour l'employeur “ à peu près ” au mois d'août ou de septembre 1994, qu'il travaillait du lundi au vendredi de 8 h à 17 h, et parfois les samedis. Il a dit que M. Reynolds avait pour tâches de nettoyer l'atelier et de faire des réparations d’automobiles.

[27] M. Reynolds était au garage tous les jours, a dit M. Kellestine, et il travaillait dans une aire de travail déterminée. M. Kellestine pensait que M. Reynolds travaillait plus de 15 heures par semaine.

[28] M. Kellestine a expliqué la façon dont il remplissait un ordre de travail : il y décrivait le travail à effectuer sur le véhicule, les pièces commandées, le coût des pièces, la main-d'oeuvre et les taxes. Puis, [TRADUCTION] “ la facture est envoyée ”. Pour chaque travail, il tenait sa propre feuille de temps, où il consignait le nombre d'heures travaillées selon le taux uniforme. Une fois le travail terminé, il inscrivait sur la [TRADUCTION] “ copie propre ” d'un ordre de travail le nombre d'heures qu'il avait consignées sur sa copie. Sa propre feuille de temps contenait tous les renseignements pertinents relatifs à un travail donné.

[29] La date figurant sur l'ordre de travail, M. Kellestine a-t-il témoigné, est “ normalement ” celle où le travail est effectué. L'ordre de travail est “ normalement ” rempli lorsque le client arrive au garage avec le véhicule. Les ordres de travail pouvaient être remplis par M. Evans, M. Reynolds ou lui-même.

[30] M. Kellestine a indiqué que, si du travail était effectué au cours de la fin de semaine, l'ordre de travail était rempli le lundi. L'ordre de travail pour une inspection de sécurité peut servir plus longtemps : il est rempli lorsque le véhicule arrive à l'atelier et, normalement, le travail est effectué le jour même. Si aucun travail n'est effectué, le véhicule est retourné au client. Si le client décide de réparer le véhicule lui-même et de revenir ensuite pour une inspection, c'est-à-dire une fois les réparations effectuées, l'employeur utilise alors l'ordre de travail original. Si le travail est fait à l'extérieur, par exemple chez le client ou ailleurs, le mécanicien prend note des pièces utilisées et l'ordre de travail est rempli le lendemain.

[31] M. Reynolds a été payé par chèque pour le travail qu'il a effectué au mois d'août 1994. Le premier chèque qui lui a été remis était de 250 $. M. Evans a déclaré que M. Reynolds lui avait dit : [TRADUCTION] “ Lorsque j'aurai besoin d'argent je vous le dirai [...] j'ai d'autres sources [...] ”, et [TRADUCTION] “ Dès que j'aurai besoin d'argent, je vous donnerai la facture ”. M. Evans a témoigné que, vers la fin du mois de septembre, M. Reynolds avait dit qu'il voulait avoir de l'argent, être payé pour 25 heures de travail, et lui avait ensuite demandé de ne pas consigner le paiement comme la rémunération d'un travail fait en sous-traitance, mais d'inscrire son nom dans les livres comme employé. M. Evans a déclaré que la façon dont M. Reynolds était payé importait peu à l'employeur; M. Evans a donc convenu d'inscrire M. Reynolds sur la feuille de paie normale.

[32] Lorsque M. Reynolds a demandé une paie pour 25 heures, il avait travaillé à ce moment-là 68,2 heures au total. Le 1er octobre 1994 ou vers cette date, il a été payé pour le nombre d'heures qu'il avait mentionné. Le montant du deuxième chèque remis à M. Reynolds s'élevait à 200 $ puisque, a dit M. Evans, M. Reynolds ne voulait pas être payé pour plus de 20 heures à la fois et, [TRADUCTION] “ par la suite, s'il avait atteint les 20 heures, s'il avait fait assez de travail pour moi pour accumuler 20 heures, je le payais pour ces 20 heures et je ne le payais que lorsqu'il me le demandai(t) ”, bien que M. Reynolds fût inscrit sur la feuille de paie de l'employeur. D'après M. Evans, [TRADUCTION] “ il économisait ses heures ”.

[33] M. Evans se rappelle que, vers Noël 1994, M. Reynolds [TRADUCTION] “ avait à peine suffisamment d'heures ” à son crédit pour être payé pour 20 heures. Parfois, M. Evans a-t-il raconté, M. Reynolds demandait un chèque le vendredi soir; M. Evans lui remettait alors un chèque de 200 $, moins les retenues, et il demandait à Mme Radford de [TRADUCTION] “ soustraire 20 heures ... et [...] lui indiquai[t] le numéro du chèque ”.

[34] Mme Radford travaille au bureau d'affaires de London Health Sciences. Au cours des dix dernières années, elle a travaillé pour l'employeur en l'espèce, s'occupant d'affaires administratives et comptables comme les comptes créditeurs, les comptes débiteurs et les livres de comptabilité.

[35] D'après ce qu'elle a cru comprendre, au départ la relation entre l'employeur et M. Reynolds fonctionnait comme suit : ce dernier remettait une facture à l'employeur et elle devait établir le chèque. À la fin du mois de septembre, la façon de faire a été modifiée : M. Reynolds voulait un chèque de paie normal.

[36] Pour calculer le montant dû à M. Reynolds, Mme Radford utilisait les feuilles de temps de ce dernier. Elle a vu pour la première fois la page 1 de la pièce R-3 à la fin du mois de septembre 1994. Après avoir établi le premier chèque de 250 $ à l'ordre de M. Reynolds, elle a par la suite fait des chèques toutes les semaines sur la base d'un salaire hebdomadaire de 200 $ (pièce R-12). Mme Radford a expliqué comment elle tenait un compte à jour des heures que M. Reynolds avait “ accumulées ”, comme elle l'a dit. Ce compte figure sur la page couverture des pièces R-3 et R-4 et se fonde sur les renseignements inscrits sur les feuilles de temps que contient chacune de ces pièces. (Le ministre s'est fondé sur les renseignements donnés sur la page couverture des pièces R-3 et R-4 et qui sont énoncés à l'alinéa 4 g) de la réponse à l'avis d'appel déposée par l'intimé. Les alinéas 4 g), h) et i) de la réponse de l'intimé sont joints en annexe aux présents motifs.) Mme Radford a aussi dressé une récapitulation des heures travaillées par M. Reynolds et des heures pour lesquelles il a été payé (pièce R-12 ou R-13). La pièce R-13, par exemple, indique les heures qui ont effectivement été travaillées par M. Reynolds, la date à laquelle il a été payé et le montant de la paie. Après avoir consigné les paiements pour la période du 3 février au 24 mars 1995, elle a inscrit [TRADUCTION] “ déficit de (13,2) ”. Mme Radford a expliqué que cela signifie qu'au 24 mars 1995, M. Reynolds avait été payé pour un nombre d'heures supérieur au nombre d'heures qu'il avait travaillé. (La pièce R-12 fait état des chèques faits à l'ordre de M. Reynolds, et indique notamment la paie brute et les montants retenus conformément à la loi.)

[37] Mme Radford a également témoigné que M. Reynolds ne voulait pas que les cases rémunération assurable sur ses relevés d'emploi (pièces R-1 et R-2) soient laissées en blanc. Mme Radford a déclaré qu'elle ignorait la date à laquelle M. Reynolds était en fait devenu un employé de l'employeur. Elle savait que c'était en septembre, de sorte qu'elle a inscrit le 9 septembre 1994 sur le relevé d'emploi.

[38] Le témoin de l'appelant et les témoins de l'intimé et de l'intervenante ont donné des témoignages qui se contredisent sur presque tous les points. Le seul point sur lequel ils concordent est que M. Reynolds a été employé par l'employeur à partir d'une date quelconque en septembre 1994 jusqu'au 1er mai 1995 ou vers cette date.

[39] La date exacte à laquelle M. Reynolds a commencé à travailler pour l'employeur, que ce soit à titre d'employé ou de sous-traitant, la nature de la relation entre M. Reynolds et l'employeur au début, les heures travaillées chaque semaine par M. Reynolds à titre d'employé et le calcul de la paie versée à M. Reynolds sont autant de faits importants sur lesquels les parties ne peuvent s'entendre. Je me vois donc forcé de choisir la preuve d'une partie de préférence à celle de l'autre.

[40] Je préfère le témoignage de M. Evans et de Mme Radford. Ils ont été francs et leur témoignage est appuyé par la preuve documentaire mentionnée précédemment. M. Evans a été honnête au sujet de sa relation avec M. Reynolds. Je n'ai pas eu l'impression qu'il tentait d'induire en erreur de quelque façon que ce soit.

[41] M. Kellestine a lui aussi témoigné de façon sincère, mais une grande partie de son témoignage concernait l'impression qu'il avait du travail de M. Reynolds et de la relation de ce dernier avec l'employeur. En termes simples, il n'y a aucune preuve que M. Kellestine était au courant de l'entente conclue entre M. Reynolds et l'employeur relativement aux tâches de M. Reynolds, et il n'y avait aucune raison pour laquelle il devait l'être.

[42] Le témoignage de M. Kellestine a cependant corroboré en grande partie le témoignage de M. Evans quant à la façon de remplir les ordres de travail et les feuilles de temps.

[43] M. Vermist n'a pu que témoigner qu'il était allé à la pêche avec M. Reynolds les fins de semaine au début du mois de septembre 1994, ce qui ne contredit en rien le témoignage de M. Evans.

[44] Quant aux témoignages de Mmes Burton et Benjamin, à mon avis ils sont intéressés. Ces deux dames souhaitaient présenter M. Reynolds sous son meilleur jour.

[45] Quant au témoignage de M. Reynolds, à mon avis il était au mieux trompeur. Il m'est difficile d'accepter, par exemple, son témoignage suivant lequel les pages 1 et 2 de la pièce R-3 étaient simplement des “ feuilles guides ” et non pas de véritables feuilles de temps. Des ordres de travail véritables ont été établis à l'aide de l'information figurant sur les feuilles de temps que l'on retrouve aux pages 1 et 2 de la pièce R-3. En outre, si l'on examine l'écriture sur un ordre de travail pertinent (no 1432), on constate qu'au moins une partie de l'ordre de travail a été écrite de la main de M. Reynolds.

[46] En observant M. Reynolds au cours de son témoignage, j'ai eu l'impression, plus particulièrement en voyant sa réaction aux questions qui lui ont été posées lors du contre-interrogatoire et en observant son comportement pendant que d'autres personnes témoignaient, qu'il tente de s'insinuer dans les bonnes grâces des personnes susceptibles de l'aider ou qu'il essaie de manipuler ces personnes, que ce soit M. Evans, l'avocate de l'intimé ou moi-même. Je n'accorde pas beaucoup de poids à son témoignage.

[47] Je conclus par conséquent que l'appelant a commencé à travailler pour l'employeur à titre de sous-traitant au cours du mois d'août 1994 et qu'il est devenu un employé de l'employeur le 26 septembre 1994 ou vers cette date. Avant de devenir employé, M. Reynolds a travaillé 68,2 heures pour l'employeur à titre de sous-traitant. Il n'y a aucune preuve qu'il a travaillé pour l'employeur à titre d'employé plus de 15 heures par semaine pendant plus de sept semaines au cours de la période[5]. L'employeur a payé M. Reynolds, au cours de la période, pour les heures travaillées pendant une semaine donnée et pour les heures qu'il avait travaillées précédemment mais pour lesquelles il n'avait pas été payé. M. Reynolds n'a pas droit à des prestations en vertu de la Loi pour les heures qu'il a travaillées au cours de la période.

[48] L'appel est rejeté et le règlement de la question par le ministre est confirmé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d'août 1998.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de février 1999.

Erich Klein, réviseur

ANNEXE

AUX MOTIFS DU JUGEMENT

CHARLES REYNOLDS c. M.R.N. dossier no 96-1814(UI)

g) des renseignements et des documents ont été obtenus de l'appelant et de l'employeur et il a été déterminé ce qui suit :

Période

1994

Total des

heures

travaillées

Taux

horaire

Rémunération

totale

Nombre de

semaines

Rémunération

hebdomadaire moyenne

1er au 5 août

8 au 12 août

15 au 19 août

68,2

10 $

682 $

5

136,40 $

22 au 26 août

29 août au

2 sept.

5 au 9 sept.

12 au 16 sept.

31,4

10 $

314 $

3

104,66 $

19 au 23 sept.

26 au 30 sept.

3 au 7 oct.

27,5

10 $

275 $

2

137,50 $

10 au 14 oct.

17 au 21 oct.

19,5

10 $

195 $

2

97,50 $

24 au 28 oct.

31 oct. au 4 nov.

22,5

10 $

225 $

2

112,50 $

7 au 12 nov.

14 au 18 nov.

52,5

10 $

525 $

4

131,25 $

21 au 25 nov.

28 nov. au 2 déc.

5 au 9 déc.

12 au 16 déc.

24,8

10 $

248 $

2

124 $

Période

Heures

Rémunération

Paie de vacances

1994

19 au 24 déc.

5

50 $

26 au 31 déc.

5

50 $

1995

2 au 7 janv.

5

50 $

9 au 14 janv.

5,3

53 $

16 au 21 janv.

14,5

145 $

23 au 28 janv.

14,5

145 $

30 janv. au 4 fév.

12,5

125 $

6 au 11 fév.

12,5

125 $

13 au 18 fév.

12,6

126 $

20 au 25 fév.

12,8

128 $

27 fév. au 4 mars

12,8

128 $

6 au 11 mars

12,9

129 $

13 au 18 mars

20,5

205 $*

20 au 25 mars

20,6

206 $*

27 mars au 1er avril

14

140 $

3 au 8 avril

29,7

297 $*

10 au 15 avril

28,25

282,50 $*

17 au 22 avril

19,2

192 $*

24 au 29 avril

19,3

193 $*

1er au 6 mai

12,75

127,50 $

214,44 $=

341,94 $*

h) la rémunération marquée d'un (*) à l'alinéa g) ci-dessus est la rémunération assurable pour laquelle des cotisations d'assurance-chômage étaient payables et représente aussi des semaines d'emploi assurable;

i) compte tenu des chiffres qui figurent à l'alinéa g) ci-dessus, l'appelant avait une rémunération assurable totale de 1 717 $ et il a occupé un emploi assurable pendant 7 semaines.



[1]               Dans sa demande de règlement d'une question relative au caractère assurable de l'emploi, M. Reynolds a déclaré que c’était la période du 9 septembre 1994 au 1er mai 1995 qui était visée. La lettre du 26 juin 1996 dans laquelle Revenu Canada a avisé M. Reynolds du règlement mentionne la période “ du 1er août 1994 au 6 mai 1995 ”. Dans son avis d'appel, M. Reynolds affirme qu'il a travaillé pour l'employeur du 26 septembre 1994 au 1er mai 1995.

[2]               Les pièces R-3 et R-11 sont semblables, mais des numéros d'ordre de travail ou le travail effectué dans l'atelier ont été ajoutés à la pièce R-11.

[3]               Les calculs faits par Mme Radford du nombre de semaines travaillées par M. Reynolds et de la paie qu'il a touchée pour chaque période figurent sur la page couverture des pièces R-3 et R-4 et ils sont repris à l'alinéa 4 g) de la réponse à l'avis d'appel.

[4]               Les garages utilisent un livre reconnu dans l'industrie pour déterminer combien de temps un travail donné devrait prendre et ils établissent la facture selon le temps indiqué dans le livre. Par exemple, si, dans le livre, on indique qu'un travail doit prendre deux heures alors qu'en réalité, il a pris une heure ou trois heures, le client paie pour deux heures. De même, un mécanicien peut être payé selon le taux uniforme pour chaque travail. S'il termine le travail en une heure alors que le livre indique qu'il devrait prendre deux heures, il est payé pour deux heures. Donc, un mécanicien compétent et efficace préfère être payé selon le taux uniforme plutôt que pour les heures effectivement travaillées.

[5]               Paragraphe 13(1) du règlement pris conformément à la Loi.

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