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Date: 19981014

Dossier: 97-3080-IT-I

ENTRE :

ANTHONY M. HAYES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Christie, C.C.I.

[1] Ces appels sont régis par la procédure informelle prescrite en vertu de l'article 18 et des dispositions suivantes de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. Les années 1992, 1993 et 1994 sont en cause.

[2] Au début de l'audition de ces appels, le 2 octobre 1998, l'appelant a soulevé deux questions se rapportant aux délais de prescription prévus par la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt (la « Loi » ). La première question est de savoir si la réponse à l'avis d'appel a été déposée dans le délai imparti.

[3] Le dossier du greffe montre que, le 17 octobre 1997, le juge en chef Couture a rendu une ordonnance prorogeant le délai dans lequel l'appelant pouvait interjeter appel contre les cotisations relatives aux années en question. L'ordonnance est datée du 17 octobre 1997. Le troisième paragraphe se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Par les présentes, la Cour ordonne que le délai dans lequel ces appels peuvent être interjetés soit prolongé jusqu'à la date de la présente ordonnance et que ces appels, reçus en même temps que la demande, constituent des appels valides.

[4] Le dossier du greffe montre que les avis d'appel ont été transmis à Revenu Canada le 24 octobre 1997. La réponse à l'avis d'appel a été déposée au greffe le 23 décembre 1997 et une copie a été envoyée à l'appelant le même jour par courrier recommandé. Le paragraphe 18.16(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

18.16(1) Le ministre du Revenu national dispose de soixante jours suivant la transmission de l'avis d'appel par le greffe de la Cour pour y répondre; il peut, toutefois, répondre après ce délai avec le consentement de l'appelant ou la permission de la Cour; le consentement et la permission peuvent être demandés soit avant, soit après l'expiration du délai.

L'appelant n'a pas consenti au dépôt de la réponse après le délai de 60 jours. Le paragraphe 27(5) de la Loi d'interprétation dit ceci :

27(5) Lorsqu'un acte doit être accompli dans un délai qui suit ou précède un jour déterminé, ce jour ne compte pas.

Compte tenu de ce qui a été dit jusqu'ici, la réponse aurait dû être déposée dans les 60 jours qui ont suivi le 24 octobre 1997, soit au plus tard le 23 décembre 1997. C'est la date à laquelle la réponse a été déposée. En outre, il importe de noter que le paragraphe 18.18(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

18.18 (1) Dans le calcul des délais visés aux articles 18.16, 18.17 ou 18.22, la période du 21 décembre au 7 janvier est exclue;

Cela veut dire que la réponse n'avait pas à être déposée avant le lundi 12 janvier 1998. À cet égard, il faut se rappeler que les samedi et dimanche 10 et 11 janvier 1998 ne sont pas comptés dans le calcul du délai de 60 jours. L'article 15 de la Loi prévoit ce qui suit :

15. Le délai qui expirerait normalement un jour férié ou un samedi est prorogé jusqu'au premier jour non férié, ou jusqu'au lundi, suivant.

En vertu du paragraphe 35(1) de la Loi d'interprétation, les dimanches sont des jours fériés.

[5] Le second point préliminaire se rapporte à la fixation de la date d'audition des appels. Les paragraphes 18.17(1) et 18.17(1.1) de la Loi sont ainsi libellés :

18.17(1) Sous réserve du paragraphe (1.1), la Cour fixe l'audition d'un appel visé à l'article 18 à une date qui ne peut être ultérieure au cent quatre-vingtième jour ou, lorsqu'elle est convaincue qu'il serait difficilement réalisable de fixer une date d'audition à l'intérieur de ce délai, au trois cent soixante-cinquième jour suivant celle où le ministre du Revenu national est tenu, aux termes des paragraphes 18.16(1) ou (3), de répondre à l'avis d'appel.

(1.1) La Cour peut, dans les cas exceptionnels, fixer l'audition d'un appel visé à l'article 18 à un moment ultérieur aux délais visés au paragraphe (1).

L'avis d'audience, qui est daté du 24 juillet 1998, dit que les appels devaient être entendus à Ottawa le 2 octobre 1998. Rien dans le dossier du greffe ne montre qu'il a été tenu compte de la question de savoir s' « il [était] difficilement réalisable » de fixer une date ou s'il existait un « cas exceptionnel » . Je crois que le paragraphe 18.17(1) n'a donc pas été observé comme il aurait dû l'être. Cependant, cet oubli administratif ne permet pas en soi de régler la question de savoir si les nouvelles cotisations ici en cause sont erronées. Il faut trancher la question compte tenu des circonstances dans lesquelles les nouvelles cotisations ont été établies. Cependant, l'oubli administratif sera porté à l'attention du greffier de façon à éviter que la chose se répète. Dans l'arrêt Ginsberg v. The Queen, 96 DTC 6372, la Cour d'appel fédérale a statué que l'omission du ministre du Revenu national d'établir une nouvelle cotisation d'impôt « avec toute la diligence possible » comme l'exige le paragraphe 152(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne constituait pas un motif d'annulation de la nouvelle cotisation.

[6] La réponse comporte deux erreurs mineures que l'avocate de l'intimée a été autorisée à corriger. Au paragraphe 3, le mot « sa » figurant devrait être remplacé par le mot « son » et à l'alinéa 7a), le mot « fédéral » devrait être remplacé par le mot « provincial » .

[7] Il s'agit de déterminer si l'appelant a le droit de déduire certaines pertes locatives dans le calcul de son revenu pour les années 1992, 1993 et 1994.

[8] Le paragraphe 7 de la réponse à l'avis d'appel se lit comme suit :

[TRADUCTION]

7. En ratifiant les nouvelles cotisations d'impôt de l'appelant pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes :

a) pendant les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, l'appelant travaillait pour le gouvernement provincial;

b) la résidence personnelle de l'appelant était située au 25, Rosegarden Crescent, à Ottawa (Ontario);

c) pendant les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, l'appelant a loué une partie de sa résidence personnelle à des tiers sans lien de dépendance avec lui;

d) l'appelant a déduit 50 p. 100 des frais d'exploitation pour les années d'imposition 1992 et 1993, et 40 p. 100 pour l'année d'imposition 1994;

e) le loyer demandé était insuffisant pour couvrir la fraction proportionnelle des frais d'exploitation;

f) le calcul des pertes locatives effectué par l'appelant pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 peut être résumé comme suit :

Années d'imposition

1992

1993

1994

Revenu

1 200 $

2 275 $

3 300 $

Dépenses

Impôts fonciers

1 412 $

1 361 $

1 080 $

Réparations et entretien

1 521 $

1 124 $

573 $

Intérêts

5 920 $

6 339 $

4 745 $

Assurances

374 $

351 $

351 $

Électricité, chauffage et eau

952 $

1 012 $

897 $

Autres dépenses

512 $

286 $

0 $

Dépenses totales

10 691 $

10 473 $

7 646 $

Pertes locatives nettes

(9 490 $)

(8 198 $)

(4 346 $)

g) dans les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, l'appelant n'avait pas d'attente raisonnable de tirer un profit du bien locatif;

h) les dépenses que l'appelant a déduites pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 à l'égard de la location de sa résidence personnelle n'étaient pas admissibles aux fins du calcul de ses pertes locatives pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 étant donné qu'elles n'avaient pas été faites ou engagées par l'appelant en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, mais qu'il s'agissait de frais personnels ou de subsistance de l'appelant;

i) l'appelant a cessé de louer une partie de sa résidence personnelle après l'année d'imposition 1994.

[9] Pour que les pertes se rapportant à la location d'un bien soient déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable, elles doivent se rapporter à une source de revenu. Le paragraphe 9(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui énonce l'une des règles fondamentales concernant le revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien ou la perte attribuable à une entreprise ou un bien, prévoit ce qui suit :

9(2) Sous réserve des dispositions de l'article 31[1], la perte subie par un contribuable dans une année d'imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte, si perte il y a, subie dans cette année d'imposition relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée en appliquant mutatis mutandis les dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

[10] Dans l'arrêt Moldowan v. The Queen, 77 DTC 5213, le juge Dickson (qui est par la suite devenu juge en chef), en rendant jugement au nom de la Cour suprême du Canada, a dit ceci, à la page 5215 :

Il y a d'abord eu controverse, mais il est maintenant admis que pour avoir une « source » de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. L'expression source de revenu équivaut donc au terme entreprise: Dorfman c. M.R.N., 72 DTC 6131.[2]

Plus loin, à la même page, le juge a ajouté ceci :

Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l'expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s'en dégage aucune constante. À mon avis, on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants: l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l'importance de l'entreprise: La Reine c. Matthews, (1974), 28 DTC 6193.

Je tiens à mettre l'accent sur les mots « déterminer objectivement » . Dans la décision Kerr and Forbes v. Minister of National Revenue, 84 DTC 1094 (C.C.I.), voici ce qui est dit, à la page 1095 :

L'existence d'une expectative raisonnable de profit ne doit pas être déterminée par la présence d'aspirations ou d'espoirs subjectifs, même si ceux-ci sont réels ou fortement ressentis. Il faut déterminer l'issue de la cause d'après des critères objectifs.

[11] Dans l'arrêt Tonn et al. v. The Queen, 96 DTC 6001, la Cour d'appel fédérale a examiné l'arrêt Moldowan en détail; les remarques que la Cour a faites dans ses motifs de jugement ont soulevé dans certains milieux de graves préoccupations au sujet des ramifications de l'arrêt Tonn par rapport à l'arrêt Moldowan. De fait, dans l'affaire Attorney General of Canada v. Mastri, 97 DTC 5420, l'avocat du procureur général a soutenu que la décision Tonn était erronée et a demandé avec instance au tribunal de juges de la Cour d'appel dont la composition était différente d' « infirmer » l'arrêt Tonn ou du moins de « clarifier » ce qui avait été décidé dans cet appel. Le juge Robertson, qui parlait au nom de la Cour, a dit ceci, à la page 5423 :

Bref, la décision de la Cour dans l'arrêt Tonn n'a pas pour but de modifier le droit établi dans l'arrêt Moldowan. L'arrêt Tonn confirme simplement l'interprétation fondée sur le bon sens selon laquelle ce n'est pas aux tribunaux de faire une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale d'un contribuable dont l'entreprise se révèle moins rentable que prévue.

[12] L'appelant a affirmé que les locataires avaient quitté les lieux à bref délai et qu'il avait eu de la difficulté à louer les locaux. Les périodes de location étaient les suivantes : 1992 — du 1er mars au 30 juin; 1993 — du 1er janvier au 31 mars et du 1er septembre au 31 décembre; 1994 — du 1er janvier au 30 novembre. L'appelant a confirmé ce qui était énoncé à l'alinéa 7i) de la réponse à l'avis d'appel au sujet du fait qu'il avait cessé de louer la propriété.

[13] Les montants énoncés à l'alinéa 7f), soit les montants que le contribuable cherchait à déduire dans le calcul de son revenu, figurent dans les états du revenu de location qui ont été produits avec les déclarations de revenu de l'appelant. Ces documents ont été produits en preuve. Les chiffres mentionnés dans cet alinéa se passent de commentaires; ils établissent qu'objectivement, il n'y avait pas d'expectative raisonnable de profit au cours des années ici en cause. Il importe de noter qu'en 1992, le revenu correspondait à 20 p. 100 des intérêts à eux seuls. Pour les années 1993 et 1994, les pourcentages appropriés sont de 36 et de 70 p. 100. Même s'il n'est pas tenu compte des intérêts, qui constituent la principale dépense, les autres dépenses excédaient le revenu en 1992 et en 1993. En 1994, s'il n'est toujours pas tenu compte des intérêts, le revenu excédait les dépenses de 399 $.

[14] Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d'octobre 1998.

« D. H. Christie »

J.C.A.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour de mai 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1] Cela se rapporte aux pertes agricoles à l'égard desquelles il existe des dispositions spéciales en ce qui concerne les montants déductibles.

[2] Dans la décision Dorfman, le juge Collier a dit ceci, à la page 6134 : « À mon avis, cette expression (source de revenu) est employée dans le sens d'une entreprise, d'un emploi ou d'un bien desquels on peut raisonnablement espérer tirer un bénéfice » .

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