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Date: 19991208

Dossiers: 98-1018-UI; 98-1019-UI

ENTRE :

HOOBANOFF LOGGING LIMITED,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1] Avec le consentement des parties, les appels en l'instance ont été entendus sur preuve commune à Calgary (Alberta) le 25 mai 1999.

[2] L'appelante a porté en appel des décisions aux termes desquelles, le 9 juin 1998, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a déterminé que les emplois qu'ont occupés Dennis Hoobanoff et son frère Brian Hoobanoff pour la compagnie appelante (la “ compagnie ”) du 1er janvier au 30 octobre 1997 étaient des emplois assurables au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (ci-après appelée la “ Loi sur l'a.-e.”).

[3] Les motifs donnés sont les suivants :

[TRADUCTION]

Il a été déterminé que des prestations [calculées en fonction de la rémunération que vous avez gagnée au cours de la période susmentionnée] étaient payables pour les motifs suivants :

Vous étiez employé aux termes d'un contrat de louage de services. Au cours de la période en cause, il y avait entre vous et Hoobanoff Logging Limited une relation employeur-employé. (Les italiques sont de moi.)

On a indiqué que les décisions avaient été prises conformément à l'article 93 de la Loi sur l'a.-e. et qu'elles étaient fondées sur l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'a.-e.

[4] Il vaut la peine d'indiquer que les décisions n'étaient pas fondées sur l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e., qui confère au ministre le pouvoir d'inclure dans la catégorie des “ emplois assurables ” certains emplois mettant en cause des “ personnes liées ” s'il est convaincu que les modalités qui les sous-tendent sont à peu près semblables à une entente qui aurait été conclue entre des personnes n'ayant pas entre elles de lien de dépendance. Puisque les deux frères sont liés entre eux et à leur père, qui est l'actionnaire majoritaire, la loi les exclut d'office, à moins que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e. Lorsque le ministre exerce ainsi son pouvoir discrétionnaire, l'appelant en est généralement informé, en même temps qu'il est informé de la décision. Dans ce cas-ci, aucune mention en ce sens n'a été faite, et on doit se demander à quel moment ce pouvoir discrétionnaire a été exercé.

[5] Néanmoins, les faits établis révèlent bien que les deux frères étaient employés par la compagnie, qu'ils détenaient chacun 24 p. 100 des actions de celle-ci pendant les périodes pertinentes et que leur père détenait le reste, soit 52 p. 100.

[6] Je soulève la question parce que, dans la décision initiale rendue le 30 octobre 1997 dans les présentes affaires par K. J. Ritcey, directeur des services fiscaux, à Penticton, au bureau de Revenu Canada en Colombie-Britannique, il n'y a aucune mention du fait que c'est la position qu'il a adoptée. En réalité, cette décision repose exclusivement sur le fait que le travail accompli par les frères pour la compagnie était effectué aux termes d'un contrat de louage de services et non d'un contrat d'entreprise. Cela est étrange puisque ce fait ne semble pas avoir été contesté. Les frères ont toujours accepté, me semble-t-il, le fait qu'ils travaillaient aux termes de contrats de louage de services, en tant qu'employés de la compagnie.

[7] Dans la décision, on peut lire également que l'emploi était considéré comme un emploi assurable aux termes de l'alinéa 5(2)b) de la Loi sur l'a.-e. pour le motif que chacun des frères contrôlait moins de 40 p. 100 des actions de la compagnie. Encore une fois, cela n'était pas contesté. En fait, la question en litige était que les frères avaient avec la compagnie un lien de dépendance, et cette question n'a été touchée ni dans la décision initiale, ni dans les décisions du ministre rendues le 9 juin 1998 et signées pour son compte par J. Ralla, directeur adjoint de la division des appels au bureau de l'impôt de Revenu Canada à Vancouver.

[8] C'est dans la réponse à l'avis d'appel, signée par un certain S. Trueblood pour le compte du sous-procureur général du Canada le 16 novembre 1998, qu'il est mentionné pour la toute première fois que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e. Aucune preuve n'a été produite pour appuyer le fait que ce pouvoir a bien été exercé, si ce n'est la déclaration du représentant de l'intimé au paragraphe 11 de la réponse et le renvoi à cette déclaration dans les faits sur lesquels le ministre se serait fondé à l'alinéa 5 ff) de la réponse; ce dernier élément n'est pas vraiment un fait, mais simplement l'expression de l'opinion du ministre. On ne l'a mentionné nulle part ailleurs. Très honnêtement, je dois me demander si, dans les faits, le ministre s'est à quelque moment que ce soit penché sur cette question. S'il n'en a rien fait, l'appel doit être accueilli puisque, étant des personnes liées au sens de l'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu, les personnes en cause sont clairement réputées, en droit, avoir entre elles un lien de dépendance.

[9] Toutefois, le représentant du sous-procureur général du Canada a déclaré que le ministre s'était penché sur cette question et, bien qu'il soit particulièrement étrange que cela ne soit mentionné nulle part ailleurs, je dois supposer qu'il s'est effectivement penché sur cette question. Il va sans dire que, si l'intimé et l'avocate agissant pour son compte ont faussement déclaré dans la réponse à l'avis d'appel que le ministre s'est penché sur la question, la situation serait très grave. Si, cependant, le ministre s'est penché sur la question, je continue de me demander pourquoi cela n'a pas été mentionné dans les décisions, comme c'est généralement l'usage dans ce genre de situation.

[10] J'ai mentionné la nature de la situation sur laquelle je suis appelé à me prononcer dans la présente affaire dans la décision que j'ai rendue le même jour dans l'affaire Crawford & Company Ltd. et M.R.N. (98-407(UI), 98-537(UI) et 98-538(UI)). Je confirme ce que j'ai dit dans cette affaire puisque, là aussi, le ministre a censément exercé son pouvoir discrétionnaire d'inclure des emplois dans le régime d'assurance-emploi alors que, dans le cours normal des choses, le droit les en aurait autrement exclus.

[11] Ordinairement, on demande au ministre d'accorder l'accès au régime à des demandeurs de prestations pour le motif que l'exception devrait être appliquée. La Cour est constamment saisie d'appels du refus du ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire en leur faveur. Dans ce cas-ci, cependant, comme dans l'affaire Crawford, précitée, le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon anticipée afin d'inclure dans la portée du régime d'assurance-emploi des personnes qui, autrement, par l'effet de la loi, en seraient exclues. Par conséquent, par suite de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, on a exigé d'eux le paiement de cotisations. Je suis d'avis que la loi lui permet d'agir ainsi dans les circonstances appropriées, mais que cela ne va pas vraiment dans le sens des modifications qui ont été apportées à la Loi sur l'assurance-chômage en 1990, lorsque ce pouvoir discrétionnaire a été proposé pour la première fois. À la Chambre des communes, le député André Plourde, s'exprimant pour le compte du gouvernement d'alors, a dit, au moment où les modifications à la Loi sur l'assurance-chômage ont été déposées, que le projet de loi C-21 contenait des dispositions visant à éliminer les restrictions injustes sur l'admissibilité aux prestations et :

Toutes les modifications proposées dans le cadre du projet de loi C-21 visent essentiellement à rendre ce régime plus efficace et plus équitable, mais aussi à répondre aux besoins des travailleurs et travailleuses. (voir Hansard, 7 juin 1989, Débats de la Chambre des communes, page 2722)

[12] Néanmoins, sur le plan de l'interprétation littérale du droit, je suis convaincu que le ministre a effectivement le pouvoir légal d'agir ainsi. Il n'appartient pas à la Cour de se mêler de questions de principe, mais je signale quand même les différences qui existent entre ce qui est en train de devenir une pratique courante, comme en témoignent ces affaires, et l'intention manifeste du législateur relativement à la disposition en question lorsqu'elle a été adoptée, à savoir d'atténuer le préjudice et l'injustice dont seraient victimes des personnes liées traitant véritablement entre elles comme si elles n'avaient pas de lien de dépendance, qui seraient par ailleurs incapables de prendre part au régime. Personne n'a à quelque moment que ce soit affirmé que cette disposition était destinée à procurer un immense filet au ministre pour lui permettre d'attraper le plus grand nombre possible de personnes en exerçant son pouvoir discrétionnaire de façon anticipée.

[13] En outre, cette interprétation de la disposition législative en cause par le ministre semble injuste en soi puisque, si, en l'espèce, les frères n'étaient pas liés à l'actionnaire majoritaire et que le ministre avait décidé que, dans les faits, ils n'avaient pas avec la société de lien de dépendance, ils auraient le droit d'interjeter appel de novo à la Cour. Les choses étant ce qu'elles sont, parce qu'ils sont liés à l'actionnaire majoritaire et malgré le fait que la loi fondamentale les exclue du régime parce que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire, ils y sont inclus malgré eux et ils ne jouissent que d'un droit d'appel limité. En d'autres mots, leur droit d'appel est restreint par la retenue dont la Cour doit faire preuve à l'égard de l'exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire dans les circonstances de la présente affaire.

[14] Si cette retenue et les droits d'appel limités semblent parfaitement logiques et justes lorsque les personnes concernées, qui sont essentiellement exclues en droit, essaient de convaincre le ministre que leur situation est visée par une exception, et que le législateur confie au ministre la responsabilité d'exercer son pouvoir discrétionnaire, on ne peut dire la même chose lorsque le ministre, par l'exercice de ce même pouvoir discrétionnaire, agit de façon anticipée et détermine que le régime s'applique à certaines personnes alors que ces dernières ne souhaitent pas y prendre part.

Le droit relatif à l'examen des décisions du ministre

[15] Dans le régime établi en vertu de la Loi sur l'a.-e., le législateur a prévu que certains emplois sont assurables, c'est-à-dire qu'ils donnent lieu au versement de prestations au moment de leur cessation, et que d'autres sont des emplois “ exclus ”, soit des emplois qui, au moment de leur cessation, ne donnent pas droit à des prestations. Un arrangement conclu entre personnes ayant entre elles un lien de dépendance entre dans la catégorie des emplois exclus. Des frères et des sociétés contrôlées par des personnes liées à ces derniers sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance conformément au paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui régit la situation. Il est bien clair que l'objet de cette loi est d'empêcher que, dans le cadre du système, on doive verser une multitude de prestations fondées sur des contrats de travail artificiels ou fictifs. Voir les remarques de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Paul c. Le ministre du Revenu national, A-223-86, non encore publié, où le juge Hugessen a dit :

Nous sommes tous disposés à présumer, comme nous y invite l'avocat de l'appelante, que l'alinéa 3(2)c) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, et le paragraphe 14 a) du Règlement sur l'assurance-chômage visent entre autres à éviter les emplois abusifs de la Caisse d'assurance-chômage par la création de soi-disant rapports “employeur-employé” entre des personnes dont les rapports sont, de fait, très différents. Cet objectif se révèle tout à fait pertinent et rationnellement justifiable dans le cas des époux qui vivent ensemble maritalement. Mais même si, comme le soutient l'appelante, nous ne sommes en présence que d'époux légalement séparés et qui peuvent traiter entre eux sans lien de dépendance, la nature de leurs rapports en qualité de conjoints est telle qu'elle justifie, à notre avis, d'exclure de l'économie de la Loi l'emploi de l'un par l'autre.

[...]

Nous n'écartons pas la possibilité que les dispositions susmentionnées aient d'autres objectifs, comme par exemple la décision conforme à une politique sociale visant à écarter du champ d'application de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage tous les emplois exercés au sein de l'unité familiale, comme l'a suggéré l'avocat de l'intimé. [L'italique est de moi.]

[16] La sévérité de cette règle est cependant atténuée par l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e., qui prévoit que l'emploi mettant en cause des personnes liées entre elles est réputé un emploi sans lien de dépendance qui doit par conséquent être traité comme un emploi assurable, dans la mesure où il satisfait à toutes les autres exigences, c'est-à-dire quele ministre est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rémunération versée, les modalités, la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'elles auraient conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable si elles n'avaient pas eu (dans les faits) un lien de dépendance.

[17] Il serait peut-être utile de reformuler la façon dont je comprends cette disposition. Aux termes de la loi, les personnes liées entre elles ne peuvent réclamer de prestations à moins que le ministre ne soit convaincu que, dans les faits, l'emploi est identique à celui que des personnes non liées, à savoir des personnes qui n'ont manifestement pas de lien de dépendance, auraient conclu. S'il s'agit d'un contrat de travail à peu près semblable, le législateur a jugé qu'il était à tout le moins juste qu'il soit inclus dans le régime. Cependant, le ministre est le gardien du régime. S'il n'est pas convaincu qu'il s'agit d'un contrat à peu près semblable, la porte reste close, l'emploi demeure exclu et l'employé n'est admissible à aucune prestation.

[18] Le paragraphe 93(3) de la Loi sur l'a.-e. traite des appels portés devant le ministre et du règlement de questions par ce dernier. En voici le libellé :

Le ministre règle la question soulevée par l'appel ou la demande de révision dans les meilleurs délais et notifie le résultat aux personnes concernées.

[19] Le ministre n'a donc pas le pouvoir de décider s'il va oui ou non régler la question. Il est tenu, en droit, de le faire. S'il n'est pas convaincu, la porte reste close et l'employé n'est pas admissible. Si, cependant, il est convaincu, sans plus de cérémonie ou sans autre geste de sa part (si ce n'est l'obligation de donner un avis de la décision), l'employé devient admissible à des prestations, à la condition qu'il soit par ailleurs admissible. Il ne s'agit pas d'un pouvoir discrétionnaire dans le sens où, s'il est convaincu, le ministre peut alors juger que l'emploi est assurable. Il doit régler la question et, selon sa décision, l'emploi est réputé, en droit, mettre en cause des personnes qui ont ou qui n'ont pas de lien de dépendance. En ce sens, le ministre n'a pas de pouvoir discrétionnaire dans le véritable sens du terme car, lorsqu'il prend sa décision, il doit agir de façon quasi-judiciaire et il n'est pas libre de son choix. Les différentes décisions de la Cour d'appel fédérale sur cette question révèlent que le même critère s'applique à une myriade d'autres fonctionnaires qui prennent des décisions quasi-judiciaires dans nombre d'autres domaines. Voir les arrêts Tignish Auto Parts Inc. v. M.N.R., 185 N.R. 73, Ferme Émile Richard et Fils Inc. v. M.N.R., 178 N.R. 361, Attorney General of Canada and Jencan Ltd., (1997) 215 N.R. 352 et Her Majesty the Queen and Bayside Drive-in Ltd., (1997) 218 N.R. 150.

[20] Le rôle de la Cour, dans le cadre d'un appel, est donc de contrôler la décision du ministre et de déterminer s'il y est arrivé légalement, c'est-à-dire conformément à la Loi sur l'a.-e. et aux principes de justice naturelle. Dans l'arrêt Her Majesty the Queen v. Bayside et al., précité, la Cour d'appel fédérale a énoncé certaines questions que la présente cour doit examiner lorsqu'elle entend des appels de cette nature :

Le ministre a-t-il agi de mauvaise foi ou en s'appuyant sur un objectif ou un motif inapproprié?

Le ministre a-t-il omis de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, comme il y est expressément tenu aux termes du sous-alinéa 3(2)c)(ii)? ou

(iii) Le ministre a-t-il tenu compte d'un facteur non pertinent?

[21] La Cour d'appel fédérale a ensuite déclaré :

Ce n'est que si le ministre a commis une ou plusieurs de ces trois erreurs susceptibles de contrôle que l'on peut dire qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon contraire à la loi, et donc, que le juge de la Cour de l'impôt serait justifié de faire sa propre évaluation de la prépondérance des probabilités quant à savoir si les intimés auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s'il n'y avait pas eu entre eux de lien de dépendance.

[22] Dans l'examen de la présente affaire, il ne faut pas oublier que la Cour ne doit pas substituer sa propre opinion sur la preuve à celle du ministre. Toutefois, si la façon dont le ministre est parvenu à sa décision n'était pas légitime dans le contexte des jugements précités, les aspects en cause des faits énoncés peuvent être écartés, et je dois alors déterminer si ce qui reste constitue des bases justifiables aux fins de la décision. Si ces bases, en soi, étaient suffisantes pour que le ministre parvienne à une décision, la décision doit être maintenue, même si la Cour peut différer d'opinion. Par contre, s'il ne reste aucune base sur laquelle le ministre pouvait légitimement fonder une telle décision, d'un point de vue raisonnable et objectif, la décision peut alors être infirmée, et la Cour peut prendre en considération la preuve qui lui est présentée en appel et rendre sa propre décision.

[23] Bref, si le ministre dispose de faits suffisants pour fonder sa décision, celle-ci lui appartient et, s'il n'est “ pas convaincu ”, il n'appartient pas à la Cour de substituer son opinion sur ces faits et de dire qu'il aurait dû être convaincu. Parallèlement, s'il est convaincu, il n'appartient pas à la Cour de dire qu'il n'aurait pas dû être convaincu (un scénario peu probable de toute façon). La Cour ne peut intervenir que si la décision est prise de façon inappropriée et qu'objectivement elle est déraisonnable compte tenu des faits qui ont été présentés régulièrement au ministre.

[24] Mon point de vue est appuyé par un certain nombre de décisions de différents tribunaux d'appel du pays et de la Cour suprême du Canada dans des affaires apparentées portant sur divers éléments de procédure prévus au Code criminel, qui ont par la suite été examinés par les tribunaux et qui, à mon avis, sont analogues à la situation qui nous occupe. La norme de contrôle de la validité d'un mandat de perquisition a été énoncée par le juge Cory de la Cour d'appel (tel était alors son titre) dans l'arrêt Times Square Book Store, Re (1985) 21 C.C.C. (3d) 503 (C.A.), où il a dit qu'il n'appartenait pas au juge qui effectue le contrôle d'examiner de novo l'autorisation relative au mandat de perquisition et qu'il ne pouvait pas substituer son opinion à celle du juge ayant décerné le mandat. La première question à résoudre dans le cadre d'un contrôle est plutôt de savoir si oui ou non il y avait une preuve sur le fondement de laquelle un juge de la paix agissant de façon judiciaire pouvait déterminer qu'il y avait lieu de décerner un mandat de perquisition.

[25] La Cour d'appel de l'Ontario a réitéré et approfondi ce point de vue dans l'arrêt R. v. Church of Scientology of Toronto and Zaharia (1987) 31 C.C.C. (3d) 449 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée. En indiquant que le tribunal qui effectue le contrôle devait examiner l'“ ensemble des circonstances ”, la Cour d'appel a indiqué à la page 492 :

[TRADUCTION]

De toute évidence, si cette conviction (qu'une infraction criminelle a été commise) ne s'appuie sur aucune preuve, on ne peut dire que, dans ces circonstances, le juge devrait être convaincu. Il y aura, en revanche, des cas où cette preuve (établissant des motifs raisonnables de croire) existe et où le juge pourrait être convaincu, mais où il ne l'est pas et où il n'exerce pas son pouvoir discrétionnaire pour décerner un mandat de perquisition. Dans ces circonstances, le juge qui effectue le contrôle ne doit pas dire que le juge aurait dû être convaincu et qu'il aurait dû décerner le mandat. De même, si, dans de telles circonstances, le juge dit qu'il est convaincu et qu'il décerne le mandat, le juge qui effectue le contrôle ne peut dire que le juge n'aurait pas dû être ainsi convaincu.

[26] La Cour suprême du Canada a entériné cette approche dans l'affaire R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421. Au sujet d'une autorisation d'écoute électronique, feu M. le juge Sopinka disait dans cette affaire :

Bien que le juge qui exerce ce pouvoir relativement nouveau ne soit pas tenu de se conformer au critère de l'arrêt Wilson, il ne devrait pas réviser l'autorisation de novo. La façon appropriée est établie dans les motifs du juge Martin en l'espèce. Il affirme [...] :

Si le juge du procès conclut, d'après les documents dont disposait le juge ayant accordé l'autorisation, qu'il n'existait aucun élément susceptible de le convaincre que les conditions préalables pour accorder l'autorisation existaient, il me semble alors que le juge du procès doit conclure que la fouille, la perquisition ou la saisie contrevient à l'art. 8 de la Charte.

Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l'autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision, conclut que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d'être nécessaires à la révision leur seul effet est d'aider à décider s'il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l'autorisation.

[27] Cette approche semble avoir été adoptée par presque tous les tribunaux d'appel de notre pays. (Voir R. v. Jackson, (1983) 9 C.C.C. (3d) 125 (C.A. C.-B.); R. v. Conrad et al., (1989) 99 A.R. 197, 79 Alta. L.R. (2d) 307, 51 C.C.C. (3d) 311 (C.A.); Hudon v. R., (1989) 74 Sask. R. 204 (C.A.); et R. v. Turcotte, (1988) 60 Sask. R. 289, 39 C.C.C. (3d) 193 (C.A.); R. v. Borowski, (1990) 66 Man. R. (2d) 49, 57 C.C.C. (3d) 87 (C.A.); Bâtiments Fafard Inc. et autres c. Canada et autres, (1991) 41 Q.A.C. 254 (C.A.); Société Radio-Canada v. Nouveau-Brunswick (Procureur général) et autres, (1991) 104 N.B.R. (2d) 1, 261 A.P.R. 1, 55 C.C.C. (3d) 133 (C.A.); R. v. Carroll and Barker, (1989) 88 N.S.R. (2d) 165, 225 A.P.R. 165, 47 C.C.C. (3d) 263 (C.A.), et R. v. MacFarlane, (K.R.) (1993) 100 Nfld. & P.E.I.R. 302, 318 A.P.R. 302, 76 C.C.C. (3d) 54 (C.A. I.-P.-É.).) Cette approche me semble des plus pertinentes dans le cadre du contrôle d'un règlement du ministre, qui constitue lui aussi une décision quasi-judiciaire.

Examen des décisions du ministre

[28] Dans les réponses aux avis d'appel, on peut lire que le ministre s'est fondé sur certains faits. L'appelante a admis la majorité de ces faits, qui sont identiques dans chaque appel. J'ai indiqué entre parenthèses si elle a admis l'hypothèse ou l'a niée. Les faits énoncés sont les suivants :

[TRADUCTION]

l'appelante avait une exploitation forestière; (admis)

52 p. 100 des actions avec droit de vote de l'appelante étaient détenues par Peter Hoobanoff, 24 p. 100, par Brian Hoobanoof et 24 p. 100, par Dennis Hoobanoff; (admis)

Dennis Hoobanoff et Brian Hoobanoff sont des frères; (admis)

Dennis et Brian Hoobanoff sont les fils de Peter Hoobanoff; (admis)

Dennis, Brian et Peter Hoobanoff étaient les administrateurs de l'appelante; (admis)

Brian et Dennis Hoobanoff étaient liés à l'appelante au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu; (admis)

les activités quotidiennes de l'appelante étaient menées par Dennis et Brian Hoobanoff; (admis)

Peter Hoobanoff s'était retiré de la gestion quotidienne des activités de l'appelante, mais il travaillait à l'occasion comme expert-conseil pour l'appelante; (pas vraiment comme expert-conseil) (admis)

Brian Hoobanoff était le secrétaire-trésorier de l'appelante; (admis)

Brian Hoobanoff avait notamment pour fonctions de superviser les employés faisant partie de l'“ équipe chargée des travaux manuels ”, de négocier des contrats, de s'acquitter de tâches administratives et de remplacer Dennis Hoobanoff lorsque celui-ci était occupé ou se trouvait à l'extérieur; (admis)

Dennis Hoobanoff était le vice-président de l'appelante; (admis)

Dennis Hoobanoff avait notamment pour fonctions de superviser les employés faisant partie de l'“ équipe de téléphérage relevé ”, de s'acquitter de tâches administratives et de remplacer Brian Hoobanoff lorsque celui-ci était occupé ou se trouvait à l'extérieur; (admis)

Dennis et Brian Hoobanoff avaient tous deux le pouvoir de signer pour l'appelante; (admis) (“ seulement deux personnes ”)

Brian et Dennis Hoobanoff pouvaient tous deux emprunter de l'argent pour le compte de l'appelante; (admis)

Brian et Dennis Hoobanoff avaient tous deux fourni des garanties pour les emprunts de l'appelante; (admis)

Brian et Dennis Hoobanoff avaient tous deux le pouvoir d'embaucher et de congédier le personnel; (admis)

ni Dennis ni Brian Hoobanoff n'avaient d'heures ou de jours de travail établis; (admis)

ni Dennis ni Brian Hoobanoff ne consignaient les heures qu'ils travaillaient; (admis) (“ tous les autres employés consignaient leurs heures ”)

l'appelante versait un salaire annuel à Dennis et à Brian Hoobanoff; (admis)

le salaire de Dennis et de Brian Hoobanoff était déterminé au début de chaque année; (admis) (“ selon la rentabilité ”)

pour les années 1995, 1996 et 1997, Dennis et Brian Hoobanoff ont reçu de l'appelante les salaires suivants : (admis)

1995 1996 1997

Brian Hoobanoff 54 983 $ 58 732 $ 58 869 $

Dennis Hoobanoff 68 651 $ 65 120 $ 64 477 $

l'appelante comptait en moyenne de 25 à 30 employés; (admis)

aucun des actionnaires ne touchait de jetons de présence; (admis)

les salaires versés à Dennis et à Brian Hoobanoff étaient raisonnables compte tenu des services que ces derniers fournissaient à l'appelante; (admis)

Dennis et Brian Hoobanoff étaient tous deux payés toutes les deux semaines; (admis)

les autres employés de l'appelante étaient payés toutes les deux semaines; (admis)

Dennis et Brian Hoobanoff étaient payés toutes les deux semaines peu importe la situation financière de l'appelante; (contesté)

tous les employés de l'appelante, y compris Dennis et Brian Hoobanoff, jouissaient d'un régime de soins de santé et de soins dentaires parrainé par l'appelante; (contesté)

tous les employés, y compris Dennis et Brian Hoobanoff, touchaient une paie de vacances établie à 4 ou à 6 p. 100 de leur rémunération brute; (admis)

l'appelante fournissait tous les outils et le matériel dont Dennis et Brian Hoobanoff avaient besoin pour effectuer leur travail; (admis)

Dennis et Brian Hoobanoff n'engageaient aucune dépense dans l'exécution de leurs fonctions; (contesté)

[29] Dennis Hoobanoff a témoigné pour le compte de l'appelante. Il a été à mon avis un témoin des plus honnêtes. J'ai eu la nette impression qu'il était un travailleur et un homme d'affaires franc, acharné et consciencieux.

[30] En ce qui concerne les faits sur lesquels le ministre se serait fondé, c'est principalement l'hypothèse énoncée à l'alinéa aa) que le témoin a contestée. Il a déclaré qu'il était arrivé que la compagnie soit à court d'argent et que lui et son frère aient dû attendre avant de déposer leurs chèques parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'argent. Manifestement, c'est là un facteur sur lequel le ministre se fonde fréquemment dans ce genre d'affaire pour montrer que les personnes en cause ont entre elles un lien de dépendance.

[31] La question des heures de travail a été soulevée également. Selon la preuve, les frères travaillaient souvent de 12 à 14 heures par jour. M. Hoobanoff a indiqué qu'ils travaillaient pour ainsi dire 365 jours par année. Il a déclaré qu'il commençait tous les jours à 3 h, sur le terrain, et qu'il travaillait souvent sans arrêt jusqu'en soirée, effectuant alors le travail administratif. Peu de gens n'ayant pas de lien de dépendance avec leur employeur travaillent dans de telles conditions, ce que le ministre ne semble pas avoir pris en considération. À mon avis, c'était un élément très pertinent.

[32] Le nombre d'heures de travail a lui aussi de l'importance. Le ministre aurait pris en considération les salaires que les frères touchaient. En fait, si l'on tient compte des heures travaillées, ces salaires étaient très peu élevés étant donné les responsabilités de gestion que les frères assumaient. Si l'on calcule qu'il a travaillé 12 heures par jour, 365 jours par année, Dennis Hoobanoff aurait touché 15 $ l'heure en 1997. S'il a travaillé 12 heures par jour, 5 jours par semaine seulement — et il a soutenu avoir travaillé davantage — son salaire n'aurait été que de 20 $ l'heure. Son témoignage sur le travail qu'ils ont effectué et le salaire qu'ils ont touché démontre clairement que des employés n'ayant pas de lien de dépendance avec la compagnie n'auraient pas travaillé pour un tel salaire et assumé de telles responsabilités. C'est un autre élément qui n'a pas été présenté au ministre et qui, à mon avis, était fort pertinent.

[33] Les deux frères ont signé d'importantes garanties personnelles aux fins de l'achat de matériel pour la compagnie. Dans les réponses, il est dit que le ministre a pris ce facteur en considération, mais on ne sait pas s'il était au courant de l'envergure de leurs obligations. Un contrat de prêt pour matériel et de garantie d'un montant de 545 572 $ a été produit en preuve, ainsi que les garanties données par les frères, pour illustrer l'envergure des obligations qu'ils avaient assumées pour le compte de la compagnie. L'avocate du ministre a fait valoir qu'ils avaient donné ces garanties en leur qualité d'administrateurs et non à titre d'employés et qu'il fallait établir une distinction entre ces deux titres. Évidemment, se pose alors la question de savoir si les intérêts économiques de la compagnie et ceux des frères peuvent être suffisamment distincts dans de telles circonstances. On ne peut dire avec certitude si le ministre a tenu compte de l'envergure de ces obligations et, de toute évidence, celle-ci constitue un facteur fort pertinent.

[34] L'appelante a soulevé également le fait que les frères allaient et venaient à leur guise. Ils pouvaient prendre congé sans obtenir l'autorisation de quiconque, et la preuve a fait état de moments où ils avaient effectivement pris congé sans diminution de salaire, contrairement à ce qui se serait produit si un employé ordinaire en avait fait autant. Le ministre ne semble pas avoir pris cet élément en considération dans la présente affaire; or, je ferai remarquer qu'il invoque fréquemment ce facteur dans ses décisions pour refuser d'exercer son pouvoir discrétionnaire.

[35] Le ministre ne semble pas avoir pris en considération non plus le fait que les frères fixaient eux-mêmes leurs salaires. C'est là un facteur que le ministre invoque fréquemment pour refuser d'exercer son pouvoir discrétionnaire (voir bon nombre d'affaires publiées concernant des appels à la Cour). En outre, ils établissaient leurs salaires en fonction davantage des prévisions qu'ils faisaient pour la compagnie que des normes applicables aux emplois ordinaires. D'autres employés touchaient le salaire courant dans le secteur.

[36] L'utilisation par les frères du matériel de la compagnie à leurs fins personnelles, ce qui n'était pas permis aux autres employés, est un autre facteur que le ministre n'a pas pris en considération, comme la preuve l'a révélé. On parle surtout ici de l'utilisation des véhicules.

[37] Les employés ordinaires de la compagnie étaient mis à pied chaque année à l'arrêt des activités au printemps. Ce n'était pas le cas des frères, qui continuaient de toucher leurs salaires et s'occupaient de la réparation et de la remise en état du matériel forestier. C'est là un autre facteur dont le ministre n'a pas tenu compte. Cela constitue encore un exemple de la façon dont la vie quotidienne et la vie économique des frères étaient inextricablement liées à la compagnie. Ainsi que Dennis Hoobanoff l'a dit, sans eux, ils n'y aurait pas eu d'entreprise ni de compagnie.

[38] Si je prends en considération tous les facteurs dont le ministre n'a pas tenu compte et qui revêtent une grande importance aux fins des décisions qu'il a censément prises, je ne peux qu'arriver à la conclusion que, si on les lui avait présentés pour qu'il les examine, il n'aurait pu, du point de vue objectif, arriver raisonnablement et légalement aux décisions qu'il a prises. Celles-ci ne peuvent donc être maintenues en droit. Je dois maintenant passer à la deuxième étape du processus d'appel et déterminer si, compte tenu de l'ensemble de la preuve, les parties, si elles n'avaient pas eu entre elles de lien de dépendance, auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles qui sont expressément prévues à l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e.

Deuxième étape

Examen de la preuve

[39] Avant toute chose, je ne peux m'empêcher de trouver ironique le fait que, dans la présente affaire, nombre des facteurs sur lesquels le ministre se serait fondé sont précisément des facteurs du genre de ceux sur lesquels il se fonde si souvent dans les appels où il refuse d'exercer son pouvoir discrétionnaire. Par exemple, pour n'en nommer que quelques-uns, le fait, pour le travailleur en cause, d'avoir établi ses propres heures de travail et son propre salaire, de ne pas avoir consigné les heures travaillées, d'avoir pu prendre des congés sans avoir à les faire autoriser et d'avoir attendu avant d'encaisser son chèque de paie lorsque la compagnie était à court d'argent. Je ne peux m'empêcher de penser que, si le ministre avait regardé les choses par l'autre bout de la lorgnette, l'un des frères ayant cette fois demandé des prestations d'assurance-emploi dans des circonstances identiques, il serait vite arrivé à une conclusion contraire pour ce même motif. Je ne dis pas qu'il y a mauvaise foi ici, mais il semble y avoir en quelque sorte deux poids deux mesures.

[40] Je n'entends pas exposer encore une fois toute la preuve. J'ai déjà mentionné les faits importants. Il est clair, à mon avis, que les deux frères et la compagnie ne faisaient qu'un. Leurs intérêts économiques étaient inextricablement liés à ceux de la compagnie. Bien qu'ils aient pu signer les garanties en leur qualité d'actionnaires ou d'administrateurs, le fait qu'ils ont signé ces garanties montre qu'il existait un lien inextricable entre eux et la compagnie. Leurs intérêts économiques étaient liés à ceux de la compagnie et ceux de la compagnie, aux leurs, dans une telle mesure qu'on ne pouvait dire qu'il existait entre eux des intérêts économiques distincts ou contraires. Ils étaient l'âme dirigeante de la compagnie; ils étaient eux-mêmes liés entre eux et avaient un intérêt économique familial commun qui était inséparable de celui de la compagnie. C'est exactement la situation qu'a envisagée le législateur lorsqu'il a établi le régime d'assurance-emploi; il souhaitait empêcher les personnes qui dirigent ou contrôlent leur propre entreprise d'une façon commerciale de prendre part à ce régime et de demander des prestations s'ils se retrouvent sans emploi.

[41] Cela ne signifie pas pour autant que l'on ne pourra jamais conclure que des personnes qui occupent des postes de gestionnaire dans une compagnie n'ont pas de lien de dépendance avec celle-ci, même si elles sont aussi des actionnaires. Par exemple, si leur entente était clairement énoncée dans un contrat écrit conclu en bonne et due forme et s'il existait une distinction nette entre leurs propres intérêts et ceux de la société de façon que chacune puisse tirer séparément et indépendamment profit de l'autre, on pourrait très bien conclure que la relation est à peu près semblable à celle que des parties n'ayant pas entre elles de lien de dépendance pourraient avoir. En revanche, le fait, comme en l'espèce, que les travailleurs ne font pour ainsi dire qu'un avec la compagnie et qu'ils traitent celle-ci comme leur propre entreprise au point, par exemple, que leurs salaires ne sont pas payés si la compagnie manque d'argent, indique fortement qu'il y a propriété commerciale et qu'il ne s'agit pas de parties n'ayant pas entre elles de lien de dépendance.

Conclusion

[42] Compte tenu de toutes les circonstances, dont plus particulièrement les longues heures et les nombreuses journées travaillées par les frères, leur possibilité de prendre congé sans obtenir l'autorisation de quiconque et sans perte de salaire, la nécessité de retarder le dépôt de leurs chèques de paie lorsque la compagnie manquait d'argent, la signature des garanties pour la compagnie, je suis fermement convaincu qu'il n'y avait pas d'indépendance de pensée ou d'objet entre la compagnie et les frères, qu'il n'y avait pas d'intérêts économiques contraires, que leurs sorts étaient inextricablement liés et qu'il n'y avait pas véritablement, dans leur relation, de négociations distinctes du genre de celles auxquelles on s'attendrait entre les négociants sur le marché, dont j'ai parlé assez longuement dans l'affaire Crawford, précitée. Par conséquent, je conclus que ni l'un ni l'autre n'occupait un emploi assurable.

[43] En conséquence, les appels sont accueillis et les décisions du ministre sont annulées.

Signé à Calgary (Alberta), ce 8e jour de décembre 1999.

“ Michael H. Porter ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 5e jour de septembre 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

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