Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991203

Dossier: 97-2109-UI

ENTRE :

STÉPHANE SAVOIE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel d'une détermination ayant exclu des emplois assurables le travail exécuté par l'appelant auprès de la compagnie Friendly Auto Salvage Ltd., et ce pour les trois périodes suivantes, 17 juillet au 13 octobre 1995, du 1er janvier au 31 décembre 1996 et du 3 mars au 7 juin 1997.

[2] Pour soutenir sa détermination, l'intimé a pris pour acquis les faits suivants :

(a) le payeur est une personne morale dûment incorporée dans la province du Nouveau-Brunswick dont François Savoie est l'unique actionnaire;

(b) François Savoie est le père de l'appelant;

(c) l'entreprise du payeur consiste en la réparation de la carrosserie de voiture, plus précisément débosseler et peinturer les voitures;

(d) le père de l'appelant travaille à l'entreprise du payeur à l'année longue;

(e) l'appelant possède un diplôme de débosseleur et le payeur l'engage pour travailler dans ce domaine;

(f) durant les périodes en litige, l'appelant est inscrit sur le registre de paye du payeur pour exactement le nombre de semaines dont il avait besoin pour être éligible aux prestations d'assurance-chômage :

17 juillet au 13 octobre 1995 13 semaines

29 avril au 27 juillet 1996 13 semaines

3 mars au 7 juin 1997 14 semaines

(g) les périodes d'emploi de l'appelant commencent en fonction de la fin de ses prestations d'assurance-chômage et non en fonction des besoins du payeur;

(h) le payeur allègue qu'il accumulait le travail à faire pour accommoder l'appelant dès que ses prestations d'assurance-chômage cessaient;

(i) en plus de l'appelant, le payeur a inscrit sur son registre de paye 2 travailleurs non liés en 1995 et 1 travailleur non lié en 1996 et 1997;

(j) le salaire hebdomadaire de l'appelant inscrit sur le registre de paye du payeur était de 650,00 $ basé sur 50 heures par semaine à 13,00 $ l'heure;

(k) le salaire hebdomadaire des travailleurs non liés étaient de 600,00 $ pour l'un, de 1995 à 1997 inclusivement, et de 475,00 $ pour l'autre, celui-ci ayant travaillé seulement en 1995;

(l) l'appelant accomplissait des tâches pour le payeur à l'extérieur des périodes inscrites sur le registre de paye sans recevoir de rémunération;

(m) pour les périodes non inscrites sur le registre de paye du payeur, l'appelant recevait parfois de 20 $ à 40 $ sans que ces montants soient compilés ni par l'appelant, ni par le payeur;

(n) le salaire de l'appelant tel que rapporté sur le registre de paye était plus élevé que le salaire courant dans l'industrie;

(o) l'appelant n'a pas travaillé pendant toutes les semaines rapportées sur le registre de paye du payeur;

(p) l'appelant et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu;

(q) l'appelant et le payeur ont entre eux un lien de dépendance;

(r) compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, il n'est pas raisonnable de conclure que l'appelant et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable, s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance.

[3] Après avoir été assermenté, l'appelant a admis comme étant exact le contenu des paragraphes (a) à (g), (j), (l) et (m).

[4] L'appelant et son père, propriétaire de la compagnie Friendly Auto Salvage Ltd., ont tous deux témoigné. Ils se sont exprimés et ont témoigné d'une manière franche et honnête. Ils n'ont manifestement pas compris le sens et la portée de la détermination relative au travail litigieux. Leur témoignage a essentiellement confirmé la grande majorité des faits pris pour acquis au soutien de la détermination, ces derniers répétant continuellement que même s'il existait un lien de parenté entre eux, il avait bel et bien travaillé et mérité le salaire reçu.

[5] La preuve testimoniale n'a mis en évidence aucun fait nouveau et ce malgré les nombreuses questions que le Tribunal a adressées à l'appelant et son père.

[6] Le législateur a décidé d'exclure des emplois assurables tous les emplois pouvant exister entre des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”). Il s'agit là de la règle.

[7] Par contre, la Loi prévoit une exception permettant à ceux et celles à qui est confiée l'analyse de ces dossiers, de rendre assurable un emploi qui ne l'est, en principe, pas. En d'autres termes, l'intimé peut, lors de son enquête, analyse et étude conclure que le travail a été exécuté de façon telle que le lien de dépendance ne devrait pas être considéré.

[8] Ainsi, un emploi exclu des emplois assurables, à cause du lien de parenté, peut devenir assurable si la personne responsable de l'étude du dossier, après analyse de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi, la durée, la nature et l'importance du travail accompli arrive à la conclusion que le lien dépendance n'a aucunement façonné ou influencé le contrat de travail.

[9] Lorsqu'un appel porte sur une décision résultant de la discrétion édictée par le sous-alinéa 3(2)c)ii) de la Loi sur l'assurance-chômage, l'appelant doit d'abord faire la preuve que la discrétion a été mal exercée. Pour faire cette preuve, il doit être démontré par une prépondérance de preuve que l'intimé a commis une ou des fautes graves en omettant de prendre en considération un ou des éléments fondamentaux du dossier ou en donnant une importance démesurée à certains faits marginaux.

[10] À cet égard, il m'apparaît pertinent de reproduire un extrait du jugement de l'honorable juge en chef Julius A. Isaac de la Cour d'appel fédérale dans la cause Procureur général du Canada et Jencan Ltd., A-599-96. L'honorable juge affirmait :

Le juge suppléant de la Cour de l'impôt a toutefois commis une erreur de droit en concluant que, parce que certaines des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'était fondé avaient été réfutées au procès, il avait automatiquement le droit de contrôler le bien-fondé de la décision du ministre. Ayant conclu que certaines des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'était fondé avaient été réfutées au procès, le juge suppléant de la Cour de l'impôt aurait dû se demander si les autres faits qui avaient été établis au procès étaient suffisants en droit pour justifier la conclusion du ministre suivant laquelle les parties n'auraient pas conclu un contrat de louage de services à peu près semblable si elles n'avaient pas eu un lien de dépendance. S'il existe suffisamment d'éléments pour justifier la décision du ministre, du simple fait qu'une ou plusieurs des hypothèses du ministre ont été réfutées au procès et que le juge en serait arrivé à une conclusion différente selon la prépondérance des probabilités. En d'autres termes, ce n'est que lorsque la décision du ministre n'est pas raisonnablement fondée sur la preuve que l'intervention de la Cour de l'impôt est justifiée. Une hypothèse de fait qui est réfutée au procès peut, mais pas nécessairement, constituer un défaut qui fait que la décision du ministre est contraire à la loi. Tout dépend de la force ou de la faiblesse des autres éléments de preuve. La Cour de l'impôt doit donc aller plus loin et se demander si, sans les hypothèses de fait qui ont été réfutées, il reste suffisamment d'éléments de preuve pour justifier la décision du ministre. Si la réponse à cette question est affirmative, l'enquête est close.

[11] Pour avoir gain de cause, il eut fallu que l'appelant fasse la preuve d'erreurs manifestes dans le traitement de son dossier; il devait établir par une prépondérance de preuve que la détermination avait résulté d'un exercice discrétionnaire tendancieux, déraisonnable ou illégal. Non seulement la preuve soumise par l'appelant n'a pas fait une telle démonstration, elle a plutôt confirmé la justesse des faits pris pour acquis au soutien de la détermination contestée par le présent appel.

[12] Lorsqu'un emploi est caractérisé par un lien de dépendance, ce même emploi devient assujetti à une analyse et évaluation dont le but est de s'assurer que l'emploi questionné n'a pas bénéficié ou profité d'avantages ou d'inconvénients, lors de son exécution.

[13] Cette analyse porte sur toutes les circonstances de l'exécution du travail dont notamment le salaire payé, les modalités de l'emploi, sa durée, la nature et l'importance. Si la personne responsable de l'analyse du dossier ou l'enquêteur tient compte de tous les faits pertinents et les évalue objectivement de bonne foi et que ses conclusions sont cohérentes et raisonnables avec son analyse, la Cour canadienne de l'impôt ne peut pas intervenir et modifier la décision.

[14] En d'autres termes, pour avoir gain de cause, un appelant dont l'emploi a été exclu des emplois assurables à cause du lien de dépendance, à la suite de l'exercice du pouvoir discrétionnaire, doit établir par une prépondérance de preuve que l'analyse a été entachée d'erreurs ou fautes graves.

[15] Si un appelant ne démontre pas, lors de son appel, que le ministère du Revenu national a manqué aux règles d'objectivité, pris en considération des éléments non pertinents ou fait une analyse incomplète ou déraisonnable, ce Tribunal n'a pas l'autorité pour modifier la décision.

[16] En l'espèce, la preuve a démontré que les faits pris pour acquis étaient suffisants pour justifier le bien-fondé de la conclusion retenue par l'intimé. Ces faits sont notamment les suivants :

(f) durant les périodes en litige, l'appelant est inscrit sur le registre de paye du payeur pour exactement le nombre de semaines dont il avait besoin pour être éligible aux prestations d'assurance-chômage :

17 juillet au 13 octobre 1995 13 semaines

29 avril au 27 juillet 1996 13 semaines

3 mars au 7 juin 1997 14 semaines

(g) les périodes d'emploi de l'appelant commencent en fonction de la fin de ses prestations d'assurance-chômage et non en fonction des besoins du payeur;

(h) le payeur allègue qu'il accumulait le travail à faire pour accommoder l'appelant dès que ses prestations d'assurance-chômage cessaient;

...

(k) le salaire hebdomadaire des travailleurs non liés étaient de 600,00 $ pour l'un, de 1995 à 1997 inclusivement, et de 475,00 $ pour l'autre, celui-ci ayant travaillé seulement en 1995;

(l) l'appelant accomplissait des tâches pour le payeur à l'extérieur des périodes inscrites sur le registre de paye sans recevoir de rémunération;

(m) pour les périodes non inscrites sur le registre de paye du payeur, l'appelant recevait parfois de 20 $ à 40 $ sans que ces montants soient compilés ni par l'appelant, ni par le payeur;

[17] Étant donné que l'appelant n'a pas fait la preuve que son dossier avait fait l'objet d'une évaluation arbitraire ou déraisonnable, je dois rejeter l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de décembre 1999.

“Alain Tardif”

J.C.C.I.

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