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Date : 19980122

Dossiers: 96-1665-UI; 96-1666-UI

ENTRE :

EXCEL STUDIO LIMITED, EXPLOITANT SON ENTREPRISE

SOUS LE NOM D’EXCEL HAIR AND SKIN CARE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

NORMA HILL,

intervenante,

ET

ENTRE :

EXCEL STUDIO LIMITED, EXPLOITANT SON ENTREPRISE

SOUS LE NOM D’EXCEL HAIR AND SKIN CARE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

TAMARA FISHER,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] En réponse à une demande de règlement d’une question présentée par Norma Hill ainsi que par Tamara Fisher, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a conclu conformément au paragraphe 61(3) de la Loi sur l’assurance-chômage (la « Loi » ) que, du 1er janvier 1995 au 23 mai 1996, ces deux personnes exerçaient un emploi assurable auprès de l’appelante. Dans chaque cas, le règlement était fondé sur la conclusion selon laquelle chaque intervenante fournissait à l’appelante des services qu’offrait normalement le salon de coiffure de cette dernière et que ni l’une ni l’autre n’était propriétaire ni n’assurait le fonctionnement de l’établissement géré par la société appelante, qui exploitait son entreprise sous le nom commercial d’Excel Hair and Skin Care ( « Excel » ). Le ministre s’est fondé sur l’alinéa 61(3)a) de la Loi et l’article 12 du Règlement sur l’assurance-chômage (le « Règlement » ). Dans son avis d’intervention, Norma Hill a énoncé 57 raisons pour lesquelles elle ne se considérait pas comme une employée de l’appelante. Dans son avis d’intervention, Tamara Fisher a énoncé 40 raisons à l’appui de l’opinion selon laquelle elle n’exerçait pas un emploi assurable auprès de l’appelante.

[2] Du consentement de toutes les parties, les appels ont été entendus sur preuve commune.

[3] Jeanne Cleary a déclaré être coiffeuse; elle habite Kelowna (Colombie-Britannique) et est présidente de la société appelante, Excel Studio Limited ( « Excel Studio » ), qui exploite un salon de coiffure à Kelowna sous le nom d’Excel Hair and Skin Care. Elle a déclaré que l’entreprise existe depuis 14 ans et qu’il s’agit d’un salon à service complet : journée santé, électrolyse, massage, réflexologie, soins du visage, pédicures, tatouage permanent des paupières et ongles sculptés. Dès le début des activités, un certain nombre de personnes, pouvant aller de trois à cinq, ont été séparément autorisées aux termes d’un permis à fournir ces divers services. On a produit sous la cote A-1 une photocopie du certificat d’enregistrement que la Hairdressers’ Association of British Columbia avait délivré à Tamara Fisher pour l’année 1997, attestant que Mme Fisher avait été reçue aux examens et qu’elle avait le droit de travailler dans les domaines suivants : soins de beauté spéciaux, soins du visage - manucures. On a produit sous la cote A-2 une photocopie du certificat d’enregistrement que la Hairdressers’ Association of British Columbia avait délivré à Norma Hill pour l’année 1997, attestant que Mme Hill avait été reçue aux examens et qu’elle avait le droit de travailler dans les domaines suivants : technicienne en pose d’ongles - manucure. On a produit sous la cote A-3 une liasse de documents se rapportant aux activités commerciales des intervenantes, notamment :

- un certificat d’enregistrement daté du 7 septembre 1985, que le ministère des Finances de la Colombie-Britannique avait délivré à Norma Hill - Nails by Norma - conformément à la Social Service Tax Act, plus communément appelée la loi sur la TVP;

- l’inscription de Nails by Norma dans la section des Pages jaunes de l’annuaire téléphonique de Kelowna, sous la rubrique « Manucures » , ainsi qu’une annonce dans les Pages jaunes, sous la rubrique « Conseillères en soins de beauté » - 2618, rue Pandosy, Kelowna (mail Southgate);

- l’inscription de Nails by Norma dans les Pages blanches de l’annuaire téléphonique de Kelowna, no de téléphone : 861-4660;

- un document se rapportant à une demande que Norma Hill avait faite en vue d’obtenir une police d’assurance mobilière, d’assurance responsabilité professionnelle et d’assurance contre les dommages causés par le reflux des égouts dans les locaux qu’elle occupait dans le cadre de l’exploitation de son entreprise, Nails by Norma;

- un compte de téléphone de BC Tel se rapportant à des appels locaux et interurbains, adressé à Norma Hill, exploitant son entreprise sous le nom de Nails by Norma;

- une lettre datée du 6 juin 1996, concernant la situation relative à la sous-location à bail par Excel de certaines parties des locaux que cette dernière louait en faveur de Norma Hill, exploitant son entreprise sous le nom de Nails by Norma, ainsi qu’une lettre, dont l’objet était le même, adressée à Tamara Fisher;

- un permis d’entreprise que la ville de Kelowna avait délivré à Norma Hill, sous le nom de Nails by Norma;

- des lettres de Revenu Canada - Douanes et Accise - se rapportant à l’enregistrement par Norma Hill de son entreprise, Nails by Norma, aux fins de la taxe sur les produits et services (la « TPS » );

- des copies de chèques oblitérés émis sur le compte de Nails by Norma en faveur d’Interior Apartments et d’un service de sécurité appelé ADT;

- un permis d’entreprise que la ville de Kelowna avait délivré à Tamara Fisher, esthéticienne exploitant son entreprise sous le nom de Tam Enterprises, laquelle ne pouvait comporter qu’un fauteuil aux termes du permis;

- un certificat d’enregistrement, émis au nom d’Excel Esthetics, que le ministère des Finances et des Relations commerciales de la Colombie-Britannique avait délivré le 9 octobre 1995 conformément à la Social Service Tax Act;

- l’inscription d’Excel Esthetics dans les Pages jaunes sous la rubrique « Esthéticiennes » , no de téléphone : 763-9633, et une autre inscription sous la rubrique « Traitement de la peau » ;

- une annonce dans les Pages jaunes sous la rubrique « Salons de beauté - Équipement et accessoires » , indiquant le numéro de téléphone et l’adresse, 2618, rue Pandosy, Kelowna (Colombie-Britannique) (mail Southgate);

- une inscription dans les Pages blanches de l’annuaire, au nom d’Excel Esthetics;

- un compte de téléphone d’affaires adressé à Tamara Fisher;

- diverses factures de fournisseurs de produits de beauté, adressées à Tamara Fisher;

- un document se rapportant à une police d’assurance délivrée à Tamara Fisher, exploitant une entreprise sous le nom d’Excel Esthetics, 2618, rue Pandosy, propriété décrite comme étant un « mail linéaire » , relativement à diverses pertes, y compris le vol par les employés, la responsabilité professionnelle, le revenu d’entreprise, les biens mobiliers, les enseignes et le matériel;

- une lettre datée du 28 avril 1995 adressée à Tamara Swart (Fisher) se rapportant à sa déclaration relative à la TPS;

- des copies de chèques oblitérés émis sur le compte bancaire de Tamara Fisher, sous le nom de Tam Enterprises, a/s Excel Esthetics, payables à Interior Apartments, à l’égard du loyer se rapportant aux locaux de l’entreprise, et payables à un service de sécurité appelé ADT;

- des baux datés du 20 août 1997 entre Jeanne Cleary, pour le compte d’Excel, et Tamara Fisher, pour Tam Enterprises, prolongeant la durée du sous-bail pour une période additionnelle d’un an, avec option de renouvellement, et prolongeant également la durée du sous-bail consenti à Norma Hill, de Nails by Norma;

- une inscription dans les Pages blanches de l’annuaire de Kelowna au nom d’Excel Hair Skin & Body Care, 2618, rue Pandosy, no de téléphone : 763-9655;

- une inscription dans les Pages jaunes au nom d’Excel, sous la rubrique « Salons de beauté » ;

- une inscription dans les Pages jaunes au nom d’Excel Hair, Skin & Body Care, offrant divers services, notamment des services d’aromathérapie, de bronzage et de teinture des cils, des pédicures, etc.

[4] Jeanne Cleary a témoigné que la société Excel Studio Limited louait dans le mail des locaux d’une superficie totale de 2 200 pieds carrés. Elle s’est reportée à un diagramme de la surface utile — pièce A-4 — et a décrit l’emplacement de son entreprise et de celles des deux intervenantes. Elle a expliqué qu’il y a deux portes, qui sont communes aux trois entreprises. Nails by Norma occupe un local d’une superficie de 72 pieds carrés et une enseigne annonce son entreprise en tant que commerce de détail. Tamara Fisher, qui exploite son entreprise sous le nom de Tam Enterprises ou d’Excel Esthetics, occupait trois pièces et une enseigne décrivait ses locaux comme étant destinés à un commerce de détail. On a produit sous la cote A-5 diverses photographies du secteur commercial d’Esthetics. Mme Cleary a déclaré que, pendant les 14 années où elle a exploité son entreprise, diverses personnes avaient de temps en temps sous-loué des locaux. Étant donné qu’elle est uniquement autorisée à fournir des services de coiffeuse, elle ne peut pas s’occuper du soin des ongles ni fournir un service normalement offert par une esthéticienne autorisée. La société appelante est titulaire d’un permis lui permettant d’exploiter un salon de coiffure comportant neuf fauteuils. Le personnel de l’appelante est composé de six personnes qui exercent un emploi assurable, et les retenues appropriées sont effectuées sur leur rémunération. Aucune de ces personnes n’est autorisée à fournir un service autre qu’un service lié à la coiffure et aucune ne peut fournir des services offerts par l’une ou l’autre des intervenantes. Dans l’annonce figurant dans les Pages jaunes, Mme Cleary a mentionné divers services qui étaient offerts par l’entremise d’Excel Studio. Toutefois, elle a déclaré qu’il y avait dans l’annuaire des inscriptions et des annonces différentes pour les deux intervenantes à l’égard de leurs propres entreprises ainsi que des numéros de téléphone distincts. Les intervenantes versaient directement leur loyer au propriétaire, Interior Apartments, et il n’y avait absolument aucun mouvement de trésorerie entre l’entreprise de l’appelante, Excel Studio, et l’une ou l’autre des entreprises de Mmes Hill et Fisher. Mme Cleary a déclaré que Tamara Fisher, qui exploite son entreprise sous le nom de Tam Enterprises, vend certains produits permettant de teindre les cils et les sourcils, et qu’elle offre des traitements pour le dos, des services de soins du visage et d’aromathérapie, des pédicures, des manucures et des services complets d’épilation à la cire. Norma Fisher, de Nails by Norma, s’occupe de soins pour les ongles, d’ongles en gel et d’ongles sculptés. On a produit sous la cote A-6 certaines photographies de l’enseigne de l’entreprise et des locaux occupés par celle-ci. Aucun des services fournis par Mmes Hill et Fisher ne sont normalement offerts par l’appelante, et ils ne peuvent non plus être offerts par une personne travaillant pour l’appelante dans les locaux occupés par Excel Studio en tant que salon de coiffure et de beauté. Les services mentionnés dans l’annonce d’Excel Studio figurant dans les Pages jaunes peuvent tous être fournis en ce sens que tout client qui demande des renseignements au sujet d’un service autre qu’un service de coiffure peut être renvoyé à Norma Hill ou à Tamara Fisher, qui ont chacune une ligne téléphonique et un service de réponse téléphonique et qui fixent chacune leurs propres heures d’ouverture. Les clients de Nails by Norma ou de Tam Enterprises n’ont pas à entrer en contact avec le personnel d’Excel Studio. Norma Hill occupe le local adjacent au Excel Studio depuis neuf ans et Tamara Fisher occupe son local depuis trois ans. Jeanne Cleary a déclaré qu’elle est parfaitement au courant de l’effet de l’alinéa 12d) du Règlement et a souligné que ni Mme Hill ni Mme Fisher ne sont titulaires de permis leur permettant de couper les cheveux ou de fournir par ailleurs des services que seul un coiffeur peut offrir. De l’avis de Mme Cleary, l’appelante n’est liée à l’une ou l’autre intervenante qu’à titre de bailleur, aux termes d’un sous-bail, mais même alors, les intervenantes versent leur loyer directement au propriétaire du mail.

[5] En contre-interrogatoire, Jeanne Cleary a déclaré que le bail de l’appelante est d’une durée de trois ans, mais que les baux des intervenantes sont d’une durée d’un an, avec option de renouvellement. Mme Cleary a déclaré que l’hypothèse émise par le ministre, à savoir que l’appelante avait conclu une entente aux termes de laquelle Norma Hill devait fournir à Excel Studio ses services à titre de technicienne en pose d’ongles, était inexacte. En fait, on a communiqué avec le propriétaire et celui-ci a permis à l’appelante de sous-louer certains locaux à Mmes Hill et Fisher. Nails by Norma occupe un local d’une superficie de 72 pieds carrés seulement et Tam Enterprises occupe un local d’une superficie de 334 pieds carrés. Le salon de l’appelante occupe une superficie d’environ 1 800 pieds carrés. En ce qui concerne l’annonce de l’appelante (pièce A-7) publiée dans les Pages jaunes, Mme Cleary a convenu qu’en lisant l’annonce, le public croirait qu’Excel offrait tous les services énumérés. En outre, un passant ou une personne circulant en voiture dans la rue verrait une enseigne disant : Excel Hair, Skin & Body Care. Mme Cleary est l’unique actionnaire de l’appelante, et Excel et les intervenantes étaient chacune inscrites séparément aux fins de la TPS et de la TVP et avaient chacune leur propre compte bancaire ainsi que leur propre compte Visa et Mastercard.

[6] Les deux intervenantes étaient présentes, mais elles ont refusé de procéder à un contre-interrogatoire ou de témoigner.

[7] L’avocat de l’intimé a soutenu que la disposition pertinente, soit l’alinéa 12d), ne mentionne pas les coiffeurs ou les barbiers, mais vise l’emploi de personnes, et que les services fournis par les intervenantes sont normalement offerts par un barbier ou par un salon de coiffure. En outre, il serait possible de dire que l’établissement de l’appelante comprenait tous les locaux, indépendamment des dispositions qui avaient été prises à l’égard de la sous-location à bail.

[8] La disposition pertinente est l’alinéa 12d) du Règlement, qui se lit comme suit :

12. Sont inclus dans les emplois assurables, s’ils ne sont pas des emplois exclus en vertu du paragraphe 3(2) de la Loi ou d’une disposition du présent règlement, les emplois suivants :

[...]

d) l’emploi exercé par une personne dont les fonctions se rattachent à un salon de coiffure ou à un tel établissement et qui

(i) fournit des services qu’offre normalement un tel établissement, et

(ii) n’est pas le propriétaire d’un tel établissement;

[9] Il ressort clairement de la preuve que les intervenantes exerceraient un emploi assurable auprès de l’appelante uniquement si la disposition précitée s’appliquait, parce que les indices normaux de l’existence d’un emploi ne sont pas présents (Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025, C.A.F.).

[10] Dans l’arrêt Martin Service Station Ltd. c. MRN, [1977] 2 R.C.S. 996, la Cour suprême du Canada a statué que la Loi sur l’assurance-chômage est destinée à créer un régime reconnaissant le fait que la ligne de démarcation entre les contrats de louage de services et les contrats d’entreprise n’est souvent pas claire, et que le législateur voulait que certains particuliers accomplissant les tâches énoncées dans le Règlement soient visés par la Loi étant donné qu’ils risquaient d’être privés de travail.

[11] Dans chacune des affaires que l’avocat de l’intimé a mentionnées, la situation était la même quant aux faits, en ce sens que les personnes qui étaient réputées exercer un emploi assurable d’après le libellé de l’alinéa 12d) du Règlement accomplissaient toutes les mêmes tâches que les appelants dans les divers appels. En d’autres termes, ces personnes louaient des locaux à l’intérieur d’un salon de coiffure et fournissaient des services qu’offrait normalement un tel salon et elles n’étaient pas propriétaires de l’établissement. Dans l’affaire Anderson (exploitant son entreprise sous le nom de 1st Impressions Hair Design) c. MRN, [1994] A.C.I. no 869, le juge Margeson, de cette cour, a conclu que chacun des intervenants et des appelants avait une formation de coiffeur et que les modalités d’emplois pouvaient être différentes. Certains étaient embauchés à titre d’agents à commission et conservaient un pourcentage des frais qu’ils exigeaient tout en versant une partie des sommes reçues au propriétaire ou à l’exploitant de l’établissement; certains étaient rémunérés à l’heure à titre d’employés tandis que d’autres louaient un fauteuil. Dans le jugement Hilts c. MRN, [1994] A.C.I. no 872, le juge Beaubier, de cette cour, s’est fondé sur les faits suivants afin de statuer que l’appelant employait les coiffeurs et était tenu de verser des cotisations d’assurance-chômage :

- il y avait un téléphone commun;

- les prix étaient coordonnés;

- il y avait un seul nom commercial et une seule enseigne dans les locaux;

- les services étaient les mêmes que ceux qu’offrait normalement l’établissement;

- les coiffeurs louaient un « poste de travail » à la semaine.

[12] Les faits suivants ne changeaient rien au règlement :

- les coiffeurs possédaient une clé des locaux;

- les coiffeurs achetaient leurs propres accessoires;

- les coiffeurs avaient chacun leur propre tiroir-caisse;

- les coiffeurs avaient accès à des aires communes.

[13] Au paragraphe 5, le juge Beaubier a cité la définition d’ « establishment » (établissement) figurant dans le Dictionary of Canadian Law (Dukelow & Nurse, Thomson Professional Publishing 1991) :

[TRADUCTION]

un établissement commercial ou l’endroit où une entreprise ou partie d’entreprise est exploitée.

[14] Dans le jugement Farron c. MRN, [1991] A.C.I. no 1119, le juge Rip, de cette cour, s’est fondé sur les faits suivants pour conclure que les appelants étaient des employeurs :

- le salon de coiffure n’avait qu’un nom;

- le salon de coiffure n’avait qu’une enseigne;

- les « employés » avaient accès à une aire commune;

- les « employés » n’étaient pas propriétaires;

- il n’y avait qu’un téléphone;

- les appelants (l’ « employeur » ) étaient titulaires d’un permis leur permettant d’exploiter un salon de coiffure;

- il n’y avait qu’un livre pour inscrire les rendez-vous;

- les coiffeurs fournissaient des services qui étaient régulièrement offerts dans les locaux.

[15] Le fait que les coiffeurs achetaient leurs propres accessoires, qu’ils tenaient leurs propres livres, qu’ils avaient leur propre tiroir-caisse et qu’ils fixaient leurs propres heures n’était pas suffisant pour qu’ils soient exclus de l’application de l’alinéa 12d) du Règlement.

[16] En l’espèce, l’appelante et les intervenantes exploitaient chacune une entreprise tout à fait distincte sur le plan de la conception et des fonctions. Chacune était titulaire d’un permis délivré par la Hairdressers’ Association of British Columbia, l’autorisant à fournir différents services, et l’appelante et son personnel, y compris sa propre présidente, Jeanne Cleary, n’étaient pas autorisés par l’organisme délivrant les permis, ni par le permis d’entreprise délivré par la ville de Kelowna, à offrir des services d’esthéticienne, de technicienne en pose d’ongles ou de manucure. Le passage pertinent de l’alinéa 12d) du Règlement est ainsi libellé :

l’emploi exercé par une personne dont les fonctions se rattachent à un salon de coiffure ou à un tel établissement et qui fournit des services qu’offre normalement un tel établissement.

[17] Ni l’une ni l’autre des intervenantes n’étaient autorisées à exploiter une entreprise fournissant des services qu’offrait normalement le salon de l’appelante parce que les services que chacune fournissait, dans le cadre de l’exploitation de sa propre entreprise, de son entreprise distincte, n’étaient jamais offerts dans l’établissement où était situé le salon de l’appelante. Dans les petits centres commerciaux, il arrive souvent qu’une personne ou une entité loue des locaux appartenant au propriétaire du mail, puis, avec l’assentiment de ce dernier, qu’elle signe des sous-baux avec d’autres entrepreneurs. Si un dentiste loue un local, puis décide de sous-louer une partie du local à un chiropraticien et que le bureau de ce dernier est alors situé dans une partie du local initialement désigné sur le diagramme de la surface utile du mail comme étant réservé au dentiste, cela ne veut pas dire que le chiropraticien devient un dentiste et vice-versa. En l’espèce, il ressort clairement de la preuve que les parties fonctionnaient réellement à titre d’entités indépendantes, chacune ayant une identité distincte à maints points de vue, notamment aux fins de la TVP et de la TPS, des permis d’entreprise, des permis d’exercice, des comptes bancaires, des assurances, des numéros de téléphone et des répondeurs téléphoniques, des enseignes, des services et des lignes de produits, qui étaient distincts. Il ne s’agit pas d’un cas dans lequel un appelant tente d’éviter d’être considéré comme employeur aux termes du Règlement au moyen d’une série de manigances vaguement déguisées destinées à masquer la fonction et le statut réels du travailleur.

[18] En l’espèce, en ce qui concerne le passage pertinent du Règlement, le mot « therein » figurant dans la version anglaise doit désigner l’établissement ou le bureau d’affaires lui-même exploité par l’appelante. En fait, ce mot doit se rapporter à l’établissement lui-même qui est visé par le règlement et non à une autre entreprise connexe qui pourrait offrir, si elle était autorisée à le faire, une gamme plus étendue de services. Je ne puis voir comment le fait que les intervenantes partagent un local dans un secteur réservé au commerce de détail dans un petit mail peut être assimilé à la prestation de services se rattachant à l’établissement de coiffure possédé et exploité par l’appelante conformément aux permis et autorisations délivrés à cette fin précise et à aucune autre fin. Les mots ci-dessus soulignés ont une portée beaucoup plus étroite que les mots « quant à » que la Cour suprême du Canada examinait dans l’arrêt Nowigijick v. The Queen et al., 83 DTC 5041, où il a été dit ceci, à la page 5045 :

À mon avis, les mots « quant à » ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, « concernant » , « relativement à » ou « par rapport à » . Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression « quant à » qui est la plus large.

[19] Il ressort clairement du libellé du Règlement en cause que l’intention est de rattacher les services fournis par l’employé putatif à ceux qui sont fournis par le soi-disant employeur dans l’établissement exploité par ce dernier, de façon à éliminer l’exclusion du régime d’assurance-chômage d’une personne qui est un travailleur au sein de cette entreprise ou de cet établissement, mais qui s’est vu attribuer, plus ou moins avec son assentiment, certains attributs qui pourraient à première vue avoir pour effet de permettre que cette personne soit classée dans une catégorie d’emplois non assurables.

[20] Le fait que l’appelante offrait au public, dans la publicité qu’elle faisait paraître dans les Pages jaunes, des services qu’elle ne fournissait pas, mais qui étaient par ailleurs offerts, sur renvoi aux intervenantes ou à d’autres personnes, n’est pas particulièrement important lorsqu’il est considéré dans le contexte de la preuve dans son ensemble. L’inscription distincte des entreprises des intervenantes, les numéros de téléphone distincts et la publicité distincte, la séparation physique de chaque entreprise à l’aide de portillons d’accès, les enseignes appropriées désignant chaque établissement, les fonctions de chacune ou les services fournis ou les produits vendus par chacune, tous ces éléments ont pour effet de faire de la relation qui existait entre l’appelante et chacune des intervenantes une relation quasi propriétaire-locataire et voisin-entrepreneur dans le cadre d’une relation amicale leur permettant de se renvoyer mutuellement des clients de façon que ceux-ci aient la possibilité de bénéficier d’un service complet en matière de santé, de coiffure, de beauté et de soins de la peau dans ce secteur particulier du mail. Les clients des intervenantes n’étaient pas obligés, que ce soit physiquement ou non, d’entrer dans le local réservé à l’entreprise de l’appelante. À mon avis, la disposition particulière du Règlement n’a jamais été destinée à s’appliquer à une situation factuelle comme celle qui existe en l’espèce, où des entreprises distinctes offrant des services mutuellement exclusifs, comme l’avait autorisé l’organisme de réglementation, doivent être fusionnées parce qu’elles partagent un local conformément à un bail principal sous réserve d’une méthode pratique et réalisable de sous-location à bail convenant à tous les intéressés, notamment le propriétaire du mail, qui percevait le loyer directement des intervenantes. Le local de 72 pieds carrés occupé par Norma Hill, exploitant son entreprise sous le nom de Nails by Norma, était le petit domaine de cette dernière dans tous les sens du terme : légalement, physiquement, et conformément à un concept commun de l’entreprise. De même, les locaux plus vastes occupés par Tamara Fisher constituaient l’établissement dans lequel cette dernière exerçait de plein droit son métier d’esthéticienne autorisée, sans que l’appelante soit en cause. Les rentrées de fonds n’étaient absolument pas partagées, de quelque façon que ce soit, entre l’appelante et l’une ou l’autre intervenante et celles-ci n’avaient pas la capacité juridique de les partager. Tout en reconnaissant son esprit, il faut interpréter le Règlement d’une façon compatible avec le langage ordinaire; le Règlement ne peut pas être un instrument permettant d’atteindre un résultat peu pratique dont les personnes en cause ne veulent pas et allant directement à l’encontre de leur véritable statut, celles-ci étant selon un examen objectif des personnes non liées au sens de la loi.

[21] Les appels sont accueillis et la décision du ministre du Revenu national est annulée dans chaque cas.

Signé à Toronto, Ontario, ce 22e jour de janvier 1998.

D. W. ROWE

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 7e jour d’août 1998.

Philippe Ducharme, réviseur

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