Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980316

Dossiers: 96-359-IT-I; 96-513-IT-I

ENTRE :

GURDIP GILL et

TEJINDER GILL,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Garon, C.C.I.

[1] Il s'agit dans le cas des deux appelants d'appels interjetés contre des cotisations d'impôt établies à l'égard des années d'imposition 1990, 1991 et 1992.

[2] Par les nouvelles cotisations qu'il a établies à l'égard de l'appelant Gurdip Gill, le ministre du Revenu national a rejeté la déduction de dépenses d'un montant de 14 918,55 $, de 22 962,55 $ et de 17 519 $ pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992.

[3] Par les nouvelles cotisations qu'il a établies à l'égard de l'appelante Tejinder Gill, le ministre du Revenu national a rejeté la déduction de dépenses d'un montant de 21 913,74 $, de 41 232,69 $ et de 3 574 $ pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992.

[4] L'intimée a reconnu que les nouvelles cotisations relatives à l'année d'imposition 1990 des deux appelants avaient été établies en dehors de la période normale de nouvelle cotisation. Il n'a pas été soutenu que les appelants avaient fait une présentation erronée des faits au sens du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu et puisqu'aucun des deux appelants n'a déposé de renonciation pendant la période normale de nouvelle cotisation, les nouvelles cotisations relatives à l'année d'imposition 1990 sont prescrites.

[5] Avant d'examiner la preuve, j'aimerais au départ souligner qu'il est reconnu que la déduction des dépenses liées à l'entreprise relative aux options en matière immobilière a été admise par le ministre du Revenu national (le « ministre » ). De plus, les dépenses engagées à l'égard de l'entreprise de gestion d'immeubles exploitée par l'appelant Gurdip Gill n'ont pas été contestées. Quant à l'appelante Tejinder Gill, elle exerçait deux genres d'activités : celle qui avait trait aux cartes de souhaits et celle qui avait trait au logiciel concernant les immeubles. La répartition des dépenses entre les deux appelants, à l'égard de l'activité liée aux cartes de souhaits et du logiciel concernant les immeubles, n'a pas été contestée.

[6] À l'audition de ces appels, l'appelant Gurdip Gill a agi pour son propre compte ainsi que pour le compte de sa femme, l'appelante Tejinder Gill. L'appelant Gurdip Gill a été le seul à témoigner à l'audience.

[7] Le paragraphe 5 de la réponse à l'avis d'appel, dans le cas de l'appelant, énonce les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé en établissant la cotisation de cet appelant pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992. Ledit paragraphe 5 se lit comme suit :

[TRADUCTION]

5. En établissant ainsi la nouvelle cotisation de l'appelant, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes :

a) les montants recouvrés de l'Insurance Corporation de la Colombie-Britannique ne sont pas imposables et ne doivent pas être inclus dans le calcul du revenu imposable;

b) l'appelant s'est occupé de gestion d'immeubles de 1989 à 1991 et il s'est occupé de commerce d'options en matière immobilière de 1990 à 1993; la déduction des dépenses relatives à cette entreprise a été admise comme suit :

1990 17 782 $

1991 16 910 $

1992 12 489 $

c) le ministre a refusé la déduction demandée à l'égard des dépenses se rapportant aux activités suivantes :

1. les kiosques où l'on devait vendre les cartes de souhaits;

2. le programme informatique concernant les immeubles;

3. les vidéos se rapportant aux immeubles; et

4. une vidéomosaïque

(collectivement appelées les « activités » )

d) avant d'exercer ces activités, l'appelant n'a pas préparé de plans d'entreprise en vue de déterminer si l'une quelconque des activités serait rentable;

e) les activités étaient sous-capitalisées;

f) l'appelant ne s'est jamais lancé dans une entreprise à l'égard de l'une quelconque des activités.

[8] Dans le cadre de sa déposition, l'appelant a admis les allégations figurant aux alinéas a), b) et c) et il a nié les allégations figurant aux alinéas d), e) et f) du paragraphe 5.

[9] En plus de nier l'allégation selon laquelle il « n'[avait] pas préparé de plans d'entreprise en vue de déterminer si l'une quelconque des activités serait rentable » , l'appelant a produit un document intitulé : « Plan d'entreprise concernant un système de création de cartes de souhaits à message personnel » . Le « sommaire » de ce plan d'entreprise se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

La compagnie envisage de se lancer dans le domaine des cartes de souhaits personnalisées. L'industrie des cartes de souhaits est une industrie qui rapporte 4,5 milliards de dollars aux États-Unis et, en fait, elle égale l'industrie cinématographique quant au chiffre d'affaires. On estime qu'au Canada, le marché des cartes de souhaits représente plus de 450 millions de dollars.

La compagnie envisage de se lancer dans ce domaine, non pas en tenant une boutique traditionnelle, mais en introduisant un logiciel qui permettra aux usagers de personnaliser les messages inscrits sur les cartes de souhaits à l'aide d'ordinateurs et d'imprimantes au laser. La compagnie envisage de tirer parti de la tendance de plus en plus grande à la personnalisation. En outre, la compagnie envisage de tirer parti de la marge de profit fort élevée que comportent les cartes personnalisées. En fait, ces cartes se vendent deux fois plus cher que les cartes traditionnelles.

Le produit

L'usager trouvera le produit dans son magasin d'alimentation local, où seront installés un écran, un ordinateur 286, une imprimante au laser et des cartes en blanc pré-imprimées (seule l'image étant imprimée). L'usager choisira une carte sur un présentoir où les cartes seront exposées. Un échantillon montrera à l'usager la façon dont il peut personnaliser la carte. En choisissant une carte, l'usager se rendra au système informatique et introduira un code de trois lettres figurant au dos de la carte. Le système affichera ensuite la carte choisie en couleur. Si l'image qui apparaît sur l'écran correspond à l'image de la carte que l'usager a entre ses mains, le programme se poursuivra. L'usager recevra alors des instructions au sujet de la façon d'inscrire son message personnel sur le devant, à l'intérieur et au dos de la carte. Une fois que l'usager aura personnalisé son message, il recevra des instructions au sujet de la façon d'imprimer la carte. Lorsque la carte sera imprimée, l'usager apportera la carte à la caisse et la paiera. Tout le processus peut prendre de cinq à 15 minutes.

Le coût estimatif du système, soit de l'ordinateur, de l'imprimante, des cartes et de l'étalage, est d'environ 6 500 $ l'unité.

Il est également intéressant de noter les commentaires figurant dans le sommaire du plan d'entreprise susmentionné sous les rubriques « Industrie » , « Concurrence » , « Commercialisation » , « Risques » et « Plan financier » . Toutefois, à mon avis, il n'est pas nécessaire de reproduire ces extraits du sommaire.

[10] L'appelant a expliqué qu'il n'avait pas de plans d'entreprise pour les activités autres que celle qu'il a appelée l' « entreprise de cartes de souhaits » , qui était la principale activité que les deux appelants exerçaient pendant les années en question.

[11] En ce qui concerne l'allégation selon laquelle « les activités étaient sous-capitalisées » , l'appelant a mentionné que sa femme « gagnait auparavant environ 40 000 $ par année » et qu'il gagnait lui-même environ 20 000 $. De plus, l'appelant a dit qu'ils avaient de 10 000 à 25 000 $ d'économies pendant la période pertinente.

[12] Les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé dans l'appel interjeté par Tejinder Gill sont énoncées au paragraphe 5 de la réponse à l'avis d'appel, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

5. En établissant ainsi la cotisation de l'appelante, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes :

a) en 1990, 1991 et 1992, l'appelante exploitait une entreprise de commerce d'options en matière immobilière et la déduction de toutes les dépenses se rapportant à cette entreprise, telles qu'elles sont énoncées au paragraphe 4, a été admise;

b) toutes les autres dépenses déduites par l'appelante en sus des montants énoncés au paragraphe 4 (les « dépenses excédentaires » ) se rapportaient à une activité liée aux cartes de souhaits et à une activité relative à un programme informatique concernant les immeubles;

c) l'appelante ne s'est jamais lancée dans une entreprise de cartes de souhaits;

d) l'appelante ne s'est jamais lancée dans une entreprise relativement à un programme informatique concernant les immeubles;

e) les dépenses excédentaires dont la déduction a été rejetée par le ministre n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, mais il s'agissait de frais personnels ou de frais de subsistance de l'appelante.

[13] L'appelant a admis les allégations figurant aux alinéas a) et b) du paragraphe 5 de la réponse à l'avis d'appel dans l'affaire concernant l'appelante Tejinder Gill et a nié les allégations figurant aux alinéas c), d) et e) dudit paragraphe 5.

[14] Les activités des deux appelants étaient principalement axées sur l’entreprise de cartes de souhaits. L'appelant a expliqué qu'en 1989, sa femme et lui venaient de se marier. Sa femme occupait un bon emploi comme infirmière autorisée dans un hôpital. Quant à l'appelant, il était titulaire d'un baccalauréat en comptabilité et en finances. Il avait dirigé un centre de conditionnement physique pendant deux ans; le centre comptait 18 employés. Le père de l'appelant avait fourni les capitaux et l'appelant exploitait le centre. Cette entreprise a été vendue en 1986 ou environ à ce moment-là. À ce moment-là, l'appelant voulait établir une entreprise dont sa femme et lui pourraient s'occuper.

[15] L'appelant a mentionné avoir commencé à s'occuper de l'activité liée aux cartes de souhaits en juin 1990. Il a continué à travailler à ce projet, et il essaie encore de le mettre au point. De 1990 à 1992, il a dépensé plus de 78 000 $ à organiser l'activité de vente de cartes de souhaits, sans générer de revenu. Il a déclaré que sa femme, l'appelante Tejinder Gill, et lui s'occupaient de cette activité.

[16] L'appelant a soumis trois articles de journal se rapportant aux cartes de souhaits. L'un de ces articles montre que les boutiques de cartes pouvaient réaliser des bénéfices fort intéressants. Une brochure de Hallmark Cards Inc. a été produite. L'appelant croyait pouvoir imiter l'idée à un coût moins élevé. En juin 1990, il a entrepris d'élaborer le programme. Il a préparé un plan d'entreprise, comme il en a ci-dessus été fait mention. Sous la rubrique : « Information relative au produit » , à la page 6 du plan d'entreprise, des explications détaillées sont fournies au sujet du fonctionnement du programme, qui était d'utilisation facile. Aux fins qui nous occupent, l'information figurant sous la rubrique : « Le produit » figurant dans le sommaire et reproduite ci-dessus est suffisante.

[17] Deux accords de confidentialité, l'un conclu avec Protocall Computer Services et l'autre avec Jo Blackmore, président de Creative Connections Ltd., ont été produits en preuve. En plus de ces accords et du plan d'entreprise, les appelants ont retenu les services de conseillers pour créer le logiciel et une ligne de cartes. L'appelant a attiré l'attention de la Cour sur les modalités de paiement stipulées dans l'accord qu'il avait conclu avec Jo Blackmore. Il a déclaré qu'en 1991, des frais de 75 $ l'heure représentaient un montant important. Il a également cité l'accord conclu avec Protocall Computer Services, dans lequel le prix stipulé était de 3 500 $. L'appelant a souligné que ces contrats avaient été conclus avec des tiers, des étrangers, et que sa femme et lui ne tiraient pas personnellement parti de pareils paiements.

[18] En ce qui concerne le processus de création d'une carte traditionnelle, l'appelant a expliqué qu'un artiste doit d'abord dessiner une image; l'artiste vendra alors dans bien des cas l'image à un éditeur, qui retient les services d'un distributeur pour placer les cartes dans des magasins de détail. Le magasin qui expose les cartes touche 50 p. 100 du prix de détail. Enfin, les clients achètent la carte. L'appelant a affirmé que, dans le cadre de ce processus, une petite boutique vend environ 4 500 cartes par mois. Soixante-dix pour cent des ventes d'une boutique de cartes se rapportent à des cartes de souhaits.

[19] Les appelants n'étaient pas les seuls à utiliser un ordinateur pour produire des messages de cartes de souhaits personnalisés. Des extraits d'un article paru dans le Financial Post du 24 septembre 1991, dans lequel les remarques du président de Hallmark Cards Inc., Irvine Hockaday, étaient en partie reproduites, sont ci-dessous cités :

[TRADUCTION]

Habituellement, il faut de 18 à 20 mois pour qu'une carte passe du stade de la conception au stade de la mise en vente. Cela devrait prendre de quatre à six mois comme M. Hockaday l'a déclaré, en faisant remarquer que la compagnie avait livré aux détaillants des rubans jaunes et d'autres articles « patriotiques » dans un délai de 14 jours pendant la guerre du golfe Persique.

Hallmark veut améliorer la commercialisation de ses produits.

La compagnie met à l'essai sa collection de 200 cartes, invitations et annonces personnalisées dans environ 400 boutiques Gold Crown Hallmark dans l'ouest des É.-U. et à Pittsburgh.

Les clients utilisent un écran pour créer des messages personnalisés. Les produits sont imprimés à la caisse avec l'aide d'un vendeur.

Hallmark perfectionne cette idée en imaginant un client qui se rend dans un kiosque où, à l'aide d'un ordinateur, il peut trouver et examiner la collection de cartes portant sur un sujet approprié. M. Hockaday a affirmé que la chose ouvrirait des horizons nouveaux à la commercialisation.

Hallmark pourrait peut-être avoir recours à la télédistribution pour vendre les cartes, a-t-il dit. Le client pourrait commander les cartes affichées à l'écran, en demandant que son nom soit imprimé, puis aller chercher les cartes dans une boutique Hallmark.

[20] L'appelant a « essayé de trouver les noms d'artistes dans les pages jaunes et [a] préparé une liste de personnes-ressources et de numéros de téléphone » . Il a « essayé de communiquer avec les écoles des beaux-arts, Emily Carr and Commercial Artists, pour essayer de trouver des artistes et des gens qui créeraient des cartes pour le compte de l'entreprise » . Il a ajouté que son conseiller artistique, M. Jo Blackmore, lui avait dit que la meilleure chose à faire était de demander à des artistes de lui soumettre leurs travaux et que si ces travaux lui plaisaient, il pouvait les acheter sur la base de redevances. Un certain nombre de contrats de consultation et de prestation de services conclus avec des artistes ont été produits.

[21] Afin d'accélérer le processus, l'appelant s'est rendu à New York pour assister au National Stationary Show, qui est le salon professionnel le plus important de cartes de souhaits en Amérique du Nord. Une liste de représentants a été produite à l'audience. L'appelant Gurdip Gill a fait savoir que le National Stationary Show avait une grande importance et il a affirmé avoir appris énormément de choses en visitant ce salon. Il n'y a vu personne qui s'occupait de la personnalisation de cartes. Il n'a même pas vu le système de Hallmark Cards Inc. même s'il savait que cette maison en avait un. En visitant le salon, il a pu voir comment d'autres compagnies vendaient leurs produits et comment elles les commercialisaient. Une compagnie utilisait un ordinateur pour imprimer les cartes, et notamment des cartes relatant l' « histoire d'un nom de famille » . Une brochure sur le système Flash a été produite. Ce système coûtait environ 7 000 $; avec les accessoires, le système coûte environ 10 000 $ US. La maison InScribe Inc. fabriquait un produit similaire.

[22] L'appelant a souligné qu'il devait être au courant de ce qui se passait dans l'industrie et de la façon dont cela pouvait influer sur leur entreprise. Un autre type de cartes produites par Hallmark Cards Inc., appelées les « Talking Cards » , pouvait influer sur ce que les appelants faisaient. Voici ce que l'appelant a dit : « Je m'occupe de personnalisation de cartes et cela constitue de la personnalisation. » Cela pouvait nuire à l'entreprise de l'appelant.

[23] L'appelant a expliqué en détail ce qu'il avait fait en vue de mener cette entreprise à bonne fin. Il avait conclu des contrats avec les artistes, il avait élaboré le logiciel, il avait suivi l'industrie ou la concurrence, il s'était rendu dans des boutiques Hallmark Cards Inc., il avait déterminé le nombre de cartes qui y étaient vendues ainsi que les méthodes par lesquelles on séparait les cartes, il avait obtenu les codes à barres sur les cartes approuvées, il avait examiné les étalages, etc. Il avait également échangé des lettres, qui ont été produites à l'audience, avec Columbia Overseas Marketing Company. À l'appui de son témoignage, l'appelant a soumis, pour la période 1990-1991, son journal, dans lequel ses activités étaient décrites et dans lequel figuraient d'autres renseignements se rapportant à l'activité liée aux cartes de souhaits.

[24] Il a également été fait mention des stocks. Dans un document préparé par l'appelant, la question des stocks est traitée comme suit :

[TRADUCTION]

[...]

4) Stocks :

Il n'y avait pas de stocks de cartes personnalisées pouvant faire l'objet de licences; nous devions créer nos propres cartes. Le problème fondamental consistait à savoir ce qui venait en premier lieu. Il nous fallait des stocks importants pour les magasins où se trouverait notre kiosque, une fois le programme mis au point, mais la création de nos propres cartes coûtait fort cher et nous ne pouvions faire plus ce que nos fonds, qui étaient limités, nous permettaient de faire.

À l'heure actuelle, au lieu de créer nos propres dessins, nous essayons d'accorder des licences à des artistes qui exposeraient leurs dessins dans le kiosque moyennant un prix de location.

Pendant le contre-interrogatoire, l'appelant a ajouté, en ce qui concerne la question des stocks, qu'il avait commencé avec 12 cartes; par la suite, il a produit 48 cartes.

[25] L'appelant se préoccupait de la façon dont il commercialiserait les cartes de souhaits. Il voulait cibler les magasins d'alimentation. Il a expliqué le programme à des entreprises telles que Safeway. On lui a répondu que ces entreprises avaient déjà conclu des contrats avec des compagnies qui vendaient des cartes de souhaits. On a refusé de traiter avec lui.

[26] L'appelant s'est ensuite rendu à New York afin de voir comment les maisons commercialisaient leurs cartes. On vendait les cartes à des investisseurs. L'appelant a ensuite retenu les services d'une maison, LaBonté & Co., en vue d'essayer de vendre ces cartes. Il croyait également « avoir besoin d'un comptable, d'un comptable agréé, pour inspirer confiance aux investisseurs et les convaincre que l'idée était sensée » . À cet égard, deux lettres de LaBonté & Co. ont été produites en preuve.

[27] L'appelant a souligné que les montants en question, dont la déduction étaient demandée, ne se rapportaient pas à des frais personnels ou à des frais de subsistance. Ces montants avaient été versés à des artistes, à des programmeurs, ou se rapportaient à des étalages ou à la séparation des couleurs. Certaines dépenses se rapportaient à l'élaboration des cartes, et l'appelant les a définies comme des dépenses relatives à la création des cartes de souhaits. Les appelants se sont vus obligés d'abandonner l'activité liée aux cartes de souhaits en 1992. L'appelant s'occupait principalement de cette entreprise, mais sa femme s'en occupait également dans une certaine mesure.

[28] L'appelant a ensuite expliqué pourquoi il avait renoncé à l'entreprise. Il a déclaré qu'au milieu de l'année 1992, après avoir engagé « la majorité des coûts » liés à son projet, Carlton Cards, qui était une grosse compagnie américaine, a eu une idée similaire, qu'elle a appelée « CreataCard » . À cet égard, l'appelant a cité deux articles, dont un se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

SYSTÈME DE CARTES PERSONNALISÉES DE CARLTON CARD

Carlton Cards Limited vient d'introduire son système innovateur « CreataCard » ; un concours de vedettes a eu lieu au Eaton Centre de Toronto, lors d'une vente de cartes CreataCard, qui a duré une fin de semaine, dans le cadre de la Campagne du Timbre Pascal.

Le système CreataCard, qui est disponible exclusivement au Canada par l'entremise de Carlton, est le premier système autonome de l'industrie qui permet aux consommateurs de dessiner, de personnaliser et d'imprimer leurs propres cartes de souhaits uniques en leur genre.

Les consommateurs utilisent un écran vidéo tactile semblable à un guichet automatique bancaire pour choisir un dessin parmi plus de 1 000 dessins traditionnels, contemporains et originaux différents, avec un nombre élevé de choix en ce qui concerne la personnalisation.

[29] L'extrait suivant du témoignage présenté par l'appelant montre quelle a été sa réaction1 :

[TRADUCTION]

Nous avons donc ici une autre grosse compagnie qui se lance dans le domaine. À ce moment-là, je me suis dit, ah, mon Dieu! l'idée que j'ai eue d'exposer des cartes en blanc, de les mettre là, est désuète, puisqu'il est maintenant possible de créer ses cartes automatiquement. Il n'est pas nécessaire d'imprimer la carte, de séparer les cartes, de faire tout cela. Et voici une compagnie qui croit qu'elle réalisera de 25 à 30 millions, et elle — le coût de ces kiosques, pour ces 2 000 kiosques, est d'environ 25 à 30 millions. Il ne s'agit pas d'un petit investissement pour ces compagnies. De toute évidence, elles ont donc effectué des tests de marché, elles ont accompli leur tâche, elles savent que les gens vont acheter ce produit, et elles envoient les mêmes marchandises.

Par conséquent, à ce moment-là, je — c'est tout. Je veux dire que la seule chose qu'il me reste à faire maintenant, c'est de recommencer pour décider des changements que je vais effectuer par rapport à ce qu'elles font.

[30] Pendant le contre-interrogatoire, l'appelant a déclaré que son entreprise Touch-for-a-Card n'était pas la suite de l'activité initiale de vente de cartes de souhaits, qui était devenue désuète en 1992. Il a déclaré qu'il s'agissait d'une carte informatisée. Dans le cadre de ce programme, il y avait des kiosques; toutefois, on n'utilisait plus des cartes déjà prêtes sur lesquelles on imprime le message. Il est possible d'imprimer toute la carte. De 1990 à 1995, les appelants n'ont pas installé de kiosques dans les magasins, et aucun revenu n'a été généré pendant cette période. Il en aurait coûté aux appelants environ 6 400 $ par machine.

[31] L'appelant a également témoigné qu'en ce qui concerne l'idée Touch-for-a-Card, l'usager devait choisir une carte pré-imprimée à l'aide de l'imprimante. Il a mentionné que Hallmark Cards Inc. et Carlton Cards s'étaient essentiellement accaparées le marché. Il était donc difficile de trouver des emplacements. L'appelant a ensuite expliqué ce qu'ils ont tenté de faire à ce moment-là2 :

[TRADUCTION]

..[...] ce que je veux dire, c'est que si cela coûte trop cher pour obtenir les cartes — créer une carte traditionnelle coûte fort cher. Il faut créer l'image, la séparer, imprimer au moins 2 000 cartes, trouver un distributeur, ils doivent aller chercher la carte elle-même et la faire. Par conséquent, pour introduire une seule carte, cela coûterait de 25 à 100 $ de la façon habituelle.

Par conséquent, au lieu de payer 2 500 $, nous pourrions nous adresser à un artiste — il y en a des milliers — un grand nombre de compagnies produisent des cartes. Si elles nous payaient — la carte est déjà créée, elles ne veulent tout simplement pas payer pour l'impression et la fabrication, nous pourrions les mettre en montre, — disons que nous leur demanderions 12 $ l'unité par année pour la location; cela coûterait beaucoup moins cher que s'il fallait les imprimer et les faire. Cela pourrait être une nouvelle façon de commercialiser le produit.

Les appelants n'ont acheté qu'un seul kiosque, qui n'a jamais été installé dans les centres commerciaux.

[32] Dans son témoignage, l'appelant a résumé comme suit son attitude à l'égard de l'entreprise de vente de cartes de souhaits3 :

[TRADUCTION]

LE TÉMOIN : Bref, Monsieur le juge, j'aimerais simplement dire que j'ai essayé d'exploiter l'entreprise d'une façon organisée. J'ai établi un plan d'entreprise, j'ai eu recours aux services de conseillers indépendants — Jo Blackmore et Andy Axelrod, Protocol Computer — j'ai conclu des contrats avec des artistes, des programmeurs, des conseillers. J'ai essayé de suivre, j'ai essayé de me tenir au courant des progrès réalisés dans l'industrie, de me tenir à jour. J'ai assisté aux National Stationary Shows, j'ai communiqué avec des représentants, j'ai retenu les services de comptables pour m'aider à trouver des investisseurs.

Ces dépenses ne m'ont pas personnellement profité. Je ne peux pas conduire le logiciel. Je ne peux pas manger les cartes de souhaits. Je dis même à la Justice, écoutez, même les dépenses, comme la voiture — vous pouvez examiner les dépenses si vous le voulez. Ainsi, les voitures, il serait possible de dire qu'il s'agit de frais personnels. Je vous l'accorde — disons qu'il s'agit de frais personnels, d'accord? Je ne suis pas d'accord parce que j'avais besoin de ces choses. Supprimez-les et tenez uniquement compte des dépenses directes dont je ne bénéficie pas. Je parle à des personnes indépendantes; les chèques sont tous là, tous les documents sont là. C'est tout ce que je demande.

Position de l'appelant

[33] L'appelant a signalé à la Cour qu'il n'avait pas engagé ces dépenses en vue de réduire ses impôts. Il ne s'agissait pas de frais personnels ou de frais de subsistance comme on l'avait allégué pour le compte de l'intimée.

[34] L'appelant a soutenu que des mesures importantes avaient été prises et que des efforts continuels avaient été faits en vue de mettre sur pied l'entreprise de cartes de souhaits en particulier.

[35] En ce qui concerne la question de savoir si l'entreprise de cartes de souhaits avait débuté, l'appelant croyait avoir agi d'une façon méthodique. Il avait un plan d'entreprise. Il avait embauché des gens de l'extérieur. Il a souligné qu'il espérait réellement tirer un bénéfice de ces activités. Il se livrait aux activités normales que comportait, selon lui, l'exploitation d'une entreprise de cartes de souhaits.

Position de l'intimée

[36] L'avocat de l'intimée s'est fondé en particulier sur la décision que la Cour d'appel fédérale avait rendue dans l'affaire Firestone v. The Queen4, où des observations avaient été faites au sujet de certains principes généraux. Puis, il a analysé d'une façon plus particulière trois décisions subséquentes de cette cour : Bancroft v. M.N.R.5, Gartry v. The Queen6,et finalement Samson et Frères Ltée v. The Queen7.

[37] L'avocat de l'intimée a ensuite comparé la présente situation et celle qui existait dans chacune des affaires susmentionnées. Il a soutenu que l'entreprise de cartes de souhaits de l'appelant n'était pas suffisamment capitalisée et, partant, que l'appelant ne satisfaisait pas au critère établi dans les décisions Bancroft et Firestone. Il a également soutenu que, dans ce cas-ci, la situation n'est pas la même que dans l'affaire Gartry où, si ce n'avait été d'un événement grave mettant en cause un tiers ou d'un cas de force majeure, l'entreprise aurait été activement exploitée. Il a également été fait mention de la décision inédite du 21 août 1997 rendue par le juge Taylor de cette cour dans l'affaire Alan C.G. Cunningham et la Reine. Sur cette base, il a conclu que les appelants n'ont pas le droit de déduire les pertes subies dans les trois années en question.

Analyse

[38] Il s'agit ici principalement de savoir si l'appelant a le droit de déduire les dépenses faites ou engagées à l'égard de l'activité liée aux cartes de souhaits. Cette question pourrait de son côté se ramener à la question de savoir si, en exerçant cette activité, l'appelant avait commencé à exploiter une entreprise.

[39] À cette fin, il semble utile d'examiner d'abord la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Firestone v. The Queen, précitée. Dans cette affaire, le contribuable, un particulier, exploitait une entreprise dans le cadre de laquelle il acquérait des entreprises de fabrication qui faisaient face à des difficultés financières et les mettait sur la bonne voie en leur donnant des conseils et des directives. Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1969 à 1972, le contribuable avait déduit les frais liés aux enquêtes qu'il avait faites à l'égard des possibilités qui s'offraient sans pour autant acquérir d'entreprise ainsi que les dépenses relatives à la supervision de diverses entités commerciales. En parlant au nom de la Cour, le juge MacGuigan a dit ceci, à la page 5240 :

Même s'il n'est pas certain quel est le critère précis à appliquer, l'on a généralement reconnu que les dépenses relatives à l'acquisition ou à la mise sur pied d'une entité commerciale sont imputables au compte capital.

À la page 5244, le savant juge a ajouté ceci :

Évidemment, il n'existe pas seulement deux, mais trois situations différentes. À un extrême se trouve le coût de l'acquisition ou de la fabrication d'un actif immobilisé, une dépense qui est toujours une dépense de capital. À l'autre extrême se situent les frais de réparation ou d'entretien courant, qui constituent toujours une dépense d'exploitation. Entre ces deux pôles, se trouve la dépense engagée pour améliorer un actif immobilisé en lui ajoutant quelque chose ou en le modifiant, laquelle dépense peut très bien constituer une dépense de capital mais qui doit être qualifiée de dépense de capital ou d'exploitation en fonction des faits particuliers à chaque espèce, spécialement - mais, selon moi, non exclusivement - lorsqu'il y a eu (comme en l'espèce) un changement de propriétaire.

[40] Les faits de l'affaire Bancroft, précitée,sont bien résumés dans le sommaire :

[TRADUCTION]

En 1980, le contribuable avait acquis une propriété située au Québec et il avait dépensé des sommes considérables en vue de tenter d'en faire un centre touristique. Il a fait face à des difficultés financières, a déclaré faillite et n'a jamais mené son projet à bonne fin. Il a cherché à déduire les dépenses d'entreprise pour les années 1982, 1983 et 1984, mais le ministre a rejeté les déductions parce qu'il n'y avait jamais eu d'attente raisonnable de tirer profit de l'activité en question. Le contribuable a interjeté appel devant la Cour canadienne de l'impôt, en soutenant qu'il avait l'intention d'exploiter une entreprise viable et qu'il s'attendait avec raison à ce que l'entreprise soit rentable. Il a donc soutenu que les dépenses qu'il avait engagées devaient être déductibles.

La juge Lamarre Proulx, de cette cour, a fait les remarques suivantes, à la page 155 :

Selon la preuve qui m'est soumise, je ne peux que conclure que les activités de l'appelant ne correspondent pas aux exigences minimales requises pour qu'on dise de lui qu'il "exploitait une entreprise". Autrement dit, l'appelant n'a jamais dépassé le stade des dépenses en immobilisations. Les murs et les fondations étaient là mais cela ne ressemblait en rien à un centre touristique. Il n'y avait ni cuisine ni salles de bains. L'intérieur n'a jamais été terminé. Aucune formation de personnel n'a jamais eu lieu et il va sans dire aucune embauche de personnel, aucune annonce ni aucune publicité. Durant toutes les années qui font l'objet de l'appel, l'appelant était assez éloigné de l'étape opérationnelle de son plan.

[41] Dans l'affaire Gartry v. The Queen, précitée, le juge Bowman, de cette cour, a rendu jugement en faveur du contribuable et a décidé que les frais que ce dernier avait engagés étaient des dépenses courantes. À la page 1949, le juge a fait les observations suivantes :

On a également laissé entendre que l'entreprise n'avait peut-être pas encore débuté lorsque les dépenses ont été faites et que, s'il n'existait pas d'entreprise à ce moment, les dépenses n'ont pu être faites en vue de tirer un revenu d'une entreprise au sens de l'alinéa 18(1)a). Même si la prémisse était exacte, mais je ne pense pas qu'elle le soit, je doute que la conclusion s'ensuive. Pour ce qui est de la détermination du moment où une entreprise débute, il n'est pas réaliste de dire que c'est au moment où l'on commence à tirer de l'argent du commerce ou de la fabrication d'un bien ou de la prestation d'un service ou, à l'autre extrême, que c'est au moment où l'on a pour la première fois eu l'intention de lancer l'entreprise. Chaque cas dépend des faits qui lui sont propres, mais, lorsqu'un contribuable a pris des mesures importantes, des mesures essentielles pour exploiter l'entreprise, il est juste de conclure que l'entreprise avait démarré. Assurément, tel est le cas ici. L'appelant avait emprunté de l'argent, convenu d'acheter le navire, recruté un équipage, obtenu les permis nécessaires, pris des arrangements avec un nombre appréciable de propriétaires de bateau titulaires de permis de classe « G » pour qu'ils utilisent ses services lorsque le navire serait prêt, commandé et payé des modifications devant être apportées au navire et souscrit à une assurance. À mon avis, l'entreprise avait débuté et était bien avancée lorsque les dépenses en question ont été faites. Les bulletins d'interprétation n'ont évidemment pas force de loi, et il convient d'y faire référence avec circonspection. Toutefois, les observations formulées dans le bulletin d'interprétation IT-364 quant à savoir quand une entreprise débute ont beaucoup de bon sens tant du point de vue du droit que du point de vue de la réalité commerciale. L'appelant a satisfait aux critères énoncés dans ce bulletin. Donc, même si le coût de la modification du navire représentait une dépense à titre de capital, les autres dépenses courantes comme les frais comptables, honoraires d'avocat, frais administratifs, frais de déplacement et coût d'assurance seraient déductibles. Les frais d'intérêts, comme je l'ai fait remarquer précédemment, sont déductibles en vertu de l'alinéa 20(1)c).

[42] Dans la décision Samson et Frères Ltée v. The Queen, précitée, le juge Dussault a conclu qu'aucune des activités liées aux efforts qui avaient été faits en vue de la création de la nouvelle entreprise ne pouvait en soi générer un revenu. La déduction des dépenses courantes demandée par le contribuable a donc été rejetée. À la page 644, le juge Dussault a fait les remarques suivantes :

J'estime que toutes les démarches faites en vue d'acquérir des terrains, des édifices ou de l'équipement à différents endroits n'étaient que préliminaires et destinées à réunir les éléments de base ou la structure de la nouvelle entreprise, structure qui n'a d'ailleurs jamais été concrètement mise en place et qui est toujours restée à l'étape de projet conditionnel à l'obtention d'un financement extérieur. Dans la mesure où la structure même de l'entreprise que l'on voulait exploiter n'a même pas été mise en place, on voit mal comment on peut prétendre que les dépenses se rattachant à des démarches préliminaires pour établir une entreprise qui n'existe pas, démarches qui ne dépassent pas le stade d'un projet, puissent être déductibles.

Et à la page 645, voici ce qu'il a dit :

De cette décision, il m'apparaît clair que pour qu'une entreprise existe et ait débuté, on doit avoir dépassé le simple stade de l'intention de la débuter. Un projet, même articulé, de le faire n'est, à mon avis, que l'expression de cette intention et doit être poussé plus loin. Les éléments essentiels se rattachant à la structure même de l'entreprise, soit le financement, les actifs et la main-d'oeuvre nécessaires doivent avoir été recherchés et réunis avant que l'on puisse affirmer que l'entreprise existe et qu'elle a débuté. J'ajouterai que la décision de débuter l'entreprise telle qu'on peut la déceler par des mesures « importantes » ou « essentielles » prises par le contribuable en vue de l'exploitation même constitue un indice important que l'entreprise a débuté. C'est là, à mon avis, le sens de la décision du juge Bowman de cette cour dans l'affaire Gartry (précitée). Il est en effet assez difficile de concevoir qu'une entreprise ait débuté avant même qu'une décision ferme à cet égard n'ait été prise et que les éléments essentiels se rattachant à la structure même d'une telle entreprise n'aient été réunis.

[43] Comme le juge Bowman dans la décision Gartry susmentionnée, je conclus que les observations qui sont formulées dans le bulletin d'interprétation IT-364 du mois de mars 1977, intitulé : « Début de l'exploitation d'une entreprise » , sont fort utiles. Je citerai en particulier les extraits suivants de ce bulletin :

2. [...] En général, le Ministère estime qu'une entreprise débute lorsque s'engage une opération importante qui constitue une activité régulière du processus de gain de ce genre d'entreprise ou un prélude essentiel à l'exploitation normale. Pour conclure qu'une entreprise a commencé, il faut nécessairement qu'on puisse déterminer assez clairement le genre de l'activité devant être exercée et qu'une structure organisationnelle suffisante ait été établie pour permettre d'entreprendre au moins les activités préliminaires essentielles. [...] Si une activité ne consiste qu'en une étude de diverses possibilités commerciales dans la perspective ou l'espoir d'obtenir des renseignements qui justifieront l'établissement d'une entreprise quelconque, une telle activité ne constitue pas le début d'une entreprise. On estimerait qu'une entreprise n'était qu'envisagée si aucun effort sérieux ou raisonnablement continu n'était tenté afin d'amorcer son exploitation normale. [...]

3. [...] Toutes les mesures concrètes et continues par lesquelles on tente d'introduire un produit particulier dans un marché souhaité constituent des activités d'exploitation même si elles précèdent la création du service des ventes de l'entreprise.

[44] Je dois maintenant appliquer les principes susmentionnés aux faits de l'espèce.

[45] En premier lieu, je ne doute pas que l'appelant ait eu l'intention de tirer éventuellement un bénéfice de ces diverses activités. Toutefois, tel n'est pas le point en litige. Il s'agit plutôt de savoir si une entreprise avait débuté.

[46] Il ressort également clairement de la jurisprudence que le contribuable ne doit pas simplement se contenter d'avoir l'intention de lancer une entreprise. Comme l'a mentionné le juge Bowman dans la décision Gartry, le contribuable doit prendre « des mesures importantes, des mesures essentielles pour exploiter l'entreprise » pour qu'il soit possible de conclure que l'entreprise avait démarré.

[47] En l'espèce, la preuve établit que l'appelant a préparé un plan d'entreprise, qu'il a embauché des conseillers, qu'il a conclu des contrats avec des artistes pour que ceux-ci créent le programme informatisé à l'égard des cartes de souhaits, qu'il a retenu les services d'un cabinet d'experts-comptables et qu'il avait des stocks, quoique peu importants. Dans son témoignage, l'appelant a mentionné qu'une fois que le système était prêt, il pourrait ouvrir un plus grand nombre de kiosques dont l'entreprise serait toujours propriétaire et qui seraient installés dans des magasins et dans des centres commerciaux, ou encore, qu'il pourrait ouvrir des kiosques entièrement équipés qu'il vendrait à une tierce partie intéressée.

[48] L'entreprise de l'appelant était suffisamment financée pour qu'il soit possible de construire un prototype de kiosques de vente de cartes de souhaits. Si, à ce moment-là, l'appelant avait pu trouver des acheteurs pour ses kiosques et s'il avait signé des contrats à cet égard, l'entreprise de cartes de souhaits lui aurait rapporté un revenu. Je conclus qu'on avait dépassé le stade de la conception et qu'on en était au stade de l'exploitation.

[49] Je ne retiens pas la prétention de l'intimée selon laquelle l'activité liée aux cartes de souhaits a toujours été sous-capitalisée et que, par conséquent, l'entreprise n'a jamais débuté.

[50] Pour reprendre les remarques qui ont été faites dans le bulletin d'interprétation précité, pendant les années en question, les appelants ont établi « assez clairement le genre de l'activité devant être exercée » en ce qui concerne l'activité liée aux cartes de souhaits. Compte tenu de l'ensemble de la preuve, pour paraphraser certaines remarques figurant au paragraphe 3 du bulletin d'interprétation précité, les appelants ont pris un grand nombre de « mesures concrètes et continues » afin de lancer leur produit sur le marché visé.

[51] Je parlerai maintenant de l'activité relative au logiciel concernant les immeubles ainsi que de l'activité liée aux vidéos se rapportant à des immeubles et à la vidéomosaïque.

[52] En ce qui concerne le logiciel concernant les immeubles, l'appelant a admis qu'il n'avait pas établi de plan d'entreprise et qu'il n'avait pas communiqué avec la chambre immobilière de Vancouver pour voir si l'achat du logiciel qu'il voulait élaborer intéressait les gens. Ce logiciel n'a jamais été mis au point. Il est tout à fait clair que l'entreprise relative au logiciel concernant les immeubles n'a jamais démarré.

[53] En ce qui concerne les activités liées aux vidéos concernant des immeubles et à la vidéomosaïque, l'appelant a témoigné qu'il n'y avait pas consacré beaucoup de temps ou d'argent. La preuve montre clairement qu'il n'a pas pris les mesures importantes essentielles nécessaires à l'exploitation de cette entreprise.

[54] Étant donné que, comme je l'ai expliqué au début de ces motifs, les nouvelles cotisations relatives aux deux appelants pour l'année d'imposition 1990 sont prescrites, les nouvelles cotisations doivent être annulées. Les appels sont donc admis à l’égard de ces nouvelles cotisations.

[55] Je conclus donc qu'il est possible de dire que les appelants avaient commencé à exploiter une entreprise dans les années en question à l'égard de l'activité liée aux cartes de souhaits. Dans cette mesure, les appels des nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1991 et 1992 doivent être admis. Les nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1991 et 1992 doivent être déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les appelants ont le droit de déduire les dépenses faites ou engagées dans ces deux années à l'égard de l'activité liée aux cartes de souhaits. À tous les autres égards, les nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1991 et 1992 sont confirmées, et ce, dans le cas des deux appelants.

[56] Les appelants ont droit à tous les débours essentiels à la conduite de ces appels, comme le prévoit le paragraphe 12(3) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure informelle).

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 1998.

« Alban Garon »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juillet 1998.

Benoît Charron, réviseur



1 Transcription, page 49, ligne 17, à page 50, ligne 16.

2 Transcription, page 89, ligne 21, à page 90, ligne 11.

3 Transcription, page 52, ligne 22, à page 53, ligne 17.

4 87 DTC 5237.

5 89 DTC 153.

6 94 DTC 1947.

7 97 DTC 642.

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