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Date: 19980312

Dossier: 96-2560-IT-I

ENTRE :

MARY KAY LAING,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance, interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Winnipeg (Manitoba), le 2 mars 1998.

[2] Dans une nouvelle cotisation établie à l'égard de l'appelante pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994, la demande de crédit d'impôt pour enfants de cette dernière, relativement à sa fille Sarah Burch, née en 1980, a été refusée.

[3] Seule l'appelante a témoigné. Son témoignage était objectif et parfaitement crédible. M. Mark Burch et Mme Laing se sont comportés de façon exemplaire pour ce qui est de la façon dont ils ont traité et élevé leurs enfants. Leur comportement, ainsi que leurs enfants, leur font honneur à tous les deux étant donné la situation difficile dans laquelle eux et leurs enfants se trouvaient.

[4] Voici la chronologie des faits :

(1) 16 août 1969 - Mariage de Mark et de Mary Kay.

(2) 7 juillet 1978 - Naissance de leur fils Aaron.

(3) 18 octobre 1980 - Naissance de leur fille Sarah.

(4) Juin 1986 - Séparation de Mark et de Mary Kay.

(5) 23 janvier 1987 - (pièce A-1) Signature par les parties d'un accord de séparation. Le paragraphe 9 de la pièce A-1, l'accord de séparation, prévoyait la garde conjointe. Les parties intéressées ont pris des dispositions pour que les deux enfants passent les lundis et les mardis chez Mark, les mercredis et les jeudis chez Mary Kay, et le reste de la semaine en alternance chez chacun des parents, à la résidence respective de ces derniers à Brandon (Manitoba).

(6) 2 mars 1989 - (pièce A-3) Modification de l'accord de séparation. Le paragraphe 2 de la pièce A-3 se lit comme suit :

[TRADUCTION]

2. Bien que les parties conviennent qu'elles continuent d'assumer la garde conjointe de leurs enfants issus du mariage, il est entendu que l'époux a droit à l'allocation familiale destinée à Aaron Christopher Burch et que l'épouse continue de toucher l'allocation familiale destinée à l'enfant Sarah Lynn Burch; en outre, l'époux a droit à l'équivalent du montant de conjoint et au crédit d'impôt pour enfants relativement à l'enfant Aaron Christopher Burch, et l'épouse a droit à l'équivalent du montant de conjoint et au crédit d'impôt pour enfants relativement à l'enfant Sarah Lynn Burch.

(7) 23 juin 1989 - (pièce A-2) Jugement prononçant le divorce de Mark et de Mary Kay et prévoyant le maintien de la garde conjointe. La pièce A-2 se lit comme suit dans son intégralité :

[TRADUCTION]

Les parties aux présentes ayant divorcé par jugement de divorce prononcé le 23 juin 1989;

1. LA COUR STATUE que :

a) Mark Alan Burch et Mary Katherine Justine Burch assument la garde conjointe des enfants suivants, issus du mariage :

Aaron Christopher Burch

Sarah Lynn Burch

lesdits enfants résidant en alternance chez la requérante et chez l'intimé selon un horaire qui sera établi sur consentement mutuel de temps à autre.

2. LA COUR STATUE que Mark Alan Burch doit verser à Mary Katherine Justine Burch à titre de pension alimentaire pour l'enfant Sarah Lynn Burch le montant de 150 $ par mois, au moyen de paiements de 69,23 $ effectués toutes les deux semaines à compter du 23 juin 1989.

3. LA COUR STATUE qu'une copie de la présente ordonnance doit être signifiée par courrier ordinaire adressé à l'intimé au 357, 16e rue, Brandon (Manitoba), R7A 4X7, dans les 20 jours de la signature.

Un certain nombre d'inférences découlent de la pièce A-2. Elles sont notamment les suivantes :

1. L'emploi du terme « résidant » à l'alinéa 1 a) est une erreur puisque, d'après le paragraphe 2, Mary Kay doit recevoir une pension alimentaire pour Sarah.

2. Du point de vue fiscal, le terme « résidant » à l'alinéa 1 a) aurait dû se lire « séjournant » .

3. Mark doit verser à Mary Kay une pension alimentaire pour Sarah pour le motif que cette dernière réside avec Mary Kay. Cela indique également que Mary Kay est celle qui assume principalement la garde de Sarah.

4. L'ordonnance est manifestement fondée sur les ententes de garde et de résidence déjà conclues entre Mark et Mary Kay.

(8) 1992 - Les enfants commencent à passer plus de temps à la résidence de leur père à Brandon, où ils ont une chambre. Mary Kay continue de garder une chambre pour chacun d'eux dans sa maison de Brandon et les deux enfants vont et viennent entre les deux résidences. Ils se parlent tous quotidiennement. Les deux parents assistent aux activités scolaires. Ils se mettent d'accord sur les couvre-feu, les amis et les activités de leurs enfants, et en assurent la supervision. Mary Kay prend les rendez-vous chez le médecin et chez le dentiste, mais ce sont les deux parents qui se chargent d'y amener les enfants. Les deux parents magasinent pour les enfants et contribuent aux achats qui leur sont destinés. Les enfants vont et viennent librement entre les résidences des deux parents. Sarah amène des amies coucher chez sa mère et chez son père. Sarah prend ses leçons de musique chez Mary Kay. Les deux enfants dorment beaucoup plus souvent chez Mark.

(9) Juin 1995 - Mary Kay déménage à Winnipeg après avoir accepté un emploi au pénitencier de Stoney Mountain. Les enfants restent à Brandon.

(10) 20 septembre 1995 - Le ministre du Revenu national refuse à Mary Kay des crédits d'impôt pour enfants.

(11) 9 janvier 1996 - (pièce A-4) Une ordonnance de garde sur consentement est signée. Conformément à cette ordonnance, Mark assume principalement la responsabilité pour le soin et la supervision des enfants, mais les deux parents continuent d'assumer la garde conjointe.

[5] Il s'agit de déterminer si Mary Kay était un « particulier admissible » et si Sarah était une « personne à charge admissible » en 1991, en 1992, en 1993 et en 1994. Les parties de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui portent sur cette question se lisent comme suit :

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a) elle réside avec la personne à charge;

b) elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

c) elle réside au Canada;

d) elle n'est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

e) elle est, ou son conjoint visé est, soit citoyen canadien, soit :

(i) résident permanent au sens de la Loi sur l'immigration,

(ii) visiteur au Canada ou titulaire de permis au Canada (ces expressions s'entendant au sens de la Loi sur l'immigration) ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

(iii) quelqu'un à qui la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a reconnu, avant ce moment, le statut de réfugié au sens de la Convention.

Pour l'application de la présente définition :

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues dans des règlements pris par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social;

h) les critères qui servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne peuvent être énoncés dans des règlements pris par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social.

« personne à charge admissible » S'agissant de la personne à charge admissible d'un particulier à un moment donné, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a) elle est âgée de moins de 18 ans;

b) elle n'est pas quelqu'un pour qui un montant a été déduit en application de l'alinéa 118(1)a) dans le calcul de l'impôt payable par son conjoint en vertu de la présente partie pour l'année de base se rapportant au mois qui comprend ce moment;

c) elle n'est pas quelqu'un pour qui une allocation spéciale prévue par la Loi sur les allocations spéciales pour enfants est payable pour le mois qui comprend ce moment.

[6] L'article 6302 du Règlement s'applique après l'année 1992. Il se lit comme suit :

6302. Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[7] Après avoir examiné les faits, la Cour conclut que les deux parents se partageaient la tâche à parts égales pour ce qui est des alinéas a) et b). Plus particulièrement, bien que les enfants aient pu dormir plus souvent chez Mark, ils avaient tous deux une chambre chez Mary Kay et chez Mark. Ils avaient totalement accès aux deux maisons en tout temps. Sarah invitait ses amies à dormir chez ses deux parents. Les nuits de Sarah chez Mark étaient des séjours. Les nuits de Aaron chez Mary Kay étaient des séjours. Mary Kay prenait les rendez-vous chez le médecin et chez le dentiste, mais les deux parents se chargeaient d'y amener les enfants et assumaient une responsabilité égale pour les soins à prodiguer à leurs enfants lorsque ceux-ci étaient malades. Mary Kay en faisait un peu plus que Mark pour ce qui est des leçons de musique de Sarah; autrement, les deux parents se partageaient la tâche à parts égales pour ce qui est des alinéas d), e), f) et g). L'ordonnance judiciaire du 23 juin 1989 a confirmé l'accord du 2 mars 1989 et elle respectait l'alinéa h).

[8] Il est à remarquer que les critères relatifs à la résidence sont essentiellement des critères de common law. Ils ne sont pas prévus par la loi. Parmi les facteurs dont il faut tenir compte, il y a notamment le temps passé à un endroit, les motifs ou les raisons, l’habitation, le contexte, le mode ou les habitudes de vie et les liens avec les maisons et la famille.

[9] Dans la présente affaire, nous avons deux enfants mineurs. Sarah n'avait que 14 ans en 1994. Dans ces circonstances et lorsque les faits concernent un enfant mineur, l'intention des parents est très importante. Compte tenu des autres éléments de preuve décrits, dont le fait qu'elle avait sa propre chambre à la résidence de Mary Kay, Sarah résidait là où ses parents avaient conjointement l'intention qu'elle réside, c'est-à-dire chez Mary Kay.

[10] Une fois qu'il est déterminé que Sarah résidait chez Mary Kay, l'alinéa f) de la définition de « particulier admissible » énoncée à l'article 122.6 présume que Mary Kay est le particulier admissible, et ainsi en conclut la Cour.

[11] Pendant des années fort difficiles, les enfants ont réussi à s'adapter à une routine et leurs parents étaient en accord à cet égard et à l'égard de la résidence qu'ils ont chacun établie pour un enfant. Les parents n'ont pas troublé ni perturbé les enfants. Ils ont tous deux fait de leur mieux pour leurs enfants. Leur comportement était exemplaire et il a porté fruit. Ensemble, ils ont changé la résidence de Sarah au moyen de l'ordonnance rendue sur consentement au mois de janvier 1996.

[12] La cotisation en cause n'est pas le résultat d'une demande de Mark. Elle a été établie sur l'initiative du ministre du Revenu national. Parfois, les organismes publics ne devraient pas se mêler des affaires d'une famille. C'est le cas en l'espèce.

[13] L'appel est admis. L'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les présents motifs.

[14] L'avocate de l'appelante est venue de Brandon à Winnipeg pour agir dans l'appel à juste titre. Elle paraît avoir représenté l'appelante dans le cadre de nombre des procédures légales susmentionnées. L'avocate a dû faire plus de 160 kilomètres à l'aller et au retour dans des conditions météorologiques difficiles et elle a dû passer la nuit à Winnipeg en raison du blizzard. L'appelante a droit aux frais entre parties, ce qui inclut les débours estimés de son avocate prévus dans le tarif de la procédure informelle, à savoir 950 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de mars 1998.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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