Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000515

Dossiers : 97-1092-UI; 97-1136-UI

ENTRE :

THEODORA LAMBROPOULOS, PARASKEVI HADJINIKITA,

appelantes,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cuddihy, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Montréal (Québec), le 16 mars 2000.

I- Les appels

[2] Les appelantes interjettent appel des décisions du ministre du Revenu national (le “Ministre”), du 21 mars 1997, selon lesquelles l’emploi de Theodora Lambropoulos (la “travailleuse concierge”) du 1er juin au 31 décembre 1993 et l’emploi de Paraskevi Hadjinikita (la “travailleuse secrétaire”) du 1er décembre 1991 au 24 juillet 1992, auprès de Five Brothers Investments Ltd. (le “payeur”) n’étaient pas assurables au sens de la Loi sur l’assurance-chômage (maintenant la Loi sur l’assurance-emploi) (la “Loi”), puisque pendant ces périodes les appelantes et le payeur n’étaient pas liés par un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 3(1)a) de l’ancienne Loi et l'alinéa 5(1)a) de la nouvelle Loi.

II- Les faits résumés

[3] L’intimé a soumis dans ses Réponses aux avis d’appels les faits sur lesquels il a fondé ses décisions. Les paragraphes 5 de ses Réponses dans les appels numéro 97-1092(UI) et numéro 97-1136(UI) se lisent comme suit :

Theodora Lambropoulos (97-1092-UI-)

[TRADUCTION]

“a) le payeur a été incorporé en 1977;

b) l'unique actionnaire et directeur du payeur est M. Mickael Tsakalis;

c) depuis 1991, le payeur est propriétaire de deux propriétés situées au 1480 et 1490, cercle Painter à Ville St-Laurent;

d) les propriétés sont des immeubles d'habitation comprenant respectivement 12 et 15 appartements;

e) l'appelante prétend qu'elle a travaillé pour le payeur à titre de concierge alors qu'en fait elle n'a rendu aucun service au payeur;

f) l'appelante et le payeur sont parties à une opération trompe-l'oeil conçue afin de s'assurer que l'appelante remplisse les conditions requises pour recevoir des prestations d'assurance-chômage;

g) il n'existait aucun contrat de louage de services entre l'appelante et le payeur.”

Paraskevi Hadjinikita (97-1136(UI))

“a) le payeur a été constitué en 1977;

b) le directeur et unique actionnaire du payeur est M. Mickael Tsakalis;

c) depuis 1991, le payeur possède pour tout actif deux propriétés situées au 1480 et 1490 Painter Circle à Ville St-Laurent;

d) ces immeubles comprennent respectivement 12 et 15 appartements;

e) au cours de la période en litige, l'appelante prétend qu'elle a travaillé en tant que secrétaire pour le payeur alors qu'elle n'a rendu aucun service à celui-ci;

f) le payeur et l'appelante ont conclu un arrangement dans le but de qualifier celle-ci aux prestations d'aassurance-chômage;

g) au cours de la période en litige, il n'existait pas de contrat de louage de services entre l'appelante et le payeur.”

[4] L’appelante Theodora Lambropoulos dans l’appel numéro 97-1092(UI), par l’entremise de son procureur, a admis le fait allégué à l’alinéa d). Les faits allégués aux alinéas a) à c) ont été ignorés. Les faits allégués aux alinéas e) à g) ont été niés.

[5] L’appelante Paraskevi Hadjinikita dans l’appel numéro 97-1136(UI) a admis les faits allégués aux alinéas c) et d). Les faits allégués aux alinéas a) et (b) ont été ignorés. Les faits allégués aux alinéas e) à g) ont été niés

III - Le droit

[6] i) Définitions de la Loi sur l'assurance-chômage

“emploi”

“emploi” Le fait d'employer ou l'état d'employé.

“emploi assurable”

“3(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]”

[7] Le fardeau de la preuve incombe aux appelantes.

[8] La Cour d'appel fédérale indique dans l'arrêt Sylvie Desroches et M.R.N. (A-1470-92) quel est le rôle du Juge de la Cour canadienne de l'impôt, et je cite :

“... En dernière analyse, cependant, comme l'a affirmé notre Cour dans Le Procureur général du Canada c. Jacques Doucet, c'est la détermination du ministre qui est en cause, à savoir que l'emploi n'était pas assurable parce que la requérante et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services. Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt s'étend à l'étude du dossier et à la preuve en son entier. Ainsi, le juge Marceau, au nom de la Cour, s'est-il exprimé ainsi dans l'affaire Doucet :

... Le juge avait le pouvoir et le devoir d'examiner toute question de fait ou de droit qu'il était nécessaire de décider pour se prononcer sur la validité de cette détermination. Ainsi le présuppose le paragraphe 70(2) de la Loi et le prévoit, dès après le paragraphe 71(1) de la Loi qui le suit...

Le premier juge pouvait aller jusqu'à décider qu'il n'y avait aucun contrat qui liait les parties.”

[9] S'il y a un doute dans l'interprétation, elle doit favoriser le contribuable et il n'y a rien qui empêche un contribuable de bénéficier d'une mesure sociale si les exigences de la Loi sont respectées. Le juge Hugessen dans l'affaire Le procureur général du Canada et Ludger Rousselle, décision du 31 octobre 1990 (124 N.R. 339) s'exprimait ainsi aux pages 340-341 :

“Ce n'est pas d'exagérer je crois, à la lumière de ces faits, que de dire que si les intimés ont exercé un emploi, il s'agissait bien d'un emploi “de convenance” dont l'unique but était de leur permettre de se qualifier pour des prestations d'assurance-chômage. Certes, ces circonstances n'empêchent pas nécessairement que les emplois soient assurables mais elles imposaient à la Cour canadienne de l'impôt l'obligation de scruter avec un soin particulier les contrats en cause; il est clair que la motivation des intimés était plutôt le désir de profiter des dispositions d'une loi de portée sociale que de participer dans le jeu normal des forces économiques du marché.” (Les soulignés sont de moi.)

IV- Bref résumé de la preuve

[10] Theodora Lambropoulos et Paraskevi Hadjinikita ont été entendues au soutien des appels. Zohra El Foudani, Solange Delorme, Monique David, Daniel Desgroseillers et Francine Perreault ont été entendus de la part de l’intimé. Les pièces I-1 à I-10 ont été déposées au dossier de la Cour.

Témoignage de Theodora Lambropoulos

[11] Elle connaît le payeur. L’époux de l’appelante aurait rencontré le propriétaire du payeur dans un restaurant.

[12] C’est par l’entremise de son époux que l’appelante aurait été engagée par le payeur.

[13] L’appelante n’a pas spécifié si elle a eu elle-même des rencontres avec le propriétaire du payeur.

[14] Elle a commencé par dire qu’elle avait fait plusieurs travaux pour le payeur en 1973. Par la suite, elle a dit qu’elle aurait travaillé de juin jusqu’à la fin de décembre 1983. Finalement, elle a indiqué qu’elle s’était trompée et qu’elle aurait travaillé chez le payeur en 1993.

[15] Elle a travaillé au 1480 et au 1490 Painter Circle à Ville St-Laurent.

[16] Elle travaillait de 14 h - 15 h jusqu’à minuit.

[17] Elle lavait les marches d’escalier, coupait le gazon, nettoyait les miroirs, le garage, enlevait la neige à l’extérieur, arrosait les plantes et ramassait les feuilles.

[18] Elle a été mise à pied le 31 décembre 1993 par Mike Tsakalis parce qu’il y avait un manque de travail.

[19] Elle était payée une fois par mois au moyen d’un chèque. Elle recevait la valeur de 400,00 $ par semaine.

[20] En contre-interrogatoire, elle affirme ne faire aucun travail de plomberie ou d’électricité.

[21] Elle n’allait pas chercher les loyers des locataires.

[22] Elle n’exécutait pas de travaux de peinture.

[23] Elle n’a jamais vu Jimmy Tsakalis. Ce dernier cependant passait faire des vérifications.

[24] Elle se souvient d’avoir rencontré un enquêteur du Département des Ressources Humaines Canada (DRHC). Elle ne peut dire la date.

[25] Elle se souvient que cet enquêteur lui a montré une photographie d’une personne qu’elle aurait identifiée, du nom de Tasso.

[26] Elle dit qu’il y avait beaucoup de gens dans l’édifice.

[27] Elle a dit qu’une autre personne aurait travaillé pour peu de temps mais n'a pu fournir d’autres explications.

[28] Elle ne savait pas si le payeur retenait les impôts lors du calcul de ses chèques de paie.

[29] Elle a reçu son relevé d’emploi de Mike Tsakalis.

[30] Elle a reconnu sa signature sur la déclaration statutaire (pièce I-1) datée du 13 février 1996.

[31] Elle a dit qu’il y avait, aux endroits où elle travaillait, quatre appartements par étage. Il y avait un appartement au sous-sol, soit au 1480 ou au 1490 Painter Circle.

[32] Il y avait un garage dans chaque édifice mais elle ne savait pas s’il y avait ou non une seule porte.

[33] En ré-interrogatoire, elle a reconnu sa signature sur la pièce I-1. L’enquêteur lui a lu sa déclaration statutaire parce qu’elle ne sait pas lire.

Témoignage de Paraskevi Hadjinikita

[34] Elle aurait vu une annonce dans un dépanneur, sur la rue du Souvenir. L’annonce indiquait la recherche d’une secrétaire francophone.

[35] Elle s’est rendue au 1480 Painter Circle rencontrer Jimmy Tsakalis.

[36] Ses tâches étaient de répondre au téléphone, écrire des lettres, traduire des documents en grec.

[37] Elle travaillait dans un logement au 1480 Painter Circle.

[38] Dans le logement, il y avait un bureau.

[39] Ses heures de travail étaient de 9 h jusqu’à 13 h ou 14 h du lundi au vendredi.

[40] Son salaire net était de 1 500,00 $ par mois. Elle était payée par chèque une fois par mois.

[41] Elle a travaillé du 1er décembre 1991 jusqu’au 24 juillet 1992. Elle est partie en vacances le 25 juillet pour une semaine.

[42] Pendant ses vacances, elle aurait reçu un téléphone de Jimmy Tsakalis, l’informant que les affaires étaient tranquilles. Elle est avisée en même temps qu’elle peut aller au bureau de chômage et qu’elle est congédiée.

[43] Quelques mois après, elle aurait reçu une demande de Jimmy Tsakalis pour ses services et elle n’a pas voulu retourner au travail à cet endroit.

[44] En contre-interrogatoire, elle a dit travailler au 1480 Painter Circle, au 3ième étage. Elle croyait que c’était l’appartement 9. Il s’agissait d’un immeuble de 12 logements.

[45] L’endroit où elle travaillait était un logement avec une chambre fermée. Elle n’est jamais entrée dans la chambre. Il y avait un bureau, un réfrigérateur et un endroit pour prendre le café.

[46] Selon le témoin, il n’y avait personne qui habitait le logement où elle travaillait du moins “le temps que j’ai travaillé là aux heures que je travaillais”.

[47] Elle n’avait aucun contact avec les locataires. Il y avait des jours où elle n’était pas au bureau. Le téléphone n’était pas occupé.

[48] Elle a été contre-interrogée avec la déclaration statutaire (pièce I-2) datée du 24 juillet 1995, qu’elle a donnée à un enquêteur de DRHC.

[49] Elle ne se souvenait pas avoir dit qu’elle travaillait au 1490 Painter Circle. Elle admet qu’il se peut qu’elle ait travaillé au 1490 Painter Circle, appartement 9.

[50] Elle ne se souvient pas si elle a dit à Solange Delorme de DHRC qu’elle travaillait au 1er étage.

[51] Le temps pendant lequel elle a travaillé chez le payeur, Jimmy Tsakalis était présent la plupart du temps.

[52] Lorsqu’elle a eu une conversation avec Francine Perreault, l’agente des appels, elle lui aurait mentionné que Mickael Tsakalis n’était pas là tous les jours et que c’est Jimmy Tsakalis qui lui ouvrait la porte à tous les jours.

[53] Lorsqu’elle répondait au téléphone, elle présumait que c’était des employés qui appelaient. Elle ne savait pas combien d’employés travaillaient pour le payeur.

[54] Elle faisait de la traduction une fois par mois, les factures, préparait les feuilles de dépenses pour le détergent, les ampoules, la peinture et autres achats.

[55] Elle ne pouvait dire l’ordre de grandeur des dépenses.

[56] Elle travaillait deux ou trois heures par jour. Il y avait beaucoup de temps mort. Elle n’était pas occupée.

[57] Elle a répété qu’elle recevait 1 500,00 $ par mois “clair”. Elle croyait qu’il y avait des déductions sur sa paie pour l’assurance-chômage, assurance maladie et les impôts; mais il n’y avait pas beaucoup de retenues parce que son mari travaillait et qu’elle n’avait pas d’enfants à sa charge.

[58] Elle a produit son relevé d’emploi (pièce I-3).

[59] Elle a mentionné que le travail de traduction se faisait chez elle.

[60] Lorsqu’elle était au travail, Jimmy Tsakalis était dans la même pièce qu’elle au téléphone. Il était là jusqu’à 14 h ou 15 h.

[61] Elle appelait quelques fois le comptable pour vérifier si les chèques étaient prêts et c’est Jimmy Tsakalis qui allait les chercher.

Témoignage de Zohra El Foudani

[62] Cette personne connaît le payeur. Elle a eu une entente avec Jimmy Tsakalis.

[63] En 1992, elle devait travailler comme secrétaire pour le payeur pour une période de 5 à 6 mois. Elle n’a jamais travaillé. Jimmy Tsakalis lui remettait un chèque qu’elle déposait dans un compte de banque. Par la suite, elle lui remettait l’argent.

[64] Elle a reçu par la suite, un relevé d’emploi et a fait une demande d’assurance-chômage.

[65] Elle a reçu des prestations qu’elle doit maintenant rembourser.

[66] Ces gestes ont été posés avant son accouchement, qui a eu lieu le 22 mai 1992.

Témoignage de Solange Delorme

[67] Ce témoin a agi comme agent d’assurabilité dans le dossier de la travailleuse Paraskevi Hadjinikita, qu’elle a contactée le 17 juin 1996.

[68] Elle a relaté à la Cour les informations qui lui ont été données par l’appelante Paraskevi Hadjinikita à l’occasion d’une conversation téléphonique le 17 juin 1996.

[69] Ces informations se trouvent dans le rapport de Solange Delorme (pièce I-4) et se lisent comme suit :

“- Elle a été commis de bureau durant 8 mois pour des immeubles à logements.

- Il y avait 2 blocs appartements mais ne sait pas combien de logements.

- Elle travaillait au 1er étage mais ne sait pas à quel appartement.

- Elle répondait au téléphone, préparait les factures, traduisait des brochures du grec au français.

- Elle avait une dactylo à la maison et apportait du travail à domicile.

- Elle n’était pas au bureau toute la journée.

- La majorité des appels étaient pour Jimmy Tsakalis, le frère de Mickael.

- Elle ne faisait jamais affaire avec les locataires.

- Jimmy était son patron.

- Elle ne sait pas s’il y avait d’autres employés.

- Elle était payée par chèque 1 fois par mois.

- Elle ne sait pas qui signait les chèques et il n’y avait pas de talon de chèque.

- Elle ne sait pas si les déductions étaient faites.

- Elle n’avait presque rien à faire et ça ne lui donnait rien comme emploi.

- Elle ne se souvient pas si elle avait vu une annonce dans le journal grec ou écouter la radio grec ou au dépanneur pour avoir l’emploi.”

Témoignage de Monique David

[70] Cette personne est à la retraite après 35 ans d’enseignement.

[71] Elle est locataire depuis 20 ans dans un immeuble situé au 1490 Painter Circle, appartement 7, à Ville Saint-Laurent. Cet immeuble, pendant les périodes en litige, était la propriété du payeur.

[72] Elle a donné une description des lieux. Il s’agit d’un immeuble de trois étages comprenant un sous-sol, un rez-de-chaussée et deux étages supérieurs. Il y a un appartement au sous-sol, quatre appartements au rez-de-chaussée et cinq appartements par étage supérieur. Il y a cinq portes de garage.

[73] En 1992, 1993 et 1994 elle travaillait à temps partiel 2-2½ jours par semaine sur un projet de décrochage scolaire.

[74] Elle affirme que sur la boîte aux lettres de l’appartement numéro 3, du 1490 Painter Circle, il y a l’inscription du nom du payeur.

[75] Elle a toujours fait affaire avec Jimmy Tsakalis. C’est lui qui prend possession chez elle du chèque mensuel du loyer.

[76] Le frère de Jimmy Tsakalis, Mickael habitait à l’appartement numéro 3.

[77] Si elle avait à communiquer avec le propriétaire au sujet de son loyer elle voyait toujours Jimmy Tsakalis en personne, la majorité du temps.

[78] Si elle avait à communiquer par téléphone, elle n’appelait pas le numéro de téléphone de l’appartement numéro 3, mais elle avait un autre numéro, parce que Jimmy Tsakalis ne résidait pas dans l’immeuble où elle demeurait.

[79] Elle affirme que c’est Jimmy Tsakalis qui s’occupait de laver les escaliers, les fenêtres, les corridors. C’est lui qui s’occupait des déchets et couper le gazon.

[80] Elle a dit que pendant une période de un à deux mois, un M. Marquis, un autre locataire, aurait fait certains travaux de maintenance, mais elle ne voyait pas d’autres personnes. S’il y avait des travaux de peinture à effectuer, il y avait quelqu’un d’engagé pour cela.

[81] Elle a mentionné que les travaux d’entretien faits par Jimmy Tsakalis, s’effectuaient en soirée.

[82] Elle n’a jamais vu l’appelante Théodora Lambropoulos sur les lieux effectuant des travaux d’entretien.

[83] En 1992 et 1993, l’appartement numéro 9 se situe de biais avec son logement le numéro 7, qui se trouve au deuxième étage.

[84] Elle ne connaît pas l’appelante Paraskevi Hadjinikita.

[85] Elle admet qu’elle n’a pas vérifié tous les étages, à tous les jours afin de s’assurer de l’identité des gens qui travaillaient dans l’immeuble.

[86] Ce qu’elle dit cependant, c’est que lorsqu’elle entre dans le garage avec sa voiture, elle doit passer devant la salle de lavage et le sous-sol afin d’atteindre son logement. Lorsqu’elle entre à pied par l’entrée du rez-de-chaussée, elle ne peut savoir ce qui se passe au sous-sol ou dans le garage.

[87] Elle dit que la plupart du temps, elle utilise sa voiture et doit entrer par le garage et le sous-sol.

[88] Elle n’est jamais entrée à l’appartement numéro 9, mais elle est déjà allée à l’appartement numéro 3.

[89] Un des frères de Jimmy Tsakalis, demeure depuis 7 ou 8 ans à l’appartement numéro 3 du 1490 Painter Circle.

[90] Elle dit qu’il n’y a pas souvent de déménagement dans l’immeuble. Les locataires ne changent pas souvent. Il y a “peu de roulement dans les loyers”.

[91] Elle est venue à la Cour à la suite de la réception d’un subpeona. Elle avait été interrogée auparavant par un enquêteur de DRHC.

Témoignage de Daniel Desgroseillers

[92] Il est un enquêteur senior de DRHC.

[93] Il a produit le relevé d’emploi de l’appelante, Theodora Lambropoulos.

[94] Il a écrit la déclaration statutaire de l’appelante, Theodora Lambropoulos, le 13 février 1996 (Pièce I-1). La fille de l’appelante était présente à l’entretien et traduisait les questions de l’enquêteur et les réponses de l’appelante. Le tout a été consigné dans le document pièce I-1.

[95] Il a relaté avoir enquêté sur 15 à 20 employés du payeur.

[96] Il a rencontré les deux appelantes. Il a tenté de rencontrer le payeur. Celui-ci n’a jamais voulu le rencontrer.

[97] Il a produit un tableau (pièce I-6) démontrant les périodes de travail des personnes qui avaient produit à DRHC des relevés d’emploi pour du travail fait chez le payeur, soit comme secrétaire ou comme concierge.

[98] Il a remarqué que la raison de la cessation de travail sur tous les relevés d’emploi était “manque de travail”.

[99] Il est allé sur les lieux pour faire des vérifications de l’immeuble.

[100] Il a produit la déclaration statutaire de l’appelante Paraskevi Hadjinikita datée du 24 juillet 1995 (pièce I-2) qui se lit comme suit :

“Mme Hadjinikita s’est identifiée avec sa carte d’assurance-maladie et sa carte d’assurance sociale Potp. 5151-1910-(99-01). Mme Hadjinikita a obtenu cet emploi par la radio grecque ou le journal, elle ne se souvient pas exactement. Elle occupait un emploi de secrétaire à raison de 25 à 30 heures semaine et souvent il y avait des journées que je n’entrais pas travailler, je répondais au téléphone (peu occupé) et je faisais de la traduction de documents en grecque pour Jimmy Tsakalis. Je faisais quelques fois de l’addition de factures. Je communiquais rarement avec le comptable. Je travaillais sur la rue Painter à l’appartement 6 ou 9 et il n’y avait pas de lit, c’était seulement un bureau d’affaire. Je recevais les téléphones pour prendre les commandes pour le nombre d’employés requis de la Cie. pour effectuer les contrats de maintenance à ma connaissance il y avait un concierge dans l’édifice car je voyais un homme fréquemment venir dans l’édifice, il parlait avec Jimmy. J’ai arrêté de travailler en juillet pour les vacances et je ne suis pas retournée par après. Je n’avais pas de contrat avec les locataires. J’ai travaillé au 1490 Painter. Je ne connaissais pas M. Tsakalis avant d’obtenir cet emploi. Je ne connaissais pas non plus sa famille.

Je ne connaissais pas la comptable ou sa famille. Je n’ai jamais fait de travail de maintenance pour lui seulement du travail de secrétaire.”

Témoignage de Francine Perreault

[101] Francine Perreault est l’agente d’opposition de l’intimé.

[102] Elle a fait enquête et déposé ses rapports (pièces I-7 et I-8) concernant les deux appelantes.

[103] Elle a rencontré Mickael Tsakalis, le président du payeur, le 6 mars 1997.

[104] Il a décrit les tâches des personnes qui auraient été embauchées soit pour effectuer des travaux d’entretien ou pour du travail de secrétaire tel que stipulé à la pièce I-7, page 6, aux paragraphes 3 et 4 comme suit :

“Les travailleurs embauchés à l’entretien effectuaient les tâches suivantes :

pendant la saison estivale : couper le gazon, la haie, balayer le trottoir, ramasser les papiers et s’occuper des fleurs. Ils devaient nettoyer les bâtisses soit les tuiles sur les murs, les fenêtres et l’intérieur des appartements vacants. Les hommes ont en plus de nettoyer, effectuer la peinture des balcons et des appartements vacants. La seule femme à avoir effectué de la peinture est Férial Abuzahr qui a peut-être en une occasion peinturé les armoires d’un appartement vacant puisqu’elle demeurait dans la bâtisse.

Il a aussi embauché 2 secrétaires. Le bureau était situé au 1490 Painter Circle app.3. Leurs fonctions étaient de dactylographier des documents au besoin, de lire le courrier si des documents étaient acheminés par des locataires ou des compagnies et de répondre au téléphone. Elles prenaient les messages téléphoniques des locataires ainsi que des appels reçus pour Five Brothers Maintenance Ltd. Elles préparaient les chèques pour les factures. Elles avaient peu de travail. Le patron était Mickael Tsakalis. Il passait au bureau à tous les jours entre 10 minutes à 1 h. Jimmy pouvait occasionnellement passer et il vérifiait si elles avaient ou non besoin de quelques choses.”

[105] Le 2 décembre 1996, elle rencontre l’appelante Paraskevi Hadjinikita qui lui a donné la version suivante (pièce I-7, pp.10 et 11) :

“DÉCLARATION DE LA TRAVAILLEUSE :

La travailleuse a affirmé avoir été embauchée comme secrétaire.

Elle travaillait dans un bureau situé au 1480 Painter Circle app.9 au 3ième étage.

Les propriétaires sont Mickael et Jimmy Tsakalis.

Elle ne sait plus trop comment elle avait obtenu l’emploi mais affirme que cela devait être soit par une annonce classée apparaissant dans le journal Grec, par la radio Grec, par la communauté Grec ou par une annonce placée dans un dépanneur de son quartier. En entrevue elle avait rencontré Jimmy Tsakalis.

Il n’existe aucun lien de dépendance entre les parties et elle ne connaissait pas les actionnaires avant d’être engagée. Le comptable du payeur travaille pour la communauté Grec mais elle n’a été mise au courant que par la suite.

Le bureau était équipé d’un téléphone et d’une dactylo et était localisé dans le salon de l’appartement.

Elle ne possédait pas la clef et c’est Jimmy qui lui ouvrait à tous les jours.

Elle effectuait de la traduction en moyenne 1 fois par mois car Jimmy et Mickael ne lisaient pas bien le français et l’anglais. Jimmy, qui était régulièrement dans le bureau, lui demandait d’effectuer la traduction en grec de brochures de la ville concernant entre autres la sécurité (incendie) ainsi que de la traduction personnelle, etc. Le travail de traduction elle l’effectuait de sa résidence car elle possédait une dactylo qui était équipée de l’alphabet grec alors que le payeur n’en possédait pas. Elle s’occupait, aux 15 jours environ, des factures lorsqu’il y avait entre autres beaucoup d’achats de détergent. Elle prenait les messages téléphoniques qui étaient tous pour Jimmy et ne le contactait sur la pagette qu’en cas d’urgence seulement.

Elle effectuait entre 2 h à 3 h par jour de travail réel puisqu’il y avait beaucoup de temps mort et que ce n’était pas vraiment très occupé.

Son horaire était de 9 h a.m. à 4 h p.m. du lundi au vendredi et elle quittait occasionnellement les après-midi pour effectuer la traduction de chez elle. Jimmy passait au bureau à tous les jours où il y consacrait environ 50 % de son temps. Elle ne sait pas trop ce qu’il faisait mais il parlait au téléphone et il allait faire des achats. Il avait une pagette et elle pouvait le contacter par ce service ou lui téléphoner à sa résidence. Elle n’a pas eu connaissance si Jimmy travaillait ou non dans la bâtisse.

Mickael Tsakalis venait en moyenne 1 fois par mois au bureau contrairement à Jimmy qui était là à tous les jours.

Elle n’a jamais vu d’autre employé que ce soit pour l’entretien ou pour du travail de bureau.

Elle croit que le concierge était une dame mais ne sait pas à quel appartement elle habitait. Elle n’a toutefois jamais eu affaire avec un concierge.

Elle était rémunérée par chèque 1 600 $ brut mensuel ce qui représentait un salaire de 400 $ par semaine. Elle signait dans un livre lorsqu’on lui remettait son chèque.

Avant son embauche en 1988 ou 1989, elle avait travaillé pour le gouvernement provincial pour les services sociaux visant la communauté Grec.

Elle affirme que des gens l’ont vu travailler mais elle ne connaît pas leur nom puisqu’elle ne leur parlait pas et qu’elle s’occupait de ses affaires.

Elle n’a pas été mise à pied, elle a décidé 1 semaine après son retour de vacance de quitter l’emploi.

La travailleuse n’avait rien d’autre à ajouter.”

[106] Le 5 février 1997, elle a rencontré l’appelante Theodora Lambropoulos qui lui a relaté ce qui suit (pièce I-8, pp.10 et 11) :

“DÉCLARATION DE LA TRAVAILLEUSE EN DATE DU 5/2/97 :

La travailleuse était représentée par Me Ephie Tagalahis. Nous nous sommes servis de Kathy Papavasiliou comme interprète puisque la travailleuse avait de la difficulté à s’exprimer en anglais et en français.

Elle travaillait à l’entretien du 1480 et 1490 Painter Circle et son patron était Mike Tsakalis. À sa connaissance il était propriétaire de la compagnie Five Brothers et possédait les 2 bâtisses.

Elle a obtenu l’emploi car Mike Tsakalis s’est rendu avec un groupe de personnes au restaurant “Panama” où son conjoint est cuisinier et lui aurait dit qu’il cherchait des gens pour effectuer de l’entretien sur ses immeubles.

Il n’existe aucun lien de dépendance entre les parties.

Ses fonctions consistaient à laver et nettoyer les tuiles des murs à l’entrée ainsi que les murs sur chaque étage, nettoyer les rampes d’escaliers ainsi que les miroirs et les fenêtres de l’entrée, nettoyer le garage avec le boyau d’arrosage. Elle s’occupait aussi de l’extérieur et pendant la saison estivale, elle arrosait les plantes et le gazon et s’occupait de la tonte. L’automne elle ramassait les feuilles car il y avait 5 à 6 arbres sur le terrain et l’hiver elle pelletait l’entrée seulement.

Elle possédait les clefs des bâtisses ainsi que des pièces au sous-sol servant à entreposer le matériel d’entretien.

Elle travaillait dans un immeuble par jour et débutait dans l’autre seulement lorsqu’elle avait terminé. Elle ne pouvait travailler dans les 2 édifices dans la même journée car il y avait trop de travail. Elle n’avait même pas le temps de finir une bâtisse par journée de travail. Mike lui disait de prendre son temps car il tenait à ce que tout soit propre.

Elle travaillait seule. Elle voyait souvent un homme du nom de Taso peinturer dans les édifices. Elle l’a vu irrégulièrement à toutes les semaines pendant toute la période où elle a travaillé pour le payeur. Elle a aussi vu une femme, moins souvent que Taso, du nom de Tula ou Soula effectuer de l’entretien comme elle.

Elle travaillait du lundi au vendredi. Son horaire était l’après-midi, elle débutait entre 2 h et 4 h, le plus souvent vers 3 h, et finissait vers 11 h p.m. ou minuit et occasionnellement à 1 h a.m.

L’horaire avait été déterminé par Mike Tsakalis.

Mike n’était pas toujours là, elle le voyait quelque fois dans l’entrepôt mais elle ne sait pas ce qu’il faisait et elle n’a aucune idée s’il demeurait dans un des appartements. Mike lui avait toutefois dit qu’il utilisait un bureau situé au 1490 Painter Circle app.3.

Elle n’a aucune idée de la façon que le payeur s’y prenait pour contrôler le nombre d’heures effectuées car elle n’inscrivait rien à cet effet. Il lui avait simplement dit qu’elle devait travailler son 8 h par jour rien de plus.

Avant son emploi chez le payeur, en 1989 ou 1990, elle travaillait pour la compagnie d’entretien le Méridien.

La bâtisse située au 1480 Painter Circle contenait 12 ou 13 appartements alors que l’autre en contenait 14 ou 15.

Elle connaît Jimmy Tsakalis et elle n’a aucune idée s’il demeurait dans une des bâtisses. Elle ne l’a jamais vu effectuer du travail d’entretien. Elle ne connaît pas de Gorge Tsakalis.

Elle recevait une rémunération d’environ 1 500 $ par mois. Mike lui remettait le chèque en main propre ou le laissant sur le bureau du local au sous-sol.

Elle a été mise à pied par manque de travail et elle n’a aucune idée du nom de la personne qui l’a remplacée. Mike lui avait dit qu’il parlerait à son mari s’il avait du travail mais elle n’a jamais été rappelée.

Des locataires l’ont vu travailler mais elle ne connaît pas le nom de personne qui pourrait l’identifier.

La travailleuse n’avait rien d’autre à ajouter.”

[107] Après analyse de toutes les versions des personnes qu’elle a rencontrées, elle a conclu qu’il s’agissait d’un arrangement entre le payeur et les appelantes en particulier et qu’il n’existait pas de contrat de services assurable.

V- Analyse

[108] Les appelantes avaient l’obligation de démonter par une prépondérance de preuve qu’au cours des périodes en litige, il existait entre elles et le payeur un contrat de services assurable et que l’agente des appels, dans son analyse des faits, s’est trompée dans ses conclusions.

[109] Après avoir entendu les témoins dans ces appels, la Cour ne peut que constater que l’agente des appels n’avait pas beaucoup de choix devant les multiples contradictions dans les faits qu’elle a analysés.

[110] Quel était la nécessité d’embaucher l’appelante Theodora Lambropoulos en même temps que trois autres personnes pour effectuer des travaux ménagers? Pourquoi l’avoir congédiée s’il y avait toujours du travail? La preuve devant l’agente des appels était à l’effet que cette appelante n’avait jamais été vue sur les lieux à faire quoi que ce soit. La preuve devant la Cour n’a pas dissipé cette prétention de l’intimé.

[111] L’appelante Paraskevi Hadjinikita, de son propre aveu, n’avait pas assez de travail pour plus de deux à trois heures par jour. Elle n’entrait pas travailler à tous les jours.

[112] Est-ce qu’un employeur dans le cours normal des affaires et selon les lois du marché va engager une personne à raison de 1 500,00 $ par mois pour si peu de travail? De plus, la Cour ne peut écarter les contradictions entre les versions données par cette appelante aux personnes qui l’ont interrogée.

[113] De plus la preuve de Mme El Foudani a démontré que le payeur n’avait pas besoin d’une secrétaire après le congédiement de l’appelante. Mme El Foudani a reçu un relevé d’emploi mais n’a pas effectué de services.

[114] Les versions des appelantes doivent être analysées avec précaution.

[115] Les allégués de l’intimé n’ont pas été contredits et l’agente des appels avait raison de conclure comme elle l’a fait. Elle n’avait pas le choix. Les rapports sont explicites et très complets.

[116] Je fais miens les propos du procureur de l’intimé comme si récités au long.

VI- Décisions

[117] Les appels sont rejetés et les décisions rendues par le Ministre sont confirmées.

Signé à Dorval (Québec), ce 15e jour de mai 2000.

“ S. Cuddihy ”

J.S.C.C.I.

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