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Date: 19980622

Dossier: 93-692-IT-G

ENTRE :

DONOHUE ST-FÉLICIEN INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Archambault, C.C.I.

[1] Donohue St-Félicien Inc. (Donohue) conteste des avis de cotisation d’impôt sur le revenu établis par le ministre du Revenu national (ministre) à l’égard des années d’imposition 1985 et 1986. Au début de l’audience, les parties ont produit un consentement à jugement réglant l’appel à l’égard de l’année 1985. Pour ce qui est de l’année 1986, le seul point en litige consiste à déterminer si Donohue a droit à un crédit d’impôt à l’investissement (CII) à l’égard de trois chemins forestiers construits ou améliorés en 1986. Pour avoir droit au CII, ces trois chemins doivent constituer des « biens admissibles » selon la définition figurant au paragraphe 127(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi) :

« bien admissible » d’un contribuable s’entend d’un bien (à l’exclusion d’un bien d’un ouvrage approuvé et d’un bien certifié) qui est

a) un bâtiment prescrit dans la mesure où le contribuable l’a acquis après le 23 juin 1975,

b) une machine prescrite ou du matériel prescrit que le contribuable a acquis après le 23 juin 1975,

qui, avant cette acquisition, n’a été utilisé à aucune fin ni acquis pour être utilisé ou loué à quelque fin que ce soit, et [...]

Cette disposition ne vise que trois types de biens, à savoir les bâtiments prescrits, les machines prescrites et le matériel prescrit. Comme un chemin forestier ne constitue ni un bâtiment ni une machine, il ne reste que le troisième type de biens, le « matériel prescrit » . Donohue prétend que les chemins forestiers qu’elle a construits ou améliorés constituent du matériel prescrit décrit à l’alinéa 4600(2)h) du Règlement de l’impôt sur le revenu (Règlement) et qu’ils ne sont pas des chaussées qui, elles, sont exclues de cette définition. L’alinéa 4600(2)h) édicte ce qui suit :

4600(2) Sont des machines prescrites ou constituent du matériel prescrit pour l’application de la définition de « bien admissible » , au paragraphe 127(9) de la Loi, les biens amortissables suivants du contribuable qui ne sont pas déjà visés au paragraphe (1) :

[...]

h) des biens compris à l’alinéa n) de la catégorie 10, ou dans la catégorie 15, de l’annexe II (à l’exclusion d’une chaussée);

[...]

Les biens compris à l’alinéa n) de la catégorie 10 ou dans la catégorie 15 sont les suivants :

Catégorie 10

n) les biens qui ont été acquis aux fins de couper et d’enlever du bois commerçable d’une concession forestière et ne seront plus d’aucune utilité au contribuable après que tout le bois commerçable aura été enlevé de la concession à moins que le contribuable n’ait choisi d’inclure quelque autre bien de ce genre dans une autre catégorie de la présente annexe;

[...]

Catégorie 15

Les biens qui seraient compris par ailleurs dans une autre catégorie de la présente annexe et qui répondent aux conditions suivantes:

a) ils ont été acquis aux fins de la coupe et de l’enlèvement du bois marchand d’une concession forestière;

b) ils seront inutiles au contribuable une fois qu’aura été coupé et enlevé de la concession tout le bois marchand que celui-ci a le droit de couper et d’enlever.

Sont exclus de la présente catégorie:

c) les biens que le contribuable a choisi, au cours de l’année d’imposition ou d’une année d’imposition antérieure, de ne pas inclure dans la présente catégorie;

d) les avoirs forestiers.

De façon succincte, la question à trancher se résume à déterminer si les chemins forestiers sont du matériel et, si c’est le cas, s’ils sont des chaussées.

Faits

[2] Donohue est une société exploitant une entreprise forestière qui comprend la coupe et l’enlèvement du bois marchand situé dans une forêt domaniale. Dans le cadre de son entreprise d’exploitation forestière, Donohue a construit en 1986 des chemins pour permettre la coupe et l’enlèvement du bois marchand.

[3] Les coûts en capital des chemins forestiers en cause pour l’année d’imposition 1986 sont les suivants :

· le chemin Samaqua : 176 806 $

· le chemin Desautels : 258 000 $

· le chemin Libéral-Mistassini: 58 155 $

[4] Donohue a demandé à M. Rosaire Després, un ingénieur forestier diplômé de l’Université Laval, de témoigner comme expert pour décrire ce qu’est une chaussée. Le procureur du ministre a fait objection à ce que M. Després témoigne à ce titre parce que, selon ses prétentions, il est de la responsabilité de la Cour et non d’un expert de définir la portée du terme « chaussée » ( « roadway » dans la version anglaise). J’ai pris en délibéré l’objection du procureur de l’intimée et j’ai permis que chacune des parties fasse entendre son expert.

[5] Dans R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9, à la page 20, le juge Sopinka de la Cour suprême du Canada a énoncé les critères à utiliser par un juge pour décider de l’admissibilité de la preuve d’expert. Il s’agit des critères suivants :

a) la pertinence;

b) la nécessité d’aider le juge des faits;

c) l’absence de toute règle d’exclusion;

d) la qualification suffisante de l’expert.

[6] Ici, il s’agit de déterminer si le terme « chaussée » doit recevoir une acception large, soit le sens de route ou chemin, ou bien une acception plus restreinte, comme celle qu’adopte Donohue, soit le sens d'une couche de roulement sur laquelle circulent les véhicules et qui se situe entre les deux accotements. Comme ce terme se retrouve dans une disposition réglementaire s’appliquant à des biens utilisés dans l’industrie forestière, je crois utile de déterminer si le terme « chaussée » ou « roadway » peut avoir un sens particulier pour les gens de cette industrie. Il s’agit là d’un facteur qui pourrait influer sur la portée de ces termes.

[7] Les témoignages des deux experts m’ont permis d’apprendre non seulement ce que signifiait pour eux l’expression « chaussée » , mais aussi comment les chemins forestiers étaient construits. Finalement, ces témoignages ont attiré mon attention sur certains ouvrages traitant de ces choses. Je conclus donc à l'admissibilité de leurs témoignages. Il est bien évident qu'ils sont admis aux seules fins de m’éclairer et de me permettre de trancher la question en litige.

[8] Monsieur Després, l’expert de Donohue, a produit des extraits tirés du « Manuel de foresterie » publié en 1996 par Les Presses de l’Université Laval en collaboration avec l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec[1]. Dans ce manuel, on décrit de la façon suivante la structure d’un chemin forestier et je cite en entier le passage pertinent :

1.1.2 Structure d’un chemin forestier

La terminologie d’un chemin forestier distingue plusieurs éléments structuraux. Ces éléments caractérisent le chemin et dessinent sa physionomie. En voirie forestière, la nomenclature de ces éléments diffère quelque peu de celle employée par le ministère des Transports (MTQ).

La figure 2 illustre, à l’aide d’un chemin bien défini, les composantes d’un chemin forestier et la terminologie généralement utilisée en voirie forestière. Il est toutefois à noter que, pour certaines catégories de chemin, la fondation peut jouer le rôle de sous-fondation et reposer directement sur l’infrastructure. Au même titre, la couche de roulement est pratiquement inexistante en voirie forestière, la surface de roulement reposant directement soit sur la fondation, la sous-fondation ou même parfois sur l’infrastructure (ex.: chemin d’hiver).

1.1.2.1 Infrastructure

L’infrastructure est définie comme étant l’ensemble des terrassements qui supportent la sous-fondation, la fondation et ses accotements. La limite supérieure est la ligne d’infrastructure. La « forme » est un terme couramment utilisé en forêt et, bien qu’elle soit parfois rudimentaire, elle correspond à l’infrastructure. L’expression « mise en forme » est généralement employée lorsqu’il est question de l’érection de l’infrastructure.

Même si, dans les chemins de qualité supérieure, l’infrastructure est constituée de matériaux de type minéral, il est fréquent d’utiliser un mélange de souches, et de matières organique et minérale pour les chemins de qualité inférieure.

1.1.2.2 Sous-fondation

La sous-fondation est constituée d’une couche de matériel granulaire grossier (gravier naturel) reposant sur l’infrastructure. Pour les chemins secondaires et tertiaires, il est courant que la sous-fondation joue le rôle de fondation.

1.1.2.3 Fondation

En voirie forestière, la fondation est généralement la couche de matériel qui sert de surface de roulement. Dans ce cas, les termes « chaussée » ou « couche de roulement » sont souvent utilisés pour désigner la fondation. Elle est composée parfois de gravier concassé ou de gravier naturel choisi ou tamisé.

1.1.2.4 Fossés latéraux

Les fossés latéraux sont adjacents aux courbes qui forment le chemin et ont comme rôle principal de canaliser les eaux de ruissellement provenant du chemin et de l’emprise du chemin. Ces fossés permettent d’éviter la création d’étangs stagnants et l’érosion du chemin. Ils font partie des travaux de déblai.

1.1.2.5 Fossés de décharge

Les fossés de décharge consistent principalement en des travaux d’excavation qui permettent le drainage des zones humides. Ils consistent également en des travaux de déviation et d’amélioration de l’écoulement des eaux. Ces travaux sont exécutés en dehors des fossés latéraux et débordent souvent l’emprise.

1.1.2.6 Emprise du chemin

L’emprise du chemin est la bande de terrain nécessaire aux travaux de construction du chemin; elle correspond habituellement au corridor déboisé.

[9] Monsieur Després a affirmé que « chaussée » a toujours désigné, dans le domaine de l’exploitation forestière, la couche de roulement constituant la surface d’un chemin sur laquelle circulent les véhicules :

Considérée dans sa largeur, la chaussée constitue la partie centrale du chemin. Elle est délimitée de chaque côté par un accotement.

Considérée dans son épaisseur, la chaussée est constituée de la couche de matériaux d’une granulométrie appropriée qui est mise en place pour assurer une circulation confortable.

[Je souligne.]

[10] Monsieur Dominique Parent, le témoin expert du ministre, est un ingénieur forestier qui travaille pour le ministère des Ressources naturelles du Québec à la Direction de l’assistance technique, Division des ponts et chemins forestiers. Il a exprimé l’avis suivant sur la portée du mot « chaussée » :

Au Québec, dans le langage en usage dans le secteur de la construction routière (forestière ou autre), le terme « chaussée » désigne l’ensemble des interventions ayant pour conséquence principale la modification du profil naturel du terrain en vue d’obtenir une surface de roulement, à savoir, un produit fini souvent qualifié par la largeur réservée à la circulation des véhicules.

Selon mes connaissances et mon expérience pratique dans la Division des ponts et chemins forestiers, au sein du ministère des Ressources naturelles, les travaux se rapportant au terrassement, à la préparation de l’infrastructure et la mise en place d’une couche de gravier d’environ 30 cm destinée à servir de surface de roulement sont tous des coûts relatifs à la construction d’une « chaussée » ou d’un chemin forestier.

[11] À l’appui de cette interprétation, M. Parent se fonde notamment sur le Guide de construction routière de G.-Robert Tessier, Ministère de la Voirie, Québec, 1967, où, au chapitre 9, intitulé « Terminologie » , on définit « chaussée » ( « pavement » dans sa version anglaise) comme l’ensemble d’une route comprenant le « pavage » et les accotements. De plus, il se fonde sur le Cahier des charges et devis généraux, édition 1993, publié par Les Publications du Québec. Préparé par la Direction du support aux opérations du ministère des Transports, ce Cahier des charges définit les droits et responsabilités du ministère des Transports ainsi que ceux de l’entrepreneur. Dans ce document on définit une « chaussée » comme suit :

Chaussée

La chaussée est la surface de roulement des véhicules. Elle désigne aussi l’ensemble des couches de matériaux placées au-dessus de l’infrastructure et destinées à supporter les véhicules; ces couches sont la sous-fondation, les fondations inférieure et supérieure et le revêtement.

Analyse

[12] Pour que Donohue ait droit à son CII, il est essentiel que les chemins forestiers à l’égard desquels elle a engagé des coûts constituent des biens admissibles au sens du paragraphe 127(9) de la Loi.

[13] Avant de se demander si Donohue a raison de prétendre que « matériel prescrit » comprend un chemin forestier à l'exclusion de la couche de roulement, il faut d'abord décider si le terme « matériel » comprend un chemin forestier. Répondre à cette question est essentiel parce que seuls un bâtiment, une machine et du matériel peuvent être des « biens admissibles » . Si un chemin forestier ne représente pas du matériel, alors le gouverneur en conseil ne pouvait pas en faire du matériel « prescrit » en vertu du paragraphe 127(9) de la Loi. En vertu du pouvoir que lui confère l’alinéa 221(1)a) de la Loi, le gouverneur en conseil ne peut prendre que les mesures réglementaires prévues par la Loi.

[14] Le procureur de Donohue soutient que le mot « matériel » a une acception assez large pour comprendre un chemin forestier. Comme le mot « matériel » n’est pas défini dans la Loi, il faut s’en remettre à son sens usuel. Selon Le Robert - Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (tome 4, Paris, Société du Nouveau Littré) le mot « matériel » désigne :

|| 2o Ensemble des objets, instruments, machines... utilisés dans un service, une exploitation quelconque (par oppos. au personnel). V. Équipement, et aussi Capital. Matériel d’exploitation agricole, de culture [...], d’imprimerie, de laboratoire, de bureau. Matériel moderne [...]. Matériel de fortune [...]. Compte « matériel » dans la comptabilité d’une entreprise (V. Équipement, mobilier, outillage). Amortissement du matériel. Chef du matériel [...]. — Rassembler des tonnes de matériel en vue d’une expédition [...] polaire.

[15] Un chemin forestier n'est pas un « instrument » ni une « machine » . Toutefois, le procureur de Donohue soutient qu'un chemin forestier est un « objet » , mot qui est ainsi défini dans Le Robert :

|| 2o Se dit de tout ce qui est doté d’existence matérielle, et répond à une certaine destination. V. chose [...]

[16] Dans la version anglaise de la Loi l’équivalent du mot « matériel » est le mot « equipment » , défini de la façon suivante dans le Webster’s Third New International Dictionary of the English Language :

1 a: the equipping of a person or thing (the development and ~ of a library extension program) b: the state of being equipped (the institution did not spring in full maturity and ~ - J.H. Burton) 2 a: the physical resources serving to equip a person or thing (funds for building and ~ ) (the vocal ~ of a singer) (a new jail became part of the municipal ~ - Amer. Guide Series: Va.) as (1): the implements (as machinery or tools) used in an operation or activity: APPARATUS (where a tractor is standard ~) (sports ~) (2) : all the fixed assets other than land and buildings of a business enterprise (the plant, ~, and supplies of the factory) [...]

synEQUIPMENT, APPARATUS, MACHINERY, PARAPHERNALIA, OUTFIT, TACKLE, GEAR, MATÉRIEL, can signify, in common, all the things used in a given work or useful in effecting a given end. EQUIPMENT usu. covers everything, except personnel, needed for efficient operation or service, often applying also to human qualities and skills useful in this way (the marines took with them full combat equipment, including tanks, artillery, jeeps, trucks, and flamethrowers - Time) (other equipment in the park includes tables, benches, and playground apparatus[...])

[Je souligne.]

[17] Je ne crois pas qu’il faille adopter un sens aussi large que celui qu’avance le procureur de Donohue. D’abord, il est important pour déterminer la portée d’une expression de bien saisir le contexte dans lequel cette expression est utilisée. Dans la définition de l’expression « bien admissible » au paragraphe 127(9) de la Loi, on note que la Loi crée une distinction entre bâtiment, machine et matériel. Si l'on adoptait le sens large proposé par le procureur de Donohue, il aurait été inutile de stipuler que les biens admissibles pouvaient comprendre un bâtiment ou une machine. En tout cas, il n'aurait pas été nécessaire d'utiliser deux alinéas distincts pour décrire ces biens admissibles, l’un pour les bâtiments prescrits et l’autre pour une machine prescrite ou du matériel prescrit [2].

[18] De plus, je ne crois pas que, pour l’homme de la rue, l’expression « matériel » comprenne un chemin de terre ou de gravier. Il est intéressant de noter que dans le Webster on note que le mot « equipment » peut avoir un sens de plus ou moins grande portée. Ainsi, il signifie un « implement » (qui se traduit en français par « outil » ou « instrument » ) comme de la machinerie ou des outils. Il peut aussi signifier tout actif immobilisé à l’exception d’un terrain ou d’un bâtiment d’une entreprise[3]. À mon avis, le mot « matériel » utilisé dans la définition de l’expression « bien admissible » ne comprend pas les bâtiments qu’une société utilise dans l’exploitation de son entreprise et ne comprend pas non plus les terrains, ni les chemins qui y sont construits. En conclusion, je ne crois pas que le gouverneur en conseil ait pu inclure les chemins forestiers dans le « matériel prescrit » . En conséquence, les chemins forestiers de Donohue ne sont pas des biens admissibles pour les fins du CII.

[19] Même si ma conclusion relativement à la portée du mot « matériel » était mal fondée et que les chemins forestiers devaient être assimilés à du matériel, je conclurais que les chemins forestiers ne sont pas du « matériel prescrit » parce qu’ils sont des chaussées et de ce fait exclus de la définition de « matériel prescrit » à l'alinéa 4600(2)h) du Règlement. Le mot « chaussée » , tel que l’ont confirmé les deux experts, peut avoir un sens large et des sens plus étroits. Selon son sens large, ce mot est synonyme de « chemin » . Selon son sens le plus étroit, le mot « chaussée » signifie la mince couche de roulement située entre les accotements du chemin. Dans ce dernier cas, il ne comprend ni les infrastructures sur lesquelles repose cette couche de roulement ni les accotements.

[20] Je ne crois pas que le sens étroit proposé par Donohue respecte l'esprit de la Loi et du Règlement. Si le gouverneur en conseil voulait qu’un chemin forestier constitue du matériel prescrit, pourquoi se serait-il donné la peine d'exclure la couche de roulement? Comme on l'a vu dans l'exposé des faits, dans la plupart des cas cette couche de roulement est pratiquement inexistante en voirie forestière. Pourquoi avoir voulu exclure une partie du chemin qu'on ne retrouve pas habituellement? Ce résultat m’apparaît absurde. Je ne vois aucune raison valable de politique fiscale de rendre admissible un chemin forestier à l'exclusion de sa couche de roulement.

[21] Cette conclusion serait encore plus évidente, si l’on adoptait comme sens du mot « chaussée » celui de « fondation » (voir l.l.2.3 de l’extrait du Manuel de foresterie cité au paragraphe 8). Dans pareil cas, serait exclue du « matériel prescrit » la fondation du chemin. Comme il est courant que la sous-fondation joue le rôle de fondation, les seules parties du chemin forestier qui pourraient constituer du « matériel prescrit » seraient les accotements et les fossés latéraux. Pourquoi alors exclure la fondation mais pas les accotements et les fossés latéraux? Cela n’a pas de sens.

[22] Si l'on adoptait l'interprétation défendue par Donohue, cela pourrait amener aussi des problèmes d'application inutiles. En effet, dans certains cas, il pourrait être difficile de séparer les coûts afférents à l'infrastructure d'un chemin et ceux afférents à la construction de la couche de roulement. À partir de quelle « granulométrie appropriée » considère-t-on qu'il existe une couche de roulement? Ici, le procureur de Donohue soutient que les chemins forestiers n'avaient pas été recouverts d'une couche de roulement et que tous les coûts engagés se rapportaient à un chemin forestier, à l'exclusion d'une couche de roulement.

[23] Je n'ai aucune hésitation à adopter le sens large du mot « chaussée » et à conclure que ce mot est synonyme de « chemin » pour les fins de l'alinéa 4600(2)h) du Règlement.

[24] Pour ces motifs, l'appel de Donohue pour l'année d'imposition 1986 est rejeté, avec dépens en faveur du ministre. L’appel à l'égard de l'année 1985 est accueilli et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les termes du consentement à jugement produit par les parties.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juin 1998.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.



[1]           Il faut mentionner que M. Després a eu le privilège de participer avec quelques autres ingénieurs forestiers à la rédaction du chapitre portant sur la voirie forestière.

[2]           Dans la définition du dictionnaire du mot matériel, « objet » ne peut avoir le sens large que lui donne Donohue. Sinon il aurait été inutile de parler d’ « instrument » ou de « machine » . Je crois que le mot « objet » doit avoir un sens plus restreint et l'objet visé par cette définition doit être de la même nature que les autres biens mentionnés dans la définition. Un chemin forestier n'est pas de la même nature qu'un instrument ou une machine.

[3]           La preuve n’a pas révélé si Donohue a inclus dans son bilan, sous la rubrique « matériel et outillage » , ses chemins forestiers. Toutefois, je serais fort surpris que tel eût été le cas. Mais, même si Donohue avait inclus ses chemins forestiers sous cette rubrique, cela n’aurait pas été déterminant en ce qui concerne ce litige.

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