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Date : 19971114

Dossier : 97-824-GST-I

ENTRE :

EQUINOX REALTY LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(rendus oralement à l'audience à Calgary (Alberta) le 31 octobre 1997)

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] L'appel en instance concerne la taxe sur les produits et services (la “TPS”). L'entreprise de l'appelante consiste à mettre en valeur de vieux immeubles. L'appelante achète de vieux immeubles, les rénove, puis les loue. En 1992, l'appelante avait loué certains locaux à Jennifer et Anthony Clarke, qui exploitaient une entreprise, soit un restaurant, connue sous le nom de “Jennifer's Jamaican Cuisine” (ci-après appelée la “JJC”). En 1993, l'appelante avait convenu avec Jennifer et Anthony Clarke que des rénovations majeures seraient faites aux locaux de la JJC. Dans l'esprit de l'appelante, il était entendu que les Clarke paieraient les rénovations. Le 18 octobre 1993 ou vers cette date, l'appelante avait, par messager, envoyé à Jennifer Clarke un état de compte provisoire (pièce A-1) énumérant divers contrats ainsi que d'autres travaux qui avaient été exécutés pour la JJC. Selon la pièce A-1, la somme due par la JJC était de 58 876,45 $, y compris 3 851,73 $ de TPS.

[2] Peu après la livraison de l'état de compte, Jennifer Clarke avait informé l'appelante qu'elle n'était pas redevable de cette somme. Après quelques discussions tenues à ce sujet avec Jennifer et l'avocat de cette dernière, le président de l'appelante (M. Lionel Ravvin) avait acquis la conviction que Jennifer et Anthony Clarke n'avaient nullement l'intention de payer les 58 876,45 $ ou une partie quelconque de cette somme. M. Ravvin avait alors une décision commerciale à prendre. Il pouvait essayer de faire recouvrer le compte et probablement perdre ainsi la JJC comme locataire ou laisser le compte inactif et probablement garder ainsi la JJC comme locataire. M. Ravvin avait décidé que l'appelante ne ferait aucune tentative pour recouvrer le compte. Le compte avait simplement été laissé en suspens. M. Ravvin a témoigné qu'il avait pris cette décision parce qu'il pensait que Jennifer et Anthony Clarke n'avaient pas de fonds ni d'autres actifs pour payer le compte et qu'il jugeait préférable d'avoir comme rentrée d'argent régulière le loyer de la JJC, soit un loyer d'environ 5 100 $ par mois.

[3] La décision de ne pas faire recouvrer le compte avait été prise par l'appelante, par l'intermédiaire de M. Ravvin, vers le début de novembre 1993, soit deux ou trois semaines après que l'état de compte fut pour la première fois livré à Jennifer Clarke. Comme cette décision avait été prise si rapidement après la livraison de l'état de compte, le compte n'avait pas été inscrit dans les livres et registres de l'appelante. D'après ce que je crois comprendre du témoignage de M. Ravvin, ce compte n'avait pas été inscrit dans les comptes clients de l'appelante. Il était resté inactif ou en suspens, mais l'appelante n'avait pas renoncé à la créance ou n'avait pas émis une note de crédit ou quelque autre document indiquant à Jennifer et Anthony Clarke qu'ils n'étaient pas redevables de la somme correspondant à cette créance.

[4] Bien que n'ayant jamais payé à l'appelante une partie quelconque des 58 876,45 $, la JJC avait demandé un crédit de taxe sur les intrants de 3 851,73 $ pour sa période de déclaration de TPS allant du 1er octobre au 31 décembre 1993. En janvier 1995, Revenu Canada avait effectué une vérification auprès de la JJC aux fins de la TPS et avait appris que le compte établi par l'appelante (pièce A-1) n'avait pas été payé. Mme Debra Parkyn, soit la personne ayant fait cette vérification, avait alors contacté par téléphone M. Ravvin et la teneuse de livres de l'appelante, Mme Ester Evin, pour savoir pourquoi le compte n'avait pas été payé. M. Ravvin avait dit à Mme Parkyn que l'appelante n'avait pas déclaré la somme de 3 851,73 $ de TPS se rapportant au compte parce que cette somme n'avait pas été perçue. Mme Evin avait dit à Mme Parkyn que l'appelante pourrait ultérieurement radier le compte si elle décidait qu'il s'agissait d'une créance irrécouvrable. Mme Parkyn a témoigné qu'elle avait téléphoné à l'appelante simplement parce qu'elle craignait que le compte ne soit jamais payé. Elle a également dit qu'elle était certaine d'avoir expliqué à M. Ravvin ou à Mme Evin qu'il lui faudrait accorder le crédit de taxe sur les intrants à la JJC parce que l'appelante ne considérait pas le compte comme une créance irrécouvrable.

[5] Le 26 janvier 1995, Mme Evin avait envoyé à Mme Parkyn une lettre (pièce R-1) à laquelle était jointe une copie de l'état de compte que l'appelante avait envoyé à Jennifer et Anthony Clarke. La lettre de Mme Evin à Mme Parkyn se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Pour faire suite à notre conversation téléphonique d'aujourd'hui, je vous fais parvenir ci-joint l'état de compte provisoire en date du 18 octobre 1993 envoyé à Jennifer et Anthony Clarke.

On nous a dit à peu près en même temps que cette question faisait l’objet d’un différend; c’est encore le cas, et ce compte n'a pas été payé.

Le 8 février 1995, Revenu Canada avait établi un avis de nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante pour la période de déclaration allant du 1er octobre au 31 décembre 1993, soit une cotisation de TPS de 3 851,73 $, plus 212,70 $ d'intérêt et 249,67 $ de pénalité. L'appelante interjette appel de cette cotisation et demande une déduction pour créance irrécouvrable en vertu du paragraphe 231(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la “loi relative à la TPS”). Un certain nombre de dispositions de la loi relative à la TPS ont une incidence sur l'appel en instance. Le paragraphe 221(1) dit :

221(1) La personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, percevoir la taxe payable par l'acquéreur en vertu de la section II.

Cette disposition exigeait que l'appelante perçoive la TPS auprès de la JJC au titre des rénovations faites au cours de l'été et de l'automne 1993. La TPS faisait partie de l'état de compte figurant sous la cote A-1, bien qu'aucune partie du compte n'ait jamais été payée. Le début du paragraphe 169(1) se lit comme suit :

169(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d'une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu'elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable :

[...]

La formule est omise parce qu'elle n'est pas pertinente. Il est toutefois à noter qu'une personne a droit à un crédit de taxe sur les intrants si, durant “sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, [...] la taxe relative à la fourniture [...] devient payable [...]”. Il n'est pas nécessaire que la taxe soit “payée” pour qu'un crédit de taxe sur les intrants soit accordé; il suffit que la taxe soit payable. Lorsque l'état de compte (pièce A-1) a été livré, la JJC a acquis un crédit de taxe sur les intrants si elle était redevable de la somme en cause, même si elle n'avait nullement l'intention de payer cette somme.

[6] Il ressort du témoignage de Mme Parkyn que la JJC a demandé le crédit de taxe sur les intrants et que celui-ci a été accordé après la vérification de Mme Parkyn. Une cotisation a été établie à l'égard de l'appelante pour les trois derniers mois de 1993, soit une cotisation de TPS d'un montant correspondant à celui du crédit de taxe sur les intrants demandé par la JJC pour les trois derniers mois de 1993. Il s'agit du montant de la TPS qui avait été inclus par l'appelante dans son état de compte (pièce A-1) au titre de la fourniture de rénovations, mais qui n'avait pas été déclaré, parce que l'appelante avait décidé si rapidement de ne pas chercher à recouvrer le compte. La question est de savoir si l'appelante a droit à une déduction en vertu du paragraphe 231(1), qui dit :

231(1) La personne qui effectue une fourniture taxable, sauf une fourniture détaxée, pour une contrepartie au profit d'un acquéreur avec lequel elle n'a aucun lien de dépendance peut, dans la mesure où il est établi que tout ou partie de la contrepartie et de la taxe payable relativement à la fourniture est devenu une créance irrécouvrable, déduire, dans le calcul de la taxe nette pour sa période de déclaration où elle radie la créance de ses livres comptables ou pour une période de déclaration postérieure, le résultat du calcul suivant, à condition qu'elle indique la taxe percevable relativement à la fourniture dans la déclaration qu'elle produit aux termes de la présente section pour la période de déclaration au cours de laquelle la taxe est devenue percevable et verse la totalité de la taxe nette qui est à verser selon cette déclaration :

A x B/C

où :

A = la TPS relative à la fourniture

(formulation adaptée);

B = la contrepartie, la taxe et la taxe provinciale applicable qui demeurent impayées et qui ont été radiées à titre de créances irrécouvrables (formulation adaptée);

C = la contrepartie, la taxe et la taxe provinciale applicable (formulation adaptée).

[7] À mon avis, l'appelante ne peut avoir gain de cause dans l'appel en instance parce qu'elle n'a pas satisfait à la condition de base énoncée au paragraphe 231(1), qui, par ailleurs, pourrait permettre la déduction. Cette condition de base est énoncée comme suit, dans les quelques lignes qui précèdent immédiatement la formule :

[...] à condition qu'elle indique la taxe percevable relativement à la fourniture dans la déclaration qu'elle produit aux termes de la présente section pour la période de déclaration au cours de laquelle la taxe est devenue percevable et verse la totalité de la taxe nette qui est à verser selon cette déclaration [...]

M. Ravvin a été très franc en disant que l'appelante n'avait pas déclaré la taxe percevable relativement à la pièce A-1 pour les trois derniers mois de 1993 et qu'elle n'avait pas versé la taxe parce qu'elle avait pris la décision commerciale de laisser le compte en suspens et de ne pas chercher à en faire recouvrer le montant.

[8] Mis à part le fait que l'appelante a omis de déclarer la taxe et de verser la taxe, ce qui l'empêche de s'appuyer sur le paragraphe 231(1), je suis convaincu, sur la foi du témoignage de Mme Parkyn et du témoignage de M. Ravvin, que le montant du compte figurant dans la pièce A-1 n'a pas été radié par l'appelante en janvier 1995. Même à l'audition de l'appel en instance, M. Ravvin a déclaré que, bien qu'étant convaincu que Jennifer et Anthony Clarke n'avaient pas assez d'actifs pour payer le compte, il s'était dit qu'ils gagneraient peut-être à la loterie. Les Clarke n'avaient reçu aucune note de crédit ou autre document indiquant que l'on avait renoncé à la créance; de plus, l'appelante n'avait pas radié la créance de ses livres et registres, ayant si rapidement décidé — vers le début de novembre 1993 — de ne pas inscrire comme créance le montant figurant dans la pièce A-1.

[9] Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de mai 1998.

Benoît Charron, réviseur

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