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Date: 20001020

Dossier: 1999-3842-GST-I

ENTRE :

COLETTE LEPAGE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (“ Ministre ”) en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (“ Loi ”) par laquelle un montant de 9 800 $ a été cotisé au titre de la taxe sur les produits et services (“ TPS ”) sur la vente d'un terrain.

[2] Les faits ne sont pas contestés par les parties et peuvent se résumer ainsi :

1. Le 7 mars 1996, une convention d'achat-vente est intervenue concernant la vente d'un terrain vacant dans la province de l'Ontario. Cette convention a été signée par Yvon Lepage (conjoint de l'appelante) au nom du vendeur. Le terrain était détenu par l'appelante, tel qu'il appert de l'acte de vente déposé sous la pièce A-2.

2. Le terrain est subdivisé en six (6) lots.

3. Cette convention d'achat-vente est conditionnelle à ce que :

i) le lotissement soit complété par la municipalité avant la date de la conclusion de la transaction;

ii) le vendeur assure à l'acheteur un droit d'approvisionnement en sable; et

iii) l'acheteur obtienne son financement.

4. Les parties à cette convention d'achat-vente n'ont renoncé à aucune de ces conditions.

5. Il est stipulé au paragraphe 5 de la convention d'achat-vente que la vente doit être complétée le ou avant le 15 juillet 1996 et que la possession sera remise à l'acquéreur une fois la vente complétée.

6. Le paragraphe 10 spécifie que le vendeur demeure responsable, jusqu'à la date de la conclusion de la vente, de certaines dépenses ayant trait entre autres, aux impôts fonciers, taxes d'eau et d'égoûts.

7. Le paragraphe 13 prévoit que le vendeur assume les risques jusqu'à la conclusion de la vente.

8. Faute de financement, la vente n'a pas été complétée le 15 juillet 1996.

9. Par consentement, la date de conclusion de la vente a été repoussée au 29 août 1996.

10. L'acheteur n'est pas inscrit aux fins de la TPS.

11. Le vendeur n'est pas inscrit aux fins de la TPS.

[3] Aucun montant au titre de la TPS n'a été prélevé au moment de la vente puisque les parties au contrat croyaient qu'il s'agissait de la vente d'une fourniture exonérée. De fait, la fourniture par vente d'un immeuble effectuée par un particulier fait normalement partie des fournitures exonérées aux termes du paragraphe 9(2) de la partie I de l'annexe V de la Loi.

[4] Toutefois, sont exclues des fournitures exonérées depuis le 24 avril 1996, la fourniture de lots subdivisés en plus de deux parties. On retrouve cette disposition à l'alinéa 9(2)c) de la partie I de l'annexe V de la Loi, laquelle se lit comme suit :

ANNEXE V

FOURNITURES EXONÉRÉES

PARTIE I

IMMEUBLES

Art. 9. [Vente d'un immeuble par un particulier ou une fiducie].

...

(2) La fourniture par vente d'un immeuble, effectuée par un particulier ou une fiducie personnelle, à l'exclusion des fournitures suivantes:

...

c) la fourniture d'une partie de parcelle de fonds de terre, laquelle parcelle a été subdivisée ou séparée en parties par le particulier, la fiducie ou l'auteur de la fiducie, sauf si, selon le cas:

(i) la parcelle a été subdivisée ou séparée en deux parties et n'est pas issue d'une subdivision effectuée par le particulier, la fiducie ou l'auteur ou n'a pas été séparée d'une autre parcelle de fonds de terre par l'un d'eux,

(ii) l'acquéreur de la fourniture est un particulier lié au particulier ou à l'auteur, ou est son ancien conjoint, et acquiert la partie pour son usage personnel;

Historique: ...

b) l'alinéa 9(2)c) de la partie I de l'annexe V, tel qu'ajouté, ne s'applique pas aux fournitures d'immeubles effectuées avant le 24 avril 1996.

[5] La question en litige est donc de déterminer à quel moment a eu lieu la vente de l'immeuble. A-t-elle eu lieu au moment de la signature de la convention d'achat-vente, le 7 mars 1996, tel que le prétend l'appelante, auquel cas la vente du terrain vacant tombait encore sous le coup d'une fourniture exonérée? Ou a-t-elle eu lieu au moment où la vente a été complétée, le 29 août 1996, tel que le prétend l'intimée, auquel cas la vente du terrain subdivisé en plusieurs lots était devenue une fourniture taxable aux termes de la Loi?

[6] Je dois souligner tout d'abord, que la convention d'achat-vente n'a pas été signée par l'appelante, laquelle était la propriétaire enregistrée du terrain vendu. C'est son mari, monsieur Yvon Lepage, qui a signé la convention d'achat-vente. Aucune indication n'y apparaît qu'il agissait comme mandataire, et l'appelante n'a pas témoigné à l'audition. Seul monsieur Lepage a témoigné. Selon lui, il est clair qu'il agissait pour le compte de l'appelante et d'ailleurs l'appelante a reconnu cette autorité en signant l'acte de cession au mois d'août 1996. Bien que je pourrais peut-être considérer que monsieur Lepage agissait selon un mandat implicite du fait que l'appelante a signé ultimement l'acte de cession, je ne m'attarderai pas sur ce point puisque de toute façon j'en viens à la conclusion dans l'analyse qui suit, que la vente n'a pas été conclue avant le mois d'août 1996 pour les fins de l'application de la Loi. La question du mandat devient donc secondaire.

[7] Pour étayer sa thèse que la vente a eu lieu dès la signature de la convention d'achat-vente, l'appelante s'appuie sur une certaine jurisprudence qui a établi qu'une convention d'achat-vente d'un terrain crée une fiducie en faveur de l'acquéreur. L'acquéreur devient ainsi le propriétaire en equity du terrain dès ce moment et le vendeur en devient le fiduciaire pour l'acheteur.

[8] La relation contractuelle existante en common law entre un vendeur et un acquéreur d'un bien immobilier a été analysée dans l'affaire Lysaght v. Edwards (1876), 2 Ch. D. 499, aux pages 505-506 :

JESSEL, M.R. (at 506): It appears to me that the effect of a contract for sale has been settled for more than two centuries; certainly it was completely settled before the time of Lord Hardwicke, who speaks of the settled doctrine of the Court as to it. What is that doctrine? It is that the moment you have a valid contract for sale the vendor becomes in equity a trustee for the purchaser of the estate sold, and the beneficial ownership passes to the purchaser, the vendor having a right to the purchase-money, a charge or lien on the estate for the security of that purchase-money, and a right to retain possession of the estate until the purchase-money is paid, in the absence of express contract as to the time of delivering possession. . . . Now, what is the meaning of the term "valid contract"? "Valid contract" means in every case a contract sufficient in form and in substance, so that there is no ground whatever for setting it aside as between the vendor and purchaser – a contract binding on both parties. As regards real estate, however, another element of validity is required. The vendor must be in a position to make a title according to the contract, and the contract will not be a valid contract unless he has either made out his title according to the contract or the purchaser has accepted the title, for however bad the title may be the purchaser has a right to accept it, and the moment he has accepted the title, the contract is fully binding upon the vendor.

[TRADUCTION]

Le juge JESSEL, maître des rôles (à la page 506) : Il me semble que la question de l'effet d'un contrat de vente est réglée depuis plus de deux siècles : à coup sûr, elle a été complètement réglée avant l’époque de Lord Hardwicke, qui parle de la doctrine établie de la Cour à ce sujet. Quelle est cette doctrine? Dès qu’il existe un contrat de vente valide, le vendeur devient en equity fiduciaire pour le compte de l’acquéreur du bien vendu, et la propriété effective est transmise à l'acquéreur, le vendeur ayant droit à la contrepartie, à une charge ou à un privilège sur le bien à titre de garantie du paiement de cette contrepartie et le droit de conserver la possession du bien tant que la contrepartie n’est pas versée, en l’absence de contrat exprès stipulant le moment de la prise de possession. [...] Quel est donc le sens de l'expression “ contrat valide ”? Le “ contrat valide ” s'entend dans tous les cas du contrat dont la forme et le fond éliminent toute possibilité d'opposer quelque motif d'annulation au vendeur et à l'acquéreur - un contrat ayant force exécutoire à l'égard des deux parties. Lorsqu'il s'agit d'un bien immobilier, cependant, la validité du contrat repose sur un autre critère. Le vendeur doit être en mesure d'établir un titre conformément au contrat, lequel ne sera valide que si le vendeur satisfait à cette condition ou que l'acquéreur accepte le titre car, quand bien même il ne serait pas valable, l'acquéreur a le droit de l'accepter, dans lequel cas le contrat est parfaitement exécutoire à l'égard du vendeur.

[9] Dans l'affaire Buchanan and James v. Oliver Plumbing (1959), 18 D.L.R. (2d) 575, la Cour d'appel de l'Ontario atténuait les effets d'une convention d'achat-vente en ces termes à la page 579 :

In Cornwall v. Henson, [1899] 2 Ch. 710 at p. 714 Cozens-Hardy J. pointed out that to state that the effect of a contract for the sale of land was to make the owner the purchaser of the land in equity from that moment was to state the proposition too broadly. He expressed a qualification of that principium in these words: "The doctrine is subject to one obvious qualification – namely, that the contract is one of which the Court under the circumstances will decree specific performance. For instance, if the vendor is not in a position to obtain a decree for specific performance, whether by reason of some defect in title or by reason of some collateral misrepresentation, the purchaser never was in the view of the Court, owner in equity of the property. So, too, if by reason of delay or other circumstances the Court declines to grant to the purchaser specific performance, the purchaser is not treated as being in equity owner of the property."

[TRADUCTION]

Dans l'affaire Cornwall v. Henson, 1899 2 Ch. 710, à la page 714, le juge Cozens-Hardy a souligné que la proposition, selon laquelle à la conclusion d'un contrat de vente d'un bien-fonds l'acquéreur concerné devient dès lors le propriétaire en equity de ce bien-fonds, est trop générale. Il a apporté la réserve suivante au principe :

La doctrine est assujettie à une réserve évidente, à savoir que le contrat doit être de ces contrats dont, eu égard aux circonstances, la Cour ordonnera l'exécution en nature. Ainsi, si le vendeur n'est pas en mesure d'obtenir un jugement ordonnant l'exécution en nature soit du fait d'un vice du titre ou d'une fausse représentation accessoire, l'acquéreur n'a jamais été, de l'avis de la Cour, le propriétaire en equity du bien en cause. En outre, si, du fait du retard ou d'autres circonstances, la Cour refuse d'ordonner l'exécution en nature du contrat en faveur de l'acquéreur, ce dernier n'est pas non plus traité comme le propriétaire en equity du bien en cause.

[10] Ainsi, l'intimée soutient qu'une fiducie serait créée en faveur de l'acquéreur par la convention d'achat-vente seulement si une cour d'equity, eu égard à toutes les circonstances, reconnaîtrait l'exécution en nature du contrat, c'est-à-dire, qu'elle obligerait une personne à s'exécuter en vertu des termes du contrat. L'intimée fait référence aux décisions suivantes :

Howard c. Miller, (1915) A.C. 318, à la p. 326

Robinson c. Moffat (1916) 37 O.L.R. 52 (C.A.)

Guest c. Cochlin, (1929) 64 OLR 165, à la p. 171 (C.A. Ont.)

Montreal Trust Co. c. Toronto, (1944) O.R. 1 (C.A.)

[11] Ainsi, par exemple, la Chambre des Lords énonce le principe suivant dans l'affaire Howard v. Miller, précitée, à la page 326 :

. . . It is sometimes said that under a contract for the sale of an interest in land the vendor becomes a trustee for the purchaser of the interest contracted to be sold subject to a lien for the purchase-money; but however useful such a statement may be as illustrating a general principle of equity, it is only true if and so far as a Court of Equity would under all the circumstances of the case grant specific performance of the contract.

[TRADUCTION]

[...] On dit parfois qu'aux termes d'un contrat de vente d'un droit sur un bien-fonds le vendeur devient fiduciaire pour le compte de l'acquéreur du droit qui, aux termes du contrat, doit être vendu pour contrepartie sous réserve d'un privilège; toutefois, aussi utile que cette déclaration puisse être aux fins d'illustrer un principe général d'equity, elle n'est véridique que si une cour d'equity, eu égard à toutes les circonstances, ordonnait l'exécution en nature du contrat.

[12] L'appelante s'appuie toutefois sur une décision du juge Bell de cette Cour dans l'affaire 277287 Alberta Ltd. c. La Reine, [1997] G.S.T.C. 44 qui entérine la position prise dans l'affaire Buchanan, précitée, voulant qu'une fiducie existe dès le moment de l'entente initiale entre les parties dès lors que le contrat est complété par la cession ultérieure de la propriété. Le juge Schroeder s'exprime ainsi dans l'affaire Buchanan à la page 4 :

. . . In these circumstances the principles enunciated by James L.J. in Rayner v. Preston (1881), 18 Ch. D. 1 at p. 13, governs not only the rights of the immediate parties to the agreement, but also the rights of the purchaser against strangers to the contract. The passage in the opinion expressed by James L.J. to which I allude, reads as follows:

I am of opinion that the relation between the parties was truly and strictly that of trustee and cestui que trust. I agree that it is not accurate to call the relation between the vendor and purchaser of an estate under a contract while the contract is in fieri the relation of trustee and cestui que trust. But that is because it is uncertain whether the contract will or will not be performed, and the character in which the parties stand to one another remains in suspense as long as the contract is in fieri. But when the contract is performed by actual conveyance, or performed in everything but the mere formal act of sealing the engrossed deeds, then that completion relates back to the contract, and it is thereby ascertained that the relation was throughout that of trustee and cestui que trust. That is to say, it is ascertained that while the legal estate was in the vendor, the beneficial or equitable interest was wholly in the purchaser. And that, in my opinion, is the correct definition of a trust estate. Wherever that state of things occurs, whether by act of the parties or by act or operation of law, whether it is ascertained from the first or after a period of suspense and uncertainty, then there is a complete and perfect trust, the legal owner is and has been a trustee, and the beneficial owner is and has been a cestui que trust.

This passage was quoted with approval by Duff J. (as he then was) in The King v. Caledonian Ins. Co., [1924], 2 D.L.R. 649 at p. 655, S.C.R. 207, at p. 213, where he pointed out that what was stated by James L.J. in the passage quoted was entirely consistent with the judgment of Lord Parker in Howard v. Miller, 22 D.L.R. 75, [1915] A.C. 318, 20 B.C.R. 230. [page 581]

Applying that principle to the facts of this case, the completion of the contract on June 20, 1957 related back to the contract itself so that on the date of the explosion, namely, April 15, 1957, there had been established a complete and perfect trust, and on that date and, indeed, on March 5, 1957, the plaintiff, Buchanan, was the trustee and the plaintiff James the beneficial owner of the property, the cestui que trust.

[TRADUCTION]

[...] Dans de telles circonstances, les principes énoncés par le lord juge James dans l'affaire Rayner v. Preston (1881), 18 Ch. D. 1, à la page 13, régissent non seulement les droits des parties au contrat, mais aussi ceux de l'acquéreur à l'encontre des tiers au contrat. Le passage des motifs du lord juge James auxquels je fais référence est le suivant :

À mon avis, la relation qui existait entre les parties était véritablement et strictement une relation fiduciaire-bénéficiaire. Je souscris à l’avis selon lequel il n’est pas exact de qualifier de relation fiduciaire-bénéficiaire la relation qui existe entre le vendeur et l’acquéreur d’un bien en vertu d’un contrat, pendant que le contrat est in fieri. Cependant, c’est parce qu’il n’est pas certain que le contrat soit exécuté, et la relation des parties l’une par rapport à l’autre demeure en suspens tant que le contrat est in fieri. Cependant, lorsque le contrat est exécuté au moyen d'une cession réelle, ou qu’il est exécuté au complet sauf en ce qui concerne la simple formalité selon laquelle les expéditions originales du contrat doivent être scellées, la conclusion remonte à la date du contrat, et il est alors établi que la relation existante a toujours été une relation fiduciaire-bénéficiaire, c’est-à-dire qu’il est établi que le vendeur détenait la propriété légale alors que l’acquéreur possédait l’intérêt bénéficiaire ou en equity. Cela, à mon avis, est la définition de fiducie qui doit être retenue. Dès que telle est la situation, que ce soit par suite d’une mesure prise par les parties ou en application de la loi, que la chose soit déterminée dès le début ou après une période d’attente ou d’incertitude, il y a alors une fiducie complète et parfaite, le propriétaire légal est et était un fiduciaire et le propriétaire effectif est et était un bénéficiaire.

Ce passage a été cité avec approbation par le juge Duff (tel était alors son titre) dans l'arrêt The King v. Caledonian Ins. Co., 1924, 2 D.L.R. 649, à la page 655, R.C.S. 207, à la page p. 213, où il a souligné que les propos du lord juge James dans le passage cité étaient parfaitement compatibles avec le jugement de lord Parker dans l'arrêt Howard v. Miller, 22 D.L.R. 75, 1915 A.C. 318, 20 B.C.R. 230. page 581

Si l'on applique ce principe aux faits de la présente affaire, la conclusion du contrat le 20 juin 1957 avait un effet rétroactif à la date d'établissement du contrat, de sorte que, lors de l'explosion le 15 avril 1957, il existait une fiducie complète et parfaite et que, à cette date et, de fait, le 5 mars 1957, le demandeur, M. Buchanan, était le fiduciaire, et le demandeur, M. James, le propriétaire effectif du bien en question, soit le bénéficiaire.

[13] Dans l'affaire 277287 Alberta Ltd., précitée, le juge Bell conclut que le fait que la convention d'achat-vente soit conditionnelle est sans importance puisque ces conditions ont été remplies et les contrats de vente finalement exécutés. Selon le juge Bell, il y a eu transfert du “ beneficial ownership ” dès la signature du contrat d'achat-vente et il considère donc que le contrat de vente rétroagit au moment de la convention d'achat-vente, date à laquelle une fiducie a été créée en faveur de l'acquéreur.

[14] L'appelante soutient que l'on doit faire la même analyse ici. La vente a pu être exécutée le 29 août 1996 lorsque toutes les conditions ont été remplies, mais la vente effective rétroagit au 7 mars 1996, au moment de la convention d'achat-vente.

[15] Par ailleurs, l'intimée soutient que dans le contexte fiscal, c'est le principe énoncé par la Cour de l'Échiquier dans l'affaire M.N.R. v. Wardean Drilling Ltd., 69 DTC 5154 qui s'applique. Selon ce principe, une propriété ne sera acquise que si le titre légal ou les attributs ordinaires du droit de propriété tels que la possession, l'usage ou le risque ont été transférés. Le juge Cattanach s'exprime ainsi à la page 5157 :

In my opinion the proper test as to when property is acquired must relate to the title to the property in question or to the normal incidents of title, either actual or constructive, such as possession, use and risk.

[TRADUCTION]

À mon avis, le critère à appliquer pour déterminer à quel moment un bien est acquis doit se rattacher au titre du bien en question ou aux attributs ordinaires du droit de propriété, qu'ils soient réels ou implicites, comme la possession, l'usage et le risque.

[16] L'intimée soutient dans le cas présent, que la convention d'achat-vente est une vente conditionnelle sujette à trois conditions : l'approvisionnement en sable, le financement et le lotissement. Selon l'intimée, les conditions ayant trait au lotissement et au financement sont des conditions suspensives, c'est-à-dire dépendant d'un événement dont le contrôle est hors de la portée des parties. Or, un contrat sujet à une condition suspensive ne devient exécutoire que si la condition a été satisfaite ou si les parties y ont renoncé. Ce principe est énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Turney et al. v. Zhilka, 1959 R.C.S. 578 à la page 583 :

. . . The obligations under the contract, on both sides, depend upon a future uncertain event, the happening of which depends entirely on the will of a third party – the Village council. This is a true condition precedent – an external condition upon which the existence of the obligation depends. Until the event occurs there is no right to performance on either side. The parties have not promised that it will occur. In the absence of such a promise there can be no breach of contract until the event does occur.

[TRADUCTION]

[...] Les obligations prévues au contrat pour les deux parties dépendent d'un événement futur dont la réalisation est entièrement subordonnée à la volonté d'un tiers, le conseil municipal. Il s'agit d'une véritable condition suspensive : une condition extérieure dont dépend l'existence de l'obligation. Jusqu'à ce que l'événement se produise, ni l'une ni l'autre partie n'a droit à l'exécution du contrat. Les parties n'ont pas promis que l'événement se produirait. En l'absence d'une telle promesse, il ne peut y avoir manquement au contrat tant que l'événement en question ne s'est pas effectivement produit.

[17] La Cour d'appel fédérale a repris cette règle dans l'affaire M.R.N. c. Imperial General Properties Ltd. (C.A.F.), [1985] 1 C.F. 344. Dans cette affaire, la convention d'achat-vente était sujette à la condition de se conformer à la Planning Act de l'Ontario. Le juge MacGuigan conclut ainsi aux pages 357-358 :

... Manifestement, la condition de se conformer à la Planning Act constitue une véritable condition suspensive au sens de l'arrêt Turney v. Zhilka, dont l'accomplissement dépendait entièrement de l'arrivée d'un événement subordonné à la volonté d'un tiers. Il ne s'agit pas d'une condition qui d'après les clauses du contrat ou d'après sa nature même pouvait faire l'objet d'une renonciation. Ainsi, jusqu'à ce que la condition ait été remplie, l'acheteur n'aurait pu demander l'exécution intégrale du contrat le 31 octobre 1968.

[18] Selon l'intimée, les attributs ordinaires du droit de propriété tels que l'usage, le risque et la possession sont demeurés du côté du vendeur jusqu'à la conclusion de la transaction, le 29 août 1996. Les parties n'auraient pu exiger l'exécution du contrat auparavant, l'accord étant sujet à des conditions suspensives. Le transfert du “ beneficial ownership ” (tel que commenté par le juge Bell dans l'affaire 277287 Alberta Ltd., précitée), s'il y a lieu, n'est pas suffisant pour reconnaître la constitution d'une vente aux termes de la Loi. L'intimée soumet que dans le cas présent, on ne peut présumer de l'existence d'une fiducie.

[19] L'intimée soutient donc qu'il n'y avait en l'espèce aucun contrat valide et exécutoire avant que les conditions suspensives intégrées à la convention d'achat-vente soient satisfaites. Or, aucune preuve n'a été apportée afin de pouvoir déterminer la date de satisfaction à ces conditions. L'intimée soutient donc que la vente a été conclue au moment de la conclusion de la transaction, le 29 août 1996.

Analyse

[20] Il ressort de la jurisprudence citée que la relation fiduciaire-bénéficiaire est le fruit d'une fiction légale qui ne prendra effet que dans la mesure où il existe un contrat valide. Tant que la relation des parties au contrat de vente demeure en suspens, on ne peut qualifier la relation entre les parties de fiduciaire-bénéficiaire. L'intérêt en equity que peut avoir l'acquéreur du bien dépend entièrement du pouvoir d'une cour d'equity d'ordonner l'exécution en nature du contrat. Je me réfère aux propos de Lord Parker dans l'affaire Central Trust and Safe Deposit Company v. Snider et al., [1916] 1 A.C. 266, à la page 272 (une affaire originant de la province de l'Ontario) :

It is often said that after a contract for the sale of land the vendor is a trustee for the purchaser. . . . But it must not be forgotten that in each case it is tacitly assumed that the contract would in a Court of Equity be enforced specifically.

If for some reason equity would not enforce specific performance, or if the right to specific performance has been lost by the subsequent conduct of the party in whose favour specific performance might originally have been granted, the vendor . . . either never was, or has ceased to be, a trustee in any sense at all. Their Lordships had to consider this point in the case of Howard v. Miller et al., in connection with the law as to the registration of titles in the province of British Columbia, and came to the conclusion that, though the purchaser of real estate might before conveyance have an equitable interest capable of registration, such interest was in every case commensurate only with what would be decreed to him by a Court of Equity in specifically performing the contract, and could only be defined by reference to the relief which the Court would give by way of specific performance.

[TRADUCTION]

On dit souvent qu'après la conclusion d'un contrat de vente d'un bien-fonds le vendeur est fiduciaire pour le compte de l'acquéreur [...] Il ne faut toutefois pas oublier que, dans chaque cas, il est implicitement tenu pour acquis qu'une cour d'equity pourrait ordonner l'exécution en nature du contrat en question.

Si, pour quelque raison que ce soit, l'exécution en nature n'est pas ordonnée par une cour d'equity ou que la partie en faveur de laquelle l'exécution en nature aurait pu initialement être ordonnée perd son droit à l'exécution en nature du fait de sa conduite subséquente, soit le vendeur [...] n'a jamais été fiduciaire, soit il a cessé de l'être et ce, peu importe le sens accordé à ce terme. Les juges ont été appelés à examiner cette question dans l'affaire Howard v. Miller et al. relativement au droit relatif à l'enregistrement des titres en Colombie-Britannique; ils en sont venus à la conclusion que, bien que l'acheteur d'un bien immeuble puisse, avant le transfert, détenir un intérêt en equity susceptible d'être enregistré, dans tous les cas, cet intérêt n'existe que dans la mesure de l'ordonnance qu'une cour d'equity rendrait en sa faveur en matière d'exécution en nature du contrat, et ne peut être défini que par renvoi à la mesure de redressement que la cour accorderait en matière d'exécution en nature.

[21] Ceci a été repris par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire The Montreal Trust Company v. The City of Toronto, [1944] O.R. 1, où il a été jugé également que c'est seulement dans la mesure où une cour d'equity ordonne l'exécution en nature du contrat que la relation fiduciaire-bénéficiaire existe. Dans cette affaire, la Cour d'appel de l'Ontario a considéré, pour les fins d'application de la taxe municipale, qu'un officier de la ville n'était pas en mesure de décréter qu'un contrat de vente était devenu exécutoire. La Cour a statué que tant que la vente n'était pas complétée, le vendeur ne pouvait être considéré le fiduciaire de la propriété faisant l'objet du contrat de vente, et ceci, pour la raison fort simple que si la vente ne se concrétisait pas, l'acheteur ne pouvait être tenu responsable du paiement de la taxe.

[22] Dans le cas qui nous préoccupe, la convention d'achat-vente portait sur des lots subdivisés et était conditionnelle entre autres à ce que la subdivision de ces lots soit complétée par la municipalité. Il s'agit bien là d'une condition suspensive au sens de l'arrêt Turney et al. v. Zhilka, précitée, dont l'accomplissement dépend entièrement de l'arrivée d'un événement subordonné à la volonté d'un tiers. Il ne s'agit pas non plus d'une condition qui d'après les clauses du contrat pouvait faire l'objet d'une renonciation. Tant que cette condition n'était pas remplie, l'appelante (le vendeur) ne pouvait légalement forcer l'acheteur à finaliser la vente.

[23] Je note ici que l'appelante soumet dans son argumentation écrite que lors de la signature de la convention d'achat-vente, les lots étaient cadastrés et le lotissement de terrain était approuvé par la municipalité de Clarence. La seule étape à compléter était d'obtenir la signature du ministre des Affaires municipales, ce qui selon l'appelante vient automatiquement une fois que le lotissement est approuvé par la municipalité. Je souligne ici que ceci n'a pas été mis en preuve à l'audition. De plus, si les parties au contrat ont jugé bon, d'elles-mêmes, d'attacher cette condition à la convention d'achat-vente, je ne vois pas comment je peux en ignorer l'existence. Ainsi, je suis d'avis que bien que les parties étaient liées par la convention d'achat-vente, tant que cette condition était en veilleuse, une cour d'equity n'aurait pu ordonner l'exécution en nature de la vente.

[24] Selon moi, on ne peut dire que le transfert de propriété a été effectué avant l'accomplissement de cette condition puisqu'il en va de l'essence même du contrat de vente. L'appelant ne pouvait disposer de lots subdivisés tant que ceux-ci n'avaient pas été approuvés officiellement par la municipalité. On se rapproche ici de la décision rendue par le juge Bonner de cette Cour dans l'affaire Atriums at Willowells Partnership v. The Queen, [1996] G.S.T.C. 7. Dans cette affaire, la Cour devait décider s'il y avait eu transfert de propriété d'un logement en copropriété après 1990 aux fins de l'application de la TPS en vertu du paragraphe 336(3) de la Loi. Par convention d'achat-vente, l'acheteur convenait d'acheter une unité dans un projet de condominiums à être construits. L'offre d'achat précisait qu'avant l'enregistrement du projet en tant que condominium, une unité désignait un intérêt indivis sur le projet. L'acquéreur prenait possession de son unité après l'achèvement des travaux et le transfert du titre légal se faisait par la suite. Il a été décidé que la propriété de ce qui était finalement devenu l'unité n'avait pas été transférée par la création d'une fiducie puisque jusqu'à ce que le projet soit enregistré comme condominium, l'objet de la fiducie était, selon la convention, un simple intérêt indivis sur le projet global et non la propriété bénéficiaire de l'unité de logement comme tel.

[25] Le juge Bonner s'exprime en ces termes aux pages 7-8 de ses motifs de jugement :

In my view there is little room for doubt that ownership of a residential condominium unit as defined in s. 123 of the Act did not pass before 1991. Wardean Drilling Ltd. is of little help. In that case the Court had to decide when property was "acquired" for purposes of capital cost allowance. When para. 336(3)(b) speaks of ownership, it speaks of it as of something distinct from possession. The statutory language suggests to me that the legislature envisaged ownership as involving either legal title or something very close to it. It did not envisage an approximation of ownership derived from inferences of the sort which might be drawn from the Agreement of Purchase and Sale in this case. It is impossible to infer that a purchaser under the Agreement of Purchase and Sale could have had ownership of a "bounded space" in the building at any time before 1991 because the unit as a thing capable of ownership did not then exist as an entity separate from the rest of the building. The unit as a thing capable of separate and distinct ownership could come into existence only upon the registration of the condominium.

[TRADUCTION]

À mon avis, il ne fait guère de doute que la propriété d'un logement en copropriété selon la définition figurant à l'article 123 de la Loi n'a pas été transférée avant 1991. Le jugement Wardean Drilling Ltd. n'est guère utile. Dans cette affaire, la Cour devait déterminer quand un bien avait été “acquis” aux fins de la déduction pour amortissement. Lorsque le passage du paragraphe 336(3) qui précède l'alinéa a) traite de propriété, il en traite comme d'un élément distinct de la possession. Le libellé de la loi indique selon moi que le législateur envisageait la propriété comme mettant en cause le titre légal ou quelque chose de très approchant. Il n'envisageait pas une approximation de propriété provenant de déductions du genre qui pourraient être tirées de la convention d'achat-vente en l'espèce. Il est impossible de conclure qu'un acheteur visé par la convention d'achat-vente aurait pu avoir la propriété d'un “espace délimité” dans l'immeuble à un moment quelconque avant 1991, car l'unité en tant qu'élément susceptible de faire l'objet d'un droit de propriété n'existait pas alors comme entité distincte du reste de l'immeuble. L'unité ne pouvait être un élément susceptible de faire l'objet d'un droit de propriété distinct qu'à l'enregistrement du condominium.

[26] De même, l'acheteur dans le cas présent, ne pouvait avoir la propriété d'un lot subdivisé avant que la subdivision de ces lots soit complétée par la municipalité. Pour paraphraser le juge Bonner, les lots subdivisés ne pouvaient être un élément susceptible de faire l'objet d'un droit de propriété distinct qu'au moment de l'acceptation finale de la subdivision par la municipalité.

[27] Dans les circonstances et compte tenu de l'existence des conditions suspensives attachées à la convention d'achat-vente, je ne crois pas qu'il faille retenir l'approche adoptée par le juge Bell dans l'affaire 277287 Alberta Ltd., précitée. La convention d'achat-vente ne pouvait prendre effet avant l'accomplissement de la condition suspensive. Je me rallie plutôt à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Imperial General Properties Ltd., précitée, et je considère qu'il n'a pas été démontré que l'acheteur aurait pu demander l'exécution en nature du contrat avant la date de clôture de la vente. Dans ces circonstances, et pour les fins d'applications de la Loi, je considère que la vente a été effectuée seulement au moment du transfert légal du titre de propriété le 29 août 1996 et qu'à cette date, les lots subdivisés en plus de deux parties n'étaient plus des fournitures exonérées de la taxe.

[28] J'ajouterai en obiter qu'il est utile de noter que la taxe relativement à la fourniture taxable d'un immeuble par vente est payable au premier en date du jour du transfert à l'acquéreur de la propriété du bien et du jour du transfert à celui-ci de la possession du bien, aux termes de la convention portant sur la fourniture (paragraphe 168(5) de la Loi). En supposant que la possession soit transférée en même temps que la propriété du bien, il serait illogique il me semble de considérer la taxe comme étant payable à compter de la convention d'achat-vente lorsque celle-ci est grevée d'une condition suspensive. En effet, si c'était le cas et que la condition suspensive se réalise après l'expiration d'un certain délai seulement, il faudrait conclure que le gouvernement serait en droit de prélever des intérêts sur la taxe payée au moment de la conclusion de la vente finale, mais devenue payable à compter de la convention d'achat-vente. Il me semble que l'on s'éloigne alors du but visé par le législateur.

[29] Pour ces raisons, je suis d'avis de rejeter l'appel et de confirmer la cotisation du Ministre.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d'octobre 2000.

“ Lucie Lamarre ”

J.C.C.I.

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