Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991110

Dossier: 97-2134-IT-G; 97-2142-IT-G

ENTRE :

JOYCE NEILL, WALLASEY HOLDINGS LTD.,

appelantes,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Prononcés oralement à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique) le vendredi 10 septembre 1999)

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] Je sais gré à l'avocate de ses observations et de l'honnêteté avec laquelle elle a présenté cette affaire, aussi difficile que cela fut pour elle et pour la Cour. L'appelante se trouve dans une situation difficile. Le montant d'argent en cause est substantiel, la compagnie en cause est importante, elle a des éléments d'actif substantiels et elle a engagé un avocat. L'appelante, quant à elle, a engagé un avocat, et son époux, au cours de la cause de divorce, en a fait de même. On aurait pu croire que l'appelante aurait été clairement informée de la signification de tels transferts lorsque le transfert en question a été effectué.

[2] La Cour doit interpréter la Loi telle qu'elle est libellée. De l'avis de la Cour, il n'y a pas de litige sur le sens du paragraphe 15(1), qui porte sur l'avantage à l'actionnaire, ou de l'alinéa 69(1)b), qui concerne la compagnie. La compagnie doit réclamer l'argent lorsqu'elle a transféré un bien sans contrepartie. Ce sont les deux dispositions qui s'appliquent en l'espèce, et il n'y a devant la Cour aucune preuve qui indique que ces dispositions n'ont pas été correctement appliquées ou interprétées par le ministre.

[3] L'avocate du ministre s'est reportée à plusieurs bulletins d'interprétation, le bulletin IT 405, daté du 23 janvier 1978 et le bulletin IT 216, daté du 20 mai 1975. Évidemment, dans ces bulletins le ministre ne fait que préciser comment il considérera certaines opérations. Ils ne lient pas la Cour, bien qu'ils donnent à celle-ci une idée de ce que le ministre avait en tête. Le bulletin d'interprétation 216 semble porter sur une situation à l'opposé de la situation en l'espèce. Il traite du cas où une société détient en fiducie, à titre de mandataire d'un actionnaire, des biens qui ont été acquis précisément en vue d'être détenus en fiducie. Le ministre a indiqué qu'il conclura alors que le bien est en fait encore détenu aux fins de la propriété effective de l'actionnaire.

[4] Donc, en l'espèce, il s'agit du cas contraire. L'appelante soutient que le bien a été initialement détenu par la compagnie et qu'il lui a ensuite été transféré aux seules fins de le protéger contre les réclamations de son époux dans le cadre d'une action en divorce en cours. Le bulletin a une portée suffisamment large pour permettre à la Cour de croire qu'il doit aussi englober cette situation contraire étant donné que la documentation appropriée existe, qu'il y a eu un contrat de fiducie et qu'il y a certains éléments de preuve indiquant que le bien a été réellement transféré à une fin autre qu'une fin d'appartenance. Si rien n'était arrivé au bien après le transfert, c'est-à-dire si le bénéficiaire du transfert n'avait pas utilisé le bien, n'avait pas placé une remorque sur le bien, s'il n'avait pas loué ce dernier ou n'avait pas payé des taxes, la Cour aurait peut-être été un peu mieux disposée à l'égard de l'appelante.

[5] Le bulletin indique clairement que le ministre exigera qu'il y ait un accord ou une déclaration de fiducie, au moment de l'acquisition du bien, entre la société et l'actionnaire, pour établir clairement l'intention des parties à l'accord et le degré de participation de l'actionnaire dans le bien ainsi détenu en fiducie.

[6] En l'espèce, si ces conditions préalables avaient été remplies, le ministre aurait pu conclure que la compagnie avait encore un intérêt bénéficiaire à l'égard du bien et que, par conséquent, il n'y avait pas de conséquence fiscale pour l'appelante.

[7] En l'espèce, il n'y a pas de telle preuve. Il n'y a pas de déclaration de fiducie. Il n'y a pas de preuve indépendante ou corroborante qui indique que c'est ce qui s'est produit. En fait, certains autres éléments semblent indiquer que les parties auraient dû savoir ce qu'elles faisaient lorsque cela s'est produit et que, si elles avaient eu l'intention de transférer le bien à l'appelante en fiducie seulement au bénéfice de la compagnie, il aurait dû y avoir et il y aurait eu une déclaration de fiducie. Un acte de fiducie aurait été remis aux parties. Un document établissant la fiducie aurait été créé.

[8] L'appelante, dans la présente affaire, bénéficiait des conseils de deux avocats. L'un d'eux était spécialisé, probablement dans les questions matrimoniales, et l'autre était spécialisé dans les affaires commerciales. Elle avait aussi un comptable. La preuve dont est saisie la Cour aujourd'hui est une preuve documentaire de nature financière qui a révélé que la compagnie en cause était une compagnie importante. Elle avait une grande quantité d'éléments d'actif, mais, aux dires de l'appelante, dans l'année en question, la compagnie ne lui a transféré que les deux biens en cause, à détenir en fiducie pour la société afin de les protéger contre les réclamations de l'époux de l'appelante dans le cadre du divorce.

[9] La valeur des éléments d'actif de la société au cours de cette période était de 214 906 $, et l'appelante n'a pas tenté de transférer ces éléments d'actif pour les protéger. Une question se pose naturellement : si la véritable raison pour laquelle le transfert a été effectué était de protéger ces éléments d'actif contre l'époux, (les biens) pourquoi l'appelante n'aurait-elle pas transféré tous les autres éléments d'actif? Si les biens étaient en danger, le reste des éléments d'actif étaient sûrement en danger eux aussi.

[10] Encore une fois, normalement, si un bien est transféré sans contrepartie ou aux fins de le soustraire aux réclamations des créanciers, l'opération est annulée. On aurait pensé que l'appelante, qui bénéficiait des conseils de deux avocats et d'un comptable, en eût été informée. Cela semble étayer la thèse du ministre selon laquelle l'opération a dû avoir pour objet de transférer les biens à l'appelante pour son utilisation personnelle. Les actions subséquentes de l'appelante semblent évidemment mener aussi à cette conclusion.

[11] La Cour prend note du témoignage de Mme Neill, dans le cadre duquel elle a contesté certaines des hypothèse énoncées dans la réponse, qui ne sont cependant pas déterminantes ni importantes. Mme Neill a nié être la propriétaire effective des lots. Elle a dit qu'elle les détenait pour Wallasey. Elle a contesté l'hypothèse selon laquelle elle n'avait pas transféré les lots de nouveau à Wallasey et qu'elle n'avait aucune intention de le faire, mais elle a admis qu'ils n'avaient pas été transférés de nouveau. C'est là un fait que je dois prendre en considération.

[12] Aucune contrepartie n'a été versée à la compagnie. Aucun montant d'argent n'a été échangé entre l'appelante et la compagnie. Mme Neill a bien donné à bail au moins l'un des biens à un tiers, alors, en ce sens, elle agissait comme le propriétaire du bien. C'est là quelque chose que la Cour doit prendre en compte.

[13] Mme Neill a nié qu'elle avait payé les taxes et autres dépenses se rapportant aux lots et que Wallasey ne l'avait pas remboursée. Elle a dit qu'elle n'avait pas fait cela. Il n'y a devant la Cour aucune preuve qui étaye cette proposition. Lorsqu'un élément est contesté, une preuve devrait être produite pour résoudre la question.

[14] L'appelante a nié qu'elle avait utilisé les lots à des fins personnelles, si ce n'est qu'elle les a simplement détenus en vue d'une vente subséquente et d'une utilisation future. Il y avait certainement devant la Cour des éléments de preuve suivant lesquels l'appelante détenait les lots à des fins autres que celles-là. Ces opérations présentaient les caractéristiques d'un transfert qui a été effectué par la compagnie en faveur de l'appelante. Cette dernière, et non la compagnie, était la propriétaire effective. Il n'y avait aucun document indiquant que la compagnie demeurait la propriétaire effective. Les actions subséquentes de la compagnie et de l'appelante semblent indiquer qu'il y a véritablement eu transfert, sans contrepartie.

[15] Dans de telles circonstances, donc, il serait du devoir de l'appelante d'établir au profit de la Cour, selon la prépondérance des probabilités, qu'une telle fiducie existait, que ce soit en produisant un document écrit, ce qui serait impossible en l'espèce puisqu'il n'y en a jamais eu, ou en produisant une preuve qui convaincrait la Cour que l'appelante a réfuté les hypothèses énoncées dans la réponse. Cette charge incombe à l'appelante, et la Cour est convaincue que cette dernière ne s'en est pas acquittée.

[16] Malheureusement, il en résulte des conséquences importantes pour l'appelante et la compagnie, mais le paragraphe 15(1) et l'alinéa 69(1)b) sont clairs. La Cour est convaincue que le ministre a agi conformément à la Loi et qu'il a interprété les dispositions en cause correctement, et non seulement en conformité avec la Loi, mais aussi avec les bulletins d'interprétation qui ont été mentionnés, bien que ceux-ci ne lient pas la Cour. Ils semblent cependant être justes et indiquer assez bien ce que le ministre fera. Malheureusement, la Cour devra ratifier la cotisation établie par le ministre et rejeter les appels.

[17] Cependant, cela n'empêche pas l'appelante, ainsi que je l'ai mentionné précédemment, de demander une mesure de redressement au ministre sous le régime du Dossier Équité. À cet égard, cependant, elle devra s'adresser à Revenu Canada. La Cour n'administre pas ce programme. On a indiqué qu'aucune pénalité n'avait été imposée à l'appelante et à la compagnie. Des intérêts ont été imposés car, lorsqu'un impôt sur le revenu est dû et qu'il est impayé, il en découle d'office des intérêts en vertu de la loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 1999.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 24e jour de juillet 2000.

Benoît Charron, réviseur

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