Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990809

Dossier: 98-1045-IT-I

ENTRE :

RADOVAN J. JOCIC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Edmonton (Alberta) le 26 juillet 1999 sous le régime de la procédure informelle de la Cour.

[2] Seul l'appelant a témoigné.

[3] Bien que de nombreuses questions aient été abordées dans l'avis d'appel et dans la réponse, à l'audience, les avocats des deux parties ont indiqué qu'il n'y avait essentiellement que deux questions en litige.

[4] La première question est celle de savoir si le montant de 1 200 $ que l'appelant a payé en 1995 pour des travaux effectués sur un bien locatif lui appartenant était déductible. La deuxième question est celle de savoir si l'appelant avait le droit de déduire certaines dépenses engagées dans le cadre de l'activité de location qu'il aurait exercée à l'égard d'une partie de sa résidence principale.

[5] En ce qui concerne le montant de 1 200 $, l'appelant a témoigné qu'il avait payé ce montant à son fils, qui avait effectué certains travaux d'entretien et de réparation relativement au bien locatif, travaux consistant principalement à enlever la neige et à entretenir la pelouse. L'appelant a témoigné également qu'il avait versé le montant en question en argent à son fils. Sur cette question, je suis disposé à accepter le témoignage non contredit de l'appelant et, par conséquent, j'admettrais la déduction en 1995 de la dépense de 1 200 $ à l'égard du bien locatif.

[6] Pour ce qui est de la deuxième question en litige, je reproduis ci-après une version abrégée de l'annexe C de la réponse à l'avis d'appel modifiée en m'en tenant à la résidence principale et en ajoutant le montant brut des dépenses :

Montant Montant Montant Montant

déduit admis refusé brut

1993

Revenu brut :

Résidence principale 0 $ 0 $ 0 $ 0 $

Résidence principale

Dépenses :

Assurance 819 0 819 1 045

Intérêt 6 881,27 0 6 881,27 8 360

Taxes foncières 1 340,76 0 1 340,76 1 610,08

Honoraires (avocat) 3 009,51 0 3 009,61 3 611,41

1994

Revenu brut :

Résidence principale 0 0 0 0

Résidence principale

Dépenses :

Assurance 316,25 0 316,25 1 275

Intérêt 2 514,50 0 2 514,50 10 058

Taxes foncières 1 081,72 0 1 081,72 4 327

Services publics 491,72 0 491,72 2 172,89

1995

Revenu brut :

Résidence principale 0 0 0 0

Résidence principale

Dépenses :

Assurance 260,13 0 260,13 1 542

Intérêt 2 505,96 0 2 505,96 10 019

Taxes foncières 1 081,77 0 1 081,77 4 327

Services publics 0 0 0 0

[7] L'appelant a témoigné que, en 1992 et 1993, il avait construit une très grande maison comportant de nombreuses commodités. La superficie totale en était de 5 500 pieds carrés; l'appelant soutient que 1 200 pieds carrés, soit une partie du sous-sol et de l'étage supérieur, étaient loués à une compagnie, Radovan Structural Engineering Ltd., dont son épouse et lui étaient les seuls actionnaires et administrateurs. Les 1 200 pieds carrés représentent 21,8 pour cent de la superficie totale de 5 500 pieds carrés, mais l'avocat de l'appelant soutient que la déduction de 25 pour cent des dépenses devrait être admise du fait des projets toujours en cours, soit louer une superficie encore plus grande de la maison à la compagnie.

[8] Les dépenses qui ont été déduites relativement à la résidence principale ne représentent pas toujours 25 pour cent des dépenses brutes, mais cela n'a pas d'importance compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé.

[9] Le témoignage de l'appelant a confirmé qu'aucun loyer n'avait été payé dans les années en question, mais que l'appelant avait fixé le loyer annuel de la compagnie à 1 000 $. Cependant, aucun loyer n'a été payé et il y a eu peu d'activités commerciales, si tant est qu'il y en ait eu, dans les parties de la résidence principale réservées à la compagnie. Par ailleurs, l'appelant a confirmé que du matériel, comme des ordinateurs, des étagères, des pupitres et des livres, se trouvait dans les locaux. Il a cependant admis que les locaux de la compagnie avaient accueilli très peu de clients, et peut-être même aucun.

PRÉTENTIONS DE L'APPELANT

[10] L'avocat de l'appelant a soutenu que les montants déduits à titre de dépenses relatives à la résidence principale devraient être admis. Il a souligné le long curriculum vitae que l'appelant a produit (pièce A-1) et qui fait état des compétences de ce dernier, de sa scolarité, des projets auxquels il a travaillé et de certaines de ses réalisations. L'avocat a renvoyé également à la pièce A-2, qui fait état des efforts de l'appelant pour accroître ses connaissances en informatique et pour obtenir du travail ou des contrats pour la compagnie. Il a mentionné certaines décisions examinées plus loin et conclu que son client avait essayé de créer et d'augmenter les occasions d'affaires de la compagnie, et qu'il avait en fait construit la résidence principale, dont le design était étudié à dessein, pour faire étalage du genre de travail que la compagnie et lui-même étaient en mesure d'effectuer. En outre, l'avocat a-t-il indiqué, l'appelant a investi une grande part de son argent personnel dans la construction de la résidence, car il s'attendait à ce que la compagnie prenne de l'importance. Il a conclu que, pour ces raisons principalement, les dépenses déduites relativement à la résidence principale devaient être admises même si, dans les années en question, soit 1993, 1994 et 1995, aucun loyer n'avait été payé.

PRÉTENTIONS DE L'INTIMÉE

[11] L'avocate de l'intimée a soutenu qu'il ne peut y avoir d'activité de location quand aucun loyer n'est payé. Elle a souligné que, même si le présumé montant de 1 000 $ par année avait été réel, il y aurait quand même eu des pertes; autrement dit, le présumé loyer fictif de 1 000 $ n'aurait jamais été suffisant pour que l'appelant puisse prétendre qu'il avait une attente raisonnable de profit. Elle a souligné également qu'il n'existait absolument aucun écrit liant l'appelant et sa compagnie, aucun bail écrit, aucun document de quelque sorte que ce soit, aucune résolution de la compagnie autorisant la signature d'un bail ou le paiement d'un loyer.

[12] Elle a conclu qu'il n'y avait aucune activité de location. Par conséquent, aucune dépense relative à la résidence principale ne pouvait être admise et, partant, aucune perte relative à la résidence principale ne pouvait être déduite.

ANALYSE ET DÉCISION

[13] À mon avis, la thèse de l'intimée est juste. Aucun loyer n'a été payé au cours des années en question, alors comment peut-il y avoir eu une activité de location? De plus, il y a eu très peu d'activités commerciales, et peut-être même aucune, dans les locaux. Par ailleurs, ainsi que l'avocate de l'intimée l'a indiqué, il n'y a aucun document qui permettre de conclure qu'un bail avait effectivement été signé. En outre, même s'il y avait eu un bail, l'appelant a témoigné que le loyer annuel était de 1 000 $ pour les années en question; avec un tel montant, il n'y avait de toute évidence aucune attente raisonnable de profit.

[14] Les principales décisions mentionnées par l'avocat de l'appelant sont Business Art Inc. v. Minister of National Revenue, [1987] 1 CTC 2001, et Byram v. Her Majesty the Queen, un arrêt de la Cour d'appel fédérale daté du 25 janvier 1999. Dans les deux affaires, les conclusions tirées en faveur des contribuables se rapportaient à des prêts que ces derniers avaient consentis à des compagnies et à la possibilité pour les contribuables, lorsque les prêts sont devenus irrécouvrables, de déduire une perte en capital en vertu du sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu puisque les prêts avaient été consentis en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. La notion de “ tirer un revenu d'un bien ” est reliée à la notion d'attente raisonnable de profit, mais ce n'est pas la même chose. À mon avis, ces affaires ne peuvent s'appliquer à l'appel qui nous intéresse.

[15] En conclusion, les frais de main-d'oeuvre de 1 200 $ engagés en 1995 relativement au bien locatif doivent être admis. En conséquence, l'appel est admis sur cette question. Par ailleurs, aucune dépense relative à la résidence principale ne doit être admise pour les années en question. L'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte de ces deux conclusions.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'août 1999.

“ T. P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de juin 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

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