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Date: 19991001

Dossier: 98-1048-IT-I

ENTRE :

ROGER ROUILLARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel, par voie de la procédure informelle, concernant l'année d'imposition 1996. Il s'agit de savoir si certaines dépenses que doit engager l'appelant pour se conformer aux exigences de son emploi, sont déductibles en vertu de l'article 8 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”).

[2] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le “Ministre”) s'est fondé pour établir sa cotisation sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la “Réponse”) comme suit :

a) l'appelant est un militaire;

b) l'appelant a prétendu encourir les dépenses suivantes, dans l'exercice de son emploi, au cours de l'année en litige :

i) coupe de cheveux 182,00 $

ii) nettoyage et raccommodage

d'uniformes militaires 140,00 $

322,00 $;

c) l'appelant a réclamé, au titre d'“autres déductions”, pour l'année d'imposition 1996, la somme de 322,00 $;

d) le Ministre a refusé la déduction totalisant la somme de 322,00 $ parce qu'elle n'était pas déductible selon l'article 8 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[3] Les faits décrits à l'Avis d'appel sont les suivants :

... À cause de notre statut et de la représentation du pays, nous sommes obligés d'avoir une tenue soignée en tout temps. Dans les Ordres Royaux des forces canadiennes, Ref : Instruction sur la tenue des Forces canadiennes, Chapitre 2, section 2, page 2-2-1, les cheveux, la barbe, bijoux.

La Tenue

Quel que soit le grade du militaire, sa tenue et son apparence en uniforme ou en vêtements civils doivent toujours faire honneur tant à ce dernier qu'à l'ensemble des FC. Tous les officiers, adjudants et sous-officiers doivent donner le bon exemple et prendre des mesures concrètes afin de veiller à ce que tous les militaires appliquent les lignes directrices, les règlements et les instructions, contenues dans les ORDC.

Mes supérieurs m'ont exigé une coupe de cheveux aux deux semaines. Sinon des mesures disciplinaires peuvent être tenues contre moi, pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

[4] L'appelant a relaté que pour se conformer à la coupe de cheveux exigée par l'armée, il devait se faire couper les cheveux toutes les deux semaines. En ce qui concerne l'entretien de l'habillement, l'appelant reçoit une indemnité non imposable de 17,05 $ par année, mais selon ce dernier, cette indemnité n'est pas suffisante.

Analyse

[5] Le juge Iacobbuci dans Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, a fait une longue analyse de la dépense de nature personnelle et de la dépense d'entreprise. Ici, il ne s'agit pas d'un revenu d'entreprise, mais il est quand même intéressant de voir si la dépense en cause serait admise comme dépense d'entreprise. Il semblerait que non, si je me fie à la conclusion qu'il apporte à la page 739 et je cite :

... Traditionnellement, des dépenses permettant simplement au contribuable de se libérer pour affaires ne sont pas considérées comme des dépenses d'entreprise parce qu'on attend du contribuable qu'il soit disponible pour exercer des activités d'affaires en contrepartie du revenu reçu. ...

[6] Je crois qu'il serait tout de même utile de citer de longs extraits de cette décision pour montrer que la distinction entre une dépense de nature personnelle et une dépense d'entreprise n'est pas toujours facile à établir et pour connaître les critères que l'on doit prendre en compte pour déterminer s'il s'agit d'une dépense de nature personnelle ou une dépense d'entreprise.

(pages 726 et 727)

Dans l'arrêt Bowers c. Harding, les Harding (un couple marié) étaient employés dans une école et recevaient un salaire conjoint. Suivant l'exposé conjoint des faits, M. Harding avait engagé un domestique pour [Traduction] “permettre à son épouse d'avoir le temps d'exécuter ses fonctions d'institutrice” (p. 23). Puisque la loi fiscale en cause considérait le salaire conjoint du couple comme appartenant à M. Harding seulement, ce dernier a demandé la déduction des dépenses liées à l'engagement d'un domestique au motif qu'elles avaient été engagées [Traduction] “totalement, exclusivement et nécessairement pour lui permettre de s'acquitter de ses fonctions” : Income Tax Act (R.-U.), 16 & 17 Vict., ch. 34, art. 51.

La déduction demandée a été rejetée. De l'avis du tribunal, les Harding se trouvaient à proposer un critère du “à défaut de” pour la déductibilité en cause. En d'autres termes, ils soutenaient que “à défaut de domestique”, le revenu n'aurait pu être gagné. Le baron Pollock a rejeté ce critère de la façon suivante (à la p. 26) :

[Traduction] Lorsqu'un homme et son épouse acceptent un poste, cela entraîne certains inconvénients et certains bénéfices, mais il ne s'agit pas d'une dépense qui leur permet de gagner un revenu au sens où l'argent aurait servi à l'achat de biens ou au paiement de commis, pour que le négociant ou le marchand puisse gagner un revenu [. . .] S'il fallait examiner ces questions avec grande précision, on devrait, avant d'arriver à une conclusion, examiner où vit la personne, le prix de la viande, et le type de vêtements dont elle a besoin, dans de nombreux cas la nature des services et le salaire payé à certains serviteurs ainsi que le style de vie de la personne.

Je sais que beaucoup pourraient douter de l'applicabilité des propos et des circonstances de l'arrêt Bowers c. Harding, précité. En fait, on peut établir des distinctions à de nombreux points de vue. Premièrement, il s'agissait d'un revenu d'emploi, plutôt que d'un revenu d'entreprise. Deuxièmement, les dépenses en cause se rattachaient aux “travaux ménagers” plutôt qu'à la garde d'enfants (ou tout au moins il n'en est pas fait mention dans l'arrêt). Troisièmement, les dépenses ont été examinées par rapport à l'exigence très stricte qu'elles soient effectuées “totalement, exclusivement et nécessairement”, en vue de gagner un revenu; en l'espèce, il n'existe pas d'exigence identique. Enfin, comme l'a affirmé le juge de première instance à la p. 72, on pourrait simplement faire ressortir que l'affaire provient “d'un autre âge” et “d'un autre système” (p. 72).

...

(pages 732 et 733)

... Le professeur Brooks est de cet avis et dit que la seule véritable question en vertu de l'al. 18(1)a) est la suivante : [Traduction] “la dépense a-t-elle été engagée à une fin personnelle ou à une fin commerciale?” (loc. cit., à la p. 253). D'autres commentateurs proposent d'autres critères qui empruntent plus ou moins directement au libellé de l'al. 18(1)a). Par exemple, on parle d'un critère de [Traduction] “l'objet prédominant” (C. F. L. Young, “Case Comment on Symes v. The Queen”, [1991] Brit. Tax Rev. 105, à la p. 105), ou d'un critère qui exige simplement un but de production de revenu : Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, op. cit., aux pp. 365 et 366; E. C. Harris, Canadian Income Taxation (4e éd. 1986), aux pp. 191 et 192.

...

(pages 737, 738 et 739)

Il pourrait également être pertinent d'examiner si une dépense donnée aurait été engagée si le contribuable ne visait pas la production d'un revenu d'entreprise. Voici les commentaires du professeur Brooks sur ce point (à la p. 258) :

[TRADUCTION] Lorsqu'une personne aurait engagé une dépense particulière même si elle ne travaillait pas, il y a de bonnes raisons de penser que cette dépense sert une fin personnelle. Par exemple, pour obtenir un revenu d'une entreprise une personne en affaires doit être nourrie, vêtue et logée. Toutefois, puisque ce sont des dépenses qu'une personne ferait même si elle ne travaillait pas, on peut supposer qu'elles servent un objet personnel -- demeurer en vie, être vêtu et se protéger de la pluie. Ces dépenses n'augmentent pas sensiblement lorsqu'une personne entreprend de gagner un revenu.

En disant qu'une personne doit se nourrir, se vêtir et s'héberger, je reconnais que je me trouve à revenir à un critère du “à défaut de” qui est l'inverse de celui que j'ai déjà examiné. Ici, le critère serait le suivant : “à défaut de gain ou de production de revenu, les dépenses en question auraient de toute façon été faites”. Je dois reconnaître que ce genre de critère peut être manipulé. Par exemple, on peut soutenir que “à défaut de travail, le contribuable n'aurait plus besoin de vêtements coûteux.” Toutefois, dans la plupart des cas, ce type de manipulation pourra être facilement rejetée. Toujours avec le même exemple, on peut conclure que les dépenses d'habillement “n'augmentent pas sensiblement” (Brooks, loc. cit., à la p. 258) du point de vue fiscal lorsqu'une personne améliore sa garde-robe. Subsidiairement, on peut dire que le changement de garde-robe constitue un choix personnel. Enfin, puisque toutes les satisfactions psychiques représentent une forme de consommation à l'intérieur de l'assiette fiscale exhaustive idéale, on peut mettre l'accent sur la satisfaction personnelle accrue liée à la possession d'une belle garde-robe.

Sur ce dernier point, je tiens à faire remarquer quà l'intérieur d'un régime fiscal orienté, au moins en partie, vers le maintien d'une équité verticale et horizontale (“l'équité horizontale exige simplement que les “égaux” soient traités également; le terme “égaux” étant l'égalité quant à la capacité de payer” et [Traduction] “l'équité verticale exige simplement que l'incidence du fardeau fiscal repose davantage sur les riches que sur les pauvres” : V. Krishna, “Perspectives on Tax Policy” dans Essays on Canadian Taxation, op. cit., aux pp. 5, 6 et 7), on cherche à empêcher les déductions correspondant à des dépenses de consommation personnelle. Dans la mesure où un contribuable peut exercer un choix quant à son style de vie et conserver la même capacité de tirer un revenu ou de faire produire un revenu, on a tendance à considérer ces choix comme des décisions de consommation personnelle, et les dépenses qui en résultent, comme des dépenses personnelles. Le professeur Brooks donne l'exemple des frais de déplacement qui varient nécessairement selon l'endroit où une personne choisit de vivre (en supposant bien sûr que le contribuable a un choix à cet égard). Dans certains cas, il peut être utile d'analyser les dépenses en ces termes.

Puisque j'ai fait quelques commentaires sur la notion sous-jacente de “besoins de l'entreprise”, il peut être utile aussi de parler des facteurs qui entrent en jeu dans la classification des dépenses en fonction des besoins. Plus précisément, il peut être utile de recourir au critère du “à défaut de” pour l'appliquer non pas à la dépense mais aux besoins que la dépense satisfait. Indépendamment de l'entreprise, le besoin existerait-il? Si un besoin existe même en l'absence de l'activité d'entreprise, et indépendamment de ce que le besoin a été ou aurait été satisfait par des sommes versées à un tiers ou par le coût d'option du labeur personnel, la dépense faite pour répondre au besoin est considée traditionnellement comme une dépense personnelle. Des dépenses qui peuvent être identifiées ainsi sont des dépenses engagées par le contribuable pour se dégager d'obligations personnelles et être disponible pour des activités d'entreprise. Traditionnellement, des dépenses permettant simplement au contribuable de se libérer pour affaires ne sont pas considées comme des dépenses d'entreprise parce qu'on attend du contribuable qu'il soit disponible pour exercer des activités d'affaires en contrepartie du revenu reçu. ...

[7] À la lecture de cette analyse on se rend compte que le critère - toute dépense qui ne serait pas engagée s'il n'y avait l'entreprise est une dépense d'entreprise et non de nature personnelle - est un critère qui peut avoir son utilité mais qui est presque impossible d'application, vu la variété des choix que peuvent faire les individus. Je crois que le critère qui est indiqué comme le critère traditionnel est celui qui mérite d'être retenu par son application égale à l'égard de tous. Ce critère, si je l'interprète bien, est que sera considérée comme dépense personnelle toute dépense qui doit être faite par une personne pour se présenter à son travail. Certaines fonctions exigent un habillement recherché. Chaque personne détermine le montant d'argent qu'elle veut bien investir sur son habillement. Certaines fonctions exigent une apparence très soignée. Quelques personnes peuvent voir elles-mêmes à ces soins. D'autres ont besoin de l'aide de personnes spécialisées en cette matière. Certaines personnes habitent loin de leur lieu de travail. D'autres habitent plus près mais le logement peut être plus cher. Ainsi que le dit le baron Pollock dans l'arrêt Bowers c. Harding, (1891) 3 Tax Cas. 22 (Q.B.), déjà cité au paragraphe 6 de ces Motifs :

[Traduction] Lorsqu'un homme et son épouse acceptent un poste, cela entraîne certains inconvénients et certains bénéfices, mais il ne s'agit pas d'une dépense qui leur permet de gagner un revenu au sens où l'argent aurait servi à l'achat de biens ou au paiement de commis, pour que le négociant ou le marchand puisse gagner un revenu [. . .]. S'il fallait examiner ces questions avec grande précision, on devrait, avant d'arriver à une conclusion, examiner où vit la personne, le prix de la viande, et le type de vêtements dont elle a besoin, dans de nombreux cas la nature des services et le salaire payé certains serviteurs ainsi que le style de vie de la personne.

[8] Je crois qu'il faut conclure que toutes les dépenses faites pour se présenter au lieu normal de son travail et à ses fonctions normales sont des dépenses de nature personnelle qui sont engagées en contrepartie de la rémunération. Pour les militaires, leur entente d'emploi exige qu'ils se rendent disponibles pour leurs activités de travail avec les coupes de cheveux réglementaires et les vêtements bien entretenus. Le salaire qu'ils reçoivent est la contrepartie accordée pour cette disponibilité d'être en conformité du règlement. Donc, s'il s'agissait d'un revenu d'entreprise, il paraît certain que l'appelant n'aurait pas droit à la déduction parce qu'il s'agirait d'une dépense de nature personnelle.

[9] Il s'agit ici d'un revenu d'emploi. Dans le cas d'un revenu d'emploi, les déductions sont prévues à l'article 8 de la Loi. Dans l'ouvrage de Lord, Sasseville Bruneau, Les principes de l'imposition au Canada, 1999, 12e éd., Wilson & Lafleur, je lis à la page 108 : “L'article 5 définit les règles de base relatives au calcul du revenu d'emploi. Les articles 6 et 7 énumèrent les sommes à inclure dans le calcul du revenu. L'article 8 énumère les déductions autorisées lors du calcul du revenu d'emploi.” (Le souligné est de moi.)

[10] À la page 135 du même ouvrage, au chapitre intitulé “Les déductions permises dans le calcul du revenu d'une charge ou d'un emploi”, les auteurs disent ce qui suit : “Le traitement fiscal des déductions relatives au revenu de charge ou d'emploi obéit à des règles très strictes. Le paragraphe 8(2) édicte qu'aucune déduction n'est possible à l'exception de celles expressément permises par la Loi”. (Je souligne.) Le paragraphe 8(2) de la Loi se lit comme suit :

Seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi.

[11] Les déductions permises sont énumérées au paragraphe 8(1) de la Loi. La seule disposition qui puisse possiblement s'appliquer à la situation soulevée par le contribuable dans le présent appel est celle envisagée par le sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi. L'alinéa 8(1)i) se lit comme suit :

(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

...

i) dans la mesure où il n'a pas été remboursé et n'a pas le droit d'être remboursé à cet égard, les sommes payées par le contribuable au cours de l'année au titre :

(i) des cotisations annuelles de membre d'association professionnelle dont le paiement était nécessaire pour la conservation d'un statut professionnel reconnu par la loi,

(ii) du loyer de bureau ou du salaire d'un adjoint ou remplaçant que le contrat d'emploi du cadre ou de l'employé l'obligeait à payer,

(iii) du coût des fournitures qui ont été consommées directement dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi et que le contrat d'emploi du cadre ou de l'employé l'obligeait à fournir et à payer,

(iv) des cotisations annuelles requises pour demeurer membre d'une association de fonctionnaires dont le principal objet est de favoriser l'amélioration des conditions d'emploi ou de travail des membres, ou d'un syndicat au sens de :

(A) l'article 3 du Code canadien du travail,

(B) toute loi provinciale prévoyant des enquêtes sur les conflits du travail, la conciliation ou le règlement de ceux-ci,

(v) des cotisations annuelles qui ont été, conformément aux dispositions d'une convention collective, retenues par son employeur sur sa rémunération et versées à un syndicat ou à une association visés au sous-alinéa (iv) et dont le contribuable n'était pas membre,

(vi) des cotisations, à un comité paritaire ou consultatif ou à un groupement semblable, dont la législation d'une province prévoit le paiement en raison de l'emploi que le contribuable exerce pour l'année;

(vii) *des cotisations versées à un office des professions et dont le paiement est prévu par les lois d'une province;

(Le souligné est de moi.)

[12] L'arrêt important relativement à cet alinéa est Luks [No 2] v. M.N.R., 58 DTC 1194. Je me réfère aux propos du juge Thurlow à la page 1198 :

[TRADUCTION]

“ Fournitures ” est un terme dont le sens peut varier largement, selon le contexte dans lequel il est utilisé. À l'alinéa 11(10)c), on l'utilise dans un contexte qui vise des choses qui sont consommées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. De nombreuses choses peuvent être consommées, en ce sens qu'elles peuvent être complètement usées ou utilisées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. L'usine ou les appareils mécaniques de l'employeur peuvent être complètement usés. Les vêtements de l'employé peuvent être complètement usés. Ses outils peuvent être complètement usés. Et les matériaux qui servent au travail, peu importe qui les fournit, peuvent être complètement utilisés. “ Fournitures ” a un sens plus restreint que “ choses ” et, dans le contexte qui nous intéresse, il ne comprend pas toutes les choses qui peuvent être consommées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi, que ce soit dans le sens d'être complètement usées ou complètement utilisées. La ligne de démarcation qui sépare ce qui est inclus dans ce terme de ce qui n'y est pas inclus peut être difficile à définir exactement. Toutefois, d'une manière générale, j'estime que son sens normal, dans le contexte, se limite aux matières qui sont entièrement consommées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. Il vise manifestement des articles comme l'essence destinée à un chalumeau mais, à mon avis, pas le chalumeau lui-même. Ce dernier, ainsi que les outils en général, relève de la catégorie du matériel.

[13] Le Bulletin d'interprétation IT-352R2, en s'appuyant sur diverses décisions judiciaires, décrit, aux paragraphes 9 et 10 les fournitures qui peuvent être considérées comme ayant été consommées directement dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi :

9. Le terme “ fournitures ” tel qu'il est employé au sous-alinéa 8(1)i)(iii) ne s'applique qu'au matériel utilisé directement dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. En plus de certaines dépenses concernant l'espace consacré au travail dans un domicile, comme il est indiqué au numéro 5 ci-dessus, les fournitures comprendront habituellement des éléments comme les suivants:

a) le coût de l'essence et du pétrole servant au fonctionnement des scies mécaniques appartenant aux employés du secteur forestier;

b) la dynamite dont se servent les mineurs;

c) les pansements et les médicaments utilisés par les médecins salariés;

d) les dépenses en télégrammes, appels téléphoniques interurbains et temps d'utilisation de téléphones cellulaires qui sont rattachées de façon raisonnable au revenu d'emploi;

e) les diverses fournitures de bureau (à part les livres) dont se servent les enseignants, comme les crayons et les stylos, les trombones et les graphiques.

...

10. Les fournitures dont il est question au sous-alinéa 8(1)i)(iii) ne comprennent pas les items suivants:

a) les frais mensuels pour le service téléphonique de base;

b) les montants payés au titre des frais de branchement ou de licence de communication d'un téléphone cellulaire;

c) les uniformes que les employés portent de manière habituelle ou par obligation dans l'exercice de leurs fonctions;

d) tous les genres d'outils qui entrent normalement dans la catégorie de l'équipement.

[14] Le sous-alinéa 8(1)i)(iii) exige que les fournitures aient été consommées directement dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi. Les coupes de cheveux peuvent-elles être considérées comme des fournitures au sens de ce sous-alinéa. Tel que mentionné aux deux paragraphes précédents, il semblerait que le terme “fourniture” ait toujours été interprété, dans le contexte de cet alinéa, comme signifiant un objet physique et non le rendement d'un service, sens qu'il peut avoir dans la Loi sur la taxe d'accise (taxe sur les produits et services). Je n'ai pas à trancher cette question, car il y a une autre condition essentielle à remplir : il faut que les fournitures aient été consommées directement dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi. Cette exigence se réfère à la notion de dépense de nature personnelle en l'excluant. Une coupe de cheveux est une dépense faite dans le but de se présenter au travail et non pas pour exécuter son travail. Elle n'est pas engagée directement dans l'accomplissement de son emploi. Elle serait exclue à titre de dépense personnelle dans le calcul du revenu d'entreprise, elle est exclue du revenu d'emploi parce que d'une part, il est douteux que la dépense pour une coupe de cheveux et l'entretien des uniformes soit une fourniture au sens du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi et d'autre part, et surtout parce que, à l'instar de la dépense de nature personnelle, elle n'a pas été consommée directement dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi de l'appelant.

[15] Le juge Bell de cette Cour dans Cuddie et al. v. The Queen, 98 DTC 1822 en ce qui a trait aux coupes de cheveux, en est arrivé à la même conclusion.

[16] La déduction demandée n'est pas permise par l'article 8 de la Loi, et en conséquence l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour d'octobre, 1999.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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