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Date: 20000210

Dossier: 98-1074-IT-I

ENTRE :

JEAN DROUIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1] L'appelant en appelle de cotisations établies par le ministre du Revenu national (“ Ministre ”) par la méthode de l'avoir net en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (“ Loi ”) à l'égard des années d'imposition 1993, 1994 et 1995. Par ces cotisations, le Ministre a augmenté le revenu net d'entreprise de l'appelant des montants suivants : 9 967 $ en 1993, 55 552 $ en 1994 et 25 154 $ en 1995. Le Ministre a également imposé une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi au montant de 4 572 $ pour l'année d'imposition 1994 (le Ministre n'a pas imposé de pénalité à l'appelant pour l'année d'imposition 1995 par inadvertance).

[2] En établissant ces cotisations, le Ministre s'est appuyé sur les faits suivants :

a) durant les années en litige, l'appelant exploitait une entreprise de ramoneur à titre de propriétaire unique, sous la raison sociale Jean Drouin Ramoneur Enr.;

b) durant ces années, la fin de l'année fiscale de l'entreprise était le 31 décembre;

c) l'augmentation du revenu net d'entreprise de l'appelant pour les années en litige est constituée des redressements suivants :

1993

1994

1995

Dépenses d'entreprise refusées:

- Dépenses de véhicule à moteur

6 127 $

6 128 $

4 813 $

- Divers

3 840

3 840

3 840

- Frais de location

------------

3 002

-------------

3 144

----------

Dépenses totales refusées

9 967 $

------------

12 970 $

-------------

11 797 $

-----------

Revenu d'entreprise non déclaré

------------

44 032 $

-------------

15 967 $

------------

ACC additionnelle accordée

------------

(1 450 $)

-------------

(2 610 $)

------------

Augmentation nette

9 967 $

55 552 $

25 154 $

Dépenses d'entreprise refusées:

d) dans le calcul des Dépenses de véhicule à moteur, l'appelant a réclamé arbitrairement des dépenses d'essence à raison de 280,00 $ par semaine pour les années d'imposition 1993 et 1994, et pour 3 mois de l'année d'imposition 1995, et de 243,48 $ par semaine pour les autres 9 mois de 1995;

e) les dépenses d'essence réclamées par l'appelant n'étaient pas raisonnables et le Ministre a alors accordé la somme de 609,38 $ par mois en se fondant sur les hypothèses suivantes:

i) 122 voyages par mois

ii) 30 kilomètres par voyage

ii) 3 kilomètres par litre d'essence

iii) 0,50 $ par litre d'essence

f) les dépenses d'essence refusées par le Ministre durant les années en litige n'ont pas été engagées ou effectuées par l'appelant dans le but de tirer un revenu d'entreprise ou de bien;

g) l'appelant a réclamé arbitrairement des dépenses d'entreprise sous la rubrique Divers à raison de 80,00 $ par semaine pour chacune des années en litige;

h) ces dépenses n'étaient pas supportées par des pièces justificatives;

i) les dépenses "Divers" n'ont pas été engagées ou effectuées par l'appelant dans le but de tirer un revenu d'entreprise ou de bien;

j) durant les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant a réclamé sous la rubrique "Frais de location" 2/3 des dépenses de sa résidence personnelle à des fins d'affaires;

k) la portion de la résidence personnelle utilisée à des fins d'affaires était de 1/3;

l) les Frais de location refusés par le Ministre n'ont pas été engagés ou effectués par l'appelant dans le but de tirer un revenu d'entreprise ou de bien;

Revenu d'entreprise non déclaré:

m) durant les années en litige, l'appelant était marié à Johanne Laurin et ils avaient trois enfants à leurs dépens;

n) l'appelant n'a pas déclaré tous ses revenus gagnés durant les années en litige;

o) d'après la méthode de l'avoir net, les revenus totaux de l'appelant étaient sous-évalués de 44 032 $ et 15 967 $ pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement (voir l'"État de l'avoir net" ci-joint);

Pénalité:

p) l'appelant aurait dû savoir que ses revenus totaux pour les années d'imposition 1994 et 1995 ne comprenaient pas les revenus non déclarés établis d'après la méthode de l'avoir net;

q) l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, en produisant ses déclarations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 sous le régime de la présente Loi; et

r) l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la Loi, fait ou participé, consenti ou acquiescé à un faux énoncé ou une omission dans la préparation de ses déclarations sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995, relativement aux revenus non déclarés aux montants de 44 032 $ et 15 967 $ respectivement, ayant pour résultat que l'impôt qui aurait été payable selon l'information fournie dans ses déclarations d'impôt pour les années 1994 et 1995, était inférieur de 9 144 $ et 1 713 $ respectivement à l'impôt en fait payable attribuable aux faux énoncés ou omissions.

ÉTAT DE L'AVOIR NET

ANNEXE I

-------------------------------------

décembre

décembre

décembre

décembre

1992

-------------

1993

-------------

1994

-------------

1995

-------------

ACTIFS

-----------

Actifs d'entreprise

----------------

Compte de la Caisse Pop# 45213

2,156.20

1,096.30$

5,059.66

246.57$

Camion de l'entreprise

0.00

0.00

0.00

0.00

Aspirateur

0.00

0.00

13,050.00

10,440.00

------------

------------

------------

------------

Total des actifs d'entreprise

2,156.20

------------

1,096.30$

-------------

18,109.66$

-------------

10,686.57$

---------------

Actifs personnels

---------------------

Caisse Pop #33351 chèque

0.77

0.17$

8.44$

349.14$

Caisse Pop #33351 épargne

859.41

9,530.73

16,788.47

23,691.32

Épargne à terme Caisse Pop

0

0

0

25,000.00

Chalet personnel

0.00

0.00

   0.00

4,800.00

Terrain relié au chalet

0.00

0.00

30,000.00

30,000.00

Argent du mariage pour chalet

12,000.00

12,000.00

0.00

0.00

------------

-------------

-------------

--------------

Total des actifs personnels

12,860.18

------------

21,530.90$

---------------

46,796.91$

---------------

83,840.46$

---------------

TOTAL DES ACTIFS

15,016.38

22,627.20$

64,906.57$

94,527.03$

ÉTAT DE L'AVOIR NET ANNEXE II

---------------------------------------------

1992

------------

1993

------------

1994

-------------

1995

-------------

PASSIFS

-------------

Passifs de l'entreprise

---------------------------

Découvert de banque

   0.00

0.00$

   0.00$

   0.00$

--------------

--------------

----------------

---------------

Total des passifs de l'entreprise

0.00

--------------

0.00$

------------

0.00$

--------------

0.00$

---------------

Passifs personnels

----------------------

   0.00

--------------

0.00$

-------------

   0.00$

---------------

   0.00$

---------------

Total des passifs personnels

0.00

--------------

0.00$

--------------

0.00$

--------------

0.00$

---------------

TOTAL DES PASSIFS

   0.00

--------------

0.00$

--------------

   0.00$

---------------

   0.00$

---------------

Avoir Net

15,016.38

--------------

22,627.20$

--------------

64,906.57$

---------------

94,527.03$

---------------

Avoir net de l'année précédente

0.00

--------------

15,016.38$

--------------

22,627.20$

---------------

64,906.57$

---------------

Augmentation (diminution) avoir net

15,016.38

7,610.82$

42,279.37$

29,620.46$

ÉTAT DE L'AVOIR NET ANNEXE III

(concernant la Loi de l'impôt)

-------------------------------------

1993

-------------

1994

---------------

1995

---------------

Augmentation (diminution) avoir net

7,610.82$

42,279.37$

29,620.46$

Ajustements afin de calculer le revenu total pour l'impôt

--------------------------------------------

Additions:

Dépenses personnelles (voir annexe IV)

31,205.90

31,612.73

32,281.52

Paiement d'impôt-client

0.00

0.00

0.00

Paiement d'impôt

0.00

0.00

0.00

--------------

---------------

---------------

Total des additions

31,205.90$

--------------

31,612.73$

---------------

32,281.52$

---------------

Déductions:

Montant reçu pour vente de roulotte (Père)

0.00$

0.00$

15,900.00$

Taxe de vente (ON) sur vente de roulotte

0.00

0.00

1,272.00

Portion non-taxable sur gain en capital

0.00

   0.00

0.00

Remboursement d'impôt-M. Jean Drouin

664.55

0.00

0.00

Remboursement d'impôt-Mme Johanne Laurin

6,594.00

0.00

0.00

Remboursement de TPS-M. Jean Drouin

2,246.75

713.00

713.00

Crédit d'impôt pour enfant-Mme Laurin

4,058.27

4,144.00

4,017.30

Prestation fiscale pour enfant-Mme Laurin

0.00

0.00

0.00

Argent reçu pour association d'affaire

5,000.00

6,650.00

6,650.00

--------------

---------------

---------------

Total des déductions

18,563.57$

--------------

11,507.00$

---------------

28,552.30$

---------------

Ajustements nets

12,642.33$

--------------

20,105.73$

---------------

3,729.22$

---------------

Total du revenu calculé selon l'avoir net

20,253.15 $

--------------

62,385.10 $

---------------

33,349.68 $

---------------

Moins: revenu total déclaré à l'impôt

-M. Jean Drouin

9,517.03

6,833.00

8,196.00 $

   -Mme Johanne Laurin

3,300.00

--------------

   0.00

---------------

0.00

---------------

Divergence d'après l'avoir net

7,436.12 $

55,552.10 $

25,153.68 $

ANALYSE DE LA DIVERGEANCE SELON L'AVOIR NET ANNEXE V

-------------------------------------------------------------------------------

1993

--------------

1994

--------------

1995

--------------

Divergence d'après l'avoir net

(selon annexe III)

7,436.12 $

--------------

55,552.10 $

---------------

25,153.68 $

---------------

Déduire: rajustements de vérification connus

-----------------------------------------------

Dépenses non supportées surévaluées

9,967.44

12,969.67

11,797.14

Gain en capital imposable

0.00

0.00

0.00

Allocation du coût en capital allouées

0.00

(1,450.00)

(2,610.00)

--------------

---------------

---------------

Total des rajustements de vérification connus

9,967.44 $

--------------

11,519.67 $

---------------

9,187.14 $

---------------

Revenu d'entreprise non déclaré selon l'avoir net

(2,531.32)$

44,032.44 $

15,966.54 $

[3] L'appelant conteste le revenu d'entreprise non déclaré selon l'avoir net tel que calculé à l'annexe V. Il soumet, quant à l'année 1993, que le résultat obtenu est négatif (soit -2 531,32 $) et il attribue ceci au fait que le Ministre lui a refusé trop de dépenses pour cette même année. Il suggère donc de réduire le montant des dépenses refusées à 7 436,12 (le Ministre a refusé 9 967,44 $), soit au montant correspondant à la divergence d'après l'avoir net calculé à l'annexe III afin de ramener cette divergence à nil.

[4] Pour l'année 1994, l'appelant soumet que le Ministre n'a pas tenu compte d'un prêt de 40 000 $ que lui aurait fait un ami d'enfance, monsieur Réginald Larocque. Il soutient que ce prêt devrait apparaître au passif de l'annexe II, ce qui diminuerait la divergence d'après l'avoir net à 7 002,10 $ au lieu de 55 552,10 $, tel qu'établi par le Ministre à l'annexe III. Ceci aurait pour effet de réduire le revenu d'entreprise non déclaré selon l'avoir net (annexe V) à une somme négative, si l'on maintient le montant des dépenses refusées par le Ministre pour cette même année à 12 969,67 $. C'est pourquoi l'appelant demande, à l'instar de l'année 1993, de réduire le montant des dépenses refusées à 7 002,10 $ (au lieu de 12 969,67 $) afin de ramener le revenu d'entreprise non déclaré selon l'avoir net à nil.

[5] En ce qui concerne l'année 1995, il reconnaît que le revenu non déclaré est de 15 966,54 $, tel que calculé à l'annexe V. Il juge toutefois que cette somme n'est pas imposable puisqu'elle correspond, selon lui, au montant des allocations familiales qu'il aurait reçues de la province de Québec au cours de ces années, et qui n'a pas été tenu en compte par le Ministre dans le calcul de l'avoir net.

[6] J'ai entendu les témoignages de l'appelant, de monsieur Réginald Larocque et de madame Isabelle Guay, vérificatrice au cours des années en litige à Revenu Canada. C'est madame Guay qui a établi l'avoir net. L'appelant soutient qu'il a reçu en 1993 un premier prêt de 10 000 $ en argent comptant de monsieur Larocque pour qu'il puisse acheter un aspirateur. Il aurait également acheté cet aspirateur comptant pour la somme de 14 500 $.

[7] L'appelant soutient également que monsieur Larocque lui aurait prêté une autre somme de 40 000 $ en 1994 en argent comptant. Selon l'appelant, cette somme aurait servi à acheter un terrain et un chalet d'une valeur totale de 34 800 $, toujours en argent comptant. Aucune reconnaissance de dette ou entente de prêt n'a été signée entre les deux hommes. L'appelant a expliqué qu'il avait acheté ce terrain dans le but de démarrer une entreprise d'entreposage et de vente de bois de chauffage. Monsieur Larocque a confirmé qu'il avait prêté cette somme d'argent à l'appelant et que cet argent devait servir à acheter le terrain. Monsieur Larocque a mentionné qu'il avait prêté cette somme par petites tranches au cours de l'année 1994. Il a déposé en preuve sous la pièce A-2, une copie de son livret bancaire dans lesquels on voit plusieurs retraits entre les mois de mars et mai 1994. On y voit des écritures manuscrites à côté des retraits dont entre autres le nom “ Jean ”. La somme de ces retraits associés au nom “ Jean ” totalise 30 769 $. Ces copies de livrets bancaires ont été certifiées conformes par Lise F. Chartrand, c.a., la comptable qui a représenté l'appelant tout au long de l'enquête faite par madame Guay pour le compte de l'intimée. L'avocate de l'intimée s'est objectée au dépôt de ces copies de livrets bancaires au motif que ces documents n'étaient pas certifiés conformes par un représentant de la banque et que monsieur Larocque n'avait pas l'original de ces livrets bancaires avec lui pour fins de comparaison. J'ai pris cette objection sous réserve.

[8] L'appelant aurait remboursé la somme empruntée à monsieur Larocque en argent comptant en 1997 avec le produit d'un certificat de dépôt de 25 000 $ qu'il avait. Il aurait remboursé le solde par tranches de plusieurs montants en argent comptant.

[9] Monsieur Larocque a déposé en preuve, sous la pièce A-3, un document daté du 10 juin 1997, qui se lit comme suit :

Je, Réginal Larocque, atteste avoir investi avec Jean Drouin les montants suivants pour partir une compagnie de bois de chauffage dans un projet en 1993 et en 1994:

1993 - $ 10,000

1994 - $ 40,000

Pour causes de problèmes techniques, ce projet n'a pas eu lieu et Jean Drouin a éventuellement remboursé ces montants.

[10] Madame Guay a rencontré l'appelant à quatre reprises en 1997 en présence de sa comptable, madame Lise Chartrand. Jamais il n'a été fait mention au cours de ces rencontres de ce prêt de 50 000 $. Les nouvelles cotisations ont été établies le 13 juin 1997 et l'appelant n'a pas montré ce dernier document (pièce A-3) à madame Guay auparavant. Ce n'est qu'au moment de faire opposition, le 25 juin 1997, soit plus de quatre mois après la première rencontre avec madame Guay qui a eu lieu le 12 février 1997, que l'appelant a mentionné pour la première fois ce prêt de 50 000 $.

[11] Par ailleurs, l'appelant a également dit lors de son témoignage qu'il avait déjà reçu une somme de 20 000 $ de deux prêteurs, dont il n'a pas voulu révéler les noms, pour démarrer son projet de vente de bois de chauffage. Il aurait remboursé ces deux personnes en 1994. Il aurait dévoilé ce fait à madame Guay lors de leur dernière rencontre, le 26 mai 1997. Madame Guay a accepté cette version et en a tenu compte dans l'établissement de l'avoir net, dans le poste “ argent reçu pour association d'affaire ”.

[12] En ce qui concerne les dépenses refusées par madame Guay, c'est avec l'accord de l'appelant et de sa comptable, madame Chartrand, qu'elle a déterminé le montant raisonnable des dépenses rattachées à l'exploitation de l'entreprise de ramonage de l'appelant. En ce qui concerne l'utilisation du véhicule moteur, madame Guay a expliqué que l'appelant ne lui avait fourni aucune pièce justificative, aucune facture, aucun carnet de bord pouvant déterminer le kilométrage effectué par l'appelant pour fins d'affaires. Elle a d'abord établi que l'appelant faisait approximativement 80 voyages par mois pour son entreprise avec une moyenne de 20 kilomètres par voyage. Après discussion avec l'appelant et madame Chartrand, ils ont tous convenu que l'appelant faisait 122 voyages par mois avec une moyenne de 30 kilomètres par voyage.

[13] Quant aux frais de location, l'appelant avait lui-même réclamé un tiers de son logement à ce titre pour fins d'affaires en 1993. Il a augmenté cette proportion à deux tiers en 1994 et 1995. D'un commun accord avec l'appelant et madame Chartrand, madame Guay a accepté une proportion d'un tiers pour fins d'affaires. En ce qui concerne les frais divers réclamés par l'appelant, madame Guay a jugé ceux-ci non raisonnables et non justifiés par aucune pièce justificative.

Analyse

[14] Pour donner raison à l'appelant, relativement aux revenus d'entreprise non déclarés, je dois décider s'il faut tenir compte d'un prêt de 50 000 $ dans l'établissement de l'avoir net.

[15] Je considère que la preuve devant moi ne me permet pas de donner raison à l'appelant. En effet, bien que l'appelant et son ami de longue date, monsieur Larocque, aient tous deux dit qu'un tel prêt avait été effectué, il me semble que si c'était le cas, l'appelant aurait dû normalement en faire part à madame Guay lors de son enquête. L'appelant a pris soin de dévoiler à madame Guay l'existence d'un prêt de 20 000 $ que lui aurait fait deux personnes dont il n'a pas voulu révéler l'identité. Par contre, il n'a pas jugé à propos de parler du prêt de 50 000 $ de monsieur Larocque, lequel est un ami d'enfance. S'il a cru bon d'informer madame Guay lors de sa dernière rencontre avec elle, le 26 mai 1997, de son projet de démarrer une entreprise de bois de chauffage en lui parlant du premier prêt de 20 000 $, il est étrange qu'il ait omis de parler du second prêt de 50 000 $ (dont 40 000 $ devait servir à cette nouvelle entreprise) alors que cette information était cruciale pour diminuer sa dette fiscale. De plus, tout au long de ces rencontres, l'appelant était accompagné de sa comptable, madame Chartrand. Comment se fait-il que celle-ci n'ait pas fait part à madame Guay de ce prêt de 50 000 $? Il me semble que si ce prêt avait réellement été effectué, elle aurait dû être au courant. Je me demande donc pourquoi l'appelant n'a pas demandé à madame Chartrand de venir témoigner sur ce point. Selon le témoignage de monsieur Larocque, c'est madame Chartrand qui a certifié les copies de ses livrets bancaires quelques semaines avant l'audition. Il me semble dès lors que madame Chartrand aurait pu être disponible pour venir donner sa version des faits dans cette affaire. Si elle ne l'était pas, il revenait à l'appelant d'en faire part à l'audience.

[16] Dans l'affaire Nicolas Enns c. M.R.N., 87 DTC 208, le juge Sarchuk de cette Cour s'exprimait comme suit :

[TRADUCTION]

Dans l'ouvrage de Sopinka et Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases, les auteurs font remarquer ce qui suit au sujet des conséquences de l'omission de faire comparaître un témoin, je cite :

“ Dans l'affaire Blatch v. Archer, (1774), 1 Cowp. 63, p. 65), Lord Mansfield a déclaré :

“ Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l'une des parties était en mesure de produire et que l'autre partie était en mesure de réfuter. ”

L'application de ce principe a conduit à établir une règle bien connue selon laquelle l'omission d'une partie ou d'un témoin de produire une preuve que la partie ou le témoin était en mesure de produire et qui aurait peut-être permis d'élucider les faits, fonde la Cour à déduire que la preuve de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à laquelle l'omission a été attribuée.

Dans le cas d'un demandeur auquel il incombe d'établir un point, l'effet de cette déduction peut être que la preuve produite sera insuffisante pour s'acquitter du fardeau de la preuve. ” (Lévesque et al. c. Comeau et al. [1979] R.C.S. 1010, (1971), 16 D.L.R. (3e) 425.) ” (Souligné par mes soins.)

[18] Je conclus donc de l'absence de madame Chartrand à l'audience que son témoignage aurait été défavorable à la thèse de l'appelant. Je ne retiendrai pas non plus en preuve la copie des livrets bancaires puisque cette seule copie ne peut faire preuve de son authenticité dans les circonstances.

[19] Par ailleurs, il est étrange que monsieur Larocque ait décidé de reconnaître par écrit qu'il avait été remboursé par l'appelant de la somme de 50 000 $ le 11 juin 1997, juste au moment où madame Guay terminait sa vérification (les cotisations sont datées du 13 juin 1997) alors qu'aucun document n'attestant le prêt n'avait été signé initialement. Ce document s'apparente plutôt à un document après le fait, qui ne peut avoir beaucoup de poids pour démontrer la thèse de l'appelant.

[20] Compte tenu de l'absence du témoignage de madame Chartrand et de la non-révélation de ce prêt à madame Guay au cours de l'enquête, de même que des questions obscures entourant ce prêt, je considère que l'appelant n'a pas démontré selon la prépondérance des probabilités qu'il a réellement reçu un prêt de 40 000 $ de monsieur Larocque au cours de l'année 1994. En conséquence, je considère que l'appelant n'a pas démontré que les revenus d'entreprise non déclarés selon l'avoir net pour les années d'imposition 1994 et 1995 sont erronés.

[21] Quant aux dépenses totales refusées, l'appelant suggère que le résultat négatif de l'avoir net en 1993 indique que le Ministre a refusé trop de dépenses. Madame Guay a expliqué qu'un résultat négatif pouvait tout aussi bien dire que les actifs avaient été sous-évalués. Je considère que l'appelant n'a pas démontré que madame Guay a refusé trop de dépenses. Elle a établi de concert avec l'appelant et madame Chartrand, le montant raisonnable des dépenses engagées dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de ramonage de l'appelant. L'appelant n'a pas apporté de preuve supplémentaire à l'audition pour modifier le montant des dépenses refusées. Je considère donc que l'appelant n'a pas démontré selon la prépondérance des probabilités que les dépenses refusées sont inexactes.

[22] Quant aux allocations familiales provenant de la province de Québec, madame Guay a reconnu ne pas en avoir tenu compte dans l'établissement de l'avoir net. L'appelant n'avait aucun document prouvant le montant exact de ces allocations. Toutefois, l'appelant qui a trois enfants, a dit qu'il pensait que sa femme recevait 300 $ par mois au cours des années en litige. Je considère donc que l'appelant a droit à ce que l'on réduise son revenu additionnel du montant de ces allocations familiales et qu'il revient au Ministre de faire ce calcul.

[23] Quant à la pénalité pour l'année 1994, l'appelant a déclaré très peu de revenus en 1994 (6 833 $) comparativement au revenu total non déclaré (44 032 $). L'appelant a été négligent dans sa tenue de livres, n'a tenu aucun registre adéquat de ses dépenses. Je considère que l'intimée a démontré que l'appelant a sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenus pour l'année 1994.

[24] En conséquence, l'appel de la cotisation pour l'année d'imposition 1993 est rejeté. Les appels des cotisations pour les années d'imposition 1994 et 1995 sont admis et les cotisations sont déférées au Ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que le Ministre doit réduire le revenu d'entreprise non déclaré par l'appelant selon l'avoir net pour les années 1994 et 1995 du montant des allocations familiales provenant de la province de Québec que l'appelant ou sa conjointe a reçues au cours de ces années. La pénalité pour l'année 1994 est maintenue mais devra être recalculée en conséquence.

Signé à Ottawa, Canada ce 14e jour de février 2000.

“ Lucie Lamarre”

J.C.C.I.

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