Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19981210

Dossier: 97-1496-UI

ENTRE :

SORAYA RAISI,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant MacLatchy, C.C.I.

[1] Le présent appel a été entendu à Toronto (Ontario), le 23 novembre 1998.

[2] L'appelante interjette appel contre la décision rendue par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) après que l'appelante lui a demandé, le premier mai 1997, de déterminer le caractère assurable, aux fins de l'assurance-chômage, de son emploi auprès de Raamco International Properties Limited, le payeur, entre le premier décembre 1995 et le 16 mai 1996. Le ministre a décidé que l'emploi était assurable et que le total de la rémunération assurable et des semaines d'emploi assurable s'élevait à 3 233,67 $ et à 18 semaines respectivement. La décision a été communiquée à l'appelante le 20 mai 1997.

[3] Le présent appel vise donc la détermination du nombre de semaines d'emploi assurable et du montant de la rémunération assurable de l'appelante.

[4] On a convenu que l'emploi de l'appelante était assurable conformément à l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage (la “ Loi ”).

[5] La rémunération assurable de l'appelante, au cours de sa période d'emploi, est calculée par périodes de paye hebdomadaires telles qu'elles figurent au tableau des périodes de paye hebdomadaires de l'employeur.

[6] Selon le Guide de l'employeur – Retenues sur la paie en 1995 et 1996, qui définit les expressions “semaines d’emploi assurable ” et “rémunération assurable ” aux fins de l'assurance-chômage, les périodes de paye hebdomadaires sont celles qui se composent de sept jours consécutifs, le dernier jour marquant la fin de la période de paye.

[7] Pour que sa rémunération hebdomadaire soit considérée comme étant une rémunération assurable, l'employé doit avoir une rémunération égale ou supérieure au minimum hebdomadaire, ou il doit avoir travaillé 15 heures ou plus au cours d'une période de paye hebdomadaire. En 1995, la rémunération assurable hebdomadaire minimale s'élevait à 163 $ et à 150 $ en 1996.

[8] Le ministre a conclu que la rémunération assurable globale de l'appelante était de 3 233,67 $ pour 18 semaines d'emploi assurable. Il a aussi conclu que les semaines d'emploi restantes ne respectaient pas les exigences hebdomadaires minimales pour 1995 et 1996 à l'égard de la rémunération assurable et des heures de travail.

[9] Le ministre admet qu'il n'est pas contesté que l'appelante est une “ personne qui devient membre de la population active ” au sens du paragraphe 6(4) de la Loi, et qu'en cette qualité elle doit comptabiliser, en vertu du paragraphe 6(3) de la Loi, 20 semaines d'emploi assurable pour avoir droit à des prestations.

[10] L'appelante croyait que la principale question litigieuse portait sur le nombre d’heures devant être créditées à ses périodes de disponibilité de 24 heures sur 24 tous les deux vendredis ainsi qu’un week-end sur deux.

[11] Le contrat de travail de l'appelante dit expressément que ses fonctions en qualité de gérante adjointe à temps partiel consistent à nettoyer toutes les parties désignées de l'immeuble chaque fin de semaine, à être présente au bureau de l'immeuble le jour de semaine désigné une semaine sur deux (c.-à-d. chaque second vendredi) de façon à remplacer les gérants résidants pendant leurs jours de congé, et à être présente au bureau de l'immeuble un week-end sur deux pour remplacer les gérants résidants pendant leur week-end de congé.

[12] L'appelante a rempli toutes ses fonctions conformément à son contrat de travail. Le relevé de ses feuilles de présence relatives à ses heures supplémentaires est essentiellement exact et comprend quatre heures de nettoyage chaque jour de chaque week-end.

[13] L'appelante croyait que ses fonctions réclamant sa présence au bureau de l'immeuble tous les deux vendredis afin de remplacer les gérants résidants pendant leurs jours de congé étaient obligatoires, et qu'elle était tenue d'être disponible et prête à répondre à des appels éventuels pendant toute la période de 24 heures. L'appelante peut ne pas avoir été tenue de remplir des tâches supplémentaires précises pendant ses périodes de disponibilité, sauf lorsqu'on communiquait avec elle au moyen de son téléavertisseur, mais elle devait être disponible dans l'immeuble pendant toute la période visée et elle ne pouvait poursuivre d'autres activités.

[14] L'appelante était également tenue, conformément à son contrat de travail, d'être présente au bureau de l'immeuble un week-end sur deux pour remplacer les gérants résidants pendant leurs week-ends de congé. Ces fonctions prévoyaient qu’elle était en disponibilité 24 heures sur 24 le samedi et le dimanche à toutes les deux semaines au cours de son emploi auprès du payeur. Au cours des périodes de disponibilité de 24 heures sur 24 les samedis et dimanches en question, elle vaquait aussi à ses travaux de nettoyage quatre heures chaque jour.

[15] L'appelante soutient qu'on devrait lui créditer 50 % de son temps lorsqu'elle se tenait disponible les samedis et les dimanches tous les deux week-ends, c'est-à-dire qu'on devrait lui créditer dix heures à l'égard de chaque samedi et de chaque dimanche. De plus, on devrait lui créditer 50 % de ses heures de disponibilité tous les deux vendredis.

[16] Le ministre affirme qu'on ne devrait créditer à l'appelante que 20 % de ces heures de disponibilité ou d'attente en dehors de ses tâches de nettoyage.

[17] Si l'on admettait les arguments de l'appelante, on lui créditerait suffisamment d'heures assurables pour la rendre admissible aux prestations d'assurance-chômage en vertu de la Loi. Les calculs du ministre ne donneraient pas à l'appelante suffisamment d’heures pour lui permettre de réclamer quoi que ce soit en vertu de la Loi.

[18] L'appelante a témoigné devant la Cour. Elle était tenue de remplir ses fonctions contractuelles dans deux immeubles désignés comme étant le 105 Isabella (où résidait l'appelante) et le 100 Gloucester, tous deux situés dans la ville de Toronto, à la distance d'environ une rue l'une de l'autre.

[19] Les fonctions de l'appelante comprenaient le nettoyage des vestibules, des ascenseurs, des buanderies, des portes avant et arrière et des pièces réservées aux ordures à chaque étage de l'immeuble situé au 100 Gloucester, comme il s'agissait d'un immeuble de conception plus ancienne. Son témoignage a étayé son respect des autres modalités de son contrat avec le payeur, lequel constitue la pièce A-1. Le contrat précisait, notamment, qu'elle devait être présente au bureau tous les deux mercredis - en fait, les vendredis ont été substitués aux mercredis.

[20] Pendant les heures où elle devait se tenir disponible, l'appelante était tenue de porter un téléavertisseur pour permettre aux locataires d'entrer en contact avec elle, s'ils le souhaitaient, et pour leur donner la possibilité de se rendre chez elle durant les heures en question également. Son témoignage a fait ressortir le fait que chaque immeuble montrait son âge, et que de nombreux appels réclamaient son attention immédiate pour des urgences telles que les incendies, les fuites d'eau, les locataires gênants, le manque de chauffage ou d'autres plaintes de ce genre de la part des locataires. Lorsqu'elle était en disponibilité, elle devait se rendre à n'importe quelle heure enquêter sur les plaintes, déterminer les mesures qui s'imposaient et contacter les autorités compétentes en cas d'urgence, comme par exemple la police, les pompiers ou les réparateurs selon son jugement. Elle devait être disponible pour les locataires qui quittaient les immeubles, afin de tenir un ascenseur à leur disposition, inspecter leur appartement, le nettoyer, en obtenir les clefs et signaler les dommages éventuels. Au cours de ses heures de disponibilité, elle a fait face à des incendies et à des locataires bruyants; elle a dû s'occuper de l'enlèvement des ordures pour prévenir les risques d'incendie, des disputes entre locataires et des clefs égarées; ces situations se produisaient souvent tard le soir et très tôt le matin. L'appelante croyait avec raison qu'elle devait être disponible en tout temps durant ses heures de disponibilité, sinon son emploi prendrait fin.

[21] Le ministre n'a soumis à la Cour aucune preuve directe. Les deux parties ont plaidé, après quoi le jugement a été mis en délibéré.

[22] La Cour a admis le témoignage de l'appelante comme étant fiable et digne de foi, et le contre-interrogatoire de l'avocat de l'intimé ne l'a pas affaibli. Les heures de disponibilité n'avaient rien de facile, elles étaient pleines d'incidents et très stressantes pour l'appelante. Elle devait être sur place et disponible en tout temps, et il était constamment fait appel à son jugement décisif pour régler les problèmes qui lui étaient signalés aussi bien le jour que la nuit. Elle était très sérieuse et elle remplissait ses fonctions de gérante adjointe en faisant preuve d'un jugement sain et rapide. Aussi, ses heures de disponibilité devraient-elles être considérées comme étant bien autre chose qu'une simple disponibilité symbolique, sans toutefois être reconnues à titre d'emploi à plein temps.

[23] L'intimé n'a donné aucun éclaircissement à la Cour pour appuyer les raisons pour lesquelles il acceptait les heures en cause au taux de 20 % des heures de disponibilité; par exemple l'appelante ne se voit crédité que quatre heures aux fins de l'assurance-chômage sur ses 20 heures de disponibilité.

[24] Après avoir entendu la preuve qui a été soumise, la Cour a décidé qu'un crédit de 20 % (susmentionné) n'est pas suffisant ni approprié à l'égard des heures de disponibilité de l'appelante. La Cour est persuadée qu'un crédit de 50 % des heures de disponibilité n'est pas déraisonnable dans les circonstances. Conséquemment, la Cour se prononce en faveur de l'appelante. L'appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée.

Signé à Toronto (Ontario), ce 10e jour de décembre 1998.

“ W. E. MacLatchy ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de juillet 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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