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Date: 20010402

Dossier: 98-2959-IT-G

ENTRE :

STEFFEN E. WALTZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

P. R. Dussault, J.C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation dont l'avis est en date du 28 juillet 1998 concernant l'année d'imposition 1990 et d'un appel à l'encontre d'une détermination de perte en date du 20 septembre 1999 concernant l'année d'imposition 1991.

[2]            Dans ce dossier, les parties ont éprouvé certaines difficultés à définir de façon exacte les questions en litige. C'est finalement dans une Réponse modifiée (“ Réponse modifiée ”) à un avis d'appel lui-même modifié à deux reprises et dans une entente sur les faits que l'on retrouve l'essentiel de la contestation entre les parties. De façon à simplifier l'exposé, je me référerai aux alinéas 11.a à 11.f de la Réponse modifiée pour circonscrire la seule question en litige pour 1990. Quant à l'année 1991, c'est plutôt à l'entente sur les faits que je me référerai principalement puisque la seule question en litige en est une de droit.

[3]            En ce qui concerne l'année 1990, les alinéas 11.a à 11.f de la Réponse modifiée se lisent ainsi :

                                [TRADUCTION]

a.              Pendant les années d'imposition 1990 et 1991, l'appelant était actionnaire de la société S.E. Waltz Co. Ltd. (la compagnie).

b.              Pendant l'année d'imposition 1990, l'appelant a reçu de la compagnie des prêts d'une valeur totale de 122 842 $.

c.              Les prêts d'une valeur totale de 122 842 $ n'ont pas été remboursés à la compagnie.

d.              Pendant la vérification du dossier de l'appelant effectuée par le Ministre, l'appelant a demandé au Ministre d'annuler le solde débiteur de 122 842 $ du compte de l'actionnaire en convertissant la dette que la compagnie avait à l'égard de M. Eric Waltz, le père de l'appelant, en avance effectuée par l'appelant.

e.              À l'époque de la vérification en 1994, les documents comptables de la compagnie ne faisaient pas état de la cession de la créance de M. Eric Waltz à son fils.

f.               L'appelant n'a pas vraiment remboursé les prêts qu'il a reçus de la compagnie en 1990.

               

[4]            Par ailleurs, pour l'année 1991, ce sont les paragraphes 10 à 20 de l'entente sur les faits qui sont pertinents quant à la question qui demeure en litige. Ils se lisent ainsi :

                                [TRADUCTION]

10.            Pendant l'année d'imposition 1991, l'appelant possédait un intérêt de 18,5 p. 100 dans une coentreprise connue sous le nom de Cantex Joint Venture IX (ci-après “ Cantex ”).

11.            Le 27 novembre 1978, Haystack Fort-Worth a emprunté 2 200 000 $U.S. de la New York Life Insurance Company (ci-après la “ NY Life ”) et 2 600 000 $US de la Crown Life Insurance Company (ci-après “ Crown Life ”). Les deux prêts furent garantis par des hypothèques.

12.            Le 17 août 1987, Cantex a acquis l'immeuble connu sous le nom de Bennington Heights Apartments (ci-après le “ Bennington ”), situé dans le comté de Tarrant, au Texas, et a pris à sa charge les hypothèques qui le grevaient. À l'époque, le taux de change par rapport au dollar américain était de 1,32 p. 100.

13.            Au cours des mois d'avril et de mai 1991, Crown Life et NY Life ont procédé à la forclusion des hypothèques. Au moment de la forclusion, le solde du prêt dû à Crown Life s'élevait à 1 949 575 $US et le solde du prêt dû à NY Life s'élevait à 2 330 315 $US. À l'époque, le taux de change par rapport au dollar américain s'établissait à 1,15 p. 100.

14.            L'appelant a déclaré une perte finale de 426 361 $, en se fondant sur une taux de change de 1,15 p. 100.

15.            L'intimée a modifié le calcul de la perte finale comme suit :

a)              le coût des améliorations apportées à l'immeuble a été calculé en utilisant le taux de change en vigueur au moment où les améliorations ont été effectuées;

b)             10 p. 100 de la perte finale a été convertie en perte en capital;

c)              les pertes finales et les pertes en capital qui découlent de ce calcul ont été obtenues en utilisant un taux de change de 1,32 p. 100.

16.            Le résultat net est que la perte de l'appelant a été réduite de 126 976 $ étant donné que la perte finale a été réduite de 412 594 $ à 292 722 $ (une différence de 149 872 $) et que l'intimée a ajouté une perte en capital nette de 22 896 $.

17.            Dans son avis d'opposition, l'appelant s'est opposé à la conversion d'une partie de la perte finale en perte en capital ainsi qu'au calcul de ces pertes au moyen d'un taux de change de 1,32 p. 100. L'appelant a accepté le calcul du coût des améliorations tel qu'effectué par l'intimée.

18.            En ce qui concerne l'alinéa 15a), la différence entre la perte nette calculée par l'appelant et celle calculée par l'intimée s'établit à 7 612 $.

19.            En ce qui concerne l'alinéa 15b), la conversion de la perte finale en perte en capital crée une différence de 7 632 $.

20.            En ce qui concerne l'alinéa 15c), le calcul du produit de disposition au moyen du taux de 1,32 p. 100 plutôt que 1,15 p. 100 crée une différence de 111 732 $.

[5]            Lors de l'audition, l'avocat de l'appelant a indiqué que ce dernier ne contestait plus la conversion de 10 p. 100 de la perte finale en perte en capital. Cette conversion avait été faite par Revenu Canada pour tenir compte du fait que la forclusion d'hypothèques en 1991 entraînait non seulement la disposition d'un bien amortissable (“ l'édifice ”) mais également celle d'un bien non amortissable (“ le terrain ”). Aux fins de l'application de l'alinéa 79c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”), on avait attribué 90 p. 100 du coût et du produit de disposition réputé à l'édifice et 10 p. 100 au terrain. Ainsi, la seule question qui demeure en litige pour l'année 1991 concerne le taux de change applicable à la devise américaine aux fins de la conversion en dollars canadiens pour l'application de l'alinéa 79c) de la Loi.

Année 1990

[6]            L'intimée soutient que la société S.E. Waltz Co. Ltd. (la “ société ”) a consenti en 1990 un prêt de 122 842 $ à l'appelant, que ce dernier n'a jamais remboursé ce prêt et, ainsi, que le paragraphe 15(2) de la Loi est applicable en l'espèce. Pour sa part, l'appelant prétend que son père, monsieur Erich Waltz, avait fait de nombreux prêts à la société depuis le début des années 80. En 1989, monsieur Erich Waltz aurait cédé sa créance à l'appelant de sorte que c'est plutôt un paiement que la société débitrice a fait en remettant la somme de 122 842 $ à l'appelant en 1990. Ainsi, selon l'appelant, le versement de cette somme par la société en 1990 ne constituait pas un prêt.

Résumé de la preuve

[7]            Le 25 août 1999, la Cour a tenu une audience spéciale au Centre de Vidéoconférence Bell à Montréal. Monsieur Erich Waltz y a témoigné depuis Stuttgart en Allemagne avec l'aide d'un interprète présent à Montréal. Bien qu'il n'ait jamais été engagé directement dans la société S.E. Waltz and Co. Ltd., monsieur Erich Waltz a affirmé lui avoir prêté une somme totalisant 654 000 $ au 31 décembre 1988. Monsieur Erich Waltz a dit avoir eu l'impression, lors de ses conversations avec son fils, que la société éprouvait certaines difficultés financières et avoir craint qu'elle puisse éventuellement faire faillite. Il aurait donc, de sa propre initiative, décidé de transférer sa créance à son fils, lequel était, selon lui, un débiteur plus sûr dans les circonstances. Ainsi, il aurait préparé lui-même, en date du 4 janvier 1989, une lettre dactylographiée, transférant à l'appelant sa créance de 654 000 $, dont la société était débitrice au 31 décembre 1988 et ce, pour la somme de un dollar et autres contreparties[1]. Cette lettre aurait été attestée par deux témoins le lendemain, le 5 janvier 1989. Les témoins sont la fille de monsieur Erich Waltz et une aide domestique de longue date. Monsieur Waltz a affirmé que le transfert de sa créance envers la société à son fils ne constituait pas une donation puisqu'il y avait une entente verbale selon laquelle son fils lui rembourserait le montant de la dette avec intérêts au taux de 5 p. 100, ce taux étant le même que celui qui était applicable aux prêts consentis à la société. Monsieur Erich Waltz a affirmé que son fils lui avait remboursé la somme due par versements lorsqu'il avait été en mesure de le faire financièrement. Les remboursements auraient été effectués par transferts bancaires. Ainsi, il a affirmé que la somme due avait été presqu'entièrement remboursée au moment de son témoignage et qu'il possédait des registres tenus par son conseiller fiscal attestant de ces remboursements. Quant aux intérêts payés, ils auraient été déclarés aux autorités fiscales allemandes.

[8]            Lors de son témoignage, monsieur Erich Waltz a aussi reconnu une lettre en date du 8 juillet 1993, signée par lui, qui aurait été préparée par son fils[2]. Cette lettre, adressée à un certain monsieur Louis Racine de Revenu Canada, est libellée dans les termes suivants :

                [TRADUCTION]

M. Racine,

La présente a pour objet de confirmer que j'ai transféré à mon fils Steffen E. Waltz la créance qui m'est due par S.E. Waltz & Co. Ltd.. Ce transfert est entré en vigueur le 30 juin 1989.

Veuillez agréer, M. Racine, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Erich Waltz

c.c. : S.E. Waltz & Co. Ltd.

Steffen E. Waltz ”

[9]            Monsieur Erich Waltz n'a pu expliquer pourquoi il est fait mention de la date du 30 juin 1989 plutôt que de celle du 31 décembre 1988, sauf que cette date correspondait à celle arrêtée pour les fins du bilan personnel de son fils.

[10]          Dans son témoignage, monsieur Erich Waltz a aussi affirmé que la société ne lui avait jamais rien remboursé à l'égard des prêts qu'il lui avait consentis aux cours des années et qu'il possédait des registres de ces prêts.

[11]          À la fin du témoignage de monsieur Erich Waltz, l'avocat de l'intimée lui a demandé de faire parvenir les registres de ses prêts à la société, ceux concernant le prêt à son fils, c'est-à-dire les documents concernant les remboursements effectués au cours de la période de dix ans, de même que les registres bancaires des transferts effectués. Monsieur Waltz s'est engagé à faire son possible pour accéder à ces demandes le plus tôt possible, tout en signalant que son comptable était à ce moment en vacances jusqu'au 5 septembre 1999. Malgré cet engagement, il n'a jamais fait parvenir aucun des documents demandés.

[12]          L'appelant a aussi témoigné. Il a affirmé que la société avait été constituée à la fin de 1977 ou au début de 1978 à des fins d'investissements immobiliers. Initialement, elle aurait été financée grâce à des apports égaux de deux actionnaires, dont lui-même, et grâce à des prêts obtenus d'une banque allemande et garantis par son père. Au début des années 80, l'appelant se serait séparé de son associé en affaires et il aurait convenu avec son père de financer directement la société grâce à des prêts de ce dernier. Ainsi, bien qu'il n'ait jamais été lui-même actionnaire, monsieur Erich Waltz aurait, selon l'appelant, prêté des sommes à la société au cours des années 1981, 1982 et 1983 à un taux variant entre 6 p. 100 et 10 p. 100 par année.

[13]          Un registre de la société concernant les avances de monsieur Erich Waltz a été soumis en preuve[3]. Selon l'appelant, ce document aurait été préparé par un certain Claude Aubé qui était chargé de la tenue du grand livre pour la société à la fin des années 80. Le document indique que des avances auraient été faites par monsieur Erich Waltz à la société en 1987 et en 1988 mais aussi qu'il y aurait eu des remboursements en 1988. En date du 30 juin 1993, le solde de 654 019,19 $ est annulé avec la mention “ See letter dated January 4, 1989 ” [Voir la lettre du 4 janvier 1989.]. L'appelant a signalé que cette mention référait précisément à la lettre du 4 janvier 1989 par laquelle son père lui transférait sa créance à l'encontre de la société pour la somme de un dollar. Il était entendu que l'appelant deviendrait lui-même débiteur de cette dette envers son père. L'appelant a affirmé avoir été lui-même présent à la maison de ses parents en Allemagne au cours des vacances des Fêtes lorsque la lettre a été signée par son père le 4 janvier 1989. Contrairement à ce qu'avait affirmé son père, c'est toutefois lui ou sa soeur qui aurait dactylographié cette lettre puisque son père ne savait pas dactylographier. Selon l'appelant, la transaction intervenue entre son père et lui s'explique par le contexte particulier dans lequel elle s'est produite. En effet, il venait lui-même de se divorcer et les investissements de la société tant à Montréal qu'aux États-Unis connaissaient certaines difficultés. Ainsi, son père aurait été inquiet de la situation financière de la société et aurait préféré que l'appelant s'engage personnellement à lui rembourser la dette de la société.

[14]          Pouvant difficilement expliquer certaines inscriptions au registre soumis en preuve, l'appelant a souligné qu'à l'époque plusieurs personnes s'étaient occupées de la tenue des livres, en plus du comptable qui remplissait les déclarations de revenu. Toutefois, il a affirmé que c'était monsieur Aubé qui était responsable de la tenue du grand livre et que la dernière inscription au registre en date du 30 juin 1993, annulant le solde de 654 019,19 $, aurait été faite par lui à la demande du comptable. C'est en mentionnant qu'il voyageait beaucoup à l'époque, qu'il y avait un manque de communication entre les différentes personnes chargées de la tenue des livres de la société et un certain défaut de leur part de faire toute la distinction nécessaire entre lui et son père, que l'appelant a tenté d'expliquer une certaine confusion concernant la tenue des livres. Toutefois, il a soutenu que la somme de quelque 122 000 $ qui lui a été remise par la société en 1990 ne constituait pas un prêt mais essentiellement un déboursé ou un paiement. De plus, il a affirmé qu'en 1990 il aurait remboursé son père avec des revenus en provenance des États-Unis versés directement à ce dernier.

[15]          Concernant la lettre de son père à monsieur Racine de Revenu Canada en date du 8 juillet 1993 et reproduite plus haut, l'appelant a affirmé qu'elle avait été requise par monsieur Racine lui-même, qui exigeait une confirmation du transfert de la créance de 654 000 $.

Position de l'appelant

[16]          L'avocat de l'appelant soulève évidemment la question cruciale de la date de confection de la lettre du 4 janvier 1989 en regard du registre de la société concernant les avances de monsieur Erich Waltz, puisqu'il y a définitivement ici manque de correspondance entre les deux. Il note également que la lettre, qui n'est pas un document préparé par un juriste, n'est pas claire puisqu'on y mentionne un transfert de créance alors qu'il appert des témoignages que monsieur Erich Waltz désirait que son fils devienne personnellement responsable de cette dette à la place de la société.

[17]          L'avocat de l'appelant soutient, en se référant à l'opinion de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Hickman Motors Limited c. Canada, [1997] 2 R.C.S., à la page 336, paragraphe 87, que ce ne sont pas les entrées comptables qui comptent mais bien plutôt la réalité des faits qu'elles sont censées constater. Selon lui, dans la présente instance, il s'agit essentiellement d'une question de crédibilité en rapport avec le transfert de créance qui aurait eu lieu en 1989. Si un tel transfert a effectivement eu lieu en 1989, la remise de la somme de 122 000 $ par la société à l'appelant en 1990 doit être vue non pas comme un prêt mais comme un paiement à l'appelant. Par la suite, celui-ci aurait, à son tour, payé son père.

Position de l'intimée

[18]          L'avocat de l'intimée soutient lui aussi qu'il s'agit ici d'une question de crédibilité. D'abord, il signale, comme cela est d'ailleurs mentionné à l'alinéa 11.e de la Réponse modifiée, qu'au moment de la vérification en 1994, les livres comptables de la société n'indiquaient aucun transfert de la créance de monsieur Erich Waltz à son fils.

[19]          Quant à la lettre du 4 janvier 1989, elle fait état du transfert d'une créance de 654 000 $ au 31 décembre 1988 pour la somme de un dollar seulement. Selon l'avocat de l'intimée, un tel transfert n'a pas pour conséquence de faire du cessionnaire de la créance le débiteur du cédant. Il s'agit de deux transactions distinctes. L'avocat de l'intimée soulève également le fait que la lettre indique que la créance de 654 000 $ existait au 31 décembre 1988 alors que le registre de la société soumis en preuve indique un solde de 528 700 $ en juin 1988, de 508 700 $ suite à un débit de 20 000 $ en juillet 1988 et de 408 700 $ suite à un débit de 100 000 $ en avril 1989. Par la suite, un crédit de 44 140 $ dont on ne connaît pas la date et un nouveau crédit de 215 815,80 $ portent le solde à 668 655,80 $ en juin 1990. Finalement, un débit de 14 696,61 $ porte le solde à 654 019,19 $ en février 1991. La dernière inscription au registre est le débit du montant de 654 019,19 $ en date du 30 juin 1993, montant auquel il est fait référence dans la lettre du 4 janvier 1989. L'avocat de l'intimée soutient donc que le solde au 31 décembre 1988 ne pouvait être de 654 000 $ même si on tenait compte d'intérêts accumulés comme l'a laissé entendre l'appelant. Tout ceci démontre, selon l'avocat de l'intimée, que la transaction indiquée dans la lettre du 4 janvier 1989, soit un transfert de créance, ne correspond pas à celle que monsieur Erich Waltz et l'appelant ont décrite et ne correspond pas, non plus, aux entrées comptables.

[20]          L'avocat de l'intimée souligne finalement à cet égard l'absence de toute documentation en provenance de monsieur Erich Waltz malgré la demande à cet effet qui lui a été faite lors de son témoignage du 25 août 1999. Ainsi, selon l'avocat de l'intimée, l'appelant ne s'est pas déchargé de son fardeau de démontrer qu'il ne devait pas la somme de 122 000 $ à la société en 1990 et que c'était plutôt celle-ci qui était endettée envers lui à ce moment.

Analyse

[21]          Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée. J'estime que l'appelant n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'il ne devait pas à la société la somme de 122 000 $, que celle-ci lui a versée en 1990, au motif qu'il n'a pas démontré, contrairement à ses prétentions, que c'est cette dernière qui était endettée envers lui.

[22]          D'abord la transaction dont ont fait état tant monsieur Erich Waltz que l'appelant est différente de celle indiquée dans la lettre datée du 4 janvier 1989. Ensuite, la transaction en question n'est pas conforme aux entrées comptables au registre soumis en preuve. Ainsi, le solde indiqué au registre à différentes dates ne correspond pas à celui de la transaction. En outre, certains débits inscrits au registre ne peuvent être autre chose que des montants remboursés à monsieur Erich Waltz. Ceci contredit le témoignage de ce dernier selon lequel la société ne lui avait jamais remboursé quelque montant que ce soit.

[23]          On peut noter également la contradiction entre le témoignage de monsieur Erich Waltz et celui de l'appelant quant au taux d'intérêt exigé par monsieur Waltz sur ses avances à la société au cours des années.

[24]          Enfin, le défaut, tant de monsieur Erich Waltz que de l'appelant lui-même de produire quelque preuve objective que ce soit, autant des avances que monsieur Erich Waltz aurait faites à la société que des remboursements par transferts bancaires qui auraient été effectués par l'appelant à son père entre 1989 et 1999, crée un doute sérieux quant à savoir si la transaction a vraiment au lieu et quant à la nature même de la transaction ou, à tout le moins, quant à sa date d'exécution. Lorsqu'une personne affirme posséder des registres, des documents fiscaux et bancaires et qu'elle n'est pas en mesure d'en produire un seul, on ne peut faire autrement que mettre en doute sa crédibilité. Il en est de même lorsque l'autre partie à une transaction ne peut elle non plus présenter quelque preuve objective et indépendante que ce soit des remboursements et des transferts bancaires prétendument effectués. Qu'aucun document n'ait pu être produit en preuve à cet égard n'accrédite certainement pas la version de l'appelant et de son père.

[25]          Compte tenu de ce qui précède, l'appel de la cotisation établie pour l'année 1990 est rejeté.

Année 1991

[26]          Tel que mentionné plus haut, la seule question qui demeure en litige pour l'année 1991 est la détermination du taux de change de la devise américaine en dollars canadiens aux fins de l'application de l'alinéa 79c) de la Loi alors en vigueur. En 1991, la partie pertinente de l'article 79 prévoyait ce qui suit :

Article 79 : Forclusion d'hypothèques et reprise de biens qui ont fait l'objet d'une vente conditionnelle. — Lorsque, à une date quelconque pendant une année d'imposition, un contribuable qui

                a)             était créancier hypothécaire ou autre d'une autre personne qui avait auparavant acquis des biens, ou

                b) [. . .]

a acquis ou a acquis de nouveau le beneficial ownership ou la propriété de ces biens par suite d'un défaut de paiement total ou partiel, de la part de l'autre personne, d'une somme (appelée dans le présent article la “ créance du contribuable ”) que celle-ci doit au contribuable, les règles suivantes s'appliquent :

c) doivent être inclus dans le calcul du produit tiré par l'autre personne de la disposition des biens en question, le principal de la créance du contribuable plus toutes les sommes dont chacune constitue le principal d'une dette qui avait été due par cette autre personne dans la mesure où cette dette a été éteinte du fait de l'acquisition ou de la nouvelle acquisition, selon le cas;

d) toute somme payée par l'autre personne après l'acquisition ou la nouvelle acquisition, selon le cas, au titre ou en paiement intégral ou partiel de la créance du contribuable, est réputée être une perte subie par cette personne du fait de la disposition de ces biens pour son année d'imposition dans laquelle cette somme a été versée;

[. . .]

[27]          Les faits essentiels, énoncés plus amplement dans l'entente sur les faits produite par les parties de même que dans la Réponse modifiée (alinéas 11.g à 11.o), peuvent se résumer ainsi :

•                Le 27 novembre 1978, Haystack Fort-Worth no 1 a emprunté 2 000 000 $US de la New-York Life Insurance Company (“ N.Y. Life ”) et, le 30 août 1979, elle a emprunté 2 600 000 $US de la Crown Life Insurance Company (“ Crown Life ”).

•                Chacune des dettes a été garantie par une hypothèque[4] grevant un immeuble connu sous le nom de Bennington Heights Apartments (“ Immeuble Bennington ”), situé au Texas (Tarrant County).

•                Le 17 août 1987, l'immeuble Bennington a été acquis par Performance Properties Corporation qui l'a revendu le même jour à Cantex Joint Venture IX (“ Cantex ”).

•                Cantex a pris en charge le solde des dettes garanties par hypothèques. À ce moment, le taux de change de la devise américaine était de 1,32 p. 100.

•                L'appelant possédait un intérêt de 18,5 p. 100 dans Cantex.

•                En 1991, Cantex éprouva des difficultés financières et, au cours des mois d'avril et de mai, N.Y. Life et Crown Life procédèrent à la forclusion en vertu des hypothèques et reprirent l'immeuble Bennington.

•                Au moment de la forclusion, la dette envers Crown Life était de 1 947 575 $US et la dette envers NY Life, était de 2 330 315 $US. Le taux de change de la devise américaine s'établissait alors à 1,15 p. 100.

•                L'appelant calcula sa perte résultant de l'application de l'alinéa 79c) de la Loi en utilisant le taux de change en vigueur au moment de la forclusion, soit 1,15 p. 100. En cotisant l'appelant, Revenu Canada utilisa plutôt le taux de 1,32 p. 100, soit celui en vigueur au moment de l'acquisition de l'immeuble Bennington par Cantex et de la prise en charge des dettes garanties par hypothèques.

Position de l'intimée

[28]          À l'alinéa 11.n de la Réponse modifiée, l'intimée affirme que les deux prêts ont été contractés pour acquérir un bien en immobilisation et que, comme de tels biens ont toujours été inscrits à leur coût “ historique ”, le ministre a converti le produit de disposition réputé en vertu de l'alinéa 79c) en utilisant le taux “ historique ” de 1,32 p. 100.

[29]          En 1991, l'article 79 de la Loi ne contenait aucune disposition précisant quel était le taux de change applicable lorsqu'une dette était libellée en monnaie étrangère.

[30]          En 1995, l'article 79 a fait l'objet d'importantes modifications, applicables aux biens acquis ou acquis de nouveau après le 21 février 1994 (L.C. 1995, ch. 21, par 26(1)). Le paragraphe 79(7) a été ajouté aux fins de prévoir, pour les fins des calculs requis au nouveau paragraphe 79(3), qu'une dette libellée en monnaie étrangère devait être convertie en dollars canadiens en utilisant le taux de change au moment de son émission.

[31]          L'avocat de l'intimée prétend que cette nouvelle disposition n'a pas eu pour effet de modifier le droit antérieur mais simplement d'en clarifier l'application. Il se réfère au paragraphe 45(2) (ancien 37(2)) de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, pour affirmer qu'on ne peut présumer que la modification d'un texte législatif apporte un changement au droit antérieur. À cet égard, il s'appuie sur les décisions suivantes : MCA Television Limited v. The Queen, 94 DTC 6379, à la page 6389; Woodward Stores Limited v. The Queen, 91 DTC 5090, à la page 5100, et HSC Research Development Corporation v. The Queen, 95 DTC 225, à la page 233.

[32]          Finalement, l'avocat de l'intimée se réfère aux notes explicatives accompagnant l'ajout proposé du paragraphe 79(7)[5]. Ces notes réfèrent à celles concernant une règle semblable proposée au nouvel alinéa 80(2)k)[6] de la Loi. Dans ces notes, on affirme vouloir préciser le traitement appliqué par l'article 80 lors du règlement d'une dette lorsque celle-ci est libellée en monnaie étrangère. On y affirme que la règle a pour but de faire abstraction des fluctuations de la devise étrangère après qu'une dette a été émise aux fins de l'application de l'article 80 de la Loi puisqu'on déterminera le montant faisant l'objet d'un règlement en utilisant le taux de change au moment où la dette a été émise.

[33]          Selon l'avocat de l'intimée, l'application de l'alinéa 79c) dans la présente instance intervient sans qu'il y ait eu de déboursé véritable. C'est le principal de la dette encore due qui est réputé le produit de disposition de l'immeuble par suite de la forclusion. Il est donc normal, selon lui, que l'on utilise le taux de change “ historique ”, c'est-à-dire celui en vigueur au moment où la dette a été émise.

[34]          Comme j'ai moi-même fait la remarque que Revenu Canada n'avait pas, dans la présente instance, utilisé le taux de change applicable lorsque la dette avait été émise, soit pour chacune des dettes, le taux de l'année 1978 et le taux de l'année 1979 respectivement, mais plutôt le taux de change en vigueur au moment où les dettes ont été prises en charge par Cantex en 1987, l'avocat de l'intimée a maintenu, en ce qui concerne Cantex et donc l'appelant, qu'il fallait considérer que la dette avait été émise en 1987. Selon lui, le taux de change en vigueur en 1987 est en effet plus approprié puisqu'en 1978 et en 1979, Cantex et l'appelant n'avaient rien à voir avec l'immeuble Bennington ni avec les dettes qui avaient alors été émises.

Position de l'appelant

[35]          Pour sa part, l'avocat de l'appelant soutient, aux fins de l'application de l'alinéa 79c) pour l'année 1991, que l'on doit retenir le moment de la forclusion. Ainsi, lorsque la dette est libellée en monnaie étrangère, c'est le taux de change en vigueur à ce moment qu'il convient d'appliquer et non le taux de change “ historique ”, c'est-à-dire celui en vigueur au moment où la dette a été émise. Tout en reconnaissant la conséquence des modifications apportées par l'introduction du nouveau paragraphe 79(7) et du nouvel alinéa 80(2)k), soit celle d'ignorer les fluctuations de la monnaie étrangère aux fins de l'application tant de l'article 79 que de l'article 80, l'avocat de l'appelant soutient, contrairement à ce que prétend l'avocat de l'intimée, que cette règle n'était pas applicable antérieurement.

[36]          Bien qu'il constate l'absence de décisions se rapportant directement au point en litige, l'avocat de l'appelant se réfère néanmoins à certaines décisions en rapport notamment avec la question de savoir si une transaction avait été faite à titre de capital ou de revenu. Entre autres, il se réfère à la décision dans l'affaire Tip Top Tailors Ltd. v. M.N.R., 57 DTC 1232 (C.S.C.).

[37]          Selon l'avocat de l'appelant, cette décision énonce le principe applicable dans le cas du remboursement d'une dette contractée quelques années plus tôt puisqu'on a tenu compte de la dévaluation de la monnaie étrangère au moment du remboursement de la dette pour établir le gain. Restait à savoir dans cette affaire si le gain devait être traité à titre de capital ou de revenu.

[38]          Selon l'avocat de l'appelant, on peut également trouver un certain appui à sa position dans les décisions Oxford Motors Ltd. v. M.N.R., 59 DTC 1119 (C.S.C.) et The Bank of Nova Scotia v. The Queen, 80 DTC 6009 (Cour fédérale, 1ère instance), décision confirmée par la Cour d'appel fédérale, 81 DTC 5115, dans la mesure où il s'agit d'une situation dans laquelle il y a effectivement extinction d'une dette.

Analyse

[39]          Si le paragraphe 45(2) de la Loi d'interprétation prévoit que la modification d'un texte n'implique pas en soi que le droit antérieur ait été modifié, cela ne signifie toutefois pas qu'il ne puisse être inféré du contexte d'une modification que le droit antérieur a effectivement été modifié. En effet, l'auteur P.A. Côté, dans son ouvrage, Interprétation des lois, 3e éd., Montréal, Éditions Thémis, 1999, aux pp. 671-672, commente les paragraphes 45(2) et (3) de la Loi d'interprétation en soulignant ce qui suit :

                Il est à noter que ces dispositions, de prime abord, n'interdisent pas à l'interprète de voir dans l'abrogation ou la modification d'un texte législatif une manifestation de l'opinion du Parlement, si les circonstances le justifient. Le seul effet de ces textes est de faire disparaître toute présomption à cet égard. [notes infrapaginales omises]

[40]          Par ailleurs, la jurisprudence soumise par l'appelant ne m'apparaît pas d'un grand secours quant à la solution du litige. L'appelant se fonde en premier lieu sur l'arrêt rendu par la Cour suprême dans Tip Top Tailors Ltd. v. M.N.R., précitée, lequel porte sur la qualification du profit réalisé par l'appelante à l'occasion du remboursement d'une dette libellée en monnaie étrangère, en conséquence de la dévaluation de la devise en question au moment dudit remboursement. L'appelant se réfère en second lieu aux motifs rendus par la Cour suprême dans Oxford Motors Ltd. v. M.N.R., précitée. Dans cette affaire, le litige portait sur la qualification de remises faites à l'appelante par un fournisseur étranger et appliquées en compensation d'une dette antérieure de l'appelante à l'égard de ce fournisseur. Enfin, l'appelant se réfère à la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire The Bank of Nova Scotia v. The Queen, précitée, décision confirmée par la Cour d'appel fédérale, précitée, laquelle portait, aux fins du calcul du crédit pour impôts étrangers, sur la détermination du taux de change applicable à une dette fiscale étrangère effectivement payée plus d'un an après avoir pris naissance.

[41]          Aucune de ces situations ne s'apparente vraiment à la situation visée par l'alinéa 79c) de la Loi, lequel met l'accent sur la disposition d'un bien — un immeuble dans la présente affaire — plutôt que sur l'extinction d'une dette. En effet, l'alinéa 79c) vise avant tout à établir le produit de disposition, pour le débiteur, d'un bien repris par un créancier. Par conséquent, il n'est possible d'établir aucun parallèle entre la présente situation factuelle et celles ayant donné lieu aux décisions précitées.

[42]          L'article 79, tel qu'il était applicable à l'année 1991, établissait une série de règles pour déterminer le traitement applicable tant au débiteur qu'au créancier lors de la forclusion d'hypothèque. De façon plus spécifique, l'alinéa 79c) prévoyait que le débiteur, qui se voyait forcer de remettre un bien hypothéqué au créancier par suite d'un défaut de paiement, était réputé avoir disposé du bien pour un montant égal au principal de la créance et du principal de toute autre dette éteinte, suite à l'acquisition du bien par le créancier. Par ailleurs, selon l'alinéa 79d), tout paiement additionnel par le débiteur au créancier ayant repris le bien au titre ou en paiement intégral ou partiel de sa créance, était réputé être une perte subie par le débiteur du fait de la disposition du bien pour l'année d'imposition dans laquelle le paiement avait été fait. L'élément déclencheur de l'application de l'article 79 était la reprise du bien par le créancier. Évidemment, cette reprise du bien entraînait pour le débiteur une disposition du même bien. L'alinéa 79c) avait pour fonction de fixer le produit de disposition du bien au montant de la dette du créancier à ce moment. S'ajoutait, le cas échéant, le montant de toute autre dette éteinte du fait de la reprise du bien par le créancier. S'il apparaît normal d'utiliser le principal de la créance au moment de la reprise pour établir le produit de disposition du bien, il semble également normal et logique, si une dette est libellée en monnaie étrangère, que l'on détermine son équivalent en dollars canadiens au même moment. S'il y avait eu disposition volontaire du bien en contrepartie d'une créance libellée en dollars américains, on aurait établi le produit de disposition en dollars canadiens en appliquant le taux de change au moment de cette disposition. Ici, la disposition est involontaire et le produit de disposition est fixé au montant du principal de la créance du créancier ayant repris le bien. Il m'apparaît tout aussi raisonnable d'utiliser le taux de change en vigueur au moment de la disposition pour établir le produit de disposition en dollars canadiens. À mon avis, en l'absence de disposition législative sur la question, c'est par référence à la valeur de la devise étrangère par rapport au dollar canadien au moment de la disposition que l'on doit appliquer l'alinéa 79c) dans la présente affaire.

[43]          Dans la mesure où l'on veut se référer aux notes explicatives accompagnant le projet de loi C-70 présenté en février 1995, concernant les modifications apportées par le nouveau paragraphe 79(7) et le nouvel alinéa 80(2)k), je crois que l'on peut y déceler une volonté d'apporter une véritable modification au droit antérieur. Voici les notes explicatives en regard des deux nouvelles dispositions alors proposées :

                79(7)

                Selon le nouveau paragraphe 79(7) de la Loi, lorsqu'une dette est libellée en monnaie étrangère, le produit de disposition du bien délaissé par un débiteur est déterminé en fonction du taux de change de cette monnaie par rapport au dollar canadien au moment de l'émission de la dette. Cette règle est conforme à celle visant la remise de dettes à l'alinéa 80(2)k).

                80(2)k)

                L'alinéa 80(2)k) de la Loi précise le traitement appliqué en vertu de l'article 80 au règlement d'une dette libellée dans une devise étrangère. Selon la disposition, il est fait abstraction des fluctuations des cours postérieures à l'émission de la dette pour l'application de l'article 80 et les montants remis sont déterminés d'après le taux de change en vigueur au moment de l'émission de la dette.

                EXEMPLE

                Un débiteur a emprunté 10 000 $ US à long terme à une époque où le dollar canadien et le dollar américain se transigeaient au pair. Le créancier accorde ensuite la remise de la dette au moment du paiement d'une somme de 3 000 $ US. À cette date ultérieure, le dollar canadien se transige à 0,80 $ US. Le gain et la perte de change pour le débiteur et le créancier sont réputés imputés au capital.

                Résultat :

                1.              À la date ultérieure, la perte en capital subie par le débiteur en raison de la dépréciation du dollar canadien est de 750 $ CAN (3 000 $/0,8 - 3 000 $). (Le prêteur touche un gain équivalent).

                2.              Selon le nouvel alinéa 80(2)k), le montant remis est déterminé en fonction du taux de change en vigueur au moment de l'émission de la dette. Par conséquent, le montant remis est de 7 000 $ CAN (10 000 $ - 3 000 $).

                D'autres règles visant les fluctuations des devises étrangères figurent aux nouveaux paragraphes 79(7) et 80.01(11).

[44]          Par conséquent, selon ces notes explicatives, on ne tiendra plus compte des gains et des pertes pouvant survenir du fait des fluctuations des monnaies étrangères aux fins de l'application des nouveaux articles 79 et 80 de la Loi tels qu'édictés par L.C. 1995 ch. 21, paragraphes 26 et 27 (Projet de loi C-70). L'exemple qui est donné concernant l'application du nouvel alinéa 80(2)k) laisse bien voir que la perte résultant jusqu'alors de la fluctuation de la monnaie étrangère ne sera plus possible avec le nouvel alinéa 80(2)k). Toutefois, cette conclusion ne vaut que pour l'application de l'article 80. À mon avis, il en est de même en ce qui concerne le nouvel article 79, puisque les notes explicatives concernant le nouveau paragraphe 79(7) précisent que la règle applicable en vertu de cette nouvelle disposition est conforme à celle visant la remise de dettes à l'alinéa 80(2)k).

[45]          Cette conclusion ne signifie pas pour autant que les fluctuations des monnaies étrangères sont actuellement ignorées aux fins de l'application de la Loi. Comme on le signale dans un commentaire sur l'article 79 dans le Canada Tax Service, Carswell, volume 6, aux pages 80-161 et 80-162 :

[TRADUCTION]

“ . . . Comme dans le cas de l'article 80, on ne tient pas compte des gains résultant des fluctuations des monnaies étrangères aux fins de l'article 79. Par conséquent, le paragraphe 39(2) s'applique à ces gains.”.

[46]          À mon avis, ce commentaire laisse entendre, comme d'ailleurs le faisaient les notes explicatives concernant les modifications aux articles 79 et 80 apportées en 1995, que l'on tenait antérieurement compte des fluctuations des monnaies étrangères aux fins des articles 79 et 80, tels qu'ils s'appliquaient avant ces modifications.

[47]          De ce qui précède, j'estime que l'appelant était en droit de calculer ses pertes, soit une perte finale et une perte en capital, résultant de l'application de l'alinéa 79c) lors de la forclusion d'hypothèques en 1991, en utilisant le taux de change applicable à ce moment à la devise américaine, soit 1,15 p. 100.

[48]          L'utilisation par Revenu Canada du taux de change de 1,32 p. 100, soit le taux applicable au moment où les dettes ont été prises en charge par Cantex en 1987 lors de son acquisition de l'immeuble Bennington, m'apparaît tout à fait inappropriée dans les circonstances. Au-delà des motifs énoncés plus haut, accepter la thèse de l'intimée selon laquelle l'ajout du paragraphe 79(7) en 1995 n'a pas eu pour effet de modifier le droit antérieur, signifierait que le “ moment de l'émission ” d'une dette peut également signifier le “ moment de la prise en charge ” d'une dette par une autre personne. En effet, le taux de change utilisé par Revenu Canada aux fins de l'application de l'alinéa 79c) dans la présente affaire était le taux en vigueur au moment où les dettes garanties par hypothèques ont été prises en charge par Cantex en 1987 et non le taux en vigueur en 1978 et en 1979 au moment où les dettes ont été émises. À mon avis, l'émission d'une dette lors d'un emprunt par une personne et sa prise en charge subséquente par un nouveau débiteur ne sont pas des concepts interchangeables. Bien que l'utilisation du terme “ émission ” ne soit pas courante eu égard à une dette, il semble que l'émission d'une dette doive s'entendre de la création de celle-ci. Or, à moins qu'il n'opère novation, un changement de débiteur ne crée pas une nouvelle dette. Comme le précisait l'article 1171 du Code civil du Bas Canada, (article 1660 du Code civil du Québec), la règle depuis longtemps établie est que la novation ne se présume pas. À cet égard, les auteurs J.-L. Baudoin et P.G. Jobin, dans leur ouvrage intitulé Les Obligations, 5e éd., Cowansville, Yvon Blais, 1998, précisent ce qui suit à la page 750 :

                La novation par changement de débiteur [...] a lieu lorsque le créancier consent, d'une part, à voir un autre débiteur s'obliger envers lui et, d'autre part, à décharger le débiteur original. [...] Le créancier doit, cependant, clairement manifester son intention de libérer le premier débiteur en éteignant l'obligation. Si cette intention n'est pas évidente, il n'y a alors pas novation, mais simple délégation de paiement entraînant l'addition (et non la substitution) d'un nouveau débiteur à l'ancien. [notes infrapaginales omises]

[49]          La novation n'a pas été alléguée en l'espèce. Or, en l'absence de novation, la prise en charge par un nouveau débiteur d'une dette existante n'a pour effet ni d'éteindre la dette existante, ni de créer une nouvelle dette. Il en découle que la prise en charge par Cantex du solde des dettes garanties par hypothèques le 17 août 1987 ne crée pas une nouvelle dette et, par conséquent, que cette date ne peut être considérée comme étant le moment de l'émission de la dette.

[50]          De ce qui précède, l'appel de la détermination de la perte pour l'année 1991 doit être admis en ce qui concerne le taux de change applicable.

[51]          En résumé, l'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) à l'égard de l'année d'imposition 1990 est rejeté. L'appel interjeté à l'encontre de la détermination d'une perte concernant l'année d'imposition 1991 est admis et la détermination de la perte finale ainsi que de la perte en capital est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination en tenant pour acquis que le taux de change de la devise américaine qui doit être utilisé aux fins de l'application de l'alinéa 79c) de la Loi est de 1,15 p. 100.

[52]          Vu le résultat partagé, il n'y a pas d'adjudication de dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d'avril 2001.

“ P. R. Dussault ”

J.C.C.I.



[1] Pièce A-1, onglet 2.

[2] Pièce A-1, onglet 3.

[3] Pièce A-1, onglet 1.

[4] Dans la version française, j'utilise le terme “ hypothèque ” bien qu'il s'agisse en réalité d'un “ mortgage ” en vertu du droit applicable aux États-Unis.

[5] Rapport spécial, Projet de loi C-70 et notes explicatives, 16 février 1995, Les Publications CCH/FM Ltée, aux pages 43 et 44.

[6] Idem, à la page 62.

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