Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20001019

Dossier: 2000-1272-IT-I

ENTRE :

ALAN WOOD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] À la demande de l’appelant, il est ordonné que l’adresse de l’appelant, aux fins du présent appel, soit désormais connue comme la suivante :

                                                                1174, chemin Pettman

                                                                Kelowna (Colombie-Britannique)

                                                                V1Z 2R7

[2]            Pendant la période en question, l’appelant et son épouse ont résidé à Kelowna. L’appelant a été le seul témoin.

[3]            Les paragraphes 1 à 7 inclusivement de la Réponse à l’avis d’appel se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

A.             EXPOSÉ DES FAITS

1.              Il admet que l’ADRC se fonde sur l’alinéa 118.2 m) de la Loi de l’impôt sur le revenu et sur l’article 5700 du Règlement de l’impôt sur le revenu tel qu’il est mentionné dans l’avis d’appel.

2.              Il n’a aucune connaissance des autres allégations de fait figurant à l’avis d’appel et il demande que l’appelant soit tenu d’en faire la preuve.

3.              Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une première cotisation, pour l’année 1998, au moyen d’un avis daté du 10 mai 1999.

4.              En calculant son revenu pour l’année d’imposition 1998, l’appelant a déduit 6 669 $ à titre de frais médicaux pour le coût d’installation d’une cuve thermale.

5.              En établissant ainsi une nouvelle cotisation pour l’appelant, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)              l’appelant a déduit le coût d’installation d’une cuve thermale de 6 669 $ à titre de frais médicaux;

b)             la cuve thermale n’était pas un dispositif ou un équipement d’un genre visé par règlement;

c)              l’épouse de l’appelant, Kathleen Wood, ne souffre pas d’une déficience qui affecte sa mobilité.

6.              La cuve thermale ne constituait pas une rénovation ou une modification de l’habitation de l’appelant afin d’y permettre l’accès ou de faciliter la mobilité ou tout autre fonctionnement à l’intérieur de l’habitation.

QUESTIONS À DÉCIDER

7.              Il s’agit de savoir si l’appelant avait le droit de déduire le coût d’installation de 6 669 $ d’une cuve thermale à titre de frais médicaux au sens des paragraphes 118.2(1) et 118.2(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[4]            Kathleen, l’épouse de l’appelant, souffre de neurofibromatose de type 2. Elle souffre aussi de temps à autre de convulsions provoquées par le stress et qui ont le même effet que des accidents vasculaires cérébraux. Elles affectent sa vue, son équilibre et son ouïe. Mme Wood a des tumeurs dans la partie supérieure de son corps. En 1994, elle a subi deux opérations majeures au cerveau pour un neurofibrome. Sa dernière opération au cerveau, qui a eu lieu le 27 février 1995, a provoqué un coma, de telle sorte qu’elle a dû demeurer pendant 37 jours à l’hôpital et pendant trois mois supplémentaires dans un centre de réhabilitation. Ces convulsions ont continué de se produire sous la forme du petit mal et du grand mal. Lorsqu’elles se produisent, elle perd le contrôle de ses muscles du côté droit pour des périodes durant plusieurs jours.

[5]            En conséquence, Mme Wood a reçu des traitements d’hydrothérapie à l’hôpital, à Kelowna, deux fois par semaine. Par suite de restrictions budgétaires, ces traitements ont été réduits à une seule fois par semaine. Mme Wood est incapable de marcher sans aide. Elle n’entend pas de l’oreille droite, son ouïe n’est que de 20 p. 100 pour son oreille gauche, elle ne dispose que d’une vue partielle de son oeil droit. Son bras droit et sa jambe droite sont paralysés. Avant les opérations, elle était monitrice de ski et de conditionnement physique. Son état actuel est permanent.

[6]            En 1998 Mme Wood est devenue admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées et au programme « Choice in Supports for Independent Living » [Choix d'aides à la vie autonome] de la Colombie-Britannique. La maladie de Mme Wood est génétique et elle est la cause d'une gibbosité qui a pour effet de la déséquilibrer. Elle ne peut monter des escaliers qu’avec de l’assistance et elle ne peut pas demeurer seule, car elle pourrait faire des efforts dépassant sa capacité physique et elle risquerait ainsi de tomber ou de demeurer immobile et de ne pouvoir se redresser qu’avec de l’assistance. Elle consomme un total de cinq médicaments délivrés sur ordonnance.

[7]            En conséquence, son médecin, le Dr K.A. Canning, a prescrit, le 11 février 1998, une cuve thermale (pièce A-1) selon sa phraséologie habituelle. Lorsqu’il a produit cette pièce, M. Wood a mentionné la date de février comme si cela n’avait pas vraiment d’importance. Lorsque l’on a insisté sur ce point, il a regardé la pièce, où ne sont inscrits que des chiffres, et il n’était pas certain. La Cour conclut que la date du 11 février est la bonne parce que c’était la date que M. Wood avait décrite a priori d’une manière très convaincante. Il est un témoin tout à fait honnête.

[8]            Le 24 octobre 1998, la cuve a été achetée après la date de l’ordonnance. Le devant de la résidence des Wood a dû être refait afin de permettre l’installation de la cuve.

[9]            Si Mme Wood n’utilise pas la cuve et si elle ne fait pas d’exercices dans celle-ci, elle ne peut pas du tout bouger son corps durant l’hiver. Le Dr Canning a attesté que l’utilisation de la cuve par Mme Wood a amélioré la mobilité de cette dernière. Mme Wood utilise la cuve thermale un certain nombre de fois par jour et elle effectue une série d’exercices dans celle-ci.

[10]          Elle se rend aussi au Parkinson Recreational Centre deux fois par semaine afin de faire des exercices et, lorsque le centre est fermé, elle fait des exercices deux soirs par semaine dans la cuve thermale.

[11]          Cette cuve a été choisie par la famille Wood lorsqu’elle était en solde parce qu’elle était ce que la famille Wood pouvait s’offrir de mieux et qu’elle pouvait répondre aux besoins de Mme Wood. Elle était équipée de tuyères considérées comme appropriées afin d’assister Mme Wood. Grâce à son utilisation, Mme Wood est devenue plus mobile à l’intérieur et à l’extérieur de son habitation.

[12]          L’alinéa 118.2(2)m) de la Loi de l’impôt sur le revenu se lit comme suit :

118.2 (2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés : [...]

m)             pour tout dispositif ou équipement destiné à être utilisé par le particulier, par son conjoint ou par une personne à charge visée à l'alinéa a) et qui répond aux conditions suivantes, dans la mesure où le montant payé ne dépasse pas le montant fixé par règlement, le cas échéant, relativement au dispositif ou à l'équipement :

(i)             il est d'un genre visé par règlement,

(ii)            il est utilisé sur ordonnance d'un médecin,

(iii)           il n'est pas visé à un autre alinéa du présent paragraphe,

(iv)           il répond aux conditions prescrites quant à son utilisation ou à la raison de son acquisition;

                [...]

[13]          L’alinéa 5700i) se lit comme suit :

5700         Les dispositifs ou équipements suivants sont prescrits pour l'application de l'alinéa 118.2(2)m) de la Loi :

[...]

i)               tout dispositif qui est conçu à l'intention du particulier à mobilité réduite pour l'aider à marcher; [...]

[14]          Des dispositions telles que l’article 118.2 – Le « crédit d’impôt pour frais médicaux » , le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le crédit d’impôt pour enfants (qui a remplacé l’ancienne allocation familiale fédérale) semblent avoir été introduites par le gouvernement fédéral dans la Loi de l’impôt sur le revenu pour deux raisons :

(1)            permettre au gouvernement fédéral de participer aux programmes d’aide sociale dans le cadre de sa politique;

(2)            alléger le lourd fardeau fiscal des particuliers et partager cet allègement avec les gouvernements provinciaux lorsque ceux-ci adoptent la Loi de l’impôt sur le revenu.

De même, d’autres dispositions ont été introduites dans la loi afin de fournir des mesures incitatives en rapport avec différentes sortes d’investissements ou de dépenses dans le but d’augmenter la production, de faire progresser les causes environnementales, d’aider les projets culturels ou d’amener des changements quant au niveau de vie, aux habitats ou aux investissements dans les provinces ou dans d’autres régions géographiques telles que les régions nordiques.

[15]          C’est à la lumière de ces cas mentionnés dans la Loi de l’impôt sur le revenu que l’article 118.2 et l’article du Règlement doivent être examinés. Dans l'affaire La Corporation Notre-Dame de Bon-Secours c. La Communauté urbaine de Québec et la Ville de Québec, [1994] 3 R.C.S. 3 (95 DTC 5017), il est mentionné, à la fin de la section A de cette analyse :

Les principes dégagés dans les pages précédentes, dont certains, d'ailleurs, ont été récemment invoqués dans l'affaire Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, peuvent se résumer ainsi :

-               L'interprétation des lois fiscales devrait obéir aux règles ordinaires d'interprétation;

-               Qu'une disposition législative reçoive une interprétation stricte ou libérale sera déterminé par le but qui la sous-tend, qu'on aura identifié à la lumière du contexte de la loi, de l'objet de celle-ci et de l'intention du législateur; c'est l'approche téléologique;

-               Que l'approche téléologique favorise le contribuable ou le fisc dépendra uniquement de la disposition législative en cause et non de l'existence de présomptions préétablies;

-               Primauté devrait être accordée au fond sur la forme dans la mesure où cela est compatible avec le texte et l'objet de la loi;

-               Seul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d'interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable.

[16]          Le but de l’article 118.2 et de l’article du Règlement est d’aider des personnes telles que les Wood. Objectivement, la cuve thermale en question ne constitue pas une pièce d’équipement adaptée conçue exclusivement pour Mme Wood. Elle n’avait pas les moyens d’acheter quelque chose de semblable. Cependant, si l’on considère cela d’une façon objective, la cuve thermale en question procurait l’espace nécessaire à Mme Wood pour qu’elle fasse les exercices qui lui avaient été prescrits et elle était dotée de jets d’eau chaude en certains emplacements afin de l’aider à soulager son handicap et de lui permettre de marcher et de bouger. La cuve a été conçue de manière à l’aider et, bien qu’elle n’ait pas été faite sur mesure pour Mme Wood et qu’elle n’ait pas été dotée de tout ce dont Mme Wood avait besoin, on peut tout de même affirmer que, selon les moyens des Wood, la cuve était exactement ce qui lui convenait. Essentiellement et objectivement parlant, la cuve a été conçue pour elle afin de l’aider.

[17]          L’article 118.2 et l’alinéa 5700i) ne doivent pas être interprétés de façon à empêcher les Wood d’acheter un appareil. Ces dispositions ont pour but de les aider à l'acheter.

[18]          En conséquence, la Cour conclut que cette cuve thermale constitue un appareil conçu afin d’aider Mme Wood à marcher et à se déplacer à l’intérieur et à l’extérieur de son habitation.

[19]          L’appel est admis.

[20]          Un montant de 100 $ est accordé à l’appelant à titre de dépens encourus au cours du processus de l’appel en instance.

Signé à Victoria (Colombie-Britannique), ce 19e jour d'octobre 2000.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour d'avril 2001.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.