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Date: 20001019

Dossier: 2000-1651-IT-I

ENTRE :

MARCEL GALIPEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            Le présent appel, régi par les règles de procédure informelle, a été entendu à Kelowna (Colombie-Britannique) le 6 octobre 2000. L’appelant a témoigné et a appelé à témoigner Michael Puttick, M.D., F.R.C.P.C., un rhumatologue, qui a été le médecin traitant de l’épouse de l’appelant (Linda) tout au long de la période pertinente. Dr. Puttick est médecin depuis 1986.

[2]            Il est ordonné que, dorénavant, l’adresse de l’appelant, en regard de cet appel, soit la suivante :

                                                                280, chemin Madsen

                                                                Kelowna (Colombie-Britannique)

                                                                V1X 2C2

[3]            Les paragraphes 2 à 5 de la Réponse à l’avis d’appel se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

2.              Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 1998, l’appelant a indiqué le montant de 11 568,48 $ (le « montant » ) à titre de dépense médicale liée à l’installation d’une cuve thermale.

3.              Dans la nouvelle cotisation qu’il a établie pour l’année d’imposition 1998, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé ce montant.

4.              En établissant la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, le ministre a énoncé les hypothèses de fait suivantes :

a)              l’épouse de l’appelant (l’ « épouse » ) souffre de spondylite ankylosante et de fibromyalgie;

b)             l’utilisation d’une cuve thermale procure à l'épouse un soulagement symptomatique;

c)              l’appelant a acheté une cuve thermale en 1998 et a tenté de déduire le montant, le coût de la cuve thermale, à titre de dépense médicale;

d)             la cuve thermale ne constitue pas un équipement ou un dispositif prescrit par l’article 5700 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement » );

e)              le montant n’a pas été versé à l'égard de frais médicaux décrits au paragraphe 118.2(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi » );

f)              le montant n’a pas été payé pour des frais raisonnables afférents à des rénovations ou transformations apportées à l'habitation pour permettre à l’épouse d’avoir accès à son habitation, de s’y déplacer et d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne;

g)             la cuve thermale n’a pas été prescrite par un médecin.

B.             QUESTION À TRANCHER

5.              La question est de savoir si l’appelant avait le droit de déduire le montant conformément à l’article 118.2 de la Loi.

[4]            Les hypothèses 4a), b) et c) sont exactes. Le Dr Puttick a identifié la pièce A-1, datée du 11 septembre 1995, qu’il a rédigée sur un bloc d'ordonnances à ladite date, et a affirmé avec fermeté, lors de l’interrogatoire principal et du contre-interrogatoire, qu’il s’agissait de son ordonnance relative à l’achat d’une cuve thermale pour Mme Galipeau. Il a également déclaré qu’il n’avait jamais écrit le mot « ordonnance » sur une quelconque ordonnance et qu’il les rédigeait toutes de cette façon. Par conséquent, la Cour conclut que la cuve thermale dont il est question était prescrite par un médecin.

[5]            La cuve a été acquise pour 7 068 $ le 21 juillet 1998, lorsque les Galipeau ont finalement été en mesure d’économiser suffisamment d’argent pour se la permettre. Ils ont alors dû payer pour l’ajout des installations électriques nécessaires à la cuve, les rénovations à la maison et les coûts d’installation de la cuve thermale dans leur résidence. Ces montants constituent le reste des déductions demandées. Le couple est loin d’être aisé, et toute la famille a dû faire des sacrifices pour faire face à ces dépenses. Leurs enfants avaient dû sacrifier des activités récréationnelles et sportives telles que le hockey afin d’aider leur mère physiquement et afin de faire face à des dépenses comme celles mentionnées ci-dessus.

[6]            Mme Galipeau ne peut travailler, même à la maison. Elle ne peut se pencher en avant ou en arrière. Ses mouvements latéraux sont très limités. Elle consomme des anti-inflammatoires, des comprimés contre la douleur et des somnifères tels qu’ils sont prescrits par son médecin. Elle souffre de terribles maux de dos. Le Dr Puttick a témoigné à l’effet que sa condition était plus grave que celle de la plupart des patients atteints de la même maladie et que ses symptômes étaient pires au cours de la nuit. En conséquence, M. Galipeau a témoigné à l’effet que Mme Galipeau avait besoin de 45 minutes seulement pour sortir du lit et d’un autre 15 à 20 minutes afin de se rendre à la salle de bain, à moins qu’elle ne reçoive de l’aide. Elle ne peut pas s’asseoir dans la salle de bain. Elle tombe plutôt sur le siège de toilettes si elle ne reçoit pas d’aide. Elle ne peut pas se pencher afin de s’habiller. Le matin, elle prend un café et effectue des exercices dans la cuve thermale pendant 1 h 45 min. C’est tout ce qu’elle est en mesure de faire pendant l’avant-midi.

[7]            Elle peut seulement se tenir debout pendant 10 à 15 minutes à la fois afin de préparer un repas. Elle peut soulever ses bras jusqu’à la hauteur des épaules. Elle ne peut pas se pencher. Si elle essaie de le faire, elle ne peut pas se relever. Elle demeure étendue pendant presque toute la journée, jusqu’à ce que ses fils de sept et de onze ans arrivent de l’école et l’aident à se lever. Elle a besoin d’aide afin de marcher et de monter les escaliers. Des vertèbres sont soudées au niveau de son cou et de son dos. La condition de Mme Galipeau est permanente. Au cours de la période pertinente, elle a souffert de troubles moteurs graves et prolongés.

[8]            Tous ces problèmes existent depuis 1995. Suite à ces problèmes, M. Galipeau a perdu jusqu’à quatre mois de travail par année afin de prendre soin de sa femme. Avant d’avoir la cuve thermale, ils se rendaient à des installations publiques, mais, en raison des restrictions liées aux soins médicaux, ils sont devenus incapables de se le permettre.

[9]            L’utilisation de la cuve thermale a soulagé les symptômes de Mme Galipeau. Les jets d’eau peuvent être orientés de façon à offrir le plus de chaleur possible à différentes parties de son corps au cours de ses exercices. Elle fait cela chaque jour avec l’aide de son mari. La cuve thermale n’est pas utilisée par les enfants et a été achetée spécifiquement pour la thérapie de Mme Galipeau.

[10]          L'appelant demande la déduction des dépenses en vertu des alinéas 118.2(2)l.2) et m) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ils se lisent comme suit :

118.2(2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés : [...]

[...]

l.2)           pour les frais raisonnables afférents à des rénovations ou transformations apportées à l'habitation du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) — ne jouissant pas d'un développement physique normal ou ayant un handicap moteur grave et prolongé — pour lui permettre d'avoir accès à son habitation, de s'y déplacer ou d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne;

[...]

m)             pour tout dispositif ou équipement destiné à être utilisé par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l'alinéa a) et qui répond aux conditions suivantes, dans la mesure où le montant payé ne dépasse pas le montant fixé par règlement, le cas échéant, relativement au dispositif ou à l'équipement :

(i)             il est d'un genre visé par règlement,

(ii)            il est utilisé sur ordonnance d'un médecin,

(iii)           il n'est pas visé à un autre alinéa du présent paragraphe,

(iv)           il répond aux conditions prescrites quant à son utilisation ou à la raison de son acquisition;

[...]

[11]          La cuve thermale a été achetée afin de permettre à Mme Galipeau d’avoir accès à son habitation, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne. Dans la mesure du possible, grâce à la chaleur, aux jets et aux exercices rendus disponibles grâce à la cuve thermale, cet objectif a été atteint. Les dépenses engagées couvraient les rénovations et les modifications liées à l’habitation des Galipeau permettant l’installation de la cuve thermale de façon à ce qu'elle soit utile à Mme Galipeau.

[12]          L’avocat de l’intimée a souligné les dispositions de l’alinéa 5700i), qui se lisent comme suit :

5700         Les dispositifs ou équipements suivants sont prescrits pour l'application de l'alinéa 118.2(2)m) de la Loi :

[...]

(i)             tout dispositif qui est conçu à l'intention du particulier à mobilité réduite pour l'aider à marcher; [...]

Selon l’intimée, cela signifie que la cuve thermale doit être spécifiquement conçue pour aider Mme Galipeau à marcher étant donné son trouble moteur. M. Galipeau a déclaré que la meilleure cuve thermale, pour les besoins de son épouse, coûterait 18 000 $. Ladite cuve possédait le type de jet et de débit dont Mme Galipeau avait besoin, et, après avoir inspecté toutes les cuves disponibles, ils ont acheté celle qui répondait le mieux aux besoins de Mme Galipeau parmi celles qu’ils pouvaient s’offrir.

[13]          Des dispositions telles que l’article 118.2 – le « crédit pour dépense médicale » , le crédit d’impôt pour invalidité et le crédit d’impôt pour enfants (qui a remplacé l’ancienne allocation familiale fédérale) ont été inclus dans la Loi de l’impôt sur le revenu par le gouvernement fédéral pour deux raisons :

1)              Pour permettre au gouvernement fédéral d’inclure dans sa politique une participation à des programmes de sécurité sociale,

2)              pour diminuer le lourd fardeau fiscal des personnes et, là où les gouvernements provinciaux adoptent la Loi de l’impôt sur le revenu, pour partager cette diminution avec les gouvernements provinciaux.

De la même façon, d’autres dispositions ont été adoptées afin de fournir des incitatifs pour différentes sortes d’investissements ou de dépenses dans le but d’accroître la production, de faire avancer les causes environnementales, d’aider les projets culturels ou de changer le niveau de vie, l’habitat ou les investissements dans les provinces ou les autres régions géographiques telles que les régions nordiques.

[14]          C’est à la lumière de ces éléments inclus dans la Loi de l’impôt sur le revenu que l’on doit considérer l’article 118.2 et l’article du Règlement. Dans l’affaire La Corporation Notre-Dame de Bon-Secours c. La Communauté urbaine de Québec et la Ville de Québec, [1994] 3 R.C.S. (95 DTC 5017), le juge Gonthier a déclaré, à la fin de la section A de son analyse :

Les principes dégagés dans les pages précédentes, dont certains, d'ailleurs, ont été récemment invoqués dans l'affaire Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, peuvent se résumer ainsi :

-               L'interprétation des lois fiscales devrait obéir aux règles ordinaires d'interprétation;

-               Qu'une disposition législative reçoive une interprétation stricte ou libérale sera déterminé par le but qui la sous-tend, qu'on aura identifié à la lumière du contexte de la loi, de l'objet de celle-ci et de l'intention du législateur; c'est l'approche téléologique;

-               Que l'approche téléologique favorise le contribuable ou le fisc dépendra uniquement de la disposition législative en cause et non de l'existence de présomptions préétablies;

-               Primauté devrait être accordée au fond sur la forme dans la mesure où cela est compatible avec le texte et l'objet de la loi;

-               Seul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d'interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable.

[15]          L’objectif de l’article 118.2 et du Règlement est d’aider des personnes telles que les Galipeau. De manière objective, la cuve thermale en question n’est pas un dispositif adapté qui est conçu à l'intention exclusive de Mme Galipeau. Elle ne pourrait s’offrir quoi que ce soit de cet ordre. Toutefois, lorsque l’on examine la question de manière objective, la cuve thermale en question lui permettait d’exécuter les exercices qui lui avaient été prescrits et comportait des jets d’eau aux endroits opportuns afin de l’aider à atténuer ses problèmes, à marcher et à bouger. Il s’agissait d’un dispositif qui l’aidait et, bien que ce dernier n’ait pas été fabriqué pour elle et qu’il n’ait pas comporté tout ce dont elle avait besoin, dans la mesure des moyens des Galipeau, on peut affirmer que c’était exactement ce dont elle avait besoin. Essentiellement et objectivement parlant, ce dispositif était conçu pour elle et pour lui venir en aide.

[16]          L’article 118.2 et l’alinéa 5700i) ne doivent pas être interprétés de manière à empêcher les Galipeau d’acheter un dispositif. Ils ont plutôt comme objectif de les aider à le faire.

[17]          Par conséquent, la Cour conclut que cette cuve thermale est un dispositif conçu pour aider Mme Galipeau à marcher et pour lui donner une meilleure mobilité, et ce, autant à l’extérieur qu’à l’intérieur de son habitation.

[18]          L’appel est admis.

[19]          Au cours de la procédure en l’espèce, M. Galipeau a eu recours aux services de deux comptables, d’un avocat et d’un médecin. Des dépens, fixés à 350 $, lui sont accordés à l’égard de ses frais judiciaires, de ses débours généraux et de tout débours taxable qu’il a dû engager afin de faire témoigner le Dr Puttick lors de l’audience.

Signé à Victoria (Colombie Britannique), ce 19e jour d'octobre 2000.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour d'avril 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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