Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000524

Dossier: 98-1101-IT-I

ENTRE :

JEAN-PAUL BOUCHER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge P.R. Dussault, C.C.I.

[1]            Alors, je vais rendre ma décision maintenant. Maître Crépin m'a soumis la décision de Landry c. La Reine 94 DTC 6499 que je connais bien et il a fait certains rapprochements avec votre situation. Je pense que la situation est un peu différente dans votre cas. D'abord, vous n'avez pas l'âge qu'avait maître Charlemagne Landry lorsqu'il a tenté de reprendre la pratique du droit. Il ne semble pas que dans votre cas il ait été question de reprise de la pratique, mais plutôt d'un changement d'orientation du mode de pratique, de salarié que vous étiez auparavant pour l'Aide juridique, d'établir une pratique privée. D'autre part, vous avez fait état de problèmes de santé, de problèmes personnels, d'épuisement professionnel, de burn-out ou je ne sais pas quels autres termes employer. En fait, je n'ai pas de diagnostic à faire, et je veux bien accepter votre parole à cet égard.

[2]            Vous avez tenté de reprendre la pratique privée, je ne dirai pas sans succès, puisque les documents que vous m'avez soumis établissent quand même qu'il y a beaucoup de travail qui a été fait dans certains dossiers; je pense que ce qui a fait défaut, dans votre cas, ce n'est pas qu'il n'y avait pas d'espoir raisonnable de profit, au sens financier du terme, c'est que la façon dont vous avez comptabilisé les choses font en sorte que pour fins fiscales vous n'en avez pas de profit. Je pense que c'est là qui est le noeud du problème et je vous le dis tout de suite, Maître Boucher, si vous continuez comme ça, vous allez avoir des problèmes le reste de vos jours avec l'impôt.

[3]            Il y a des façons de faire, il y a des règles qui existent. Un professionnel qui rend des services doit déclarer ses revenus sur la base des services facturés ou sur la base qu'ils auraient dû être facturés si la facturation n'avait subi un retard indu. Si on était capable de refaire toute la vérification de votre dossier, on se rendrait peut-être compte que vos revenus, pour ces années-là, devraient être beaucoup plus élevés que ce qui est démontré dans vos déclarations ou ce que vous avez ajouté, un peu par la suite.

[4]            À tout événement, ces revenus-là n'ont pas été déclarés pour 93 et 94. La cotisation du ministère n'est pas fondée sur cet aspect-là, bien qu'on se rend compte que c'est sous-jacent, évidemment, à sa décision de refuser les pertes. Tout ça pour dire que quand quelqu'un a une profession, comme la profession d'avocat, il tente de s'en tirer, évidemment, avec les atouts qu'il a, dont celui d'être admis au Barreau et de continuer à avoir le droit de pratiquer.

[5]            Je ne pense pas, par ailleurs, que le retrait de REER se fait pour qui que ce soit de gaieté de coeur puisque ce sont des sommes qui sont placées pour l'avenir, pour être capable d'assurer une certaine retraite ou une certaine pension dans le futur. Alors, si vous l'avez fait, c'est sûrement parce que vous étiez assez mal pris et je ne fais pas l'adéquation entre ça et l'absence de déclaration de certains revenus qui auraient dû sans doute l'être.

[6]            Comme je vous dis, si on refaisait la vérification de tout ça et si on était très rigoureux, je pense qu'on arriverait à des revenus, je ne dirais pas largement, mais à tout le moins supérieur à ce qui a été déclaré. Ceci étant dit, je ne pense pas, pour ces raisons-là, que l'affaire Charlemagne Landry colle vraiment à votre situation.

[7]            Le deuxième point qui avait été soulevé dans ce litige-là, c'est la question du bureau à domicile. Maître Crépin, d'emblée, ce matin, m'a dit : je n'argumente pas là-dessus, c'est le lieu principal et d'après ce que vous nous avez expliqué, de votre pratique, votre lieu principal d'affaires. Donc, cette condition-là est au point de départ, satisfaite.

[8]            Si je me réfère au paragraphe 18(12) de la Loi de l'impôt sur le revenu maintenant, essentiellement ce que ça dit, et je lis :

Nonobstant les autres dispositions de la présente loi, dans les calculs du revenu d'un particulier tiré d'une entreprise pour une année d'imposition [...]

[9]            Et comme vous le savez déjà fort bien, Maître Boucher, entreprise ça comprend une profession :

[...] un montant n'est déductible pour la partie d'un établissement domestique autonome où le particulier réside que si cette partie d'établissement i) soit est son principal lieu d'affaires [...]

Ce qui est à mon avis notre cas.

[...] ii) soit lui sert exclusivement aux fins de tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients, sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise;

C'est l'un ou l'autre... je peux conclure qu'il s'agit de votre principal lieu d'affaires, O.K. À b) on poursuit :

Si une partie de l'établissement domestique autonome ou le particulier réside est son principal lieu d'affaires [...]

C'est notre condition :

[...] ou lui sert exclusivement aux fins de tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise, le montant déductible pour cette partie d'établissement ne peut dépasser le revenu du particulier tiré de cette entreprise pour l'année, calculé compte non tenu de ce montant [...]

[10]          Cela veut dire qu'on prend le revenu que vous avez déclaré, moins les dépenses que vous avez déclarées. On arrive dans votre cas, évidemment à une perte. Il est donc impossible de déduire un montant additionnel qui se rapporte au bureau à domicile. Et ça, pour les deux années.

[11]          Vous avez accepté, vous m'avez dit tout à l'heure que pour 1993, le montant d'ailleurs, il est tel quel, il est déclaré tel quel ou on le demande tel quel en déduction, c'est 4 921,59 $. Vous avez accepté pour 1994, qu'il s'agisse d'un montant de 6 558 $. Donc, ces montants-là ne peuvent être déduits pour 1993 et 1994 de façon à augmenter la perte pour ces années. Alors, cela est ma décision.

[12]          Par voie d'explication, j'ajoute l'alinéa c), du même paragraphe 18(12), qui se lit ainsi :

Tout montant qui par le seul effet de l'alinéa b) n'est pas déductible pour une partie d'établissement domestique autonome dans le calcul du revenu de l'entreprise du particulier pour l'année d'imposition précédente, est déductible dans le calcul du revenu d'entreprise du particulier pour l'année [...]

C'est-à-dire pour une année subséquente,

[...] sous réserve des alinéas a) et b).

[12]          Cela veut dire un report sur les années ultérieures. Et, comme on a toujours les mêmes restrictions, ce n'est que dans la mesure, évidemment, où le revenu pour ces années-là excède les autres dépenses. Alors, les appels sont admis et les cotisations pour 1993 et 1994, sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, en tenant pour acquis que l'appelant peut déduire de ses revenus professionnels les déductions réclamées à l'exclusion toutefois de celles se rapportant au bureau à domicile, soit les sommes de 4 921,59 $ pour 1993 et de 6 558 $ pour 1994. Les pertes pour ces deux années, sont donc réduites d'autant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mai 2000.

J.C.C.I.

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