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Date: 20001031

Dossier: 97-1120-IT-G

ENTRE :

MARTIN ENRIGHT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            Le présent appel, régi par la procédure générale, a été entendu à Victoria (Colombie-Britannique) le 18 octobre 2000. L’appelant a témoigné et a appelé Jane Buddy et Alexander Cockburn à la barre des témoins, lesquels travaillaient dans le domaine de la gestion d’agents d’affrètement de bateaux dans la région de Vancouver.

[2]            L’appelant a interjeté appel de cotisations établies pour ses années d’imposition 1993 et 1994, aux termes desquelles le ministre refusait les dépenses qu’il avait déclarées concernant le Honey Bear II, un yacht de 41 pieds de long. Les paragraphes 7, 8 et 9 et l’annexe A de la réponse à l’avis d’appel sont ainsi rédigés :

                                [TRADUCTION]

7.              En établissant une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, le ministre s’est notamment fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)              les faits mentionnés au paragraphe 2 ci-dessus;

b)             l’appelant est plaisancier depuis 1974;

c)              pendant toute la période pertinente, l’appelant travaillait à plein temps en tant que pilote de ligne commerciale pour les Lignes aériennes Canadien International, ce qui le tenait éloigné pour de longues périodes chaque mois; les revenus qu’il a tirés de cet emploi au cours des années d’imposition 1990 à 1994 sont les suivants :

Année d’imposition

Revenu

1990

112 395 $

1991

129 833 $

1992

134 599 $

1993

115 589 $

1994

139 852 $

d)             l’appelant possédait un bateau de type chriscraft de 38 pieds de long, évalué à 132 500 $ et, le 22 mars 1988 ou vers cette date, il a fait reprendre ce bateau et en a acheté un autre du même type, de 47 pieds de long, appelé le Honey Bear II (le « bateau » ), pour un prix d’achat total de 155 000 $;

e)              pendant le reste de l’année 1988, l’appelant a fait remettre le bateau en état, y a apporté des améliorations et a ajouté de l’équipement, ce qui a fait passer la fraction non amortie du coût en capital du bateau à 255 000 $;

f)              l’appelant a commencé à fréter le bateau en 1990;

g)             de 1990 à 1994, l’appelant a déclaré, relativement à cette activité, le revenu brut, les dépenses et les pertes d’entreprise qui suivent (les détails figurent à l’annexe A) :

Année d’imposition

Revenu brut

Dépenses

Revenu net (pertes)

1990

1 500 $

12 645,00 $

(11 145,02 $)

1991

2 300 $

11 686,51 $

(9 386,50 $)

1992

2 500 $

19 309,98 $

(16 809,98 $)

1993

4 910 $

54 788,71 $

(49 878,71 $)

1994

10 530 $

54 913,87 $

(43 663,87 $)

TOTAL

21 740 $

152 623,93 $

(130 884,08 $)

h)             durant la période pertinente, le bateau était amarré à Vancouver (Colombie-Britannique), et l’appelant vivait sur l’île de Vancouver (Colombie-Britannique);

i)               l’appelant a signé avec Delta Charters Inc. ( « Delta Charters » ) un contrat selon lequel cette dernière s’occuperait de la location du bateau et fournirait les services d’un cuisinier en échange de frais de 20 p. 100;

j)               l’appelant a personnellement commandé le bateau pour tous les contrats de location conclus par Delta Charters;

k)              durant la période pertinente, le tarif de location normal du bateau était de 650 $ par jour ou de 4 500 $ par semaine;

l)               la saison de location va essentiellement du 18 juin au 18 septembre (soit un total de 90 jours);

m)             en 1993, le bateau a été utilisé pendant 25 jours, pour un nombre total de 68,10 heures-moteurs, selon le journal de bord, et, en 1994, pendant 28 jours, pour un nombre total de 112,70 heures-moteurs, selon le journal de bord (les détails figurent à l’annexe B);

n)             l’appelant a loué le bateau à un ami et collègue pilote, Mike Dressler, moyennant 250 $ par jour, pendant trois jours en 1993 et 13 jours en 1994, périodes pendant lesquelles l’appelant n’a ni commandé le bateau ni fourni de service de cuisine ( « locations à M. Dressler » );

o)             l’usage personnel fait par l’appelant et les locations à M. Dressler sont inclus dans les jours d’utilisation et les heures-moteurs indiquées au journal de bord susmentionnés au paragraphe (1) ci-dessus;

p)             le bateau n’a dans aucune année été loué au mois de juin;

q)             le revenu brut s’établit comme suit en 1993 et en 1994 :

Revenu

1993

1994

de Delta Charters

4 160 $*

7 280 $**

de M. Dressler

750 $

3 250 $

Total

4 910 $

10 530 $

*               deux locations à court terme

**            une location de deux semaines

r)              l’appelant n’a demandé une DPA qu’en 1993 et 1994, soit 34 425 $ et 33 086,25 $ respectivement; il n’a pas réclamé la DPA maximale admissible en 1993;

l’appelant a fait l’acquisition d’immobilisations qui n’ont pas été incluses dans le tableau de la DPA, dont un Boston Whaler de 14 pieds de long (évalué à 10 000 $ environ) et une génératrice Honda (600 $), en plus d’apporter d’importantes réparations au bateau (5 000 $);

t)              en 1991, des frais de réparation de 2 274,77 $ ont été engagés relativement à l’activité, mais ils n’ont pas été inclus dans les dépenses déclarées;

u)             durant la période pertinente, le bateau était grevé d’une hypothèque (l’ « hypothèque » ) et, dans chacune des années allant de 1990 à 1994, les frais d’intérêts sur l’hypothèque ont excédé le revenu brut :

1990

1991

1992

1993

1994

Frais d’intérêts

15 795 $

15 390 $

13 343 $

11 147 $

12 051 $

Revenu brut

1 500 $

2 300 $

2 500 $

4 910 $

10 530 $

v)             l’appelant a mis fin à l’activité en 1994;

w)             l’appelant n’a pas acquis le bateau en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien;

x)              l’appelant n’a pas essuyé les pertes d’entreprise déclarées dans l’intention de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien;

y)             en ce qui concerne l’activité, l’appelant n’avait pas une attente raisonnable de profit pendant les années d’imposition 1993 et 1994;

z)              les dépenses déclarées relativement à l’activité constituaient des frais personnels ou de subsistance de l’appelant.

B.             QUESTION À TRANCHER

8.              La seule question en litige, ainsi que l’a formulée l’appelant dans son avis d’appel, est celle de savoir si ce dernier avait, en ce qui concerne l’activité, une attente raisonnable de profit pendant les années d’imposition 1993 et 1994.

C.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

9.              Il se fonde sur les articles 3 et 9, les alinéas 18(1)a) et b) et 20(1)a) et le paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée (la « Loi » ).

ANNEXE A

PERTES D’ENTREPRISE DÉCLARÉES

POUR LES EXERCICES SE TERMINANT LES 31 DÉCEMBRE 1990, 1991, 1992, 1993 ET 1994

1990

1991

1992

1993

1994

Revenu brut déclaré

1 500,00 $

2 300,00 $

2 500,00 $

4 910,00 $

10 530,00 $

MOINS :

Frais d’exploitation déclarés :

Véhicule à moteur / automobile

( 590,00 $)

( 520,54 $)

( 1 073,07 $)

(1 461,86 $)

( 1 854,65 $)

Assurances

( 1 735,00 $)

( 1 815,00 $)

( 1 895,00 $)

( 1 752,88 $)

( 1 945,00 $)

Intérêts

(15 795,00 $)

(15 390,00 $)

(13 343,47 $)

(11 147,38 $)

(12 051,22 $)

Chauffage, électricité, eau

( 594,92 $)

( 597,70 $)

-

( 527,58 $)

-

Entretien et réparations

( 1 084,79 $)

( 1 570,00 $)

( 1 218,03 $)

( 1 872,63 $)

( 1 988,44 $)

Amarrage

( 2 708,51 $)

( 2 881,32 $)

( 3 417,43 $)

( 3 224,44 $)

( 3 636,38 $)

Frais juridiques, comptables

-

-

( 230,75 $)

( 241,10 $)

( 284,25 $)

Téléphone

-

-

( - )

( - )

( 410,03 $)

Bureau

-

128,28 $

-

( 135,84 $)

( - )

Total des frais d’exploitation déclarés

(22 508,22 $)

(22 902,21 $)

(21 177,75 $)

(20 363,71 $)

(22 169,97 $)

Plus : Réduction – dépenses

pour usage personnel

9 863,20 $

11 215,71 $

1 867,77 $

zéro

1 062,35 $

Frais d’exploitation nets déclarés

(12 645,02 $)

(11 686,50 $)

(19 309,98 $)

(20 363,71 $)

(21 107,62 $)

Revenu (pertes) net avant les demandes de déduction pour

amortissement ( « DPA » )

(11 145,02 $)

(9 386,50 $)

(16 809,98 $)

(15 453,71 $)

(10 577,62 $)

Moins : DPA sur les biens de catégorie 7

( zéro )

zéro

zéro

(34 425,00 $)

(33 086,25 $)

Revenu (pertes) net

(11 145,02 $)

(9 386,50 $)

(16 809,98 $)

(49 878,71 $)

(43 663,87 $)

[3]            L’appelant a indiqué dans son témoignage avoir accepté les hypothèses figurant aux alinéas 7a), b), d), e), f), g), h), j), k), o), q), r) et v). Les hypothèses figurant aux alinéas 7c) et m) n’ont pas été réfutés par la preuve. À l’hypothèse figurant à l’alinéa 7i), il devrait être ajouté que c’est le client, et non Delta, qui a payé pour les services d’un cuisinier. À l’hypothèse exposée à l’alinéa 7c), il devrait être ajouté qu’une certaine période supplémentaire inscrite au dossier technique constituait une utilisation commerciale pour les réparations ou le transport du Honey Bear II entre son point d’amarrage, à Vancouver, et l’île de Vancouver à des fins commerciales, mais il s’agissait de très courtes périodes d’utilisation réelle à des fins commerciales. L’appelant a utilisé ces occasions et les périodes supplémentaires importantes qui y étaient associées pour son plaisir personnel. En ce qui concerne les hypothèses figurant aux alinéas 7s) et t), l’appelant les considérait comme des éléments d’ordre personnel, et la Cour a conclu qu’ils l’étaient. Les hypothèses exposées aux alinéas 7w) à z) font l’objet du litige.

[4]            L’appelant est né en Nouvelle-Zélande en 1950. Il faisait du yachting quand il vivait là-bas. Il a immigré à Vancouver, au Canada, en 1968. Il a suivi une formation de pilote jusqu’en 1970, puis a obtenu du travail comme pilote. En 1972, il est entré au service de ce qui est aujourd’hui les Lignes aériennes Canadien, pour laquelle il travaille toujours. En 1986, les Lignes aériennes Canadien ont commencé à éprouver de graves problèmes financiers, qui sont devenus de notoriété publique peu de temps après. L’appelant a indiqué dans son témoignage qu’à mesure que ces problèmes évoluaient, il songeait à son avenir en tant que pilote auprès d’autres lignes aériennes et a estimé que son âge constituait un désavantage et qu’il n’obtiendrait probablement pas de nouvel emploi en tant que pilote de ligne aérienne.

[5]            À partir de 1974, l’appelant a possédé des bateaux de taille moyenne et a parcouru les eaux côtières de la Colombie-Britannique. Il a d’abord eu un bateau de type chriscraft de 31 pieds de long et l’a fait reprendre en 1980 pour un autre bateau du même type de 38 pieds de long. Le 22 mars 1988, il a fait reprendre ce dernier pour un chriscraft de 47 pieds de long dont le prix était fixé à 155 000 $ et qu’il a appelé le Honey Bear II (Pièce AR-1, onglet 8).

[6]            Avant d’acheter le Honey Bear II, il s’est renseigné au sujet des affrètements. Il a appris qu’il devait avoir des moteurs diesel (à l’opposé des moteurs à essence de ses précédents bateaux personnels), que les chambres à coucher et les salles de bain devaient respecter les normes relatives aux cabines et être séparées de l’équipage, que le pont devait être surélevé par rapport à l’eau, contrairement aux bateaux de pêche personnels, et que le bateau devait être doté de matériel électronique et équipé à des fins de navigation. En outre, le bateau devait être grand. Le Honey Bear II possédait toutes ces caractéristiques, mais pas les bateaux précédents de l’appelant.

[7]            Ses démarches auprès d’agents d’affrètement ont toutes été précédées du même avertissement : ceux-ci devaient voir son bateau avant d’accepter de négocier des affrètements pour lui. La Cour croit l’appelant au sujet de ces faits. Elle l’a également cru lorsqu’il a indiqué dans son témoignage qu’il avait établi des prévisions au sujet du revenu qu’il pourrait tirer des affrètements. La pièce A-1 contient l’essentiel de ses calculs, même si elle a été établie et dactylographiée après que Revenu Canada eut commencé à établir des cotisations à son égard pour les années 1990 et 1992, puis 1993 et 1994.

[8]            Les affrètements étaient à la mode, et il était possible d’en tirer un bon revenu à Vancouver, en 1988, avec un bon bateau de la taille du Honey Bear II. Le tarif hebdomadaire, avec un skipper (l’appelant), était de 4 500 $. Le client devait payer toutes les autres dépenses, notamment en ce qui a trait aux services de membres d’équipage supplémentaires et à l’essence. Le tarif quotidien variait de 600 $ à 700 $. D’un bateau exploité depuis environ quinze ans, on pouvait s’attendre à environ 100 jours d’affrètements, soit 15 ou 16 semaines. À 15 semaines, cela signifiait des recettes brutes de 67 500 $. Ses frais en tant que fréteur (soit la commission des agents d’affrètement) s’élevaient à 20 p. 100, ce qui lui laissait un revenu annuel de 54 000 $.

[9]            Après avoir payé 155 000 $ pour le Honey Bear II le 28 mars 1988, l’appelant a dû l’équiper de nouveau pour le rendre conforme aux normes relatives aux affrètements et aux fins des inspections des agents. Il a lui-même accompli la plus grande partie du travail à Sidney, augmentant ainsi la valeur du bateau à 255 000 $. Il a ensuite de nouveau consenti une hypothèque de 130 000 $ sur le bateau (pièce AR-1, onglet B) en mai 1990 afin de payer les travaux. Ce n’est qu’à ce moment que le bateau a été prêt à être loué, et c’est ensuite que Mme Buddy et M. Cockburn l’ont vu et ont donné leur accord pour l’affrètement. Toutefois, après 1989, le marché de l’affrètement a brusquement baissé, et ce, jusqu’en 1996; selon M. Cockburn, l’importance des affrètements dans la région de Vancouver représentait au cours de cette période 50 p. 100 de celle de 1989. Cela a été confirmé par Mme Buddy, de Bayshore Charters, un fréteur à la journée. Lorsque Mme Buddy a vu le Honey Bear II, vers 1990, elle a dit à l’appelant que le bateau était convenable, mais qu’elle devait d’abord fournir du travail à ses vieux bateaux et qu’il ferait mieux de s’inscrire ailleurs également. M. Cockburn, qui est fréteur à la semaine sous le nom de « Delta » , lui a donné le même conseil. L’appelant a suivi ce conseil et s’est également inscrit auprès du troisième fréteur important, Creative Charters, exploité par Wendy McNabb, qui a fermé ses portes et a soudainement disparu à la fin de juin 1990. Mme McNabb avait conclu certains affrètements pour l’appelant, mais ces contrats ont été perdus lorsqu’elle a disparu.

[10]          Les pertes de l’appelant ont été admises pour les années 1990, 1991 et 1992 en tant que pertes de démarrage.

[11]          Pour ce qui est des années 1993 et 1994, le contre-interrogatoire a révélé que l’utilisation réelle du Honey Bear II pour affrètement, selon les heures-moteurs indiquées dans le journal de bord, dont ses quelques affrètements et son utilisation par M. Dressler (en location à 250 $ l’heure), représentait moins de 50 p. 100 des heures-moteurs totales. L’appelant a indiqué dans son témoignage que les heures supplémentaires ont servi au transport du bateau de son point d’amarrage, à Vancouver, à son port personnel, à Sidney (Colombie-Britannique). Toutefois, il s’agit d’un déplacement de quatre heures au maximum, qui lui a pris des jours. De même, des réparations ont été effectuées pendant qu’il faisait une croisière. Cela pourrait être nécessaire à l’occasion mais, en l’espèce, c’était fréquent. Ainsi, environ 50 p. 100 des heures-moteurs de chacune des années 1993 et 1994 semblent avoir été consacrées à des fins personnelles. Toutefois, l’appelant n’a pas fait état d’usage personnel en 1993 et, en 1994, il a indiqué que 1 062,35 $ des 21 107,62 $ de frais d’utilisation concernaient des fins personnelles.

[12]          De plus, M. Cockburn a indiqué dans son témoignage qu’un bateau qu’on souhaitait louer devrait, pour de meilleurs résultats, être amarré au port de l’agent d’affrètement. L’appelant ne pouvait le faire ni avec Mme Buddy ni avec M. Cockburn. Toutefois, au cours de la principale saison d’affrètement d’été, le bateau a passé beaucoup plus de temps près de sa maison, à Sidney, qu’à son point d’amarrage, à Vancouver, où se trouvaient les agents et leurs clients.

[13]          C’est à la lumière de cette preuve et de celle selon laquelle l’appelant, avant de se lancer dans cette activité, a fait beaucoup de yachting comme passe-temps, que la Cour conclut que l’exploitation, par l’appelant, du Honey Bear II se caractérisait « en grande partie par un élément personnel » , selon les mots du juge d’appel Linden dans l’affaire Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73 (96 DTC 6001) (C.A.F.), à la page 97 (DTC : page 6002). La navigation a de toute évidence offert à l’appelant une satisfaction et un plaisir personnels tout au long de sa vie.

[14]          Si on examine l’historique du bateau, on constate que le Honey Bear II n’était pas une entreprise purement commerciale. En général, et selon la preuve, l’appelant était le seul membre d’équipage du bateau, qui était utilisé à petite échelle et à des fins personnelles. L’appelant prévoyait parvenir à faire louer son bateau par des exploitants chevronnés (ayant des relations-clients). L’appelant s’est vu accorder trois années de démarrage et a exploité le bateau dans un marché nettement à la baisse après 1989. Toutefois, même compte tenu du démarrage à long terme nécessaire, les frais d’exploitation basés sur une très faible activité de navigation, de 1990 à 1994, se sont élevés à environ 22 000 $ par année. Avec des contrats effectifs, ils seraient beaucoup plus élevés, ne serait-ce qu’au titre de l’usure, de la détérioration, de l’entretien et des réparations occasionnés par son utilisation intensive. La déduction pour amortissement anticipée était de plus de 30 000 $ par année. Compte tenu de cela ainsi que d’une prévision de recettes d’exploitation exagérément optimistes de 54 000 $ par année pour une saison complète, on ne pouvait prévoir un profit. Aucun témoin n’est venu donner d’estimation du revenu que l’appelant aurait pu s’attendre à tirer d’une bonne année comme 1988 s’il avait eu cinq ou dix années d’expérience en matière de location, ou même à l’étape du démarrage. Lorsqu’il y a dépréciation, les réparations et l’entretien occasionnés par une utilisation intensive augmentent.

[15]          L’appelant a indiqué dans son témoignage qu’il prévoyait gagner sa vie en louant son bateau. Les chiffres prospectifs réels, pour 1990 et 1992 (et aussi pour 1988, dans la mesure où on peut établir qu’il y a eu des dépenses), indiquent qu’après les coûts relatifs au bateau, selon le scénario le plus optimiste, il ne resterait aucun revenu pour l’appelant ni aucun profit pour le Honey Bear II.

[16]          Ainsi, selon les chiffres présentés, le Honey Bear II aurait peut-être pu atteindre le seuil de rentabilité à long terme, mais il était improbable qu’il pût devenir rentable. L’appelant (et son bateau) pouvait faire de la navigation, mais il n’avait ni expérience ni formation dans le domaine de la location de bateaux. Il avait des choses à apprendre en la matière, et devait acquérir des aptitudes d’exploitation. Pendant les années en cause, il n’y a eu que des pertes, et l’appelant a cessé cette activité en 1995 (au moins en partie en raison des vérifications effectuées par Revenu Canada). Des pertes ont été subies chaque année d’exploitation, avec ou sans DPA. Bien que cela puisse en partie être attribuable aux mauvaises conditions du marché, il est également vrai que le bateau n’était pas amarré à Vancouver, à la vue d’éventuels clients : il était utilisé à des fins personnelles en haute saison. L’ajustement au marché en difficulté signifiait certainement l’amarrage constant du Honey Bear II à Vancouver lorsqu’il n’était pas affrété. L’appelant a investi une somme raisonnable dans le Honey Bear II et il disposait d’heures, ainsi que des services du capitaine Dressler, pour la location. Toutefois, en ce qui concerne l’exploitation du service de location du Honey Bear II elle-même, l’appelant n’avait pas d’attente raisonnable de profit selon les chiffres dont il disposait en 1988, en 1990 ou en 1992.

[17]          Pour ce motif, l’appel est rejeté.

[18]          Les dépens entre parties sont accordés à l’intimée.

Signé à Calgary (Alberta), ce 31e jour d'octobre 2000.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 2e jour d’avril 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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