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Date: 19991027

Dossier: 97-1814-UI; 98-955-UI; 97-1815-UI; 98-956-UI; 97-1816-UI

ENTRE :

LUISA SPANO, ANTHONY SPANO, DIEGO SPANO,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant MacLatchy

[1]            Les appels dont il s'agit ont tous été entendus à Toronto (Ontario) les 6 et 7 juillet 1999, sur preuve commune avec le consentement des parties.

Les appels de Luisa Spano

[2]            Luisa Spano interjette appel contre la décision de l'intimé selon laquelle l'emploi qu'elle a exercé pour le payeur, TBS Paving & Construction Inc., du 6 mai 1996 au 10 janvier 1997 n'était pas un emploi assurable au sens de l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ) et de l'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi modifiée » ), puisque c'était un emploi exclu, car l'appelante et le payeur avaient un lien de dépendance. L'intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi et de l'alinéa 5(3)b) de la Loi modifiée et a décidé que le contrat de travail ne serait pas considéré comme un contrat qui aurait été conclu entre des personnes sans lien de dépendance. De même, Luisa Spano a fait appel de la décision de l'intimé selon laquelle l'emploi qu'elle exerçait pour le même payeur au cours de la période allant du 5 mai 1997 au 9 janvier 1998 n'était pas un emploi assurable au sens de la Loi modifiée. Cette décision a été confirmée par l'intimé, qui, encore là, a exercé son pouvoir discrétionnaire et a déterminé que le contrat de travail entre les parties ne serait pas considéré comme un contrat qui aurait été conclu entre des personnes sans lien de dépendance.

[3]            L'appelante, son époux, Salvatore Spano (le seul actionnaire du payeur), deux employés du payeur et les deux fils de l'appelante, Anthony et Diego Spano, ont témoigné. Au fur et à mesure du récit, il est apparu clairement que Salvatore Spano dirigeait l'entreprise du payeur et que c'était lui qui prenait les décisions quotidiennes et qui planifiait l'avenir de l'entreprise. Toutes les personnes qui travaillaient pour la société étaient des employés, y compris Luisa, soit l'épouse de Salvatore, et leurs deux fils. Chacun exerçait un emploi pour le payeur en vertu d'un contrat de louage de services. Salvatore Spano est le seul propriétaire du payeur.

[4]            Conformément aux dispositions de la Loi et de la Loi modifiée ainsi qu'aux dispositions du paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'appelante et le payeur sont, en droit, réputés avoir entre eux un lien de dépendance, et un tel emploi est considéré comme un « emploi exclu » , de sorte qu'il n'y a aucun droit à prestations s'il est mis fin à cet emploi. Bien que des personnes liées soient, ainsi, considérées comme ayant un lien de dépendance, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a le pouvoir discrétionnaire de déterminer que, compte tenu de toutes les circonstances énoncées au sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi, il est raisonnable de conclure que les parties auraient conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable si elles n'avaient pas eu un lien de dépendance.

[5]            Les arrêts de la Cour d'appel fédérale Tignish Auto Parts Inc. c. M.R.N., C.A.F., no A-555-93, 25 juillet 1994 (185 N.R. 73), Le Procureur général du Canada c. Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187 (215 N.R. 352), et Sa Majesté La Reine c. Bayside Drive-In Ltd., C.A.F., no A-626-96, 25 juillet 1997 (218 N.R. 150), établissent clairement que la Cour canadienne de l'impôt peut remettre en cause la décision du ministre seulement si ce dernier : (i) a agi de mauvaise foi ou pour un motif inapproprié; (ii) n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes comme l'exigent expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi et l'alinéa 5(3)b) de la Loi modifiée; (iii) a pris en compte un facteur non pertinent. Même si la Cour canadienne de l'impôt concluait que le ministre avait agi d'une manière contraire à la loi, elle ne serait fondée à remettre en cause la décision du ministre que si elle était convaincue qu'il ne restait pas suffisamment d'éléments de preuve à l'appui de la décision rendue par le ministre.

[6]            À presque tous les égards, la preuve présentée par l'appelante étaye les faits invoqués par l'intimé dans les réponses aux avis d'appel. L'appelante travaillait pour le payeur à la maison dont elle était propriétaire avec son époux, et aucune indemnité ne lui était versée à l'égard de cette utilisation de la maison. Aucun registre des heures de travail de l'appelante n'était tenu. L'appelante commençait à travailler tôt le matin, chaque jour, et s'arrêtait quand on n'avait plus besoin d'elle pour répondre au téléphone ou exécuter d'autres travaux du payeur, mais le travail accompli ne l'occupait pas toute la journée, jour après jour. L'entreprise du payeur n'était pas d'une ampleur justifiant l'embauchage d'un employé de bureau à temps complet au niveau salarial auquel l'appelante était payée. Le chèque de paie hebdomadaire de l'appelante était déposé dans le compte conjoint de l'appelante et de son époux. Ces chèques, toutefois, étaient d'abord conservés par l'époux de l'appelante aussi longtemps que ce dernier pouvait le déterminer, puis ils étaient déposés. Bien des semaines s'écoulaient avant que ces chèques soient négociés, et alors, tout un groupe de chèques était déposé. L'entreprise du payeur était une entreprise saisonnière exploitée de mai à octobre annuellement; pourtant, l'appelante demeurait inscrite dans le livre de paie jusqu'en janvier de l'année suivante. Le payeur faisait appel à un cabinet comptable externe pour que celui-ci s'occupe des chèques de paie, des comptes fournisseurs et des états de fin d'exercice.

[7]            Un autre facteur important qui a été soulevé est que la paye de Luisa Spano a baissé d'une année à l'autre sans qu'aucune explication ne soit donnée; cet état de chose a été accepté par Luisa sans discussion. Une telle décision aurait suscité une réaction chez un employé ordinaire, ce qui démontre que l'appelante composait avec tout ce que son époux désirait. Les heures de travail de l'appelante n'étaient pas consignées; pourtant, l'appelante recevait la même paie chaque semaine et a déclaré dans le cadre de son témoignage qu'elle travaillait bien plus que les 45 heures hebdomadaires qu'elle était censée travailler.

[8]            Les faits mentionnés précédemment étayent clairement la conclusion selon laquelle l'arrangement entre le payeur et l'appelante Luisa Spano n'est pas un arrangement qu'aurait accepté un employé ordinaire ou dont aurait convenu un employeur ordinaire. C'était un bon arrangement du point de vue de ces parties, mais tel n'est pas le type de contrat que des personnes sans lien de dépendance auraient conclu, eu égard aux faits qui ont été exposés à la Cour.

[9]            Notre cour ne saurait conclure que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière contraire au droit. Bien que des faits mineurs sur lesquels le ministre s'était fondé se soient révélés inexacts, il restait suffisamment d'éléments de preuve à l'appui des décisions rendues par le ministre. Notre cour ne peut remettre en cause ces décisions, et les appels de Luisa Spano sont rejetés.

Les appels d'Anthony Spano

[10]          Cet appelant interjette appel contre les décisions du ministre selon lesquelles l'emploi qu'il a exercé pour TBS Paving & Construction Inc., le payeur, au cours des périodes allant du 13 mai 1996 au 27 décembre 1996 et du 28 avril 1997 au 9 janvier 1998 n'était pas un emploi assurable au sens de la Loi et de la Loi modifiée.

[11]          L'intimé a confirmé les décisions selon lesquelles l'emploi exercé par cet appelant pour le payeur au cours des périodes en question n'était pas un emploi assurable, puisque c'était un emploi exclu, car cet appelant et le payeur avaient entre eux un lien de dépendance au sens de l'alinéa 3(2)c) de la Loi et de l'alinéa 5(2)i) de la Loi modifiée.

[12]          L'intimé se fondait sur les faits énoncés au paragraphe 5 de chaque réponse à l'avis d'appel. La preuve présentée par cet appelant étayait la plupart des faits sur lesquels l'intimé s'était fondé pour rendre les décisions. Il y avait toutefois des exceptions, notamment en ce qui a trait au dépôt des chèques de paie hebdomadaires de cet appelant. Ces chèques étaient déposés au crédit de cet appelant dans un compte bancaire dont il était titulaire avec son père, et ni l'un ni l'autre ne pouvait retirer d'argent de ce compte sans la signature de l'autre. Cet appelant alléguait que, s'il avait été le seul titulaire du compte, son père aurait été préoccupé quant à la façon dont il aurait dépensé son argent. Aucun employé non lié ne serait assujetti à un tel contrôle. De plus, les chèques de cet appelant pour chaque semaine n'étaient pas régulièrement déposés; dans certains cas, ils étaient négociés trois ou quatre semaines après avoir été reçus. Cet appelant a expliqué qu'il n'aimait pas faire la queue à la banque chaque semaine, de sorte qu'il n'encaissait ses chèques que plusieurs semaines plus tard, mais le fait qu'il n'encaissait pas les chèques immédiatement pourrait aussi être considéré comme une façon de faciliter les flux de trésorerie du payeur, pour que ce dernier ait assez de fonds pour couvrir ces chèques. Cela ne serait pas accepté par un employé non lié.

[13]          La façon dont la société payeuse a été créée est très inusitée. Cette société avait apparemment été lancée par Salvatore Spano et ses deux fils, Anthony et Diego, chacun recevant un nombre égal d'actions. La preuve indiquait qu'Anthony avait fait retirer 7 000 $ de son compte, tandis que son frère Diego achetait ses actions pour 10 000 $. La question de savoir quelle somme avait été investie par Salvatore Spano n'était pas claire, mais, nonobstant les apports disparates, chacun détenait le tiers des actions du payeur. Peu après (quelques jours plus tard), les deux fils ont reçu les actions de leur père, de sorte que les deux frères devenaient les seuls propriétaires du payeur. Trois mois plus tard, toutes les actions ont été transférées à leur père, qui est devenu le seul actionnaire du payeur. L'explication relative à ces opérations singulières était que les garçons ne voulaient pas de la responsabilité consistant à diriger la société payeuse. Leurs investissements respectifs dans cette société n'ont pu leur être remboursés en espèces; au lieu de cela, le payeur fournissait gratuitement un véhicule à chacun d'eux, s'était engagé à payer une quantité illimitée d'essence et payait les frais d'entretien et d'assurance. Les deux garçons seraient tenus de payer des frais locatifs à l'égard de ces véhicules à partir d'une date devant être déterminée par Salvatore Spano, qui exploitait la société payeuse. Il est apparu clairement que Salvatore Spano prenait toutes les décisions non seulement pour le payeur, mais aussi pour toute sa famille.

[14]          L'entreprise du payeur était une entreprise saisonnière en ce qu'elle ne pouvait exercer aucune activité avant que le sol soit dégelé, soit avant la fin d'avril ou le début de mai. De même, l'entreprise fermait généralement à la fin de septembre ou au début d'octobre. Les employés ordinaires étaient réembauchés ou mis à pied au cours de ces périodes respectives. Toutefois, Anthony Salvatore demeurait inscrit dans le livre de paie du payeur jusqu'à la fin de décembre ou jusqu'au début de janvier de l'année suivante. L'explication donnée au cours du témoignage était qu'Anthony avait des compétences en mécanique qu'il utilisait afin de préparer pour l'hiver la machinerie du payeur. Le payeur n'était pas une société si grosse et ayant tellement de machinerie qu'elle aurait eu besoin d'attribuer pour les réparations ou l'entretien autant de temps qu'elle en attribuait à Anthony. Notre cour a conclu qu'un bon nombre des explications données par les parties concernant ces opérations inusitées étaient vagues et intéressées et que, dans la plupart des cas, elles n'étaient pas crédibles.

[15]          Notre cour ne saurait conclure que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière contraire au droit. Bien qu'il y ait eu des changements concernant les faits sur lesquels le ministre s'était fondé, ces changements n'étaient pas importants, et les faits restants étaient suffisants pour justifier les décisions du ministre. Dans le cas présent, les parties avaient un lien de dépendance et, si elles n'en avaient pas eu, elles n'auraient pas conclu l'arrangement qu'elles ont conclu, compte tenu de toutes les circonstances énoncées dans les dispositions pertinentes de la Loi et de la Loi modifiée. Les appels d'Anthony Spano sont rejetés.

L'appel de Diego Spano

[16]          Cet appelant avait demandé au ministre de reconsidérer la décision selon laquelle l'emploi qu'il exerçait pour TBS Paving & Construction Inc., le payeur, au cours de la période allant du 7 avril au 27 décembre 1996 n'était pas un emploi assurable au sens de la Loi et de la Loi modifiée. Le ministre a confirmé la décision selon laquelle l'emploi exercé par cet appelant pour le payeur au cours de la période en question n'était pas un emploi assurable, puisque c'était un emploi exclu, car cet appelant et le payeur avaient entre eux un lien de dépendance au sens de l'alinéa 3(2)c) de la Loi et de l'alinéa 5(2)i) de la Loi modifiée. Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi et de l'alinéa 5(2)i) de la Loi modifiée et a décidé que le contrat de travail ne serait pas considéré comme un contrat qui aurait été conclu entre des personnes sans lien de dépendance.

[17]          Les faits sur lesquels s'est fondé l'intimé étaient énoncés au paragraphe 5 de la réponse à l'avis d'appel, et la plupart de ces faits étaient étayés par la preuve qui a été présentée devant notre cour. Les différences n'étaient pas pertinentes par rapport à la décision finale rendue par le ministre.

[18]          Diego Spano avait été blessé au cours de la saison 1995, lorsqu'il travaillait comme manoeuvre pour son père et le payeur. De retour au travail, il s'était rendu compte qu'il n'était pas capable de remplir les mêmes fonctions, de sorte que le payeur l'avait embauché comme vendeur, pour qu'il effectue l'estimation des travaux et cherche des clients éventuels pour augmenter le volume des affaires. Les mêmes arguments que dans le cas de son frère Anthony ont été invoqués au sujet de ses apports financiers à la société payeuse. Son investissement dans le payeur n'avait pu lui être remboursé en espèces lors du transfert de ses actions à son père, Salvatore Spano; au lieu de cela, il pouvait utiliser sans frais locatifs ou autres une voiture appartenant au payeur, qui s'était engagé à fournir une quantité illimitée d'essence et qui devait payer les frais d'entretien et d'assurance. À partir d'une date devant être déterminée par Salvatore Spano, Diego serait tenu de payer des frais locatifs, mais la date exacte n'a jamais été indiquée clairement à notre cour. Encore là, il était bien clair que Salvatore Spano dirigeait la société payeuse, ainsi que la vie de chacun de ses deux fils.

[19]          Les mêmes arguments que dans le cas des appels d'Anthony s'appliquent à l'appel de Diego concernant des questions comme le fait qu'il travaillait au-delà de la saison d'exploitation de l'entreprise et concernant le mode de rémunération du travail, aucun registre des heures travaillées n'étant tenu.

[20]          Toutes les conclusions énoncées au paragraphe 15 des présents motifs s'appliquent également à l'appel de Diego Spano, qui est donc rejeté.

[21]          Il était argué par le représentant des appelants dans tous les appels que les appelants ont fait l'objet d'un déni de justice naturelle vu la manière dont l'enquête a été menée par l'intimé. Bien qu'ayant été avisées des décisions de l'intimé comme l'exige la loi, les parties n'ont pas eu droit à la communication de documents à cette étape du processus et ne pouvaient donc déterminer sur quels faits précis les décisions se fondaient. Le processus semblerait être un système quelque peu compliqué pour ce qui est de répondre aux demandes de renseignements du ministre, mais ce dernier est lié par la teneur des diverses lois dans le cadre desquelles il doit agir. La loi adoptée ne prévoit pas une autre instance avant l'appel devant notre cour; dédoubler le processus, ce serait imposer à tous les intéressés une procédure coûteuse et sans fin. La Loi prévoit que le ministre doit aviser les appelants de sa décision et qu'il doit préalablement leur donner l'occasion de présenter des renseignements ou documents visant à ce qu'il rende une décision en leur faveur. Une fois que la décision du ministre est rendue, la Loi prévoit la possibilité d'en appeler devant notre cour, ce qui inclut la communication intégrale de documents et toutes les autres formes de protection inhérentes à la « justice naturelle » .

[22]          Comme le disait feu le juge en chef Christie dans l'affaire Italiano c. Canada (M.R.N.), [1998] A.C.I. no 669 :

Pour appliquer le principe de la justice naturelle dans le cadre d'une décision pouvant faire l'objet d'un contrôle judiciaire, il est nécessaire de faire preuve de souplesse et de tenir compte des circonstances particulières dans lesquelles la décision doit être rendue. La notion d' « équité » a été assimilée à la notion de justice naturelle. Dans des affaires comme celles dont je suis saisi, il est nécessaire, pour trancher la question de l'admissibilité aux prestations, de déterminer le type de relation qui existait entre le prétendu employeur et le prétendu employé eu égard à la prestation des services. Et qui, à part les intéressés eux-mêmes, est le mieux à même de fournir des précisions à ce sujet?

Dans l'affaire Re Tandy Electronics and United Steel Workers of America et al. (1980), 26 O.R. (2d) 68, le juge Cory, qui a prononcé les motifs du jugement de la Cour divisionnaire de la Haute Cour de justice, a déclaré, à la page 74 :

[TRADUCTION]

La notion de justice naturelle est une notion extensible, qui ne peut ni ne doit être définie de manière précise. L'application du principe doit varier selon les circonstances. L'attribution d'un sens plus large ou plus restreint dépendra de nombreux facteurs; au nombre de ceux-ci, mentionnons la nature de l'audience, la nature du tribunal qui préside, la portée et l'effet de la décision rendue.

Parfois, le refus d'autoriser un contre-interrogatoire peut constituer en soi un déni de justice naturelle. D'autres fois, le fait de limiter ou de restreindre un contre-interrogatoire à certains aspects ou sujets pourrait ne contrevenir d'aucune manière aux principes d'équité qu'englobe la notion de « justice naturelle » .

[23]          On avait dûment informé tous les appelants en l'espèce qu'ils pouvaient fournir de la documentation supplémentaire ou demander les renseignements qu'ils voulaient en contactant la division des appels de Revenu Canada. Ces lettres du ministère ont été consignées en preuve devant notre cour et incluaient de nombreuses mentions du fait que les appelants n'avaient pas répondu à de précédentes lettres au moins à trois occasions distinctes. S'il y a eu un manque d'initiative, il semblerait que ce soit de la part des appelants eux-mêmes. Les appelants étaient parfaitement au courant du processus et étaient conseillés par leur représentant, qui sait ce qui est généralement requis dans ces types de causes. On leur a donné pleinement l'occasion de procéder à une communication intégrale en faveur de l'intimé et ils ont été informés de leur droit d'interjeter appel. Il semble que les demandes ont été traitées équitablement et qu'il n'y a pas eu déni de justice naturelle.

[24]          L'argument final invoqué par le représentant des appelants concernait la compétence de la personne qui a en fait rendu les décisions. Cette question avait été soulevée devant le juge Porter, de notre cour, dans l'affaire Bancheri et M.R.N. (96-2405(UI)), soit un jugement en date du 14 janvier 1999, et devant le juge Bowie, de notre cour, dans l'affaire Janette Lord et M.R.N. et C.D. Lord & Son Ltd. (97-1426(UI)), soit un jugement en date du 11 février 1999. J'ai examiné en profondeur chacun de ces jugements et suis parvenu à la conclusion que la décision du juge Bowie doit être suivie. Le paragraphe 103(13) de la Loi permet à des fonctionnaires, habilités à délivrer des documents présentés comme étant des décisions rendues dans le cadre de la loi, de rendre des décisions ministérielles. Si des décisions sont rendues au nom ou sous l'autorité du ministre par un fonctionnaire autorisé à exercer les pouvoirs ou fonctions du ministre, elles sont réputées être des décisions du ministre et ne peuvent être contestées que par le ministre ou une personne agissant pour lui. Ce paragraphe vise à ce que la Loi soit appliquée d'une manière juste et prompte. Tous les éléments du processus administratif ne peuvent être précisément déterminés dans un texte de loi — ce serait trop laborieux, cela prendrait trop de temps, cela rendrait le processus intolérable et interminable et ce serait d'une injustice criante pour les personnes qui présentent une demande en vertu de la Loi.

[25]          Pour ces motifs, les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées.

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour d'octobre 1999.

« W. E. MacLatchy »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour d'avril 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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