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Date: 20001030

Dossier: 2000-719-IT-I

ENTRE :

ROBERT B. CLIFFE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION

[1]            La question est de savoir si les paiements effectués par l’appelant à Janis Cliffe ( « Janis » ) et en son nom, d’un montant de 12 373 $ pendant son année d’imposition 1997 et d’un montant de 10 248 $ pendant son année d’imposition 1998, étaient déductibles par lui.

FAITS

[2]            L’appelant et Janis se sont mariés le 14 avril 1973 et ont divorcé le 12 juillet 1997. Trois enfants sont issus du mariage. Une ordonnance sur consentement de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, rendue en vertu de la Family Relations Act le 18 octobre 1995, prévoyait que :

                                [TRADUCTION]

[...] Robert Cliffe payera à Janis Cliffe, à titre de pension alimentaire pour les enfants, un montant de 350 $ par mois par enfant, soit le montant global de 1 050 $, [...]

[3]            En 1997, l’appelant a versé 2 852 $ directement à Janis ainsi que le solde de l’obligation ordonnée par la Cour, totalisant 12 600 $, en douze versements hypothécaires de 804 $ par mois. Il a effectué ces versements hypothécaires directement à la société de prêt hypothécaire parce que Janis avait cessé de les faire et qu’il souhaitait que les enfants continuent de vivre dans la résidence familiale[1].

[4]            L’Agence, en établissant une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, a admis la déduction de seulement 227 $ sur le montant de 2 852 $ versé directement à Janis. Elle n’a pas admis cinq paiements de 525 $ chacun pour un total 2 625 $.

[5]            Du montant total de 15 162 $ payé par l’appelant à Janis et en son nom en 1998, 4 914 $ lui ont été versés directement, soit le montant admis à titre de déduction pour cette année-là par l’Agence. Le solde de 10 248 $ a été payé à la société de prêt hypothécaire.

[6]            Selon le procès-verbal de transaction signé le 24 février 1988, l’appelant et Janis ont reconnu qu’ils « devaient consentir à un jugement prononcé par la Cour en l’espèce selon les modalités suivantes » . Ces modalités comprenaient leur désignation à titre de cotuteurs et le paiement de 350 $ par mois par enfant à Janis[2]. Elles prévoyaient également que l’appelant paierait l’impôt sur le revenu payable par Janis sur le montant reçu, qu’il lui transférerait la résidence familiale et qu’elle serait responsable de tous les versements hypothécaires, des taxes et des services publics. Elles prévoyaient de plus :

               

                                [TRADUCTION]

Que le nom de l’intimée soit retiré de l’acte hypothécaire le 1er décembre 1999 ou avant cette date.

Cela ne s’est pas produit.

[7]            Après la réception d’un avis hostile envoyé par le programme d’exécution des ordonnances alimentaires familiales de la Colombie-Britannique à l’appelant lui indiquant qu’il devait des arriérés au titre de la pension alimentaire de l’ordre de 26 000 $, ce dernier s’est adressé à la Cour afin de faire annuler et modifier l’ordonnance rendue le 18 octobre 1995. Particulièrement, il a sollicité un jugement déclaratoire qui prévoirait que la pension alimentaire avait été payée du 1er avril 1995 à la date de l’audience, à savoir le 22 octobre 1999, qu’il s’agissait d’une pension alimentaire payable conformément aux Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants et que les prétendus arriérés de la pension alimentaire soient annulés. La Cour, lors de cette audience, « a reconnu que l’entente originale conclue par les parties prévoyait que la pension alimentaire couvrirait l’hypothèque et aiderait directement Janis pour l’entretien des enfants » . La Cour a déclaré que :

                                [TRADUCTION]

La négligence de l’intimée a prétendument compromis cet objet. En agissant comme il l’a fait, l’appelant a simplement réorienté des parties des versements de la pension alimentaire pour enfants vers le créancier hypothécaire, contournant l’intermédiaire non fiable.

Il ne s’agit pas d’un cas où le payeur a mal orienté les paiements destinés aux enfants ou à certains biens dans lesquels il avait un intérêt soutenu ni d’une omission de payer. Il s’agit d’un cas où les choix financiers de l’intimée ont pratiquement dicté la réaction de l’appelant. Dans les circonstances en l’espèce, en tenant compte des modalités du procès-verbal de transaction et de l’ordonnance de la Cour suprême, je suis convaincu que les paiements versés par l’appelant au créancier hypothécaire devraient être considérés comme des paiements de la pension alimentaire pour l’entretien des enfants.

[8]            L’ordonnance de la Cour rendue avec les motifs du jugement ci-dessus est en partie ainsi rédigée :

                                [TRADUCTION]

CETTE COUR ORDONNE que la pension alimentaire d’un montant de 58 883,72 $ a été payée du 1er avril 1995 au 22 octobre 1999, conformément à l’ordonnance de cette cour rendue le 18 octobre 1995;

CETTE COUR ORDONNE ÉGALEMENT que la demande d’annulation des arriérés de la pension alimentaire soit accueillie, à l’exception d’un montant de 1 568 $[3] dû pour la période allant du mois de janvier 1998 au mois d’août 1998;

[9]            L’Agence a rejeté à titre de déductions pour l’appelant les montants en litige décrits ci-dessus.

ANALYSE ET CONCLUSION

[10]          L’avocat a renvoyé la Cour à l’alinéa 60b) et aux paragraphes 56(12), 56.1(2) et 60.1(2) dans la forme qui s’appliquait uniquement aux années précédant les années d’imposition en litige. Cela impose à la Cour le fardeau inutile de trouver et de comprendre, sans aide, les dispositions pertinentes de la Loi dans le but de régler le litige. En conséquence, les arguments des avocats n’ont pas été présentés. Le paragraphe 56(12), concernant les montants payés et reçus après 1996, a été abrogé en 1997. Les autres dispositions, concernant les montants payés et reçus après 1996, ont été modifiées en 1997.

[11]          Les dispositions pertinentes de l’article 60, autorisant la déduction, sont ainsi rédigées :

Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

[...]

b) le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

                                A – (B+C)

où :

A              représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[12]          Pour qu’un montant soit déductible en vertu de l’alinéa 60b), il doit correspondre à une « pension alimentaire » versée après 1996 à une personne qui vit séparée du payeur. L’expression « pension alimentaire » est définie au paragraphe 56.1(4) :

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)             le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)             le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

(Les italiques sont de moi.)

[13]          Les paragraphes 56.1(1), portant sur l’inclusion dans le revenu, et 60.1(1), portant sur la déductibilité, sont ainsi rédigés :

56.1(1)     Pour l'application de l'alinéa 56(1)b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement d'un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d'enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

a)             une fois payable, être payable au contribuable et à recevoir par lui;

et

b)             une fois payé, avoir été payé au contribuable et reçu par lui.

60.1(1)     Pour l'application de l'alinéa 60b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement d'un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d'enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

a)             une fois payable, être payable à la personne et à recevoir par elle;

et

b)             une fois payé, avoir été payé à la personne et reçu par elle.

[14]          Ces paragraphes considèrent les paiements qui sont versés à des tiers au profit d’une personne et/ou des enfants confiés à sa garde payables à cette personne et à recevoir par elle et, une fois qu’ils sont payés, avoir été payés à cette personne et reçus par elle. Par conséquent, dans des circonstances qui répondent aux exigences de la loi, telles que prévues dans ces dispositions, les versements hypothécaires effectués par l’appelant à la banque auraient été payés directement à Janis. Il s’agit de l’une des conditions de la déduction en vertu de l’alinéa 60b). Toutefois, l’ordonnance de 1995 n’a pas prévu, tel que l’exige le paragraphe 60.1(1), que le paiement d’un montant fait par l’appelant serait « au profit de » Janis et/ou des enfants. En tout état de cause, ces paiements ne sont pas admissibles à titre de « pension alimentaire » parce que Janis n’était pas une bénéficiaire qui pouvait utiliser ce montant à sa discrétion.

[15]          Le paragraphe 60.1(2) n’est pas utile à l’appelant parce qu’essentiellement, il considère que certains montants constituent une « pension alimentaire » [4]. Les parties pertinentes sont ainsi rédigées :

60.1(2)    Pour l'application de l'article 60, [...] [le] montant[...] payable [...] aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit, au titre d'une dépense [...] engagée [...] pour subvenir aux besoins d'une personne, d'enfants confiés à sa garde ou à la fois de la personne et de ces enfants, dans le cas où la personne est : [...] le conjoint ou l'ancien conjoint du contribuable, est réputé, lorsque l'ordonnance ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à un montant payé ou payable à leur titre, être un montant payable par le contribuable à cette personne et à recevoir par celle-ci à titre d'allocation périodique, que cette personne peut utiliser à sa discrétion.

[16]          Ni l’ordonnance de 1995 ni celle de 1999 n’a prévu que les paragraphes 60.1(2) et 56.1(2) s’appliqueraient aux montants payables par l’appelant. Par conséquent, les facteurs qui respecteraient la définition de « pension alimentaire » , lui donnant le droit à une déduction en vertu de l’alinéa 60b) n’existent pas.

[17]          Il est en effet malheureux que l’appelant, un homme qui a fermement et continuellement respecté ses obligations financières envers sa famille, ne puisse déduire les montants versés à la société de prêt hypothécaire. Les règles sont très strictes et elles doivent être respectées. Il est encore plus malheureux que l'appelant, qui était prêt à respecter ses obligations en toute bonne foi, ait été contraint de consacrer une grande partie de l’argent au maintien de la maison pour ses enfants en raison de l’omission de son ancienne conjointe de respecter ses propres obligations. La situation est mise en évidence et exacerbée par la poursuite entreprise dans le cadre du programme d’exécution des ordonnances alimentaires familiales pour pension alimentaire non payée.

[18]          Bien que l’ordonnance de 1999 de la Cour ait déclaré que l’appelant avait payé toute la pension alimentaire[5], conformément à l’ordonnance de la Cour de 1995, elle n’a pas prévu, comme il est déclaré ci-dessus, que les paragraphes 60.1(2) et 56.1(2) s’appliqueraient aux montants payables par l’appelant. Même si le paragraphe 60.1(3) envisage une mesure de redressement en ce qui concerne les paiements, si une ordonnance de la Cour prévoit qu’ils doivent être considérés comme effectués, aucun des versements hypothécaires de l’appelant décrits par l’ordonnance de 1999 n’est admissible à titre de « pension alimentaire » . En conséquence, il ne peut avoir gain de cause sur cet aspect de l’appel.

L’appel de l’appelant, pour son année 1997, sera admis dans la mesure où il a le droit de déduire le montant de 2 625 $ versé à Janis pendant cette année-là.

En conséquence, son appel, pour l’année 1998, sera rejeté.

Signé à Toronto, Canada, ce 30e jour d'octobre 2000.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 18e jour d'avril 2001.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Une annexe, déposée en preuve par l’avocat de l’appelant, indique qu’un chèque de 100 $ émis à l’ordre de Janis a été annulé, ramenant manifestement le total payé par lui à 12 500 $. Cela n’a pas été soulevé à l’audience et, en conséquence, n’a aucune incidence sur les présents motifs.

[2]           Le même montant que celui prévu par l’ordonnance de 1995.

[3]           Ce montant n’est pas pertinent en l’espèce.

[4]           L’expression « pension alimentaire » n'est pas utilisée à ce paragraphe, mais, si la condition requise est respectée, un paiement est en réalité considéré comme une « pension alimentaire » .

[5]           L’ordonnance considérait les versements hypothécaires comme une pension alimentaire.

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