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Date: 2000413

Dossier: 1999-3485-EI

ENTRE :

BROOKS COSMO HAIR STUDIO (1981) LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] L'appelante, Brooks Cosmo Hair Studio (1981) Ltd. (“ Brooks ”), porte en appel les décisions du ministre du Revenu national (le “ ministre ”) selon lesquelles Janice Hanson et Nancy Lyster ont été employées par Brooks en vertu d'un contrat de louage de services durant la période allant du 1er avril au 31 décembre 1997 (la “ période ”), Stacey Lyster a également été employée par Brooks en vertu d'un contrat de louage de services durant la période allant du 14 août au 31 décembre 1997 et ces trois personnes ont donc été des employées de Brooks. Ainsi, Revenu Canada a considéré l'emploi de chacune comme un emploi assurable en vertu des dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi (la “ Loi ”).

[2] En ce qui concerne Janice Hanson (“ Mme Hanson ”), le ministre a déterminé qu'elle n'avait pas de lien de dépendance avec Brooks et que son emploi n'était donc pas un emploi exclu aux fins de l'assurance-emploi. En ce qui a trait à Nancy Lyster (“ Nancy ”) et à Stacey Lyster (“ Stacey ”), le ministre a reconnu qu'elles avaient un lien de dépendance avec Brooks, mais il était convaincu que, conformément à l'alinéa 5(3)b) de la Loi, il était raisonnable de conclure que Nancy et Brooks ainsi que Stacey et Brooks auraient conclu des contrats de travail respectifs à peu près semblables si Nancy et Stacey n'avaient pas eu un lien de dépendance avec Brooks.

[3] L'appelante dit que Mme Hanson ainsi que Nancy et Stacey (ci-après appelées individuellement la “ travailleuse ” et collectivement les “ travailleuses ”) avaient un lien de dépendance avec Brooks et que, conformément à l'alinéa 5(2)i) de la Loi, elles exerçaient donc un emploi exclu aux fins de l'assurance-emploi en vertu des dispositions de la Loi.

[4] L'actionnariat de Brooks était le suivant :

i) 351760 Alberta Ltd. détenait 33 1/3 p. 100 des actions émises de Brooks;

(ii) 723741 Alberta Ltd. détenait 33 1/3 p. 100 des actions émises de Brooks;

(iii) 732322 Alberta Ltd. détenait 33 1/3 p. 100 des actions émises de Brooks.

[5] Les actions de 351760 Alberta Ltd. étaient détenues à parts égales par Nancy et son époux, Glen Lyster. (M. Lyster a agi comme représentant dans le présent appel et a été la seule personne à témoigner.) Toutes les actions de 723741 Alberta Ltd. étaient détenues par Mme Hanson. Du 1er avril au 13 août 1997, les actions de 732322 Alberta Ltd. étaient détenues par Shanda Smith. Le 14 août 1997, Mme Smith a transféré toutes ses actions à Stacey.

[6] Les trois travailleuses formaient le conseil d'administration de l'appelante durant les périodes pertinentes.

[7] Stacey est la fille de Nancy.

[8] Brooks exploite un salon de coiffure offrant des services et produits de beauté ainsi que des services connexes. Brooks emploie habituellement environ 12 personnes en plus des travailleuses. Mme Hanson et Nancy agissaient comme gérantes du salon. Stacey n'en était pas une gérante. En fait, d'après M. Lyster, les autres employés n'étaient pas au courant que Mme Smith avait transféré à Stacey ses actions dans 732322 Alberta Ltd.

[9] M. Lyster a témoigné qu'il était le gestionnaire de Brooks. Il déterminait le salaire des trois travailleuses. Les fonds que les travailleuses retiraient de Brooks se fondaient sur les investissements des travailleuses dans l'entreprise et non pas nécessairement sur leurs responsabilités. Stacey, Mme Hanson et Nancy avaient une commission de 75 p. 100 sur leurs ventes de services de coiffure et d'esthétique et une commission de 20 p. 100 sur leurs ventes au détail. Les commissions étaient toutefois réparties en salaires et en dividendes.

[10] Les autres employés de l'appelante avaient une commission de 50 p. 100 sur leurs ventes de services de coiffure et d'esthétique et une commission de 5 à 20 p. 100 sur leurs ventes au détail. Cependant, leurs commissions sur les ventes au détail étaient versées en fin d'exercice, dans la mesure où ils étaient encore des employés de l'appelante. Avant d'acheter les actions de Mme Smith, Stacey était payée selon les mêmes modalités que celles qui s'appliquaient aux autres employés.

[11] Nancy avait été la première personne à investir dans l'appelante. Janice (Mme Hanson) et Stacey ont emprunté 50 000 $ chacune à la coopérative locale de crédit pour investir dans Brooks. M. Lyster a décrit comment ces travailleuses étaient payées. Par exemple, la commission brute de Nancy pour mai 1997 a été de 3 124,82 $. Là-dessus, une somme de 600 $ a été versée comme dividende, et le reste, comme salaire.

[12] Brooks payait à chaque travailleuse un dividende de 600 $ à toutes les deux semaines. De plus, tout au long de l'année, des primes étaient versées à chacune des trois travailleuses, soit des primes de divers montants, selon les circonstances individuelles. Lorsque Mme Hanson a été malade, elle a reçu un salaire de Brooks. Les employés qui n'étaient pas actionnaires ne bénéficiaient pas d'un tel privilège. Le salaire versé aux travailleuses variait selon les moyens de Brooks. C'est M. Lyster qui, comme je l'ai dit précédemment, déterminait les sommes qui seraient versées comme salaires et comme primes.

[13] Le personnel était généralement embauché par consentement des trois membres du conseil d'administration. Les chèques devaient être signés par deux des trois membres du conseil d'administration.

[14] Les trois travailleuses travaillaient environ 40 heures par semaine, mais elles pouvaient travailler de plus longues heures si elles le désiraient. Chacune déterminait ses propres heures de travail. Les heures de travail des autres employés étaient déterminées par l'appelante.

[15] L'appelante achetait des séchoirs à cheveux et des fers à friser pour les trois travailleuses. Les autres employés étaient tenus d'acheter eux-mêmes leurs séchoirs à cheveux, fers à friser et autre matériel.

[16] De temps à autre, notamment lorsque Brooks changeait d'emplacement, les travailleuses fournissaient des services à Brooks sans contrepartie.

[17] L'appelante remboursait aux trois travailleuses les frais des cours liés à l'entreprise qu'elles suivaient de temps à autre. Les autres employés n'étaient pas remboursés.

[18] À mon avis, durant toute la période pertinente, Nancy et Mme Hanson avaient un lien de dépendance avec la société. Stacey a été une employée ordinaire de l'appelante jusqu'au 13 août 1997 et exerçait alors un emploi assurable. Cela n'est pas en litige. Après le 13 août 1997, elle était dans la même situation que sa mère et Mme Hanson et avait un lien de dépendance avec Brooks.

[19] Dans sa réponse à l'avis d'appel, le ministre a déclaré qu'il avait exercé correctement son pouvoir discrétionnaire, conformément à l'alinéa 5(3)b) de la Loi, en concluant que l'appelante et Nancy ainsi que l'appelante et Stacey auraient conclu des contrats de travail à peu près semblables si elles n'avaient pas eu un lien de dépendance. Toutefois, ni l'une ni l'autre des parties n'ont présenté d'éléments de preuve pour démontrer la véracité ou la fausseté de cette allégation.

[20] Deux des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé en concluant que les trois travailleuses exerçaient un emploi en vertu d'un contrat de louage de services étaient que les trois travailleuses recevaient une commission de 75 p. 100 sur leurs ventes de services de coiffure et d'esthétique et que tous leurs frais professionnels étaient remboursés par l'appelante. En considérant que Nancy et Stacey étaient réputées “ ne pas avoir de lien de dépendance avec ” Brooks, le ministre s'est notamment fondé sur les hypothèses de fait suivantes : a) les trois travailleuses étaient des gérantes; b) Nancy disait qu'elle prenait des décisions de façon indépendante “ concernant, par exemple, le pouvoir de signature, l'embauchage et le licenciement de personnel, ainsi que les rénovations du salon ”; c) Stacey disait qu'“ elle prenait des décisions de façon indépendante concernant, par exemple, les rénovations du salon [...] ”; d) les autres employés de l'appelante avaient une commission de 50 p. 100 sur leurs ventes de services de coiffure et d'esthétique; e) l'appelante remboursait aux travailleuses les dépenses engagées pour des raisons liées à l'entreprise, mais elle ne le faisait pas dans le cas des autres employés. Sur la foi des hypothèses de fait qui ont conduit le ministre à agir comme il l'a fait, j'estime que le ministre n'a pas exercé correctement le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu de l'alinéa 5(3)b) de la Loi. Les travailleuses n'avaient pas la même relation avec Brooks que les autres employés. Brooks ne traitait pas les travailleuses comme si elle n'avait pas de lien de dépendance avec elles. Si le ministre avait exercé correctement son pouvoir discrétionnaire, il n'aurait pas considéré que Stacey et Brooks ainsi que Nancy et Brooks étaient réputées ne pas avoir de lien de dépendance. Il n'est pas raisonnable de conclure qu'elles auraient conclu des contrats de travail à peu près semblables. Examinés correctement, les faits présumés amènent à une conclusion contraire à celle du ministre.

[21] Durant les périodes pertinentes, l'appelante et Nancy ainsi que l'appelante et Stacey n'auraient pas conclu un contrat de travail à peu près semblable si elles n'avaient pas eu de lien de dépendance. La relation entre les trois travailleuses, tout comme la relation entre elles et l'appelante, et le fait que M. Lyster jouait un rôle central en ce qu'il déterminait le salaire ainsi que le mode de paiement des primes et des dividendes, ne peuvent amener à conclure raisonnablement que l'une quelconque des travailleuses, y compris Mme Hanson, n'avait pas de lien de dépendance avec l'appelante.

[22] Les travailleuses n'exerçaient pas un emploi assurable au sens de la Loi.

[23] Les appels sont accueillis et la décision du ministre du Revenu national est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'avril 2000.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour d'octobre 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

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