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Date: 20000426

Dossier: 1999-910-EI

ENTRE :

CONNIE NELSON,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KIMBERLEY MCCLENAGHAN,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1] Le présent appel a été entendu à Edmonton, en Alberta, le 30 août 1999. L'intervenante n'a pas participé activement à l'appel.

[2] Connie Nelson (ci-après appelée l'“ appelante ”) a interjeté appel à l'encontre de deux avis d'évaluation en date du 4 décembre 1996 qui étaient adressés à Rhett McClenaghan, Jason Laible et Connie Nelson exploitant une entreprise connue sous le nom de Team JK (“ Team JK ”), pour des cotisations d'assurance-chômage (cotisations d'assurance-emploi après le 30 juin 1996) payables pour les années d'imposition 1995 et 1996. L'appelante a interjeté appel à l'encontre desdits avis auprès du ministre du Revenu national (le “ ministre ”) qui les a confirmés par lettre en date du 5 novembre 1998. L'appelante a maintenant interjeté appel à l'encontre de cette décision devant cette cour.

[3] La décision du ministre était libellée dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Ceci a trait à votre appel interjeté à l'encontre des évaluations en date du 4 décembre 1996 d'un montant de 15 341,16 $ pour des cotisations d'assurance-chômage/emploi plus les pénalités et intérêts applicables pour les périodes allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1995 et du 1er janvier 1996 au 31 octobre 1996.

Pour la période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1995

Il a été décidé de confirmer l'évaluation concernant Rhonda Arnold parce que cette dernière était employée en vertu d'un contrat de louage de services et, par conséquent, était votre employée.

Il a été en outre décidé de confirmer par ailleurs l'évaluation concernant les travailleuses énumérées sur la liste se trouvant à l'annexe A ci-jointe parce que ces travailleuses étaient employées en rapport avec un salon de coiffure et qu'aucune d'entre elles n'était la propriétaire de cet établissement. Par conséquent, bien que chacune d'entre elles ait été une coiffeuse à son compte, chacun de leurs emplois constituait un emploi assurable en vertu du Règlement sur l'assurance-chômage.

Pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 octobre 1996

Il a été décidé de modifier les évaluations concernant les travailleuses énumérées sur la liste se trouvant à l'annexe B ci-jointe en en éliminant les cotisations d’assurance-chômage/emploi d'un montant de 392,78 $ parce que Rhett McClenaghan, Jason Laible & Connie Nelson (une société de personnes exploitée sous le nom de Team JK) n'étaient pas en mesure de déterminer la rémunération des coiffeuses et, par conséquent, les cotisations hebdomadaires doivent être basées sur 2/3 du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable à moins

a) qu'il ne soit établi à la satisfaction du Ministre que l'emploi de cette personne au cours de cette semaine est exclu des emplois assurables, ou

b) que le propriétaire ou l'exploitant de l'établissement ne tienne des registres indiquant le nombre de jours de travail de cette personne au cours de chaque semaine, auquel cas le montant de la rémunération de cette personne pour la semaine en cause est réputé être un montant (arrondi au dollar le plus proche) égal au moindre des deux montants suivants :

(i) le nombre de jours de travail durant ladite semaine multiplié par 2/15 du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable, et

(ii) les 2/3 du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable.

Il a été en outre décidé de confirmer par ailleurs l'évaluation concernant les travailleuses énumérées sur la liste se trouvant à l'annexe C ci-jointe parce que ces travailleuses étaient employées en rapport avec un salon de coiffure et qu'aucune d'entre elles n'était la propriétaire de cet établissement. Par conséquent, bien que chacune d'entre elles ait été une coiffeuse à son compte, chacun de leurs emplois constituait un emploi assurable en vertu du Règlement sur l'assurance-chômage/emploi.

Annexe A

Ann Eveleigh

Tara McCargar

Kimberley McClenaghan

Cara MacKenzie

Sherry Roe

Charlene Taylor

Jeanie Tyssen

Annexe B

Tara McCargar

Cara MacKenzie

Sherry Roe

Charlene Taylor

Annexe C

Ann Eveleigh

Tara McCargar

Kimberley McClenaghan

Cara MacKenzie

Sherry Roe

Charlene Taylor

[4] Il a été déclaré que la décision du ministre avait été rendue en vertu du paragraphe 93(3) de la Loi sur l'assurance-emploi et était fondée sur les alinéas 3(1)a), 4(1)c) de la Loi sur l'assurance-chômage, l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi, l'alinéa 12d) du Règlement sur l'assurance-emploi, l'article 60 du Règlement sur l'assurance-emploi et sur l'article 16 du Règlement sur l'assurance-chômage (perception des cotisations). Pour faciliter les renvois, l'ensemble des références ci-après effectuées le seront à la Loi sur l'assurance-chômage et à ses règlements. Les dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi et de ses règlements, promulguées en 1996, sont, à toutes fins pratiques, identiques à celles de la loi et des règlements qu'elles remplacent.

[5] Les faits révèlent qu'aux moments pertinents, Connie Nelson formait une société de personnes, d'abord avec Kimberley McClenaghan et Jason Laible, puis avec Rhett McClenaghan et Jason Laible. Ils exploitaient un salon de coiffure à Lethbridge, en Alberta, dont la raison sociale était “ Team JK ”. Toutes les personnes mentionnées dans les annexes ci-dessus travaillaient de temps à autre sur les lieux exploités par la société.

[6] L'affaire est malencontreuse pour l'appelante puisqu'elle ne participait pas directement à l'exploitation de l'entreprise. Elle était une associée passive. Elle et son mari avaient prêté aux autres associés quelque 5 000 $ au départ puis avaient investi 5 000 $ supplémentaires en contrepartie de sa quote-part d'un tiers dans la société de personnes. Elle semble maintenant avoir été désertée par ses anciens associés face à ces évaluations. En tant que mère de famille, cela lui cause, naturellement, des difficultés considérables.

[7] Le contrat de société de personnes semble ne pas avoir été couché sur papier. Bien que l'appelante ait été présente lors de certaines réunions d'affaires, elle ne participait en rien au fonctionnement quotidien de l'entreprise. Rhett McClenaghan agissait en qualité de gestionnaire, fonction pour laquelle un modeste salaire lui était versé. L'entreprise a fermé ses portes en décembre 1996, juste après l'établissement initial des évaluations. Apparemment, le salon n'avait pas connu un succès financier.

Les questions

[8] La principale question est celle de savoir si des évaluations valides ont été établies en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage pour les travailleuses en question qui étaient des “ locataires de fauteuils ” par opposition à des employées régulières travaillant en vertu d'un contrat de louage de services. L'appelante a admis, par l'entremise de son avocat, que les évaluations sont correctes en ce qui concerne :

Rhonda Arnold

Jeanie Tyssen

Tara McCargar

Kimberley McClenaghan

pour les périodes pendant lesquelles elles ont travaillé en tant qu'employées de Team JK. L'appelante a avancé que les évaluations devraient être annulées dans la mesure où elles s'appliquent aux locataires de fauteuils.

[9] Bien qu'il soit clair que les locataires de fauteuils en l’espèce ne travaillaient ni en vertu d'un contrat de louage de services, c'est-à-dire comme employées régulières de l'entreprise, ni en vertu d'un contrat d'entreprise, c'est-à-dire en tant qu'entrepreneures indépendantes fournissant des services à la société de personnes, leur travail a été considéré par le ministre comme constituant des emplois assurables sur la base de l'alinéa 12d) du Règlement général sur l'assurance-chômage (“ alinéa 12d) ”) adopté par la Commission de l'assurance-chômage et approuvé par le gouverneur général en vertu de l'alinéa 4(1)c) de la Loi sur l'assurance-chômage.

[10] L'appelante, par l'entremise de son avocat, a pratiquement admis que les locataires de fauteuils étaient couverts par les termes de l'alinéa 12d) dans la mesure où ce dernier est lui-même valide. Dans la mesure où elle n'a pas admis que l'alinéa 12d), s'il a été promulgué de façon valide, couvre la situation des locataires de fauteuils en l'espèce, je suis convaincu que c'est le cas pour des raisons sur lesquelles je reviendrai plus tard.

[11] Tout comme le ministre avait réputé les locataires de fauteuils être des employées exerçant des emplois assurables en vertu de l'alinéa 12d), il a également, en vertu du paragraphe 16(1) du Règlement sur l'assurance-chômage (perception des cotisations) (ci-après appelé le “ Règlement sur la perception ”), considéré que la société de personnes était leur employeur aux fins du calcul des gains et du versement des cotisations en vertu de la Loi. Il a, de même, considéré, en vertu du paragraphe 16(2) du Règlement sur la perception, qu'un tel employeur doit payer et verser les cotisations en conformité avec la Loi et ses règlements d'application. Pour l'établissement des évaluations, le ministre s'est basé sur les dispositions du paragraphe 16(3) du Règlement sur la perception afin de calculer les montants dus.

[12] L'appelante a indiqué, par l'entremise de son avocat, qu'elle ne conteste pas le calcul des cotisations en vertu de ces dispositions réglementaires mais qu'elle conteste la validité des dispositions réglementaires elles-mêmes. Elle maintient qu'elles ne peuvent pas s'appliquer légalement en l'espèce.

[13] Par conséquent, la première question soulevée par l'appelante est qu'il n'incombe aucune responsabilité à l'employeur de verser la portion des cotisations d'un employé en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage lorsqu'aucune rémunération n'est versée à cet employé sur laquelle l'employeur pourrait retenir cette cotisation afin de la verser à Revenu Canada. Pour exprimer cela de façon simple, l'appelante avance que, pour qu'il y existe une responsabilité de verser la portion de la cotisation de l'employé, il doit y avoir une condition préalable qui est la rémunération payée ou payable à l'employé, rémunération sur laquelle le montant de la cotisation pourrait être retenu. L'appelante, pour présenter cet argument, s'appuie sur les paragraphes 51(1) et 53(1) de l'ancienne Loi sur l'assurance-chômage.

[14] La seconde question est liée à la validité des dispositions réputées avoir été prises par règlement en vertu de la même Loi sur l'assurance-chômage sur lesquelles le ministre s'est fondé pour justifier ses évaluations. En particulier, ce sont l'alinéa 12d) du Règlement général et les paragraphes 16(1), (2) et (3) du Règlement sur la perception.

[15] L'appelante avance que la Commission, dans le premier cas en ce qui concerne l'alinéa 12d), et que le ministre, dans le deuxième cas en ce qui concerne l'article 16 du Règlement sur la perception, ont chacun outrepassé le pouvoir qui leur était accordé par le législateur de prendre des règlements et, donc, elle déclare que les dispositions réglementaires sont, dans cette mesure, ultra vires et nulles. L'appelante n'a pas contesté la validité des dispositions réglementaires comme telle mais a fait valoir simplement que, dans chacun des cas, il y a excès de pouvoir. Et, dans la mesure où il y a excès de pouvoir, les dispositions réglementaires devraient être interprétées de façon restrictive afin de rester dans les limites des pouvoirs conférés par le législateur. Dans de telles conditions, l'appelante soutient que la situation de fait existant dans l'entreprise Team JK en ce qu'elle a trait aux locataires de fauteuils ne serait pas couverte par les dispositions réglementaires.

Dispositions législatives et réglementaires

[16] Les paragraphes 51(1) et 51(2) de la Loi sur l'assurance-chômage énoncent ce qui suit :

(1) Toute personne doit, pour toute semaine au cours de laquelle elle exerce un emploi assurable, payer par voie de retenue prévue à la partie III une somme égale au pourcentage de sa rémunération assurable que fixe la Commission à titre de cotisation ouvrière pour l'année dans laquelle est comprise cette semaine.

(2) Tout employeur doit, pour toute semaine au cours de laquelle une personne exerce à son service un emploi assurable, payer pour cette personne et de la manière prévue à la partie III une somme égale au pourcentage de sa rémunération assurable que fixe la Commission à titre de cotisation patronale payable, selon le cas, par les employeurs ou par une catégorie d'employeurs dont cet employeur fait partie pour l'année dans laquelle est compris cette semaine.

[...]

[17] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur l'assurance-chômage énonce ce qui suit :

(1) Tout employeur qui paie une rétribution à une personne exerçant à son service un emploi assurable est tenu de retenir sur cette rétribution la cotisation ouvrière payable par cet assuré en vertu de l'article 51 pour la ou les semaines pour lesquelles cette rétribution est payée et est tenu de la verser au receveur général avec la cotisation patronale correspondante payable en vertu de cet article, au moment et de la manière prescrits. De plus, lorsque l'employeur est une personne prescrite à ce moment, la cotisation est versée au compte du receveur général dans une institution financière (au sens du paragraphe 190(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, compte non tenu des alinéas d) et e) de la définition de cette expression). [...]

[...]

[18]L'alinéa 4(1)c) de la Loi sur l'assurance-chômage énonce ce qui suit :

tout emploi qui n'est pas un emploi aux termes d'un contrat de louage de services, s'il paraît évident à la Commission que les modalités des services rendus et la nature du travail exécuté par les personnes exerçant cet emploi sont analogues aux modalités des services rendus et à la nature du travail exécuté par les personnes exerçant un emploi aux termes d'un contrat de louage de services;

[19] L'alinéa 12d) du Règlement sur l'assurance-chômage énonce ce qui suit :

d) l'emploi exercé par une personne dont les fonctions se rattachent à un salon de coiffure ou à un tel établissement et qui

(i) fournit des services qu'offre normalement un tel établissement, et

(ii) n'est pas le propriétaire d'un tel établissement;

[20] Le paragraphe 75(1) de la Loi sur l'assurance-chômage énonce ce qui suit en partie :

(1) Le ministre peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, prendre des règlements : [...]

d) concernant la manière dont toute disposition de la présente loi applicable à un employeur d'un assuré sera applicable d'une part à cet employeur et d'autre part à toute personne qui verse tout ou partie de la rétribution de l'assuré pour services rendus dans l'exercice d'un emploi assurable;

e) visant à permettre à un employeur de retenir des cotisations à payer pour des assurés sur des sommes autres que la rétribution de la période pour laquelle les cotisations étaient payables;

f) prévoyant qu'en tout cas ou toute catégorie de cas où des assurés travaillent :

(i) soit sous la direction générale ou la surveillance directe d'une personne qui n'est pas leur véritable employeur ou sont payés par une telle personne,

(ii) soit de l'assentiment d'une personne qui n'est pas leur véritable employeur dans des lieux ou locaux sur lesquels cette personne a certains droits ou privilèges aux termes d'une licence, d'un permis ou d'une convention,

cette personne est réputée, aux fins du versement des cotisations en vertu de la présente loi, être l'employeur de ces assurés conjointement avec le véritable employeur, et prévoyant en outre le paiement des cotisations pour ces assurés et, le cas échéant, le remboursement des cotisations faisant double emploi;

[...]

i) prévoyant la façon de déterminer les heures pendant lesquelles une personne exerce un emploi avec un employeur et le montant de la rémunération assurable des assurés et celui des cotisations à payer;

[...]

k) visant à prescrire et réglementer le mode, les conditions et les dates de paiement et d'enregistrement des cotisations;

[...]

m) afférents à la possession, la garde ou la charge des documents ou objets utilisés pour l'application de la présente loi;

[...]

[21] L'article 16 du Règlement sur l'assurance-chômage (perception des cotisations) énonce ce qui suit :

(1) Tout propriétaire ou exploitant d'un salon de barbier ou de coiffure est réputé, aux fins de la tenue des registres, du calcul de la rémunération et du paiement des cotisations exigibles à cet égard aux termes de la Loi et du présent règlement, être l'employeur de toute personne dont l'emploi dans le cadre de cette entreprise est inclus dans les emplois assurables en vertu de l'alinéa 12d) du Règlement sur l'assurance-chômage.

(2) Tout propriétaire ou exploitant d'un salon de barbier ou de coiffure qui est réputé, en vertu du paragraphe (1), être un employeur doit, pour chaque semaine au cours de laquelle une personne est occupée à un emploi assurable dans l'établissement, payer et verser les cotisations ouvrières et patronales au Receveur général conformément à la Loi et au présent règlement.

(3) Lorsque le propriétaire ou l'exploitant d'un salon de barbier ou de coiffure est dans l'impossibilité d'établir la rémunération d'une personne dont l'emploi dans le cadre de cette entreprise est inclus dans les emplois assurables en vertu de l'alinéa 12d) du Règlement sur l'assurance-chômage, le montant de la rémunération assurable de cette personne pour une semaine où elle exerce cet emploi, est réputé, aux fin de la Loi, être un montant (arrondi au dollar le plus proche) égal aux 2/3 du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable, à moins

a) qu'il ne soit établi à la satisfaction du Ministre que l'emploi de cette personne au cours de cette semaine est exclu des emplois assurables, ou

b) que le propriétaire ou l'exploitant de l'établissement ne tienne des registres indiquant le nombre de jours de travail de cette personne au cours de chaque semaine, auquel cas le montant de la rémunération de cette personne pour la semaine en cause est réputé être un montant (arrondi au dollar le plus proche) égal au moindre des deux montants suivants :

(i) le nombre de jours de travail durant ladite semaine multiplié par 2/15 du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable, et

(ii) les 2/3 du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable.

[22] Il ne fait aucun doute que, lorsque le terme “ emploi ” est utilisé dans ces divers articles de la Loi et des règlements, il doit être interprété de façon plus large que signifiant un simple contrat de louage de services. La jurisprudence de la Cour suprême du Canada et de la Cour d'appel fédérale indiquent clairement que le terme “ emploi ” dans le contexte de la présente loi et des règlements d'application signifie un métier ou une profession, ou s'entend de ces termes, et ne désigne pas simplement une relation d'employeur et employé. Voir la décision du juge Spence dans l’affaire La Reine c. Scheer Ltd., [1974] R.C.S. 1046 ((1972) 27 D.L.R. (3rd) 73).

Question de la non-déductibilité des cotisations

[23] L'appelante soutient qu'il n'existe aucune obligation de retenir et de verser les cotisations d'assurance-chômage en vertu du paragraphe 53(1) de la Loi sur l'assurance-chômage à moins qu'une rémunération périodique ne soit versée par l'employeur à l'employé. Cela ne tient pas compte des dispositions déterminatives de l'article 16 du Règlement sur la perception, sur lequel je reviendrai. Elle soutient, par l'entremise de son avocat, que, s'il n'existe aucun versement périodique d'une rémunération aux locataires de fauteuils, aucune évaluation ne peut être établie en droit contre elle malgré le fait que les locataires de fauteuils sont réputés, en vertu de l'alinéa 12d) du Règlement, être des employés exerçant des emplois assurables et que le montant de rémunération assurable de la personne pendant une semaine au cours de cette période d'emploi est réputé, en vertu du paragraphe 16(3) du Règlement sur la perception, être le montant fixé conformément à ce paragraphe.

[24] La question soulevée par l'appelante est donc de savoir si, en l'absence de toute réelle rémunération de la part de la personne réputée être l'employeur à la personne réputée être l'employée et, en particulier, la rémunération assurable réputée en vertu du paragraphe 16(3) du Règlement sur la perception, il peut exister une responsabilité en matière de cotisations. Elle soutient qu'en l'absence de paiements réels, il n'existe aucune base sur laquelle retenir la portion des cotisations de l’employé et que la responsabilité de l'employeur en vertu du régime d'assurance-chômage est fondée sur la retenue et le versement subséquent par l'employeur.

[25] Cet argument, tout au moins, fait abstraction du fait que l'employeur est obligé de verser sa portion des cotisations prélevée sur la rémunération assurable “ réputée ” de l'employé tel qu’il est prévu par le paragraphe 51(2) de la Loi sur l'assurance-chômage. Cependant, avec tout le respect que je dois à un argument ingénieux avancé par l'avocat de l'appelante, il fait abstraction également des dispositions du paragraphe 16(2) du Règlement sur la perception qui exigent que l'employé paie et verse “ les cotisations ouvrières et patronales ”. Cette disposition ainsi que l'alinéa 12d) du Règlement général n'auraient aucune raison d'être si le versement était assujetti à la retenue. En tout état de cause, il me semble que la “ rémunération réputée ” signifie qu'elle est à ces fins réputée être payable à l'employé.

[26] Qui plus est, il semble à la Cour que c'est l'article 51, et non l'article 53, qui impose l'obligation tant à l'employeur qu'à l'employé de payer leur portion respective de la cotisation calculable. L'article 51 est la disposition d'application. L'article 53 ne fait qu'établir le mécanisme de paiement du montant dû de l'employé que l'employeur doit retenir sur la rétribution de l’employé et payer ou, s'il n'est pas retenu de la sorte, que l'employeur soit verser directement. Ce dernier article, qui se trouve à la partie III “ Perception des cotisations ” et non à la partie II “ Cotisations ”, ne fait que fournir un système de perception à partir de la rétribution payée par un employeur à un employé. J'accepte, à ces fins, l'argument avancé par l'appelante selon lequel il existe une différence entre le terme anglais “ remuneration ” [rétribution] qui est un “ payment for services performed ” (voir le Oxford English Dictionary) [paiement pour un service rendu] par opposition au terme anglais “ earnings ” [rémunération] qui est simplement “ the action of becoming entitled to payment in return for work carried out ” [l'action d'être investi du droit à un paiement en contrepartie d'un travail réalisé].

[27] Par conséquent, le paragraphe 53(1) impose une obligation à un employeur de retenir la portion de la cotisation de l’employé sur la rétribution réellement versée à un employé assortie de l'obligation correspondante en vertu du paragraphe 3(2) de la payer lui-même s'il ne la retient pas.

[28] Le paragraphe 51(1), à mon avis, crée l'obligation pour un employé de payer et, comme cela a été avancé par l'appelante, ce paiement doit être réalisé par voie de retenue (en conformité avec le paragraphe 53(1)). J'accepte l'hypothèse que, s'il n'existe aucune rétribution, il n'existe aucune retenue et par conséquent, il n'existe aucun moyen de percevoir la cotisation auprès de l'employé (sauf par retenue sur une rétribution subséquente). Cependant, cela repose sur l'hypothèse qu'il y aura rétribution à une date ultérieure. Je suis par conséquent d'accord avec l'argument de l'appelante selon lequel, suivant le cours normal des choses, sous réserve de toutes autres dispositions législatives et réglementaires, il n'existe aucun moyen de percevoir les cotisations de l'employé lorsqu'aucune rétribution ne passe de l'employeur à l'employé. Dans de telles circonstances, l'employeur serait simplement responsable de payer sa part en vertu du paragraphe 53(2) et il ne lui incomberait aucune responsabilité de payer la portion de l'employé en vertu du paragraphe 53(2) puisque cette responsabilité est limitée aux montants qu'il n'a pas retenus et versés en vertu du paragraphe 53(1). Si aucune rétribution n'existait comme base sur laquelle effectuer la retenue de la portion de l'employé, sous réserve de toute autre disposition, l'employeur n'est pas responsable de son paiement.

[29] Il semble à la Cour que cette lacune, telle qu'elle se présente, a été comblée par la disposition du paragraphe 16(2) du Règlement sur la perception qui exige que l'employeur réputé, dans les conditions prévues à l'alinéa 12d), paye et verse les cotisations ouvrières et patronales au receveur général conformément à la Loi.

[30] En résumé, et sous réserve de la validité des règlements eux-mêmes, que je vais aborder sous peu, aux termes du régime, comme je le comprends, un employé doit payer un certain pourcentage de sa rémunération assurable en tant que cotisation ouvrière. Il ou elle n'est obligé de le faire que sous forme de retenue sur sa rétribution lui ayant réellement été payée. En l'absence de rétribution, cette personne ne paie pas mais la responsabilité existe toujours. La retenue ne constitue qu'un mécanisme de procédure. Si l'employeur ne retient pas la cotisation lorsqu'il est sensé le faire, il est responsable personnellement. Dans une situation prévue à l'alinéa 12d), l'employeur est, en vertu du paragraphe 16(2) du Règlement sur la perception, responsable du paiement de la portion de la cotisation ouvrière et aucune responsabilité directe n'incombe à l'employé. L'employeur doit payer sa portion de la cotisation calculée sous forme de pourcentage de la rémunération assurable réputée de l'employé ou de la rémunération assurable réputée en vertu du paragraphe 51(2) de la Loi sur l'assurance-chômage et du paragraphe 16(2) du Règlement sur la perception. Il semblerait que la responsabilité de le faire existe indépendamment des retenues ou des versements de cotisation de l'employé en vertu du paragraphe 51(1).

Validité de l'alinéa 12d) du Règlement général

[31] L'argument soulevé par l'avocat de l'appelante est quelque peu différent des arguments généralement avancés dans ce genre d'affaire. Nombre des affaires citées traitent de la question de savoir si la situation de fait particulière est couverte par les règlements. L'avocat admet qu'on peut faire valoir, sur la base des faits, que le scénario de l'affaire correspond en fait aux termes de l'alinéa 12d) du Règlement général. Quoi qu'il en soit, je n'ai aucune difficulté à déclarer que je suis convaincu que les faits de l'espèce se trouvent bien dans la limite des conditions fixées par l'alinéa 12d). L'emploi (travail) a été exercé dans un salon de coiffure, les locataires de fauteuils ont fourni des services qui étaient normalement fournis par le salon et elles n'étaient pas les propriétaires de l'établissement.

[32] L'avocat de l'appelante place ses arguments pour cette affaire sur un plan différent. Il soutient que l'alinéa 12d) du Règlement général lui-même est nul et que la Commission a outrepassé les limites de ses pouvoirs lorsqu'elle l'a pris dans la mesure où il assimile à des emplois assurables le travail des personnes qui se trouvent dans la situation de fait en l'espèce. Il est clair que l'alinéa 12d) est ouvert à une contestation au fond. Tout règlement, pour être valide, doit contenir des termes qui se trouvent dans les limites du mandat conféré à l'organisme de réglementation, en l'espèce la Commission, par délégation du législateur. Dans la mesure où ces termes excèdent ou dépassent ce pouvoir, la disposition réglementaire peut être déclarée ultra vires, en tout ou en partie, selon les circonstances. Cette hypothèse concernant l'alinéa 12d) du Règlement général est clairement acceptée dans les affaires suivantes :

a) Midwest Hotel Co. Ltd c. M.R.N., [1974] R.C.S. 1119 (72 DTC 6440)

Il est clair qu'un règlement est nul s'il est hors du champ d'application de la loi qui l'autorise : Booth c. le Roi, Bélanger c. le Roi, Re Gray. Pour l'application de ce principe, il est nécessaire d'étudier la nature et l'effet véritables du règlement en question. Je ne vois aucune raison pour laquelle on ne devrait pas appliquer ici les règles qu'on applique pour déterminer la constitutionnalité des lois.

Le juge Pigeon, dissident, était d'accord avec la majorité sur le principe.

b) La Reine c. Skyline Cabs (1982) Ltd., (juge MacGuigan) C.A.F., no A-498-85, 26 mai 1986 ([1986] 5 W.W.R. 16)

À mon avis, la corrélation de l'alinéa 12e) et du paragraphe 4(1)c) est plus complexe que ne le voudrait cette analyse. L'alinéa 4(1)c) confère à la Commission d'assurance-chômage le pouvoir exclusif de juger de la similitude existant entre l'emploi visé et un emploi fondé sur un contrat de louage de services ("s'il paraît évident à la Commission"). Il ne fait aucun doute que, en l'absence d'une preuve contraire, un tribunal sera porté à présumer que la Commission a correctement rempli le mandat que lui confie l'alinéa 4(1)c) de la Loi en adoptant l'alinéa 12e) du Règlement; une telle présomption ne deviendrait cependant pertinente à l'interprétation de l'alinéa 12e) que si le tribunal devait choisir entre une interprétation conforme aux pouvoirs de la Commission visés par l'alinéa 4(1)c) et une interprétation qui ne s'y accorderait pas. En l'espèce, l'application de l'alinéa 12e) ne m'apparaît pas présenter ce genre d'ambiguïté.

Je remarque que cela représente clairement le choix présenté à cette cour dans la présente affaire.

c) La Reine c. Agence de Mannequins Folio Inc., C.A.F., no A1183-91, 14 septembre 1993 (164 N.R. 74) (juge Huggessen) de la Cour d'appel fédérale :

[...] L'article 4 énonce les paramètres de l'exercice par la Commission de son pouvoir de prendre des règlements. La validité du règlement 12 n'est pas contestée en l'espèce. Les dispositions permettant l'exercice du pouvoir ne sont pas des conditions de l'application du règlement adopté en vertu de ce pouvoir. [...]

d) Dans l’affaire Sheridan c. M.R.N., C.A.F., no A-718-84, 21 mars 1985 (57 N.R. 69) le juge Heald cite le juge Beetz de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Martin Service Station Ltd c. M.R.N., [1977] 2 R.C.S. 996 :

Dans l'arrêt Scheer Ltd., le juge Spence, soulignait que (à la p. 1054):

[...] “ le pouvoir d'ajouter accordé par l'art. 26(1)d) est un pouvoir très limité. Il ne s'applique à tout emploi que s'il apparaît à la Commission que la nature du travail accompli par des personnes s'adonnant à cet emploi est semblable à la nature du travail accompli par des personnes s'adonnant à un emploi assurable ”.

Les limites imposées par l'al. c) du par. (1) de l'art. 4 de la Loi de 1971 semblent être encore plus rigoureuses car il doit exister une similitude quant aux modalités des services rendus. A ce sujet, l'al. c) du par. (1) de l'art. 4 se compare à l'art. 14A ajouté à l'ancienne loi en 1946 par 10 Geo. VI, c. 68. On n'a pas avancé que, aux fins de la présente affaire, la différence entre le libellé de l'al. d) du par. (1) de l'art. 26 de la Loi de 1955 et celui de l'al. c) du par. (1) de l'art. 4 de la Loi de 1971 revêtait une importance particulière. Cependant, la portée limitée de ces deux dispositions reflète l'intention du Parlement de maintenir les lois dans la même optique, à savoir de ne viser, en règle générale, que les personnes liées par un contrat de service. Toutefois, pour éviter de verser des cotisations conformément à la législation, il est possible que certaines personnes décident de donner à leur relation contractuelle une forme autre que le contrat de service; les dispositions contestées, en ce qu'elles permettent à la Commission d'assurance-chômage d'assujettir ces personnes, appartiennent à la catégorie des dispositions relatives à l'exécution des lois et sont de toute évidence intra vires. Cependant, même en écartant toute intention de se soustraire aux lois, si les conditions qui prévalent sont telles que ceux qui sont embauchés par contrat pour exécuter un travail donné sont réduits au chômage, il est de plus probable que ces mêmes conditions privent de travail ceux qui accomplissent le même genre de tâche, mais à leur compte. C'est principalement dans le but de protéger ces derniers du risque de manquer de travail et d'être contraints à l'inactivité que la portée de la législation a été élargie. Qu'ils travaillent à leur propre compte ou en vertu d'un contrat de service, les conducteurs de taxi et d'autobus par exemple sont exposés au risque de manquer de travail. À mon avis, c'est là un risque assurable, du moins dans le cadre d'une assurance publique obligatoire qui n'a pas été conçue pour être appliquée selon de rigoureux principes actuariels, pourvu qu'elle respecte en gros la nature d'un système d'assurance, y compris la protection contre le risque et un régime de cotisations.

Le juge Heald continue un peu plus loin :

À mon avis, ce passage s'applique avec tout autant de pertinence aux circonstances de l'espèce. J'estime que le raisonnement formulé par le juge Beetz pour étendre l'application de la Loi aux conducteurs de taxi et d'autobus travaillant à leur compte s'applique également aux infirmières qui travaillent à leur compte et à celles qui n'occupent pas un emploi en vertu d'un contrat de service. En conséquence, je dois exprimer mon désaccord avec l'opinion exprimée par la Commission d'appel des pensions dans l'affaire TEG précitée suivant laquelle l'alinéa 4(1)c) de la Loi ne peut constituer le fondement législatif nécessaire à la promulgation du paragraphe 12g) du Règlement. [...] comme on l'a d'ailleurs fait remarquer dans les arrêts Scheer et Martin Service Station, que le pouvoir d'inclusion accordé par les alinéas 26(1)d) et 4(1)c) est un pouvoir très limité. À l'alinéa 26(1)d), il ne s'appliquait qu'aux emplois dans lesquels la nature du travail accompli est semblable à la nature du travail accompli par des personnes occupant à un emploi assurable. Comme l'a souligné le juge Beetz dans l'arrêt Martin Service Station précité, l'alinéa 4(1)c) de la Loi de 1971 est encore plus restrictif car il exige en plus une similitude quant aux termes et conditions de service. Par conséquent, il est clair, à mon avis, que l'alinéa 4(1)c) et le paragraphe 4(2) de la Loi n'ont pas le même champ d'application. L'alinéa 4(1)c) ne s'applique qu'aux personnes occupant des emplois autrement qu'en vertu d'un contrat de louage de services (y compris les travailleurs autonomes) dans les circonstances où elles accomplissent un travail dont la nature et les modalités sont semblables au travail des personnes occupant un emploi en vertu d'un contrat de service. Par opposition, le paragraphe 4(2) vise la catégorie plus vaste des personnes qui, bien qu'occupant un emploi autrement qu'en vertu d'un contrat de service (y compris les travailleurs autonomes), occupent un emploi dont les termes et conditions de service et la nature du travail n'ont pas à être semblables aux termes et conditions de service et à la nature du travail afférents à un emploi occupé en vertu d'un contrat de louage de services.

[Je souligne]

Puis il déclare :

Tout comme l'avocat de l'intimé, je suis d'avis que l'alinéa 4(1)c) "établit", à partir du pouvoir général conféré par le paragraphe 4(2), une catégorie particulière d'individus. Une telle interprétation écarte tout chevauchement ou conflit entre ces dispositions. Au surplus, j'estime que cette approche est le reflet exact de la volonté exprimée par le Parlement.

[33] Le pouvoir de prendre, par règlement, la disposition en question entre dans les paramètres de l'alinéa 4(1)c) qui confère à la Commission le pouvoir de prendre un règlement lorsqu'elle constate que :

[TRADUCTION]

– Les modalités des services rendus et la nature du travail exécuté

– par des personnes “ exerçant cet emploi ” (lire travaillant à cet emploi)

– sont analogues aux modalités des services rendus et à la nature du travail exécuté par les personnes exerçant un emploi aux termes d'un contrat de louage de services.

[34] Il est clair, à la lecture de ce qui précède, que les modalités des services rendus et la nature du travail exécuté doivent apparaître à la Commission comme analogues avant que puissent être couvertes par cette disposition réglementaire des personnes qui ne seraient autrement ni couvertes, ni incluses. Un certain pouvoir discrétionnaire doit être laissé ici à la Commission, mais sa décision doit pouvoir résister à un examen approfondi et objectif.

[35] Manifestement, en l'espèce, la nature du travail n'est pas en litige. Le travail exécuté par les locataires de fauteuils était bien le même que celui réalisé par ceux qui étaient employés aux termes de contrats de louage de services.

[36] La question en litige est celle de savoir si la Commission a outrepassé ses pouvoirs pour inclure l'“ emploi dans un salon de coiffure ” alors qu'elle omet toute référence ou n'inclut pas de référence, à l'alinéa 12d) du Règlement général, à l'aspect analogue des modalités des services rendus. C'est seulement si les “ modalités des services rendus ” et “ la nature du travail exercé ” sont analogues que la Commission peut prendre un règlement assimilant cet emploi (travail) à un emploi assurable. Cette disposition réglementaire renvoie à l'aspect analogue du travail mais omet la question de savoir si les “ modalités des services étaient analogues ”.

[37] Si l’on en revient à la décision du juge Spence dans l’affaire Scheer Ltd., dans laquelle il retrace l'historique de cette loi, on peut voir que l'expression “ termes et conditions de service ” [qui a été remplacée dans une version ultérieure de la Loi par l'expression “ modalités des services ”] figurait au paragraphe 14(1) de la Loi sur l'assurance-chômage de 1940. Les commentaires du juge Spence, dans l'affaire Scheer portant sur cet aspect de la loi étaient les suivants :

Il semblerait donc que jusqu'en 1946, la loi ne visait que les personnes qui, en tant qu'employeurs ou employés, étaient liées par un contrat de service. Cependant, en 1946, le Parlement a ajouté l'art. 14A, adopté par la loi 10 Geo. VI, c. 68, qui se lit comme suit :

14A. La Commission peut, par ordonnance spéciale, déclarer que les termes et conditions de service et la nature du travail d'une personne ou d'un groupe ou catégorie de personnes qui ne sont pas employées en vertu d'un contrat de service sont tellement semblables aux termes et conditions de service et à la nature du travail d'une personne ou d'un groupe ou catégorie de personnes employées en vertu d'un contrat de service qu'il peut en résulter des anomalies ou injustices dans l'application de la loi, et dès lors la personne ou le groupe ou la catégorie de personnes à l'égard de qui la déclaration est faite sont censées employées en vertu d'un contrat de service pour fins de la loi.

Nous verrons que, par cette modification, c'était la première fois que le Parlement étendait la portée de la loi de manière que la Commission puisse, dans les circonstances prescrites à l'art. 14A, inclure dans le champ d'application de la loi des personnes qui n'étaient pas employées en vertu d'un contrat de service.

[38] La Loi a été modifiée encore une fois en 1955 lorsque l'ancienne Loi a été abrogée et remplacée par la nouvelle. Le paragraphe 26(1) de cette dernière est ainsi formulé :

Avec l'approbation du gouverneur en conseil, la Commission peut édicter des règlements en vue d'inclure dans l'emploi assurable

[...]

d) tout emploi, s'il apparaît à la Commission que la nature du travail accompli par des personnes s'adonnant à cet emploi est semblable à la nature du travail accompli par des personnes s'adonnant à un emploi assurable.

[39] Il faut souligner que les termes “ termes et conditions de service ” utilisés auparavant ont été exclus de ce nouvel article et, par conséquent, la Commission devait s'interroger sur la seule similarité de la “ nature du travail accompli par les personnes s'adonnant à un emploi. Elle n'avait pas à s'interroger sur la question de savoir si les “ modalités des services ” étaient analogues. Le juge Spence, traitant d'un règlement de 1965 promulgué par la Commission en vertu de l'alinéa 26(1)d), a souligné qu'il avait pour effet d'inclure les barbiers et coiffeurs à leur propre compte parmi les personnes s'adonnant à un emploi assurable. Il a ensuite traité des chauffeurs de taxi et d'autobus scolaire et le jugement continuait en traitant de la question de savoir si l'“ emploi ” avait la signification élargie d'une profession, d'un commerce ou d'un métier par opposition à l'emploi exercé en vertu d'un simple contrat de louage de services. Dans le cadre de son raisonnement, il a déclaré :

Dans chacun des articles, il me semble qu'on met l'accent sur l'occupation et non sur le contrat de service et je ne vois donc pas la nécessité d'inclure dans l'art. 26(1)d) la mention des cas où il n'y a pas de contrat de service.

[40] Il a également ajouté :

Il faut se rappeler que le pouvoir d'ajouter accordé par l'art. 26(1)d) est un pouvoir très limité. Il ne s'applique à tout emploi que s'il apparaît à la Commission que la nature du travail accompli par des personnes s'adonnant à cet emploi est semblable à la nature du travail accompli par des personnes s'adonnant à un emploi assurable.

[Je souligne]

[41] Et encore :

En passant, je remarque que, bien que le champ d'application de l'art. 26(1)d) de la loi soit limité, comme je l'ai signalé, il ne l'est pas autant que celui de l'ancien art. 14A. Ce dernier exigeait une similitude quant aux conditions de travail, aux conditions de service et à la nature du travail. L'art. 26(1)d) de la loi actuelle ne requiert qu'une similitude quant à la nature du travail. Il se peut fort bien que le Parlement ait été d'avis que les termes de l'art. 14A étaient contradictoires pour le motif qu'ils exigeaient une similitude des conditions de travail tout en permettant l'inclusion, dans l'emploi assurable, de personnes qui n'étaient pas employées en vertu d'un contrat de service, et que cette contradiction ait été retranchée du présent art. 26(1)d).

[Je souligne]

[42] Ce que cette décision tend à démontrer, c'est que le pouvoir de la Commission de prendre des règlements en vertu de l'alinéa 26(1)d) de la Loi de 1955 n'était pas aussi strictement limité qu'il l'était précédemment par l'expression “ termes et conditions de service ” lorsqu'elle figurait dans la Loi. La situation aujourd'hui est que cette expression [en français, une expression équivalente, soit : “ modalités des services ”] a été réintroduite dans l'article par le législateur, limitant plus strictement les pouvoirs de la Commission de prendre des règlements ou d'étendre l'application d'un règlement à certaines personnes. L'ajout de cette expression par le législateur indique clairement qu'elle doit avoir une signification qui doit se situer au-delà de la signification attribuée à l'expression “ nature du travail ”. Par conséquent, si “ la nature du travail ” et “ les modalités des services ” sont analogues aux yeux de la Commission, elle peut prendre un règlement visant à inclure le travail parmi les emplois assurables. Comme l'a déclaré le juge MacGuigan dans l'arrêt Skyline (précité), pour le paraphraser, la Cour, sans aucun doute, en l'absence de preuves du contraire, serait prête à présumer que la Commission, lorsqu'elle a pris par règlement l'alinéa 12d) du Règlement général, a exercé de façon correcte son mandat qui lui est conféré par l'alinéa 4(1)c). Cependant, si, à sa face même, l'alinéa 12d) du Règlement général sort des limites des pouvoirs conférés à la Commission par le législateur, je pense alors que cela prouverait qu'elle a outrepassé les limites de son mandat.

[43] Par conséquent, la question de la signification à attribuer aux termes “ modalités des services ” dans la loi est soulevée. Je ne pense pas que cela soit connexe au “ travail effectué ” par les personnes en question car c'est couvert par la “ nature du travail accompli ”. Il semble que la “ nature du travail ” soit connexe aux “ services ” fournis par la personne en question, que ce soit en vertu d'un contrat de louage de services ou d'un contrat d'entreprise, que ces services ou ce travail soient fournis directement à un employeur ou à des clients de l'employeur. Cependant, il me semble que les termes “ modalités des services rendus... par les personnes exerçant cet emploi ” sont plus liés à la façon dont les personnes sont engagées pour rendre ces services pour l'employeur. Cela peut se faire par le biais d'un contrat de louage de services, d'un contrat d'entreprise ou peut-être d'une autre façon mais il n'est pas nécessaire que des “ services ” soient rendus à l'employeur.

[44] Un exemple hypothétique pourrait peut-être aider le lecteur à comprendre les exigences de cet article. La Commission, par exemple, ne disposerait pas du pouvoir en vertu de cet article de prendre un règlement couvrant des personnes travaillant et exerçant le même emploi qui détiendraient un bail pour des installations physiquement distinctes dotées d'un nom distinct et n'ayant aucun chevauchement de services. Je ne laisse pas sous-entendre que c'est ce que la Commission a tenté de faire. Pour que le règlement soit valide, le travail doit se rattacher au salon de coiffure et aux services qui y sont normalement rendus. Cependant, dans l'exemple hypothétique, le travail exécuté dans un établissement physiquement distinct ne serait pas couvert même si la Commission n'avait pas inclus les termes exigeant que le travail se rattache à l'établissement car les modalités des services ne seraient pas analogues. De même, la Commission ne pourrait pas inclure certains travaux dans le règlement s'ils étaient totalement différents, comme par exemple, la vente de tondeuses à gazon dans l'établissement. Si le travail est différent, le règlement ne peut s'étendre à ce dernier. Si les modalités des services rendus par les personnes sont différentes, le règlement ne peut s’étendre à ces dernières. La Commission, lorsqu'elle prend des règlements et exerce le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le législateur, ne peut pas prendre de règlement à moins qu'il semble à la Commission que la situation à laquelle la loi se réfère existe. La Commission ne peut outrepasser les termes de la loi. Pour que le règlement soit valide, il doit être conforme aux termes de la loi d'un point de vue raisonnable et objectif ou, au moins, ne pas outrepasser ces termes.

[45] Alors qu'il semble que la jurisprudence soit rare concernant l'expression “ terms and conditions of service ” [modalités des services], un examen du New Shorter Oxford Dictionary révèle les définitions suivantes :

[TRADUCTION]

Un serveur – l’assistant d'un artisan

Une chose qui fournit quelque chose

Service – condition du préposé ou de l'employé

Exécution de tâches en qualité de préposé

Réalisées en fonction des instructions fournies par une personne ou une organisation

Une action ou un cas de service

Une tâche entreprise pour un supérieur

Récompense pour un travail ou des tâches entrepris, paiement de salaire

Assistance ou avantage fourni à quelqu'un

Une action d'aider ou de faire profiter une autre personne

L'action de servir, d'aider ou de faire profiter une autre personne

Comportement conduisant au bien-être ou à l'avantage d'une autre personne

Assistance amicale ou professionnelle

L'action de servir un client dans un magasin

Servir – être subordonné de ou affilié à

Être utile ou profitable à

Répondre aux critères de

Contribuer au fonctionnement de

Amener un résultat désiré ou y contribuer

[46] Toutes ces définitions comportent la notion d'assistance à autrui ou de contribution d'une personne à une autre. Les termes, s'ils doivent avoir un sens, ont vraisemblablement été ajoutés par le législateur dans un but précis qui ne se limite pas à exiger que la nature du travail soit analogue. Pour que la Commission couvre des personnes dans les limites d'un quelconque règlement qu'elle prend en vertu de cet article, la personne qui exécute le travail doit contribuer, par le biais de son assistance, au fonctionnement de l'entreprise de l'autre personne, le propriétaire. Si cette assistance n'existe pas, il n'y a pas de service, que ce soit dans le cadre d'un contrat de louage de services (redondance en l'espèce), d'un contrat d'entreprise ou autre.

[47] Ainsi, l'alinéa 12d) du Règlement général ne couvrirait pas la situation dans laquelle il existe un bail pour une partie distincte des installations et que ce bail ne produise rien, sous forme d'actions, en retour pour le propriétaire de l'établissement. Dans la mesure où l'alinéa 12d) prétendrait couvrir cette situation, la Commission outrepasserait ses pouvoirs car aucuns “ services ” ne seraient présents et il s'ensuit qu'il n'existerait aucunes “ modalités des services ”.

[48] D'aucuns avanceront que l'expression [dans la version anglaise] “ The terms and conditions of service of[modalités des services rendus] se rapporte aux services rendus aux clients ou au public en général. C'est particulièrement vrai si on considère le terme “ of ” qui apparaît dans la loi. Cependant, le terme “ of ”, me semble-t-il, est directement lié à l'expression “ persons employed in that employment ” [personnes exerçant cet emploi] et non aux termes “ work performed ” [travail exécuté] qui les précèdent dans le texte. Il faut donc y lire : “ if it appears to the Commission that the terms and conditions of service of ... persons employed in that employment are similar to the terms and conditions... ”. [s'il paraît évident à la Commission que les modalités des services rendus [...] par les personnes exerçant cet emploi sont analogues aux modalités[...]]. Toute autre forme serait grammaticalement incorrecte.

[49] Qui plus est, le service rendu au propriétaire ou à l'employeur impliquerait [dans la version anglaise] un “ service ” au singulier. Les tâches entreprises pour le public ou les clients impliqueraient [toujours dans la version anglaise] des “ services ” au pluriel. Je remarque que le terme [anglais] “ services ” est utilisé dans ce contexte différent à l'alinéa 12d) du Règlement général lui-même.

[50] Je pense donc que l'expression “ terms and conditions of service of ” [modalités des services rendus par] doit être liée aux services devant être fournis au propriétaire dans le cadre de l'exploitation de son entreprise et qu'il doit y avoir un certain degré de contribution sous forme d'action tendant vers l'amélioration de cette entreprise ou l'atteinte de ses objectifs.

[51] L'alinéa 12d) du Règlement général se trouve donc dans les limites de la compétence de la Commission dans la mesure où il se rapporte à une sorte quelconque de services qui sont rendus par la personne (le réputé travailleur) au propriétaire (le réputé employeur) ou en son nom. Cependant, dans la mesure où l'alinéa 12d) prétend inclure d'autres personnes qui ne fournissent pas de tels services, il sort des limites de la compétence de la Commission. Le législateur a clairement limité son ancien pouvoir de prendre des règlements plus étendus en ajoutant l'expression “ modalités des services ” à l'alinéa 4(1)c). Le propriétaire doit recevoir des services dont les modalités sont analogues aux modalités des services rendus par les personnes employées en vertu de contrats de louage de services. Comme l'a avancé l'avocat de l'appelante, si la Commission souhaitait inclure d'autres personnes, elle pourrait prendre des règlements en vertu du paragraphe 4(2) de la Loi, mais ceux-ci sont assujettis à des résolutions de ratification du législateur et il n'y en a aucune en préparation dans le cas de l'alinéa 12d).

[52] Je ne constate aucun conflit entre cette situation et celle qui existait dans l'affaire Skyline (précitée) dans laquelle le juge MacGuigan avait à décider du cas d'une entreprise de taxis soulevé en vertu de l'alinéa 12e) du Règlement général. Il a abordé cette situation à partir de son angle factuel, concluant qu'il ne se trouvait pas confronté à un choix ou à une ambiguïté entre une interprétation qui était conforme aux pouvoirs conférés à la Commission par l'alinéa 4(1)c) et une autre qui n'y était pas conforme. Dans l'affaire qui nous intéresse, je me trouve face à un tel choix. Je n'ai absolument aucune difficulté à m'en remettre à la Commission, à son pouvoir de décider s’il semble que les “ modalités des services rendus et la nature du travail effectué... ” sont analogues à ceux des personnes exerçant un emploi aux termes d'un contrat de louage de services. Cependant, avant de pouvoir en arriver à cette étape, il doit être clair qu'il existe effectivement une forme de services rendus par l'employée ostensible. Si c'est le cas, il revient alors à la Commission de décider si ces services sont analogues et, à condition qu'elle se confine dans les limites de ce qui peut raisonnablement être jugé comme analogue d'un point de vue objectif et juridique, la décision n'est pas ouverte à un examen par cette cour et elle doit être respectée. Cependant, la Commission ne peut, par règlement, prendre l'alinéa 12d) pour l'appliquer à une situation dans laquelle il n'existe aucuns “ services ”; par conséquent, il n'existe aucunes “ modalités des services ” auxquelles la Commission peut se raccrocher pour prendre un règlement. Une telle situation ne peut tout simplement pas être couverte par l'alinéa 12d) et, dans la mesure où l'alinéa 12d) prétend le faire, la Commission outrepasse ses pouvoirs et l'alinéa 12d) devrait être interprété de façon restrictive et confiné aux seules situations dans lesquelles une sorte de services est fournie. Je souhaite être particulièrement attentif à ne pas ajouter une condition supplémentaire à l'alinéa 12d). Ce n'est pas le but de ce raisonnement. L'alinéa 12d), dans la mesure où il prétend s'étendre à ceux que le législateur n'avait aucune intention d'inclure et où il prétend les inclure, devrait être modifié. Jusqu'à ce qu'il soit modifié, la Cour doit exclure du champ d'application de l'alinéa 12d) ceux auxquels l'alinéa 12d) ne peut en droit s'appliquer. En l'espèce, cela signifie toute personne qui ne fournit aucun service au propriétaire ou à la personne qui pourrait être employeur car, a fortiori, les modalités des services ne pourraient être analogues s'il n'existe aucun service.

[53] Je dois maintenant me tourner vers la question de savoir si, dans les faits de l'espèce, la situation des locataires de fauteuils en revient à la fourniture d'un service à l'employeur ostensible, Team JK. Comme je l'ai indiqué, dans l'arrêt Skyline Cab (précité), le juge MacGuigan n'a pas eu besoin d'aborder la question de la validité de l'alinéa 12e) du Règlement général car il a conclu, sur la base des faits, que la situation dans cette affaire relevait clairement de l'alinéa 12e) et qu'il n'y avait rien d'ambigu amenant la Commission à outrepasser les limites du pouvoir qui lui a été conféré par l'alinéa 4(1)c). En particulier, il a déclaré ce qui suit au paragraphe 12 :

Je suis d'avis que ces mêmes faits pourraient également être allégués en réponse à l'argument de l'intimée fondé sur l'alinéa 4(1)c), mais, comme je l'ai déjà indiqué, une telle démarche ne me semble pas nécessaire, étant donné l'absence d'ambiguïté de l'alinéa 12e).

[54] Le juge MacGuigan a conclu, en particulier, qu'il existait un vaste chevauchement entre le travail exécuté par les chauffeurs et l'entreprise de la compagnie de taxis. Il a déclaré :

[...] Je suis d'avis que l'ensemble de ces faits établit irréfutablement un degré suffisant de participation de l'intimée au transport de passagers par taxi même s'il n'établit pas nécessairement l'existence d'un contrat de louage de services entre celle-ci et les chauffeurs. Si une participation aussi importante de l'intimée au transport de passagers ne suffisait pas à établir que celle-ci utilise des taxis dans le cadre de son entreprise, il me semble que l'objectif visé par la Loi, c'est-à-dire la protection des chauffeurs de taxi contre le "risque de manquer de travail et d'être contraints à l'inactivité", [...] ne serait pas réalisé.

[55] Par conséquent, dans cette affaire, il existait de fait une intégration du travail exécuté par les chauffeurs de taxi et l'entreprise de la compagnie de taxis. Il y avait manifestement des services rendus à la compagnie de taxis.

[56] Au contraire, en l'espèce, il est avancé que l'alinéa 12d) ne peut pas s'appliquer car il n'existe aucune intégration des deux entreprises. En fait, selon la preuve présentée par l'appelante, les locataires de fauteuils faisaient concurrence à l'entreprise. Je remarque, en particulier, à partir des éléments de preuve, que les locataires de fauteuils avaient, dans l'ensemble, amené leurs propres clients venus d'ailleurs; qu'elles avaient leurs propres tarifs qui étaient inférieurs à ceux de Team JK; qu'elles avaient un accord de location concernant les fauteuils pour lesquels elles payaient une location chaque mois à Team JK et que, si elles ne travaillaient pas du tout, cela ne concernait en rien Team JK; qu'elles payaient une certaine somme de l'ordre de 500 $ à 550 $ chaque mois pour le fauteuil. Cette location comprenait l'utilisation des sèche-cheveux, des serviettes, de la laveuse et de la sécheuse, des lavabos, de la station de permanente, des rouleaux et des papiers à permanente; à un moment, elles ont commencé à utiliser d'autres services du salon mais ont été informées qu'elles ne pouvaient le faire à moins de payer pour ces services. J'ai également constaté qu'elles ne fournissaient pas de services liés au nettoyage des installations et des planchers, à la lessive, au dépoussiérage des murs, etc. ni y participaient; qu'elles se contentaient de balayer le sol autour de leur propre fauteuil; qu'elles utilisaient une plus grande partie des installations que leur location ne le leur permettait; qu'elles faisaient concurrence au salon et chargeaient des tarifs inférieurs : le salon demandait 22 $ alors qu'elles ne demandaient que de 13 $ à 16 $. J'ai également constaté que, si elles ne se présentaient pas à leur fauteuil pour travailler, celui-ci restait vide toute la journée et n'était pas utilisé par les employés du salon; qu'elles ne fournissaient aucuns services à Team JK; qu'elles prenaient leurs propres rendez-vous, les clients sans rendez-vous étaient toujours confiés aux employés de Team JK; qu'elles fournissaient leur propre matériel comme les peignes, les brosses, les séchoirs à main et les fers à friser et autre matériel de petite taille; qu'elles commandaient toutes leurs propres fournitures et elles leur étaient livrées directement; qu'elles utilisaient également leurs propres lignes de produits qui n'étaient pas celles utilisées par le salon bien que, périodiquement, elles aient utilisé, sans les payer, les fournitures du salon lorsque les leurs étaient épuisées, chose qu'elles n'étaient pas sensées faire; qu'elles vendaient leurs propres produits à leur propres clients et, périodiquement, certains produits du salon qu'en fait elles achetaient au salon pour les revendre à leurs propres clients; qu'elles n'étaient pas astreintes à des heures ou des jours précis de présence et le salon n'avait aucune idée du moment où elles seraient présentes ou non; qu'elles prenaient leurs propres rendez-vous; qu'elles allaient et venaient à leur gré. Il découle encore des preuves présentées qu'elles étaient souvent en conflit et en concurrence avec le salon; qu'elles conservaient leurs propres fonds et ne touchaient jamais à la caisse; qu'elles utilisaient les services de carte de crédit du salon lorsque leurs clients souhaitaient payer par carte de crédit et qu'elles étaient remboursées chaque jour directement par le salon pour ces crédits. Team JK n'obtenait aucune portion du prix demandé par les locataires à leurs clients.

[57] Il ressort de la totalité de la preuve qu'elles exploitaient leur entreprise de façon totalement indépendante de Team JK, ne fournissant aucuns services à cette organisation, et ne payaient qu'un simple loyer pour l'utilisation des fauteuils et des installations. Il a été avancé que c'était une entente de location à bail mais en l'absence de définition de la portion louée des installations autre que les fauteuils en question, je trouve difficile de conclure que c'était, en fait, une location à bail. Cependant, c'était certainement une entente de location. Team JK en profitait dans la mesure où elle recevait de l'argent en contrepartie de la location. Cependant, il semble que rien n'ait été fait ou réalisé par les locataires de fauteuils de façon générale qui pourrait rendre service à Team JK ou à l'établissement lui-même.

[58] Manifestement, l'article 4(f) des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé pour prendre sa décision était incorrect. Il n'existait aucun contrat d'entreprise avec ces personnes. Elles ne fournissaient aucuns services à Team JK. Elles n'avaient aucune obligation de faire quoi que ce soit. Un contrat d'entreprise soulignerait que Team JK les payerait pour leurs services malgré le fait qu'elles agissaient en qualité d'entrepreneurs indépendants. Team JK n'effectuait aucun paiement au profit des locataires de fauteuils. En fait, c'était le contraire. Il est donc parfaitement clair qu'il n'existait aucun contrat d'entreprise et que le ministre a erré lorsqu'il s'est fondé sur cette hypothèse de fait. De façon générale, l'appelante était d'accord avec les autres hypothèses de fait énumérées dans la réponse à l'avis d'appel.

[59] Je conclus, en fait et en droit, qu'aucun service n'était fourni à Team JK par les locataires de fauteuils sous réserve des exceptions que je mentionne ci-dessous. Il y avait un simple paiement de loyer pour l'utilisation d'un fauteuil et une utilisation partagée de certaines parties des installations et de l'établissement dans lequel une entreprise totalement distincte était exploitée par les locataires de fauteuils. Leur entreprise en tant que telle n'améliorait pas l'entreprise de Team JK ou n'y contribuait en aucune façon. Elle ne faisait que fournir un revenu supplémentaire provenant de la location des fauteuils et de l'utilisation partagée des lieux. Il n'y avait aucun chevauchement entre les entreprises dans la mesure où on pourrait les dire intégrées. D'ailleurs, j'accepte le témoignage de Mme Nelson selon lequel les entreprises se faisaient une véritable concurrence dans les mêmes installations. Cela me semble constituer une situation de fait totalement différente de celle à laquelle le juge MacGuigan était confronté dans l'affaire Skyline (précitée).

[60] Je pense qu'en l'absence d’un service rendu par les locataires de fauteuils, sous réserve des exceptions notées ci-dessous, il s'ensuit qu'il n'existait aucunes modalités des services. Il découle de l'absence de services et donc de l'absence de modalités des services que l'alinéa 12d) du Règlement général ne peut pas s'appliquer à une telle situation. Dans la mesure où l'alinéa 12d) était interprété comme s'y appliquant, il était ultra vires. L'alinéa 12d) ne pouvait pas, s'il était interprété de façon restrictive, s'appliquer aux locataires de fauteuils sous réserve des exceptions énumérées ci-dessous.

Validité des paragraphes 16(1), 16(2) et 16(3) du

Règlement sur la perception de la Loi sur l'assurance-chômage

[61] J'en viens maintenant à la question de la validité de ces paragraphes. L'avocat de l'appelante a soutenu que le pouvoir nécessaire pour la promulgation de ces paragraphes se trouve à l'alinéa 75(1)d) de la Loi sur l'assurance-chômage. L'avocat du ministre déclare qu'on peut également le trouver aux alinéas 75(1)f), 75(1)i), 75(1)k) et 75(1)m).

[62] Il ne fait aucun doute que la portée des règlements que le législateur a autorisé le ministre (par opposition à la Commission) à prendre en vertu de l'article 75 de la Loi sur l'assurance-chômage est vaste. Néanmoins, si une disposition réglementaire doit imputer une responsabilité à des personnes autres que celles auxquelles la responsabilité de verser les cotisations est attribuée par la Loi, alors le pouvoir permettant au ministre de le faire doit être dénué d'ambiguïtés. Selon le droit, les ambiguïtés dans toute loi et tout règlement de nature fiscale devraient être résolues au profit du contribuable ou, en l'occurrence, de l'employeur. Je ne peux croire qu'il en soit autrement dans ce cas-ci.

[63] Dans ce contexte, je ne peux penser que l'alinéa 75(1)d) de la Loi sur l'assurance-chômage puisse s'appliquer au propriétaire d'un salon de coiffure en l'espèce. L'alinéa 75(1)d) n'a trait qu'à la façon dont une disposition de la Loi sur l'assurance-chômage, qui s'applique ou s'étend à un employeur d'un assuré, s'appliquera à toute personne qui verse la rétribution d'un assuré pour des services rendus dans le cadre d'un emploi assurable. En d'autres termes, le règlement ne peut porter que sur la manière dont une disposition portant sur un employeur est appliquée. Il ne peut pas constituer un employeur quand il n'en existe aucun comme le paragraphe 16(1) prétend le faire.

[64] Je suis d'accord avec l'avocat du ministre sur le fait que, si l'on doit trouver un pouvoir pour prendre ce règlement dans la Loi, alors c'est au paragraphe 75(1) qu'il faut regarder.

[65] L'alinéa 75(1)i) pourrait bien, à mon avis, permettre la promulgation du paragraphe 16(3) une fois la question portant sur l'employeur résolue. Il ne peut, naturellement, exister dans un vide juridique et il dépend de la validité du paragraphe 16(1).

[66] De même, l'alinéa 75(1)k) habilite le ministre à prendre par règlement le paragraphe 16(2). Cependant, encore une fois, cela implique l'existence préalable d'un employeur et dépend de la validité du paragraphe 16(1).

[67] Le ministre se fonde en outre sur l'alinéa 75(1)m) qui n'a trait qu'à la réglementation de la possession, de la garde ou de la charge de documents ou d'objets utilisés pour l'application de la Loi sur l'assurance-chômage. Je ne vois aucun rapport entre cet alinéa et la situation en l'espèce.

[68] Si le pouvoir conféré au ministre de prendre par règlement le paragraphe 16(1) existe, je pense que c'est à l'alinéa 75(1)f) de la Loi sur l'assurance-chômage qu'il se trouve. Cet alinéa prévoit ce qui suit (je le paraphrase) :

75(1) Le ministre peut [...] prendre des règlements [...]

f) prévoyant qu'en tous cas [...] des assurés travaillent :

(i) soit de l'assentiment d'une personne qui n'est pas leur véritable employeur dans les lieux [...] sur lesquels cette personne a certains droits ou privilèges aux termes d'une licence, d'un permis ou d'une convention

(ii) cette personne est réputée, aux fins du versement des cotisations en vertu de la Loi, être l'employeur de ces assurés, conjointement avec le véritable employeur, et prévoyant le paiement des cotisations pour ces assurés et, le cas échéant, le remboursement des cotisations faisant double emploi.

[69] Je ne suis pas du tout convaincu que le législateur avait l'intention d'appliquer le paragraphe 16(1) aux circonstances de l'espèce car son objectif manifeste est de couvrir une situation différente dans laquelle les personnes travaillant pour un employeur sont embauchées pour travailler dans les installations d'un autre employeur. Cela présuppose également qu'il existe un employeur véritable car la seconde personne est réputée être un employeur “ conjointement avec le véritable employeur ”. Je peux imaginer ce scénario dans le cadre d'agences de placement. Néanmoins, si, à la rigueur, le pouvoir de prendre par règlement le paragraphe 16(1) se trouve dans la Loi sur l'assurance-chômage, il ne peut être prévu qu'à l'article 75. En fin de compte, il n'est pas réellement nécessaire que je tranche cette question car le paragraphe 16(1) lui-même est fondé sur l'alinéa 12d) du Règlement général qui, selon ce que j'ai déterminé, outrepassait les pouvoirs de la Commission dans la mesure où il a trait à une situation similaire à celle de l’espèce dans laquelle aucuns services ne sont rendus au propriétaire de l'établissement et, par conséquent, aucunes modalités des services ne peuvent être prises en compte par la Commission. Il ne s'applique pas, et ne peut pas s'appliquer, lorsqu'aucuns services ne sont rendus. La portée du paragraphe 16(1), naturellement, est plus vaste. Cette disposition pourrait bien avoir trait aux contrats de louage de services et je garde donc pour un autre jour la question de savoir si le pouvoir habilitant pour prendre par règlement ce paragraphe se trouve à l'alinéa 75(1)f) de la Loi sur l'assurance-chômage.

Conclusion

[70] Rhonda Arnold et Jeanie Tyssen étaient sans aucun doute des employées de Team JK au cours de la période en question. Kimberley McClenaghan était, au départ, l'une des associées et semble avoir changé de statut lorsqu'elle est partie puis revenue, son mari ayant pris sa part. Je ne puis accepter qu'elle n'a rendu aucuns services à Team JK dans ces circonstances et je ne suis pas prêt à décider que l'alinéa 12d) ne s'applique pas à elle.

[71] De même, Tara McCargar avait été une employée et est devenue une locataire de fauteuils. Il me semble, dans une certaine mesure, que cela soit fabriqué car elle ne faisait pas partie de ceux qui provenaient de l'extérieur, une étrangère faisant en quelque sorte concurrence à Team JK. Je ne puis accepter qu'elle n'a rendu aucuns services à Team JK dans ces circonstances et, encore une fois, je ne suis pas prêt à décider que l'alinéa 12d) ne s'applique pas à elle.

[72] La situation d'Ann Eveleigh, de Cara MacKenzie, de Sherry Roe et de Charlene Taylor est qu'elles n'occupaient pas des emplois assurables. Le pouvoir conféré à la Commission de prendre par règlement l'alinéa 12d) ne lui permettait pas d'étendre le champ d'application de l'alinéa pour régir ces personnes qui, j'en suis convaincu, étaient des véritables locataires de fauteuils dans les circonstances décrites ci-dessus qui ne rendaient aucune sorte de services au propriétaire de l'établissement, Team JK.

[73] L'appel est, par conséquent, accueilli sur la base du fait que la décision du ministre, en ce qu'elle concerne Ann Eveleigh, Cara MacKenzie, Sherry Roe et Charlene Taylor est modifiée et je conclus que ces personnes n'occupaient pas des emplois assurables au cours des années en question. L'appel, en ce qu'il concerne les autres travailleuses, c'est-à-dire Kimberley McClenaghan, Jeanie Tyssen et Cara McCargar est rejeté et la décision du ministre, en ce qu'elle concerne ces dernières travailleuses, est confirmée. Je conclus que ces personnes sont régies par l'alinéa 12d) du Règlement général de l'assurance-chômage. Je conclus également que leur situation dans l'établissement de Team JK se trouve dans les limites de la portée de l'alinéa 16e) du Règlement sur la perception pris en application de la Loi sur l'assurance-chômage et je suis convaincu que, dans ce contexte, le ministre était habilité à prendre par règlement cet alinéa en vertu du sous-alinéa 75(1)f)(ii) de la Loi sur l'assurance-chômage. La question est donc déférée au ministre pour l'établissement d'une nouvelle évaluation selon les motifs du jugement ci-dessus.

Signé à Calgary (Alberta) ce 26e jour d'avril 2000.

“ Michael H. Porter ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de novembre 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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