Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20000606

Dossier: 98-2065-IT-G

ENTRE :

FREDA SHANDALA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Teskey, C.C.I.

[1] L'appelante interjette appel de la nouvelle cotisation d'impôt établie à son égard pour les années 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995.

Questions en litige

[2] Il s'agit de déterminer si l'appelante a le droit de déduire des pertes locatives, une perte finale et une perte en capital. Elle soutient que sa résidence principale a été convertie en entreprise de location le 1er juillet 1993.

Faits

[3] Au début de l'audience, les parties ont produit un exposé conjoint des faits partiel contenant 12 paragraphes, dont voici le texte :

[TRADUCTION]

L'appelante est une particulière résidant au Canada.

L'appelante possédait une propriété sise au 4080, chemin Hall, Binbrook (Ontario). La propriété, une parcelle de terrain de 94,75 acres, a été achetée par l'appelante en tant que terrain non bâti le 14 juillet 1989. Le titre de propriété a été établi aux noms de l'appelante et de son époux conjointement.

Lorsqu'elle a acheté la propriété, l'appelante avait l'intention d'utiliser la ferme aux fins de la culture de champignons destinés à la revente et à d'autres fins agricoles; l'appelante a présenté une demande en vue de diviser la propriété en deux parcelles, et une partie du terrain a été louée à un agriculteur (le vendeur initial de l'appelante).

Les demandes de division ont été rejetées.

Une maison avait été construite sur la propriété au cours de l'automne, de l'hiver et du printemps de 1989 et de 1990 respectivement. L'appelante et son époux ont résidé dans la maison du printemps 1990 au mois de juillet 1992.

Une partie de la propriété a été louée de manière continue pendant que l'appelante en était propriétaire, et elle a été entretenue à des fins agricoles.

Lorsque l'appelante et son époux se sont rendu compte que l'entreprise de champignons n'allait pas se concrétiser, ils ont tenté de vendre la propriété et, effectivement, ils l'ont vendue au mois de juillet 1992 aux termes d'une convention de vente détaillée.

Payée 175 000 $ en 1989, la propriété a été vendue 600 000 $ au mois de juillet 1992.

L'acheteur ayant fait défaut d'effectuer le paiement aux termes de la convention de vente détaillée, l'appelante et son époux ont repris possession de la ferme (entre le mois de mai et le mois de juillet 1993).

L'appelante et son époux ont vendu la propriété 316 000 $ au mois de mai 1994.

L'appelante a déduit les pertes suivantes pour l'année d'imposition 1994 :

Perte locative 3 131 $

Perte finale 85 206 $ (maison)

Perte en capital 42 015 $ (terrain)

L'appelante a reporté sur les années ultérieures et antérieures les pertes déduites pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1995.

[4] Seuls l'appelante et son époux, le copropriétaire de la propriété, ont témoigné.

[5] Aucune explication n'a été donnée quant à la raison pour laquelle John Baranyi, le propriétaire de Homefinders, n'a pas été appelé à témoigner pour établir le loyer économique de la maison au mois de juillet 1993 ou pour confirmer la mise en location de la maison par son intermédiaire. J'en conclus donc que son témoignage aurait été préjudiciable à la thèse de l'appelante.

[6] La maison n'a pas été louée au cours de la période allant du 1er juillet 1993 au 31 décembre 1993. L'appelante et son époux ont tous deux affirmé qu'au 1er juillet 1993 leur intention était de louer la propriété 2 000 $ par mois dans le cadre d'une entreprise, le locataire prenant à sa charge les services publics.

[7] Sans le témoignage d'un estimateur compétent quant au loyer qui aurait pu raisonnablement être obtenu pour la maison sur le marché libre, je dois me demander si le montant de 2 000 $ par mois représentait le juste loyer économique. Cependant, puisque la maison n'a jamais été louée et qu'aucune offre de location écrite n'a été produite, je conclus que le loyer économique était bien moins que 2 000 $ par mois. Je ne puis retenir le témoignage de l'appelante ou celui de son époux sur ce point sans une preuve d'évaluation corroborante acceptable.

[8] L'appelante a utilisé comme prix de base rajusté total au 1er juillet 1994 le prix de vente de 600 000 $ convenu dans le cadre de la vente de 1993. Cependant, cette vente n'a pas revêtu la forme d'un acte de transfert normal et d'une hypothèque en faveur du vendeur, mais celle d'une convention de vente détaillée. Un montant de 22 000 $ seulement a été payé à la signature, et des paiements mensuels de 2 000 $ devaient être effectués pendant plusieurs années (aucune copie de cette convention n'a été produite). Aucun intérêt n'a été exigé sur les 578 000 $ dus aux termes de la convention à la date d'occupation. Aucun des paiements mensuels n'a été effectué.

[9] Je ne crois pas que le montant de 600 000 $ représentait la juste valeur marchande car, dans le cadre d'une opération normale sans lien de dépendance de cette importance, il y aurait normalement un versement initial plus élevé, et l'intérêt s'accumulerait sur le solde impayé. Mis à part le paiement initial de 22 000 $, les acheteurs n'ont jamais effectué de paiement aux termes de la convention. L'appelante a accepté le montant de 22 000 $ pour l'utilisation de la maison pendant un an. L'appelante et son époux avaient de toute évidence le droit d'évincer l'acheteur bien avant la fin de l'année. Je conclus qu'ils ont attendu jusqu'à la fin de l'année parce qu'ils savaient que le montant de 600 000 $ était de beaucoup supérieur à la valeur marchande de la propriété et que le montant de 22 000 $ représentait beaucoup plus que ce qu'ils pourraient obtenir pour la location de la maison sur le marché libre.

[10] À la demande de Revenu Canada, l'appelante a soumis des factures d'annonces pour étayer sa prétention que la propriété avait été exclusivement à louer à compter du 1er juillet 1993.

[11] Malheureusement pour l'appelante, Revenu Canada a présenté ces factures au journal, The Hamilton Spectator, et a obtenu copies des annonces, que voici :

24 avril 1993, sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

BINBROOK, 95 acres & maison neuve, 2 façades, asphalté, 15 min. de Stan.Crk. 662-5568.

1er mai 1993, sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

BINBROOK, 95 acres & maison neuve, 2 façades, asphalté, 15 min. de Stan.Crk. 662-5568.

5 mai 1993, sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

BINBROOK, 95 acres & maison neuve, 2 façades, asphalté, 15 min. de Stan.Crk. 662-5568.

12 mai 1993, sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

ASSOCIÉ pour agriculture, élevage d'autruches & émeus ou pension de chevaux. Maison neuve & 95 acres. 662-5568.

15 mai 1993, sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

BINBROOK, associés pour agriculture, élevage d'autruches & émeus ou pension de chevaux. Maison neuve & 95 acres. 662-5568.

19 mai 1993, sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

BINBROOK, associés pour agriculture, élevage d'autruches & émeus ou pension de chevaux. Maison neuve & 95 acres. 662-5568, 834-5904.

19 mai 1993, sous la rubrique “ Chevaux en pension ” :

[TRADUCTION]

Vous voulez placer votre cheval en pension à moitié prix? Pour renseignements : 662-5568, laissez un message, ou (416) 834-5904.

22 mai 1993, sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

BINBROOK, associés pour pension de chevaux. Maison neuve & 95 acres. 662-5568, 834-5904.

Encore :

[TRADUCTION]

Vous voulez placer votre cheval en pension à moitié prix? Pour renseignements : 662-5568, laissez un message, ou (416) 834-5904.

26 mai, sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

BINBROOK, associés pour pension de chevaux. Maison neuve & 95 acres. 662-5568, 834-5904.

29 mai, sous la rubrique “ Chevaux/écuries ” :

[TRADUCTION]

Vous voulez placer votre cheval en pension à moitié prix? Pour renseignements : 662-5568, laissez un message, ou (416) 834-5904.

et sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

BINBROOK, associés pour pension de chevaux. Maison neuve & 95 acres. 662-5568, 834-5904.

5 juin, sous la rubrique “ Fermes à vendre ” :

[TRADUCTION]

BINBROOK, ferme recherche équipe de gestion ou propriétaires de chevaux pour former coopérative. Garantie et rendement excellents. Appeler sans frais le (416) 834-5904.

20 novembre 1993, sous la rubrique “ Région de Glenbrook ” :

[TRADUCTION]

PRIVÉ

4080, ch. Hall

Visite libre

sam. & dim. 13 h à 17 h

Maison de 4 000 pi. 2 à aire ouverte presque neuve avec toutes les commodités. 95 acres pittoresques de terrain. Emprunter l'autoroute 56 sud jusqu'au 1er chemin à droite, après le club de golf Southbrook, tourner à droite sur le chemin Hall. Pour des visites à d'autres heures, appeler (905) 534-5904.

[12] La seule preuve que la propriété a été détenue exclusivement à des fins de location à la valeur économique du 1er juillet 1993 au mois de novembre 1993 est provenue des témoignages de l'appelante et de son époux, que je n'accepte pas à cet égard.

[13] Aucune perte locative n'a été déduite pour l'année d'imposition 1993. J'en conclus que l'appelante ne croyait pas exploiter une entreprise de location pendant les derniers six mois de l'année 1993, lorsqu'elle a produit sa déclaration de revenu pour cette année-là.

[14] Il ne fait aucun doute que la propriété a été initialement achetée aux fins doubles d'y construire une maison spacieuse de 4 000 pieds carrés et d'établir une ferme de champignons. L'entreprise de champignons n'a jamais été mise sur pied et n'a jamais démarré.

[15] Je suis convaincu, d'une part, que, lorsque l'appelante a repris possession de la propriété le 1er juillet 1993, elle s'est rendu compte que la valeur de celle-ci avait beaucoup diminué et, d'autre part, qu'elle et son époux avaient l'intention de revendre ou de louer la propriété le plus tôt possible en raison des difficultés financières qu'ils éprouvaient. Ils n'avaient pas suffisamment d'argent pour payer l'intérêt sur leur hypothèque de premier rang à ce moment-là et pendant le reste de l'année 1993. Au cours des derniers six mois de 1993, ils n'avaient “ aucune attente particulière ”. Ils faisaient de leur mieux pour se sortir d'une situation difficile.

[16] Même si j'acceptais le témoignage de l'appelante et celui de son époux selon lesquels, à compter du 1er juillet 1993, la propriété a été détenue à des fins de location exclusivement (et je n'accepte pas cette allégation), ils ne m'ont pas convaincu de ce qu'était le loyer économique à ce moment-là ni de la valeur du terrain et de la maison à la même date.

[17] Par conséquent, je ne peux absolument pas conclure qu'une entreprise de location, s'il y en avait eu une, aurait eu une attente raisonnable de profit après avoir tenu compte de la déduction pour amortissement, et je ne peux calculer ce que serait la perte finale sur l'immeuble ou ce que serait la perte en capital sur la propriété.

[18] L'appelante a effectivement déduit une perte locative pour une partie de l'année 1994. Personne ne conteste que la propriété n'était pas “ à louer ” en 1994; or, des pertes locatives ont été déduites. Je crois que l'appelante a déduit ces pertes locatives, après coup, simplement pour fixer une date en vue de déduire une perte finale relativement à la maison et une perte en capital relativement au terrain.

[19] L'appelante n'ayant pas établi qu'elle exploitait une entreprise, les appels doivent être rejetés, et les dépens sont adjugés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juin 2000.

“ Gordon Teskey ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de novembre 2000.

Benoît Charron, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.