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Date: 20000616

Dossier: 98-1159-IT-I

ENTRE :

HANK DAVIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] Le présent appel porte sur le droit au crédit d'impôt pour enfants payable en vertu de la sous-section a.1 de la section E de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) pour la période allant de janvier à septembre 1995 à l'égard de la fille de l'appelant, Elise. Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a décidé que l'ex-conjointe de l'appelant (que j'appellerai la “ mère ”) était la personne qui avait le droit de recevoir le paiement. Selon l'appelant, c'est lui qui y a droit.

[2] Il y a eu rupture du mariage de l'appelant et de la mère au printemps 1993 ou à un certain moment avant cette époque. En vertu d'un accord écrit intervenu entre l'appelant et la mère, ces derniers ont obtenu la garde conjointe d'Elise, qui vivait à tour de rôle avec chacun d'eux pendant une période de deux semaines. L'appelant et la mère vivaient tous les deux dans la province de Québec à cette époque, lui à Montréal et elle à Joliette. À un certain moment avant le début de l'été 1994, l'appelant a déménagé à St. John's, à Terre-Neuve, en emmenant Elise avec lui. Il a indiqué avoir reçu le consentement oral de la mère pour le faire. En juillet 1994, il a emmené sa fille à Joliette (Québec), où elle est demeurée avec sa mère pendant un mois. À la fin du mois, l'appelant est retourné chercher sa fille et l'a emmenée avec lui à St. John's.

[3] À un certain moment par la suite, et la preuve n'est pas claire quant au moment précis, l'appelant a entrepris une procédure devant les tribunaux de Terre-Neuve afin d'obtenir la garde exclusive d'Elise. Peu de temps après, la mère a entrepris une procédure semblable devant les tribunaux du Québec. Avant qu'une date soit fixée pour l'audition de la procédure devant la Unified Family Court de Terre-Neuve, l'appelant a reçu un avis lui indiquant qu'une audience se tiendrait devant la cour du Québec le 5 mai 1995. Selon la preuve qu'il a offert, que je n'ai aucune raison de mettre en doute, il a pris des dispositions, ou du moins il a pensé l'avoir fait, grâce au cabinet de St. John's, à Terre-Neuve, afin de faire en sorte qu'un avocat de l'aide juridique du Québec assiste à l'audience et obtienne un ajournement jusqu'à ce qu'il puisse se rendre au Québec pour prendre part à la procédure. Pour des raisons inconnues de l'appelant, il n'a pas été représenté à l'audience du 5 mai et, en conséquence, une ordonnance de garde provisoire a été rendue en son absence accordant la garde à la mère. Une autre date d'audience a été fixée en août 1995. L'appelant a indiqué dans son témoignage s'être rendu à Joliette et avoir assisté à l'audience en août et qu'en entrant au palais de justice, il avait été arrêté et accusé d'enlèvement parce qu'il avait fait défaut de respecter l'ordonnance provisoire qui avait été rendue en son absence en mai. À cette époque, l'ordonnance provisoire a été prolongée ou est devenue permanente. La date du procès de l'appelant relativement à l'accusation d'enlèvement a été fixée en octobre 1995. Elise avait accompagné l'appelant au Québec en août et elle est demeurée là-bas avec sa mère en vertu de l'ordonnance rendue au mois d'août par la cour du Québec.

[4] En octobre, à la suite d'une négociation de plaidoyer, l'appelant a plaidé coupable et a payé une amende de 200 $ afin d'éviter un procès sur l'accusation d'enlèvement qui aurait été, selon l'avis de tous, très long.

[5] L'appelant a indiqué dans son témoignage qu'Elise résidait maintenant avec lui à St. John's à la suite d'une ordonnance rendue en 1997 avec le consentement de la mère.

[6] Selon le ministre, l'appelant ne peut être considéré comme un “ particulier admissible ” pendant la période allant de janvier à septembre 1995 en raison de sa condamnation pour enlèvement et de l'ordonnance du 5 mai accordant la garde à la mère. L'avocat de l'intimée a invoqué la maxime ex dolo malo non oritor actio (Aucun recours ne naît d'un acte dolosif). Selon l'appelant, il n'y avait pas d'ordonnance de garde avant le mois de mai 1995, la garde étant conjointe à la suite d'un accord conclu entre lui et la mère. Il n'était pas au courant de l'ordonnance du mois de mai, alors on ne peut lui reprocher de ne pas l'avoir respectée.

[7] La personne qui a droit au crédit d'impôt pour enfants de temps à autre est celle qui correspond à la définition de “ particulier admissible ” figurant à l'article 122.6 de la Loi. Dans la mesure où cet article est pertinent à la présente affaire, il est ainsi libellé :

“ particulier admissible ” S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment;

a) elle réside avec la personne à charge;

b) elle est la personne – père ou mère de la personne à charge – qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

[...]

Pour l'application de la présente définition :

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

En conséquence de l'alinéa a) de la définition, une personne ne peut être un “ particulier admissible ” que si elle réside avec la personne à charge admissible pendant la période pertinente. Au cours de la période allant de janvier au début du mois d'août 1995, Elise a vécu avec son père. Il a également été le parent qui a principalement assumé la responsabilité pour le soin et l'éducation d'Elise pendant cette période. L'alinéa h) de la définition exige que “ les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne ”. Ces facteurs prévus par règlement figurent à l'article 6302 du Règlement, qui prévoit :

Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de “particulier admissible” à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[8] L'existence d'une ordonnance ne constitue qu'un facteur à prendre en considération. Il est évident que les autres facteurs n'ont pu être respectés que par l'appelant en l'espèce pendant la période allant de janvier à août.

[9] Je ne mets pas en doute la pertinence du droit de garde en déterminant qui a assumé les obligations parentales à l'égard d'enfants. Toutefois, il n'existait pas d'ordonnance de garde entre janvier 1995 et mai 1995, et l'appelant n'a pas été mis au courant de l'existence de l'ordonnance du 5 mai avant un certain moment en août. S'il avait été établi devant moi que l'appelant avait décidé de ne pas respecter l'ordonnance de la cour du Québec portant sur la garde d'Elise, alors d'autres questions pourraient être soulevées. Toutefois, ce n'est pas le cas en l'espèce et l'existence de l'ordonnance de garde ne peut supplanter l'exigence de vivre avec l'enfant, figurant à l'alinéa a) de la définition ou les facteurs a) à g) de l'article 6302 du Règlement. Il ressort clairement de l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire 65302 British Columbia Ltd. c. La Reine[1] que les considérations d'ordre public ne pourront pas supplanter les termes clairs d'une loi.

[10] En conséquence, l'appel sera admis et la décision déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle décision au motif que l'appelant a le droit d'être considéré comme le particulier admissible à l'égard d'Elise pendant la période allant de janvier à août 1995 inclusivement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 2000

“ E. A. Bowie ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de novembre 2000.

Benoît Charron, réviseur



[1]               [1999] 3 R.C.S. 804 (99 DTC 5799).

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