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Date: 20000515

Dossier: 98-1087-IT-G

ENTRE :

GEORGE R.H. HSU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I,

[1] Les appels en l'instance portent sur les années d'imposition 1993 et 1994, pour lesquelles l'appelant a déclaré les montants suivants à titre de revenu d'intérêt bancaire — selon ses états T5 :

Année d'imposition Revenu total déclaré

1993                                                                                                         1 207 $

1994 636 $

[2] Lorsqu'il a établi de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a ajouté les montants suivants à son revenu total :

Année d'imposition Montant ajouté au revenu total

1993 298 792,17 $

1994 300 000 $

Les faits

[3] Les faits énoncés ci-après, tirés des actes de procédure de l'appelant, sont admis par l'intimée :

-                       l'appelant, un particulier, réside au 3707 ouest, 26e avenue, Vancouver (Colombie-britannique), V6S 1P2;

-                       l'appelant, son épouse et leurs deux enfants ont quitté Taiwan pour immigrer au Canada le 25 avril 1992;

-                       l'appelant est devenu résident canadien le 25 avril 1992;

-                       dans un avis de nouvelles cotisations daté du 24 mars 1997, le ministre a établi à l'égard de l'appelant de nouvelles cotisations dans lesquelles il a inclus dans son revenu un montant supplémentaire de 298 792,17 $ pour l'année d'imposition 1993 et de 300 000 $ pour l'année d'imposition 1994, ainsi qu'il a été mentionné précédemment;

-                       pour ajouter les montants en question au revenu dans les nouvelles cotisations en question, le ministre s'est fondé sur une estimation des biens suivants (les “ biens ”) :

a)                    propriété du 259, chemin Sung Chiang

b)                    propriété du 167, chemin Min Sheng

c)                    actions de Chien Ming Hsen Yeh Co. Ltd.

d)                    actions de Hotel New Asia Co. Ltd.

e)                    actions du Chang June College

f)                     actions de San Ho Security Co. Ltd.

g)                    actions de China Gypsum Co. Ltd.

-                       pour arriver aux montants supplémentaires qui ont été inclus dans le revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994 par voie de nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur des estimations de la valeur nette de l'appelant (les “ états de la valeur nette ”);

-                       dans les états de la valeur nette, on a supposé que la valeur des biens d'entreprise de l'appelant avait augmenté en moyenne de 10 p. 100 par année de 1991 à 1994;

-                       l'appelant a dûment produit des avis d'opposition aux nouvelles cotisations;

-                       dans un avis de ratification daté du 21 janvier 1998, le ministre a ratifié les nouvelles cotisations.

[4] Pour établir les nouvelles cotisations en question à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé notamment sur les hypothèses suivantes :

[TRADUCTION]

a)                    l'appelant a omis d'inclure une partie du revenu qu'il a gagné dans les années d'imposition 1993 et 1994;

b)                    l'appelant a omis d'inclure dans son revenu des années d'imposition 1993 et 1994 les montants de 298 792,17 $ et de 300 000 $ respectivement;

c)                    l'appelant a investi un montant de 150 000 $ dans Upton Resources Inc. lorsqu'il a émigré au Canada, lequel montant lui a été remboursé[1];

d)                    lorsqu'il a émigré au Canada le 25 avril 1992, l'appelant avait sur lui un montant de 200 000 $;

e)                    l'appelant a acheté une maison sise au 3707 ouest, 26e avenue, Vancouver, qu'il a payée 470 000 $ comptant le 29 juillet 19921;

f)                     l'appelant, qui a produit des déclarations de revenu T1 au Canada pour les années 1992 à 1995, a aussi des comptes bancaires au Canada1;

g)                    l'appelant et sa famille sont couverts par le régime d'assurance-maladie du Canada1;

h)                    l'appelant et son épouse ont trois enfants, qui fréquentent l'école publique à Vancouver (Colombie-Britannique)1;

i)                      l'appelant et son épouse étaient réputés résidents du Canada à des fins fiscales dans les années d'imposition 1992 à 1996[2];

j)                      l'épouse de l'appelant a déclaré un revenu d'allocation familiale de 837 $ en 1992 et elle n'a déclaré aucun revenu pour 1993 et 1994;

k)                    les montants qui n'ont pas été déclarés ont été calculés à l'aide de la méthode de la valeur nette [l'annexe “ A ” est une copie de l'état de la valeur nette][3];

l)                      au cours des années d'imposition 1993 et 1994, en dépit du fait qu'il a déclaré un revenu total de 1 843,83 $, l'appelant a effectué des paiements hypothécaires de 39 617,28 $ à la Banque Toronto-Dominion du Canada et a subvenu aux besoins de sa famille1;

m)                   le 15 mai 1997, l'appelant était inscrit comme propriétaire du 259, chemin Sung Chiang, 7e étage, Taiwan, et il l'est demeuré jusqu'au 30 mai 1997;

n)                    la Cour de district de Taiwan a décerné des sommations à l'appelant au titre des impôts dus pour l'année 1995, dont le montant s'élevait à 838 536 dollars (Taiwan);

o)                    l'appelant a inscrit ses biens dans un “ état de la valeur personnelle ” soumis au Commissariat du Canada le 4 mars 1991;

p)                    l'appelant avait investi 1 739 130 $ dans le Chang June College de Taiwan et il était responsable de la dette de ce Collège jusqu'à concurrence de 1 304 348 $;

q)                    l'appelant n'a pas déclaré faillite dans les années d'imposition 1992 à 1996;

r)                     l'appelant n'a pas disposé de ses biens à Taiwan entre le moment où il a soumis son “ état de la valeur personnelle ”, le 4 mars 1991, et la fin de l'année d'imposition 19941;

s)                    les entreprises de l'appelant à Taiwan n'ont pas déclaré faillite au cours des années d'imposition 1992 à 1994;

t)                     l'appelant n'a pas travaillé au Canada dans les années 1992 à 1995; il a déclaré avoir voyagé à la grandeur du Canada pour rendre visite à des amis pendant ces années;

u)                    l'appelant s'est absenté du Canada fréquemment et il menait des activités commerciales à l'étranger;

v)                    l'appelant n'a fourni aucune documentation se rapportant aux années d'imposition 1993 et 1994 pour appuyer la vente de l'un ou l'autre de ses biens énumérés dans l'“ état de la valeur personnelle ” du 4 mars 1991 ou pour appuyer le revenu qu'il avait déclaré.

La question en litige

[5] Il s'agit de déterminer si l'appelant a omis de déclarer un revenu pour les années d'imposition 1993 et 1994.

La preuve produite au procès

[6] L'appelant n'a fait témoigner personne au procès. Outre les faits tirés des actes de procédure qui ont été admis, l'avocat de l'appelant a déposé en preuve certaines questions et réponses tirées de l'interrogatoire préalable de M. Walker Ko, le vérificateur des dossiers des moyennes entreprises à Revenu Canada, qui a établi les nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, M. George R. H. Hsu.

[7] Se fondant sur les questions et réponses déposées en preuve, M. Ko a déclaré que la vérification avait été limitée parce que M. Hu n'avait fourni aucune documentation. Au cours d'une entrevue avec M. Hsu, un certain Gim Huey et un ami, M. George Ho, M. Ko a exposé les questions auxquelles il souhaitait obtenir une réponse pour le compte de Revenu Canada, ainsi que la documentation qu'il souhaitait obtenir. M. Ko a été informé que M. Huey serait la personne-ressource de l'appelant au cours de la période d'examen. M. Ko a aussi envoyé une lettre demandant les mêmes renseignements, mais il n'a obtenu aucune réponse de M. Hsu ou de M. Huey.

[8] M. Ko a renvoyé également à d'autres sources de renseignements dont disposait Revenu Canada, comme des états T5, des déclarations de revenu de M. Hsu, de la documentation sur les recherches de titres fonciers et des documents d'immigration.

[9] Les nouvelles cotisations ont ensuite été établies. On peut y lire ceci sous la rubrique des rajustements :

[TRADUCTION]

Les nouvelles cotisations seront fondées sur l'écart approximatif établi à l'aide de l'état de la valeur nette et, essentiellement, correspondront aux montants estimatifs mentionnés dans la lettre que nous avons adressée au contribuable le 4 octobre 1996[4].

[10] Par la suite, M. Ko a expliqué dans les termes suivants la méthodologie utilisée pour effectuer le calcul de la valeur nette :

[TRADUCTION]

Il s'agissait d'une valeur nette très approximative car je ne disposais que du chiffre initial en 1991; je me suis limité à supposer que le capital avait augmenté de 10 pour cent chaque année, c'est tout[5].

[11] L'avocat de l'appelant a ensuite présenté à M. Ko le passage suivant d'un document de Revenu Canada intitulé “ Manuel des opérations de l'impôt ” (MOI) en ce qui concerne l'évaluation de la valeur nette[6] :

[TRADUCTION]

84. Q. [...] “ 1421.2 Principes de la méthode de la valeur nette ”. Je vais verser ce passage au dossier. Il est libellé dans les termes suivants :

Le recours à la méthode de la valeur nette pour calculer le revenu repose sur la prémisse selon laquelle le revenu d'un client pour une période est égal à l'augmentation de la valeur nette du client (position financière) entre le début et la fin de cette période. La valeur nette d'un client est l'excédent de son actif total (d'entreprise et personnel) sur son passif total (d'entreprise et personnel) à une date donnée.

Est-ce la méthode que vous avez utilisée pour préparer la vérification et établir les nouvelles cotisations à l'égard de M. Hsu?

R. Non, je n'ai pas utilisé cette méthode.

85. Q. Non?

R.                    Non.

86.                  Q. Quelle méthode avez-vous utilisée?

R. J'ai d'abord tenu compte du capital, puis j'ai tenu pour acquis que le rendement du capital était de 10 pour cent.

87. Q. Bien.

R. D'accord. Ensuite, pour confirmer ce chiffre, c'était seulement — la valeur nette a été déterminée après que j'eus effectué ce calcul, c'est bien cela.

88. Q. Je suis désolé, je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire.

R. Bien. La lettre de proposition repose sur la valeur nette personnelle du contribuable établie à 3 millions de dollars, et sur un rendement du capital de 10 pour cent. C'est ainsi que je suis arrivé au chiffre de 300 000 $ pour chaque année. Pour établir ce montant estimatif — cette valeur nette personnelle de 3 millions de dollars — on s'est appuyés sur ses documents d'immigration, qui indiquaient à peu près 2,8 millions de dollars ou quelque chose comme ça, d'accord, pour 1991. Pour les années 1993 et 1994, je calcule que sa valeur nette a dû s'établir à 2 ou 3 millions de dollars. J'ai donc établi ces chiffres en premier, d'accord.

[...]

92. Q. Donc, en 1993, vous avez estimé sa valeur nette personnelle à 3 millions de dollars et supposé que le rendement du capital était de 10 pour cent, ce qui donne 300 000 $?

R. C'est exact.

93. Q. Vous déduisez ensuite le revenu d'intérêt déclaré --

R.                    C'est exact.

94.                  Q. -- pour arriver à l'écart de 298 791,17 $?

R.                    C'est exact.

95. Q. Puis, en 1994, le rendement estimatif du capital était de 300 000 $?

R.                    C'est exact.

96. Q. Si on soustrait le revenu déclaré, c'est-à-dire un revenu nul, on obtient un rajustement de 300 000 $.

R. C'est exact. C'est ce qu'indique la lettre de proposition que je lui ai envoyée, et c'est le montant de la nouvelle cotisation. Par conséquent, l'annexe qui se trouve à la fin est en fait l'état de la valeur nette que j'ai préparé et qui, comme je vous l'ai dit, est une estimation très approximative puisque, comme je n'ai pas — il ne m'a remis aucun renseignement sur sa valeur nette en 1991 ou en 1994 — je ne pouvais pas le dresser à l'aide de la méthode décrite ici.

[...]

114. Q. Expliquez-moi encore une fois comment vous êtes arrivé au montant de 300 000 $.

R. Ce montant représente 10 pour cent de 3 millions de dollars.

115 Q. Et pourquoi avez-vous utilisé 10 %?

R. C'était un chiffre convenable. Mais, de toute façon —

116 Q. Un chiffre rond?

R. Non, ce n'est pas ça. Le taux préférentiel à l'époque était de huit pour cent environ, ici à Vancouver.

117 Q. Oui.

R. Oui, en 1991, 1992, 1993 et 1994, il était de dix pour cent environ. Alors il s'agit du taux préférentiel, auquel j'ai ajouté deux pour cent.

118. Q. Et c'est ce que vous croyiez être le rendement obtenu, le taux préférentiel plus deux pour cent?

R. Bien, le taux hypothécaire était à peu près le même aussi, alors un taux de dix pour cent n'était pas un taux déraisonnable.

119. Q. Sur quel type de rendement ce chiffre repose-t-il? Vous dites que c'est un rendement du capital ou un rendement de dix pour cent.

R.                    C'est exact.

120. Q. Quel type de rendement?

R. Bien, pour les actions et les obligations dont il est propriétaire, il y a des dividendes et de l'intérêt.

121. Q. Oui.

R.                    Un revenu passif quoi qu'il en soit.

122. Q. Un revenu tiré d'un bien?

R.                    Un revenu tiré d'un bien.

123. Q. D'accord. Et dans le cas du bien immobilier?

R.                    Un revenu de location.

[12] M. Ko a réaffirmé qu'il avait utilisé cette méthodologie pour établir les nouvelles cotisations et déclaré qu'il disposait d'un chiffre au début de l'évaluation, tiré des documents d'immigration au début de l'année 1993, mais qu'il ne disposait d'aucun chiffre de clôture à la fin de 1994.

[13] L'intimée a elle aussi appelé à témoigner M. Ko.

[14] M. Ko a passé en revue l'entrevue qui s'était déroulée en présence de MM. Hsu, Ho et Huey, et dont il a été fait mention précédemment, et il a déclaré qu'il n'avait reçu aucun des renseignements ou des documents qu'il avait demandés.

[15] Il a indiqué que M. Hsu avait confirmé qu'il était encore actionnaire d'une compagnie étrangère, mais qu'il n'avait donné aucun autre détail.

[16] Après être resté sans nouvelles pendant un certain temps encore, M. Ko a remis en personne sa lettre de proposition de nouvelles cotisations.

[17] Par la suite, M. Ho a envoyé une lettre à M. Ko pour l'informer qu'il souhaitait discuter du dossier pour le compte de M. Hsu. M. Ko a demandé une autorisation émanant de M. Hsu autorisant M. Ho à discuter du dossier, mais aucune autorisation n'a été accordée.

[18] Après l'interrogatoire préalable et avant le procès en l'espèce, certains documents de la Banque Toronto-Dominion se rapportant à l'appelant ont été fournis à l'intimée. M. Ko a examiné les documents la veille de l'audition. En résumé, il a conclu que, pour les années en question, un montant de plus de 200 000 $ avait été déposé dans le compte de banque de M. Hsu.

Les observations de l'appelant[7]

[19]M. Walter Ko a procédé à la vérification. Son témoignage montre qu'il a supposé, pour établir les nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994, que chaque bien avait produit un rendement annuel de 10 pour cent de la nature d'un revenu tiré d'un bien, que ce soit sous forme de dividendes, de loyers ou d'intérêt.

[20] Pour faire valoir sa thèse, l'intimée s'est appuyée sur l'hypothèse selon laquelle la valeur des biens de l'appelant situés à Taiwan avait augmenté au fil des années en question, plutôt que sur les hypothèses qu'avait faites le vérificateur. Mis à part la question de savoir si la hausse de la valeur d'un bien en immobilisation donne lieu à une obligation de payer de l'impôt s'il n'y a pas eu disposition du bien, cette hypothèse n'est pas celle que le vérificateur a formulée lorsqu'il a établi les nouvelles cotisations.

[21] L'appelant a contesté l'hypothèse selon laquelle la valeur des biens situés à Taiwan avait augmenté puisque le témoignage de M. Ko a confirmé que les cotisations avaient été établies sur le fondement d'une hypothèse non débattue. L'appelant s'est donc acquitté de la charge de la preuve initiale.

[22] Le ministre cherche à établir le bien-fondé des cotisations en litige en plaidant des faits qui n'ont pas été tenus pour acquis au moment où les cotisations ont été établies pour appuyer les nouvelles cotisations, ou, subsidiairement, en se fondant sur des hypothèses qui n'ont pas été formulées dans les actes de procédure pour appuyer les nouvelles cotisations. Dans un cas comme dans l'autre, la charge de la preuve incombe maintenant au ministre.

[23] De l'avis de l'appelant, le ministre ne s'est pas acquitté de cette charge. La preuve que le ministre a produite n'a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la valeur nette de l'appelant avait augmenté au cours des années visées par l'appel, encore moins par suite de transactions qui auraient donné lieu à une obligation de payer de l'impôt.

[24] La vérification effectuée dans la présente affaire était on ne peut plus incomplète et superficielle. Le ministre ne s'acquitte pas de son obligation de vérification ou de communication simplement en choisissant un chiffre au hasard, sans s'appuyer sur quelque fait que ce soit, pour ensuite demander au contribuable de montrer que ce chiffre ne convient pas, parce que c'est à lui qu'incombe la charge de la preuve.

[25] Si le ministre souhaite maintenant se fonder sur l'hypothèse du “ revenu tiré d'un bien ” à l'appui des cotisations, il doit produire une preuve et établir l'exactitude cette hypothèse selon la prépondérance des probabilités. Le ministre n'a pas produit cette preuve.

[26] L'appelant a fait valoir également relativement aux sommes déposées dans le compte bancaire, examinées dans le cadre du témoignage oral de M. Ko, qu'il n'y avait aucune preuve établissant qu'ils provenaient d'une source imposable.

[27] La réponse à l'avis d'appel ne révèle tout simplement aucun fondement pour établir une cotisation d'impôt, et le témoignage supplémentaire de M. Ko ne permet pas d'établir que les montants déposés provenaient d'une source imposable.

La thèse de l'intimée

[28] M. Hsu n'a produit aucune preuve pour établir qu'il n'avait tiré aucun revenu des biens.

[29] Les hypothèses énoncées dans la réponse à l'avis d'appel établissent la thèse de la Couronne :

[TRADUCTION]

5.a) l'appelant a omis d'inclure une partie du revenu qu'il a gagné dans les années d'imposition 1993 et 1994;

b) l'appelant a omis d'inclure dans son revenu des années d'imposition 1993 et 1994 les montants de 298 792,17 $ et de 300 000 $ respectivement.

[30] Les contribuables canadiens sont assujettis à un régime d'autocotisation et doivent déclarer eux-mêmes leur revenu avec exactitude.

[31] La preuve a démontré que M. Hsu avait des biens, qu'il menait des activités économiques — il avait notamment un compte bancaire—, qu'il avait effectué des dépôts de plus de 200 000 $, qu'il avait acheté une maison, qu'il avait effectué des paiements hypothécaires, qu'il était actionnaire d'une compagnie étrangère et qu'il n'avait semble-t-il aucun revenu d'emploi.

[32] La tâche fondamentale de l'intimée a été de préparer, en s'appuyant sur les quelques bribes d'information dont elle disposait, une sorte d'évaluation de la valeur nette. L'intimée soutient, après examen des actes de procédure et de la preuve produite en Cour, que la Couronne n'a pas à réfuter quoi que ce soit, et que l'appelant ne s'est pas acquitté de la charge qui lui incombe.

Analyse

[33] Le paragraphe 2(1) et l'article 3 de la Loi indiquent clairement qu'un résident canadien doit payer de l'impôt sur son revenu provenant de toute source. Aux termes du paragraphe 2(1), un impôt sur le revenu doit être payé par toute personne résidant au Canada à une date quelconque dans l'année, et l'article 3 précise que le contribuable doit payer de l'impôt sur son revenu dont la source se situe à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada. Puisque M. Hsu était un résident canadien pour les années d'imposition 1993 et 1994, il doit payer de l'impôt sur son revenu provenant de toute source.

[34] Pour déterminer le revenu de l'appelant provenant de toute source, le ministre a adopté une méthode modifiée d'évaluation de la valeur nette. Le paragraphe 152(7) de la Loi permet au ministre d'utiliser la méthode de la valeur nette :

Le ministre n'est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou de sa part et, lors de l'établissement d'une cotisation, il peut, indépendamment de la déclaration ou des renseignements ainsi fournis ou de l'absence de déclaration, fixer l'impôt à payer en vertu de la présente partie.

[35] Les cotisations établies sur le fondement de cette disposition sont présumées valides[8]. Le juge Bowman a résumé les principes qui s'appliquent dans les affaires portant sur la valeur nette dans l'affaire Bigayan c. R., C.C.I., no 97-2699(IT)G, 10 novembre 1999 (1999 CarswellNat 2288), où il a dit :

La méthode de la valeur nette est, comme on le faisait observer dans l’affaire Ramey v. The Queen, 93 DTC 791, une solution de dernier recours que l’on emploie lorsque tout le reste a échoué. On l’utilise souvent lorsqu’un contribuable a omis de produire des déclarations de revenus ou n’a pas conservé de documents. C’est un instrument imprécis, exact à l’intérieur d’un registre dont le champ est indéterminé. Elle repose sur le postulat selon lequel, si l’on soustrait la valeur nette d’un contribuable en début d’année à sa valeur nette en fin d’année, si l’on ajoute les dépenses du contribuable durant l’année et si l’on soustrait les encaissements non imposables et les plus-values d’actifs existants, alors le résultat net, après déduction de toute somme déclarée par le contribuable, doit être attribuable au revenu non déclaré gagné durant l’année, sauf si le contribuable peut apporter une preuve contraire. C’est au mieux une méthode insatisfaisante, qui est arbitraire et inexacte, mais quelquefois c’est le seul moyen d’arriver à un chiffre qui se rapproche du revenu d’un contribuable.

Le meilleur moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est de produire la preuve de ce qu’est véritablement le revenu du contribuable. Un moyen moins satisfaisant, mais néanmoins acceptable, est décrit par le juge Cameron dans l’affaire Chernenkoff v. Minister of National Revenue, 49 DTC 680, à la page 683 :

[TRADUCTION]

En l’absence de documents, l’autre moyen offert à l’appelant consistait à prouver que, même après une application en règle de la formule de la valeur nette, les cotisations étaient erronées.

Ce moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est reconnu, mais, même après que l’on a procédé aux rajustements, on reste avec le sentiment trouble que la vérité n’a pas été pleinement découverte. Il est peu probable que l’on rende parfait en le modifiant un instrument qui, par nature, est imparfait. [...]

et :

Il n'est pas nécessaire que je répète ce qui a été dit sur les cotisations selon l'avoir net dans d'autres causes. Le fondement législatif de telles cotisations se trouve aux paragraphes 152(4) et 152(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'effet du paragraphe 152(7) a été exprimé clairement dans les affaires suivantes : Dezura v. Minister of National Revenue,[1948] R.C. de l'É. 10, Morrow c. La Reine, C.A.F., no A-245-89, 30 juin 1992 (92 DTC 6380), Kerr c. La Reine,C.F. 1re inst., no T-9211-82, 19 juin 1989 (89 DTC 5348), Chernenkoff v. Minister of National Revenue,49 DTC 680, et Ramey c. La Reine, C.C.I., no 91-547(IT)G, 20 avril 1993 (93 DTC 791). La détermination du revenu d'un contribuable par la méthode fondée sur l'avoir net est nécessairement quelque peu arbitraire et imprécise et ne se fait que comme dernier recours.[9]

(Je souligne.)

[36] Le ministre a tenté d'établir de nouvelles cotisations sur le fondement de la valeur nette de l'appelant en supposant que, pour les années d'imposition 1993 et 1994, ce dernier n'avait pas inclus tout le revenu qu'il avait touché. Le ministre a formulé l'hypothèse selon laquelle l'appelant avait omis de déclarer dans son revenu les montants de 298 792,17 $ et de 300 000 $ respectivement pour les années d'imposition 1993 et 1994.

[37] Le vérificateur du ministre a déclaré dans son témoignage que la méthode de la valeur nette énoncée dans le Manuel des opérations de l'impôt, du ministre du Revenu national, sous le titre “ Principes de la valeur nette ” ne pouvait être utilisée car le ministre ne disposait d'aucune valeur nette de clôture. Au cours de l'interrogatoire préalable, le vérificateur a expliqué clairement comment il avait établi de nouvelles cotisations en supposant que les biens dont il avait établi la valeur nette d'ouverture avaient produit un rendement de 10 pour cent (un taux privilégié de 8 pour cent plus 2 pour cent) payable sous forme de dividendes, de loyers ou d'intérêt. Le vérificateur a témoigné que ses nombreuses tentatives d'obtenir des renseignements, des réponses et des documents plus précis de l'appelant avaient été vaines.

[38] Pour établir les nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur les conclusions selon lesquelles, au cours des années d'imposition en question, l'appelant avait eu un compte bancaire, était actionnaire d'une compagnie étrangère, avait fait des paiements hypothécaires de 39 617,28 $ en 1993 et en 1994 respectivement à la Banque Toronto-Dominion, avait subvenu aux besoins de sa famille, et n'avait disposé d'aucun de ses biens à Taiwan entre le moment où il avait soumis son “ état de la valeur personnelle ”, le 4 mars 1991, et la fin de l'année d'imposition 1994.

[39] L'appelant soutient que la vérification était incomplète et superficielle. À mon avis, il n'a rien fait, au cours de ce processus, pour que la vérification soit exhaustive, complète et juste, bien que le vérificateur lui eût demandé des renseignements et des documents à maintes reprises.

[40] Ainsi qu'il est indiqué précédemment dans les présents motifs, l'appelant a contesté une des hypothèses sur le fondement desquelles les nouvelles cotisations ont été établies. En contrepartie, le ministre a fourni une preuve précisant ce sur quoi étaient fondées les nouvelles cotisations et a fourni une preuve supplémentaire pour appuyer l'hypothèse principale selon laquelle l'appelant a omis de déclarer une partie de son revenu. L'appelant n'a produit aucune preuve réfutant les hypothèses, notamment celle selon laquelle il avait omis de déclarer une partie de son revenu. De fait, l'appelant lui-même n'a fourni aucune preuve, sous quelque forme que ce soit.

[41] Étant donné le peu de faits qui peuvent être constatés, le témoignage de M. Ko sur la façon dont il a établi la valeur estimative du revenu tiré des biens est raisonnable et logique.

Décision

[42] Je conclus que l'appelant a touché un revenu qu'il n'a pas déclaré et, étant donné l'absence d'une preuve de l'appelant menant à une conclusion contraire, la nouvelle cotisation est maintenue et les appels sont rejetés.

[43] L'intimée a droit à ses frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 2000.

“ D. Hamlyn ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de novembre 2000.

Benoît Charron, réviseur



[1]           Admis par l'avocat de l'appelant au procès.

[2]           Admis par l'avocat de l'appelant au procès — en ce qui concerne l'appelant seulement.

[3]           L'annexe A n'est pas reproduite dans les présents motifs. Elle contient 4 annexes. L'annexe I inclut un “ état de la valeur nette ” faisant état d'une “ hypothèse selon laquelle il y a eu augmentation de 10 % ” de la valeur des biens pour 1993 et 1994 et l'annexe II fait état d'une augmentation de la valeur nette pour 1993 et 1994. Selon l'annexe III, la valeur nette arrondie est de 300 000 $ pour chacune des années 1993 et 1994, et l'annexe IV est un “ État des dépenses personnelles ” faisant état de dépenses de 40 727 $ pour 1993 et 1994 respectivement.

[4]           Interrogatoire préalable de Walter Ko, 21 février 2000, question no 76.

[5]           Ibid., réponse à la question no 77.

[6]           Ibid., questions et réponses nos 84 à 123.

[7]           Observations écrites produites.

[8]           Morrow c. M.R.N., C.A.F., no A-245-89, 30 juin 1992, à la page 4 ([1992] 2 C.T.C. 110, à la page 112).

[9]               Martin c. R., C.C.I., no 97-3756(IT)I, 10 novembre 1999 (1999 CarswellNat 2293).

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