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Date: 20000410

Dossiers: 98-902-UI; 98-904-UI; 98-140-CPP; 98-142-CPP; 98-903-UI; 98-141-CPP; 98-905-UI; 98-143-CPP

ENTRE :

CHARLES R. CAPELLO, ACE OF HEARTS GAMES AND SOCIAL CLUB, SOUTHSIDE GAMES AND SOCIAL CLUB,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1] Les huit présents appels ont été entendus sur preuve commune avec le consentement des parties à Edmonton, en Alberta, le 17 juin 1999.

[2] La décision dans la présente affaire a été différée en attendant l'issue d'un appel interjeté par l'appelante, Southside Games & Social Club, auprès de la Cour d'appel de l'Alberta à l'encontre de sa condamnation pour avoir “ tenu une maison de jeu en violation du paragraphe 201(1) du Code criminel ”. La condamnation constituait une considération pertinente puisqu'elle pouvait empêcher les appelants d'avoir gain de cause dans les présents appels. Le 25 janvier 2000, la Cour d'appel de l'Alberta a accueilli l'appel, a annulé la condamnation et a ordonné la tenue d'un nouveau procès. Par la suite, le 8 février 2000, le procureur de la Couronne provincial a demandé un sursis de l'instance au nom du procureur général de l'Alberta, dont une copie a été déposée devant cette cour le 15 février 2000. Par conséquent, il n'existe en ce moment aucune condamnation en vertu du Code criminel et aucune une autre procédure criminelle n'est envisagée dans la présente affaire.

[3] Les appels devant cette cour portent sur les décisions du ministre du Revenu national (ci-après appelé le “ ministre ”) selon lesquelles l'emploi de l'appelant, Charles R. Cappello, auprès de chacun des clubs en question n'ouvrait pas droit à pension en vertu du Régime de pensions du Canada (le “ Régime ”) ni n'était assurable en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi. L'emploi en question était exercé :

a) auprès de Southside Games & Social Club (“ Southside ”) du 1er décembre 1996 au 12 février 1997;

b) auprès d'Ace of Hearts Games & Social Club, du 1er avril 1997 au 22 septembre 1997.

La raison donnée dans chacune des affaires était la suivante :

[TRADUCTION]

Vous [Charles R. Cappello] n'étiez pas employé en vertu d'un contrat de louage de services et par conséquent n'étiez pas un employé.

Les décisions auraient été prises conformément à l'alinéa 27a) du Régime et à l'article 93 de la Loi sur l'assurance-emploi et seraient fondées sur les alinéas 6(1)a) du Régime et 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi respectivement.

[4] Les faits pertinents révèlent que, pendant les périodes en question, l'appelant Charles R. Cappello (“ M. Cappello ”) et d'autres personnes ont mis sur pied et exploité les deux amicales pendant les périodes de temps respectives dans le but de jouer aux cartes et à des jeux d'adresse et de hasard, en particulier le poker. M. Cappello, en plus de sa participation à la mise sur pied et à l'exploitation de ces clubs, travaillait en tant que préposé pour chacun des clubs pendant les périodes de temps en question, activité pour laquelle il était payé 12 $ l'heure. L'avocate du ministre ne conteste pas qu'il a effectué le travail ni qu'il a été payé 12 $ l'heure.

[5] La position du ministre dans les décisions initiales reposait sur la prémisse selon laquelle l'activité exercée dans les clubs était illégale, que M. Cappello et chacun des clubs ne pouvaient conclure de contrat juridiquement valable de louage de services et par conséquent qu'il n'y avait pas de tel contrat. L'avocate du ministre s'est appuyée dans une large mesure pour cette proposition sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Still c. M.R.N., [1998] 1 C.F. 549 (222 N.R. 127). Le fondement factuel de cette proposition était la condamnation, qui est maintenant annulée. De plus, au moment de l'audition de ces appels, l'avocate du ministre a soutenu qu'abstraction faite de la condamnation criminelle, l'activité était illégale en vertu de la Gaming and Liquor Act (Alberta), R.S.A. G-05 et que, par conséquent, les mêmes considérations s'appliquaient.

[6] Dans la réponse à l'avis d'appel, l'avocate du sous-procureur général du Canada, agissant au nom du ministre, a en outre fait valoir que M. Cappello et chacun des deux clubs, Southside and Ace of Hearts respectivement, ne traitaient pas les uns avec les autres comme des parties n'ayant pas de lien de dépendance. Cette question n'a pas été soulevée par le ministre dans ses décisions initiales, et aucune hypothèse de fait n'en fait mention. Toutefois, l'avocate soutient que, puisqu'il s'agit d'un appel de novo, je devrais examiner toute la preuve ainsi que cette question. Je reconnais que je devrais le faire dans la mesure où la preuve me le permet.

[7] La question qui doit alors être décidée est double :

a) d'une part, il s'agit de savoir si le contrat de travail de M. Cappello était illégal et par conséquent nul ab initio, ou si, malgré son caractère illégal, il répondait à la définition de l'expression “ emploi assurable ”;

b) d'autre part, il s'agit de savoir si M. Cappello traitait avec l'un des clubs ou les deux comme deux parties sans lien de dépendance.

Les faits

[8] Les faits dans le cas des deux périodes de temps en ce qui a trait aux deux amicales sont fondamentalement les mêmes. Dans le cas des appels liés au club Southside, les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre se serait appuyé sont les suivantes :

[TRADUCTION]

7a) l'appelante a exploité une amicale du 1er décembre 1996 au 12 février 1997;

b) M. Cappello, avec d'autres personnes, a mis sur pied l'amicale et l'a exploitée du 1er décembre 1996 au 12 février 1997;

c) l'amicale était un lieu où l'on jouait aux cartes et à des jeux d'adresse et de hasard;

d) l'amicale était une maison de jeu au sens de l'article 197 du Code criminel, L.R.C., 1985 chap. C-34;

e) ni M. Capello, ni l'appelante, ni les autres personnes associées à l'amicale n'étaient autorisés par la Alberta Gaming Commission à exploiter un établissement de jeu;

f) l'appelante et M. Cappello ont été reconnus coupables par la Cour du banc de la Reine de la province de l'Alberta d'avoir tenu une maison de jeu;

g) les activités exercées à l'amicale étaient illégales;

h) M. Cappello et l'appelante n'étaient pas parties à un contrat de louage de services à l'égard de l'une des activités illégales exercées par M. Cappello et d'autres personnes à l'amicale.

[9] Dans le cas des appels liés au club Ace of Hearts, les hypothèses sont les suivantes :

[TRADUCTION]

7a) l'appelante a exploité une amicale du 1er avril 1997 au 22 septembre 1997;

b) M. Cappello, avec d'autres personnes, a mis sur pied l'amicale et l'a exploitée du 1er avril 1997 au 22 septembre 1997;

c) M. Cappello, avec d'autres personnes, a mis sur pied une amicale appelée Southside Games and Social Club et l'a exploitée du 1er décembre 1996 au 12 février 1997;

d) les mêmes activités ont été exercées par l'appelante du 1er avril 1997 au 22 septembre 1997 et par Southside Games and Social Club du 1er décembre 1996 au 12 février 1997;

e) les amicales étaient des lieux où l'on jouait aux cartes et à des jeux d'adresse et de hasard;

f) ni l'appelante, ni M. Cappello, ni les autres personnes associées à l'amicale n'étaient autorisés par la Alberta Gaming Commission à exploiter un établissement de jeu;

g) les activités exercées par l'appelante à l'amicale étaient illégales;

h) M. Cappello et l'appelante n'étaient pas parties à un contrat de louage de services à l'égard de l'une des activités illégales exercées par M. Cappello et les autres personnes à l'amicale.

[10] M. Cappello a témoigné en son propre nom et au nom des deux amicales. Il a admis, à l'égard des hypothèses relatives au club Southside, les alinéas 7a), b), c), e), f) (condamnation maintenant annulée) et il a nié les alinéas d), g) et h). Il a également nié la conclusion présentée au paragraphe 8 selon laquelle lui et le club Southside ne traitaient pas l'un avec l'autre comme des parties sans lien de dépendance.

[11] À l'égard des hypothèses de fait concernant le club Ace of Hearts, il a admis les alinéas 7a), b), c), d), e) et f), mais il a nié l'alinéa g), qui constitue à la fois une question de fait et de droit, et l'alinéa h). Encore une fois, il a nié la conclusion du paragraphe 8 selon laquelle lui et le club Ace of Hearts ne traitaient pas l'un avec l'autre comme des parties sans lien de dépendance.

[12] La preuve offerte par M. Cappello constituait le seul témoignage de vive voix présenté devant moi. Il est reconnu qu'il n'y a pas de condamnation en vertu du Code criminel et que, selon toute vraisemblance, il n'y en aura pas. Cela ne signifie pas que les activités étaient nécessairement licites en ce qu'elles n'étaient pas contraires aux dispositions du Code criminel ou de la Gaming and Liquor Act (Alberta), mais simplement qu'une telle proposition n'a pas été établie de façon irréfutable devant un tribunal criminel. Le ministre a fondé ses hypothèses de fait sur une telle condamnation. Comme cette condamnation n'existe plus, je dois examiner la question de savoir si la conclusion du ministre, soit que l'activité était illégale, est fondée sur la preuve présentée devant cette cour. Sans le témoignage de l'appelant, M. Cappello, il n'y aurait pas de preuve et la proposition selon laquelle les activités étaient illégales ne serait pas du tout fondée. D'autre part, j'aurais à accepter l'hypothèse de fait telle qu'elle est présentée. Ce que je souhaite faire remarquer, c'est que maintenant il n'y a pas de preuve pour contredire celle offerte par M. Cappello.

[13] L'une des difficultés à laquelle est confrontée cette cour réside dans le fait qu'il n'existait qu'un nombre limité d'éléments de preuve et d'arguments sur le sujet, la Cour et les parties étant d'avis que la question serait décidée de manière irréfutable devant la cour d'appel de la province. Maintenant, cette cour se trouve de nouveau directement saisie de cet aspect de la question.

[14] M. Cappello a affirmé avec conviction au cours de son témoignage que le but initial de la mise sur pied du club Southside était de créer un lieu où lui et un certain nombre d'autres personnes pourraient jouer aux cartes, notamment au poker, à des mises très raisonnables. Il a affirmé qu'il n'existait pas de frais pour jouer, bien qu'il y eût des droits d'adhésion relativement faibles. Il y a eu jusqu'à 400 membres à un moment particulier. Selon l'usage, lorsque quelqu'un avait des gains, cette personne faisait une contribution volontaire au club d'au moins 1 $. Selon son témoignage, personne n'était obligé de le faire et il insista sur ce point. Toutefois, il arrivait souvent qu'un gagnant donnait plus que 1 $. Le club était ouvert 24 heures sur 24, et un montant d'environ 30 $ par heure était reçu par le club de cette manière.

[15] La police ainsi que la commission des jeux provinciale ont effectué une descente au club Southside en février 1997 et ont saisi tout l'équipement, tout l'argent et tous les biens. Une accusation a été portée contre le club qui a finalement été poursuivi sans succès.

Légalité de l'emploi

[16] Il est évident que ni le club ni M. Cappello ne détenait de permis en vertu de la Gaming and Liquor Act (Alberta). Par conséquent, deux questions se posent : d'abord, celle de savoir si les activités étaient illégales en vertu de l'article 197 du Code criminel, et deuxièmement, celle de savoir si ces activités contrevenaient à la loi provinciale. Ce n'est que lorsque je serai convaincu de l'existence de l'un ou l'autre de ces deux événements que je devrai continuer à examiner la question de savoir si la proposition juridique énoncée dans l'arrêt Still v. M.N.R. (ci-dessus) s'applique en l'espèce.

[17] Je remarque que, même si à n'en pas douter un nombre considérable d'éléments de preuve a été déposé devant la Cour provinciale de l'Alberta au moment du procès initial et devant la Cour d'appel de l'Alberta à l'étape de l'appel, le juge d'appel McFadyen a affirmé ce qui suit :

[TRADUCTION]

[1] Ayant examiné l'argument de l'avocat en l'espèce, nous sommes convaincus qu'un nouveau procès est nécessaire pour les trois chefs.

[2] À notre avis, la méprise faite par le juge du procès relativement à la preuve liée aux bénéfices non répartis dans le compte bancaire peut avoir teinté ses conclusions sur la question du caractère volontaire des donations, laquelle était pertinente pour les deux autres comptes.

[3] Nous ne formulons aucun commentaire à ce moment-ci sur toute question concernant l'interprétation correcte des dispositions législatives.

[18] Manifestement, selon ce jugement, la question du caractère volontaire des donations constituait un point essentiel de la condamnation. Le ministère public a choisi de ne pas poursuivre l'affaire. La Cour d'appel possédait de toute évidence suffisamment de réserves sur ce point l'empêchant de confirmer la condamnation. Selon le témoignage de M. Cappello, les donations étaient entièrement volontaires. Je ne peux parvenir à la conclusion, dans ces circonstances, selon laquelle l'activité était illégale parce qu'elle contrevenait au Code criminel. Rien dans la preuve qui m'a été présentée dans de telles circonstances ne peut m'amener à établir cette conclusion.

[19] La deuxième question, alors, est celle de savoir si les activités contrevenaient aux dispositions de la Gaming and Liquor Act(Alberta). L'avocate du ministre m'a renvoyé au paragraphe 36(1) de cette Loi. Il est ainsi formulé :

[TRADUCTION]

36(1) Aucune personne ne peut mettre sur pied ou exploiter une activité de jeu à moins que

a) la personne détienne un permis de jeu autorisant l'activité;

b) l'activité de jeu ait lieu dans une installation autorisée si la Commission prévoit dans ses politiques ou dans le permis de jeu que l'activité de jeu ne peut avoir lieu que dans une installation autorisée.

“ Activité de jeu ” signifie, conformément à l'alinéa 1(1)h) de la Loi :

[TRADUCTION]

1(1)h) “ activité de jeu ” Loterie mentionnée aux alinéas 207(1)b), c), d) ou f) du Code criminel (Canada);

[20] Par conséquent, il faut de nouveau d'examiner les dispositions de l'article 207 du Code criminel. Elles sont ainsi formulées en partie :

207(1)

[...]

b) un organisme de charité ou un organisme religieux peut, en vertu d'une licence délivrée par le lieutenant-gouverneur en conseil d'une province ou par la personne ou l'autorité qu'il désigne, mettre sur pied et exploiter une loterie dans la province si le produit de la loterie est utilisé à des fins charitables ou religieuses;

c) le conseil d'une foire ou d'une exposition, ou l'exploitant d'une concession louée auprès du conseil peut mettre sur pied et exploiter une loterie dans une province si le lieutenant-gouverneur en conseil de la province ou la personne ou l'autorité qu'il désigne a, à la fois :

(i) désigné cette foire ou cette exposition comme l'une de celles où une loterie pouvait être mise sur pied et exploitée,

(ii) délivré une licence de mise sur pied et d'exploitation d'une loterie à ce conseil ou à cet exploitant;

d) toute personne peut, en vertu d'une licence délivrée par le lieutenant-gouverneur en conseil d'une province ou par la personne ou l'autorité qu'il désigne, mettre sur pied et exploiter une loterie dans un lieu d'amusement public de la province si :

(i) le montant ou la valeur de chaque prix attribué ne dépasse pas cinq cents dollars,

(ii) le montant ou la contrepartie versée pour obtenir une chance de gagner un prix ne dépasse pas deux dollars;

[...]

f) toute personne peut, en vertu d'une licence délivrée par le lieutenant-gouverneur en conseil d'une province ou la personne ou l'autorité qu'il désigne, mettre sur pied et exploiter dans la province une loterie autorisée dans au moins une autre province à la condition que l'autorité qui a autorisé la loterie dans la première province y consente;

[...]

[21] Le mot “ loterie ” est défini comme :

(4) [Loterie] Pour l'application du présent article, “ loterie ” s'entend des jeux, moyens, systèmes, dispositifs ou opérations mentionnés aux alinéas 206(1)a) à g), qu'ils soient ou non associés au pari, à la vente d'une mise collective ou à des paris collectifs, à l'exception de ce qui suit : [...]

[22] Je remarque que la loi provinciale n'interdit pas en soi la mise sur pied ou l'exploitation sans permis d'une “ loterie ” telle qu'elle est définie à l'article 207 du Code criminel. Si elle l'avait fait, elle l'aurait sans aucun doute prévu explicitement. Cela, de toute évidence encore une fois, aurait été incompatible avec les dispositions du Code criminel et aurait été inconstitutionnel puisqu'une telle disposition se situerait en dehors des pouvoirs de l'assemblée législative de la province. La loi ne fait qu'interdire la mise sur pied ou l'exploitation de loteries visées aux alinéas 207(1)b), c), d) ou f) du Code criminel sans le permis approprié. Il s'agit d'exceptions très particulières aux interdictions générales contenues au Code criminel concernant les “ loteries ” qui peuvent être autorisées par la province.

[23] Vues sous cet angle, les activités des clubs Southside et Ace of Hearts ne sont pas visées par les dispositions des alinéas 207(1)b), c), d) ou f), qui portent respectivement sur les activités menées par b) un organisme de charité ou un organisme religieux, c) une foire ou une exposition, dans d) un lieu d'amusement public ou par f) une loterie interprovinciale.

[24] Le simple fait est que s'il s'agissait d'une activité illégale en vertu du Code criminel, cette activité ne pouvait être autorisée par la province à moins d'être visée par l'une de ces exceptions. À moins d'être visée par l'une de ces exceptions, il ne s'agissait pas d'une “ activité de jeu ” en vertu de la loi provinciale. Puisqu'elle n'était pas visée en réalité par l'une de ces exceptions, il ne s'agissait pas d'une “ activité de jeu ” et elle n'avait donc pas à être autorisée par la loi provinciale. À son tour, l'activité n'était par conséquent pas exercée en contravention de la loi provinciale.

[25] J'ai, bien entendu, déjà conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir que l'activité était exercée en contravention du Code criminel. Par conséquent, je conclus qu'il n'y a pas d'éléments de preuve en vertu desquels la Cour peut décider que l'activité était illégale comme l'a déclaré le ministre. J'en viens à la même conclusion à cet égard relativement aux activités des clubs Southside et Ace of Hearts.

Le droit lié au lien de dépendance

[26] Dans le régime établi en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, le législateur a prévu que certains emplois seraient assurables, c'est-à-dire qu'ils donneraient lieu au versement de prestations au moment de la cessation, et que d'autres ne seraient pas inclus et ne donneraient pas droit, au moment de la cessation, à des prestations. Un arrangement conclu par des personnes traitant l'une avec l'autre comme des personnes ayant un lien de dépendance est exclu. Il est bien clair que l'objet de cette loi est d'empêcher que, dans le cadre du système, on doive verser une multitude de prestations fondées sur des contrats de travail artificiels ou fictifs.

[27] L'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'assurance-emploi est ainsi formulé en anglais :

5(2)(i) Insurable employment does not include ... employment if the employer et employee are not dealing with each other at arm's length.

En français, cet alinéa est ainsi rédigé :

5(2)i) N'est pas un emploi assurable [...] l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

[28] L'alinéa 5(3)a) de la Loi sur l'assurance-emploi est ainsi formulé en anglais :

(a) the question of whether persons are not dealing with each other at arm's length shall be determined in accordance with the Income Tax Act.

En français, cet alinéa est ainsi rédigé :

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu.

[29] L'alinéa 251(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu est ainsi formulé en anglais :

it is a question of fact whether persons not related to each other were at a particular time dealing with each other at arm's length.

[Les caractères gras sont de moi.]

En français, cet alinéa est ainsi rédigé:

la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'avaient aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait.

[Les caractères gras sont de moi.]

[30] Bien que la Loi de l'impôt sur le revenu spécifie que la question de savoir si des personnes traitaient l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance à un moment donné est une question de fait, cette question factuelle doit être tranchée dans le cadre du droit et est en réalité une question mixte de fait et de droit : voir la décision rendue par le juge Bowman, de la C.C.I., dans l'affaire RMM Canadian Enterprises c. La Reine, C.C.I., no 94-1732(IT)G, 10 avril 1997 (97 DTC 302).

[31] Le sens de l'expression “ arm's length ” [lien de dépendance] a été l'objet de nombreux examens judiciaires au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays du Commonwealth, comme l'Australie, dont les lois fiscales renferment un libellé semblable. Dans la mesure où l'expression a été utilisée dans des affaires de fiducie et de succession, cette jurisprudence n'a pas été utilisée au Canada pour l'interprétation de lois fiscales : voir la décision rendue par le juge Locke dans l'affaire M.N.R. v. Sheldon's Engineering, Ltd., 55 DTC 1110.

[32] Dans l'examen de la signification de l'expression “ lien de dépendance ”, il ne faut pas perdre de vue les termes de la version anglaise de la Loi de l'impôt sur le revenu que j'ai précédemment indiqués en caractères gras, soit “ were at a particular time dealing witheach other at arm's length ” [qui désignent le fait, pour des parties, de traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance à un moment donné]. Comme le fait remarquer le juge Bowman, de la C.C.I., dans l'affaire RMM, précitée, au Canada, la jurisprudence a eu tendance à insister sur la nature de la relation plutôt que sur la nature des opérations. Je ne suis pas certain que, vu l'inclusion de ces termes dans la version anglaise de la Loi de l'impôt sur le revenu, cette approche soit nécessairement la seule qui doive être adoptée, car procéder de la sorte, c'est faire fi de ces termes plutôt pertinents auxquels une signification doit assurément être attribuée. Cette évolution tient peut-être aux situations factuelles considérées dans un certain nombre d'arrêts faisant autorité au Canada. En général, il s'agissait d'une seule personne (morale ou physique) qui contrôlait les deux parties à une opération particulière. Ainsi, bien que l'opération ait pu s'apparenter à une opération commerciale ordinaire conclue par des personnes sans lien de dépendance, en soi, cela n'a pas été suffisant pour que l'opération soit jugée comme n'entrant pas dans la catégorie des opérations conclues par des personnes ayant entre elles un lien de dépendance : voir par exemple l'affaire Swiss Bank c. M.R.N., [1974] R.C.S. 1144 (72 DTC 6470).

[33] En fait, ce que disent ces jugements, c'est que si une personne transfère de l'argent d'une de ses poches dans l'autre, même si elle le fait d'une façon qui est compatible avec une opération commerciale ordinaire, elle traite néanmoins avec elle-même, et l'opération demeure de par sa nature une opération entre des personnes ayant entre elles un “ lien de dépendance ”.

[34] Cependant, le simple fait que ces arrêts faisant autorité comportaient de telles situations factuelles ne signifie pas que des personnes ayant habituellement un lien de dépendance ne peuvent en fait traiter l'une avec l'autre à un moment donné comme des personnes sans lien de dépendance, pas plus que cela ne signifie que des personnes n'ayant ordinairement aucun lien de dépendance ne pourraient de temps à autre traiter l'une avec l'autre comme des personnes ayant un lien de dépendance. Ces arrêts sont tout simplement des exemples de ce que n'est pas une relation entre des personnes sans lien de dépendance; ils ne définissent pas en termes positifs ce qu'est une opération entre des personnes sans lien de dépendance. Ainsi, au bout du compte, tous les faits doivent être pris en considération, et tous les critères ou tests pertinents énoncés dans la jurisprudence doivent être appliqués.

[35] La notion de “ lien de dépendance ” a été examinée par le juge Bonner, de la C.C.I., dans l'affaire McNichol c. La Reine, C.C.I., no 94-1577(IT)G, 17 janvier 1997, aux pages 13,14 et 15 (97 DTC 111, aux pages 117 et 118) dans laquelle il examinait la notion de la manière suivante :

On utilise communément trois critères pour déterminer si les parties à une opération ont entre elles un lien de dépendance. Il s'agit des critères suivants :

a) l'existence d'une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,

b) les parties à une transaction agissent de concert et n'ont pas d'intérêts distincts, et

c) le contrôle “ de facto ” (réel).

[...]

En second lieu, la décision que le juge Cattanach a rendue dans l'affaire M.N.R. v. T R Merritt Estate est également utile. Aux pages 5165-5166, voici ce que le juge a dit :

[TRADUCTION]

Selon moi, le principe fondamental sur lequel se fonde la présente analyse est le suivant : lorsque les négociations menées au nom de chacune des deux parties au contrat sont en fait dirigées par le même “ cerveau ”, on ne peut dire que les parties traitent à distance. En d'autres termes, lorsque la preuve révèle que la même personne “ dictait ” les “ conditions de la transaction ” au nom de chacune des deux parties, on ne peut dire que les parties traitaient à distance.

[...]

Enfin, il est à noter que l'existence d'une relation sans lien de dépendance est exclue si l'une des parties à l'opération en cause exerce un contrôle de fait sur l'autre. À cet égard, on peut mentionner la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Robson Leather Company Ltd. v. M.N.R., 77 DTC 5106.

[36] Cette approche a également été adoptée par le juge Cullen dans l'arrêt Peter Cundill & Associates Ltd. c. La Reine, C.F., 1re inst., no T-2656-89, 14 janvier 1991, à la page 12 ([1991] 1 C.T.C. 197, à la page 203) dans lequel il disait :

La question de savoir si les parties en l'espèce n'avaient aucun lien de dépendance est une question qui doit être examinée selon les propres faits particuliers de l'affaire.

[37] Bon nombre de ces décisions, comme je l'ai dit, sont fondées sur la relation existant entre les parties, ce qui a été déterminé comme étant absolument concluant. On y trouve peu d'indications claires quant à la nature de l'opération ou de la transaction elle-même. Cette question a toutefois été abordée, bien succinctement, par la Cour fédérale d'Australie dans l'arrêt The Trustee for the Estate of the late AW Furse No 5 Will Trust v. FC of T, 91 ATC 4007/21 ATR 1123. En examinant des dispositions législatives de ce pays qui sont similaires aux nôtres, le juge Hill disait :

[TRADUCTION]

En ce qui a trait au problème en cause, il y a deux questions à trancher en vertu du paragraphe 102AG(3). La première est de savoir si les parties à la convention en question traitaient l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance dans le cadre de cette convention. La seconde est de savoir si le montant du revenu imposable en cause est supérieur au montant mentionné dans le paragraphe comme étant le “ montant visé par le lien de dépendance ”.

On ne doit pas trancher la première des deux questions uniquement en déterminant si les parties à la convention pertinente n'avaient entre elles aucun lien de dépendance. Dans ce paragraphe, l'insistance est plutôt mise sur la question de savoir si ces parties, dans le cadre de la convention, traitaient l'une avec l'autre comme le feraient des personnes sans lien de dépendance. Le fait que les parties elles-mêmes aient un lien de dépendance ne signifie pas qu'elles ne peuvent, à l'égard d'une opération particulière, traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance. Ce qui ne veut pas dire que la relation entre les parties n'est pas pertinente par rapport à la question à trancher en vertu du paragraphe. [...]

[Le soulignement et les italiques sont de moi.]

[38] Le juge Bowman, de la C.C.I., a fait allusion à ce type de situation dans l'affaire RMM, précitée, aux pages 23 et 24 (DTC, à la page 311) :

Je ne crois pas que, dans tous les cas, du simple fait qu'une relation mandant-mandataire existe entre des personnes, ces dernières ont nécessairement entre elles un lien de dépendance au sens de la Loi. Je ne crois pas non plus que si l'on retient les services de quelqu'un pour accomplir une tâche particulière et qu'on verse à cette personne une rémunération pour fournir le service, cela veut nécessairement dire qu'une relation dans laquelle il y a un lien de dépendance est créée. Ainsi, le procureur qui représente un client dans une opération peut bien être le mandataire de celui-ci, mais je ne crois pas que cela veuille nécessairement dire que ces personnes ont entre elles un lien de dépendance.

Le concept du lien de dépendance a évolué. [...]

[39] En Écosse, dans l'affaire Inland Revenue Commissioners v. Spencer-Nairn, 1991 SLT 594 (entendue devant un tribunal appelé “ court of Sessions ”), les lords juges écossais examinaient une affaire dans laquelle les parties avaient un lien de dépendance. Ils formulaient des observations favorables sur l'approche adoptée par Whiteman dans l'ouvrage intitulé Capital Gains Tax (4e éd.), dans lequel l'auteur disait que deux questions devaient être prises en considération relativement à la notion de “ lien de dépendance ”. Il s'agissait premièrement de savoir si chacune des parties avait accès à un représentant distinct ou à un représentant professionnel et deuxièmement, ce qui est peut-être plus pertinent aux fins de la situation considérée en l'espèce, si de véritables négociations ont eu lieu.

[40] Aux États-Unis, la notion de “ lien de dépendance ” a été définie comme suit dans l'affaire Campana Corporation v. Harrison (7 Circ; 1940) 114 Fed 400, 25 AFTR 648 :

[TRADUCTION]

[...] une vente entre parties sans lien de dépendance comporte l'idée d'une vente entre parties ayant des intérêts économiques contraires.

[41] Dans l'affaire Campbell et M.R.N. (96-2467(UI) et (96-2468(Ul)), j'avais traité de ces jugements, ainsi que des principes qui y sont énoncés. J'adopte tout ce que j'avais dit dans cette affaire.

[42] En définitive, il me semble que la meilleure façon de décrire ce qu'on entend par les termes anglais “ dealing at arm's length ” [traiter avec quelqu'un comme des personnes sans lien de dépendance] est de donner un exemple. Disons que deux commerçants, deux étrangers, sur le marché qui négocient ensemble, l'un pour obtenir le meilleur prix possible pour ses produits ou services, l'autre pour avoir le plus grand nombre possible ou la meilleure qualité possible de produits ou de services; ces personnes, dirait-on, traitaient l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance. Toutefois, si ces deux personnes, des étrangers, agissaient dans l'intérêt sous-jacent d'une aide mutuelle ou d'une façon différente de celle dont on traiterait avec un étranger ou si leur intérêt était de conclure une opération factice pour parvenir conjointement à un résultat ou obtenir d'un tiers quelque chose qu'elles n'auraient pu par ailleurs avoir sur le marché libre, ces personnes, dirait-on, ne traitaient pas l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance.

[43] Si la relation elle-même (encore là, il faut se rappeler que la version anglaise de la Loi ne dit pas “ where they are in a non-arm's length relationship ”, soit le fait, pour deux parties, d'être dans une relation où elles ont un lien de dépendance; elle dit “ where they are not dealing with each other at arm's length ”, soit le fait pour deux parties de ne pas traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance) est telle qu'une partie est sensiblement en mesure de contrôler ou d'influencer l'autre ou d'exercer un pouvoir sur l'autre ou que les deux parties ont une relation dans laquelle elles fonctionnent ou dirigent leur entreprise très étroitement, par exemple s'il s'agit d'amis, de parents ou d'associés en affaires, sans aucune preuve claire du contraire, la Cour pourrait bien conclure que les parties ne traitaient pas l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance. Toutefois, cela ne signifie pas que les parties ne peuvent réfuter cette conclusion. On doit cependant à mon avis faire une distinction entre la relation et l'opération. Les parties qui sont dans ce qu'on pourrait appeler une “ relation où elles ont un lien de dépendance ” peuvent assurément traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance dans les circonstances appropriées, tout comme deux étrangers peuvent, dans certaines circonstances, s'associer et ainsi ne pas traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance.

[44] En définitive, s'il y a un doute dans l'interprétation à donner de ces termes, je ne puis que me fonder sur les propos tenus par Mme le juge Wilson dans l'affaire Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1 R.C.S., à la page 10 :

Puisque le but général de la Loi est de procurer des prestations aux chômeurs, je préfère opter pour une interprétation libérale des dispositions relatives à la réadmissibilité aux prestations. Je crois que tout doute découlant de l'ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur du prestataire.

[45] Au bout du compte, on en revient aux deux commerçants, aux deux étrangers, qui font des affaires sur le marché. La question pertinente est de savoir si le même genre d'indépendance d'esprit, d'indépendance quant aux objectifs, d'intérêts économiques contraires et de véritables négociations caractérisaient les opérations en cause, comme on pourrait s'y attendre dans cette situation commerciale. Si, sur la foi de l'ensemble de la preuve, tel est le genre d'opération ou de transaction qui a eu lieu, la Cour peut conclure que les parties traitaient l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance. Si un de ces éléments était absent, ce serait l'inverse.

Faits associés au lien de dépendance

[46] Les faits sur lesquels cet aspect de la décision doit s'appuyer sont une combinaison d'hypothèses de fait (présentées ci-dessus) sur lesquelles le ministre aurait fondé ses décisions, ainsi que le témoignage de l'appelant M. Cappello.

[47] M. Cappello a indiqué dans son témoignage qu'auparavant lui et un certain nombre d'autres personnes jouaient surtout au poker dans des casinos. Toutefois, lorsque ces derniers ont augmenté le coût du jeu de 3 $ à 5 $, M. Cappello et ses amis se sont réunis et ont mis sur pied une société sans but lucratif afin de pouvoir jouer à un coût raisonnable.

[48] Il n'est pas contesté qu'il existait une société enregistrée, Southside, qui avait été constituée en personne morale en vertu des lois de l'Alberta. Cette société a été en exploitation pendant deux mois et douze jours avant d'être fermée, comme je l'ai souligné ci-dessus. Cette société semble avoir été par la suite rayée du registre des sociétés.

[49] Après la descente, le groupe de personnes ont constitué une nouvelle société qui a repris les opérations existantes d'une troisième société et ont recommencé. M. Cappello a affirmé que dans les deux clubs, il était l'un des “ préposés ” et que c'était son emploi. Il a dit que parmi ses fonctions il répondait au téléphone, faisait du café, faisait le ménage, vendait des jetons et les rachetait et conservait une liste des joueurs qui souhaitaient jouer. En général, ses fonctions consistaient à faire fonctionner l'endroit pendant un quart de travail, et il était payé 12 $ l'heure.

[50] Il n'est pas contesté qu'il a réellement rempli ces fonctions pour ce salaire.

[51] Le club Ace of Hearts avait un conseil d'administration. M. Cappello a affirmé qu'il ne croyait pas être membre de ce conseil en raison de la procédure en cours contre le club Southside. Toutefois, il a reconnu qu'il était le secrétaire-trésorier de l'organisation et qu'il tenait les registres.

[52] Il a déclaré que le conseil lui avait demandé de travailler là-bas en tant que préposé. Il était payé par chèque par Comcheque, une filiale de la CIBC, et que toutes les déductions régulières pour l'impôt, du Régime de pensions du Canada et les cotisations à l'assurance-chômage étaient effectuées.

[53] Le club a été en exploitation pendant environ six mois. Il y avait huit ou neuf employés au total puisqu'il fonctionnait tous les jours 24 heures sur 24.

[54] Il a déclaré que tous les administrateurs, sauf un, étaient également employés afin d'exploiter le club, mais qu'il y avait d'autres employés qui n'étaient pas administrateurs.

[55] En ce qui a trait à Southside, il a affirmé qu'il y avait trois ou quatre autres employés en plus des personnes qui avaient mis la société sur pied.

[56] Il a déclaré que les quarts de travail étaient organisés par le conseil d'administration et non par lui-même.

[57] Il a reconnu être la personne qui remplissait les formulaires et les présentait pour la constitution des sociétés en personnes morales.

[58] M. Capello a également affirmé avoir prêté de l'argent au club Southside, mais non à celui d'Ace of Hearts, soit un montant de 5 000 $ ou de 6 000 $. Il a reconnu qu'il était un administrateur de Southside et qu'il pouvait se prononcer sur la manière dont les activités étaient menées. Après réflexion, il croyait qu'il pouvait avoir été président de Southside. Il a contesté le fait qu'il contrôlait les deux sociétés et a fait remarquer que le montant de 12 $ l'heure qu'il recevait constituait la norme dans l'industrie. Il était fondé de pouvoir en tant que l'un des deux signataires du compte bancaire du club Southside, mais non du club Ace of Hearts.

[59] Ces éléments, comme j'ai été en mesure de l'établir, constituent les faits essentiels. Je n'ai aucun motif de mettre en doute le témoignage de M. Cappello. Il m'est apparu être une personne fondamentalement honnête. Il avait le sentiment d'avoir été maltraité puisqu'il croyait fermement que ce qui avait lieu était légal et légitime. Bien que le jeu puisse parfois amener une personne en eaux troubles, en l'espèce, je considère que M. Cappello est un témoin parfaitement crédible. Malheureusement, il a été un peu vague quant à l'identité exacte des dirigeants et des administrateurs des deux sociétés à un moment particulier. Néanmoins, je suis convaincu qu'il n'était qu'un parmi tant d'autres et qu'il pouvait facilement être battu aux voix.

[60] Son intérêt économique contraire dans Southside ressort clairement du fait qu'il avait perdu le montant de 5 000 $ ou de 6 000 $ qu'il y avait investi au moment où l'équipement avait été saisi par la commission des jeux.

[61] Il ressort clairement de la preuve à mon avis que le travail qu'il a effectué était très réel. De plus, il n'a reçu que 12 $ l'heure. Il n'avait aucun intérêt dans les sommes supplémentaires générées par les deux clubs, à l'exception du remboursement de son prêt consenti à Southside. Il possédait deux intérêts : d'abord, assurer son emploi et, ensuite, trouver un endroit où il pouvait jouer au poker à une mise raisonnable avec ses amis. Ses intérêts économiques n'étaient pas entremêlés à ceux des sociétés à cet égard. Il ne les contrôlait pas. De plus, il ne s'agissait pas d'une situation dans laquelle il existait une certaine forme d'alter ego. Il n'avait qu'une voix minoritaire.

[62] Je suis convaincu, sur la foi de l'ensemble de la preuve, qu'il s'agissait en effet du type de situation des commerçants sur le marché. Il existait des intérêts économiques distincts, les deux sociétés ainsi que M. Cappello ont traité l'un avec l'autre comme des parties sans lien de dépendance et des volontés distinctes se faisaient face.

Conclusion

[63] En conclusion, je suis convaincu :

a) qu'aucun élément de preuve déposé devant la Cour n'indique que les activités des deux sociétés étaient illégales;

b) que M. Cappello a traité avec chacune des sociétés comme des parties sans lien de dépendance;

c) que l'emploi de l'appelant, M. Cappello, pendant les périodes en question auprès de chacune des sociétés était assurable et ouvrait droit à pension.

[64] En conséquence, tous les appels sont accueillis et les décisions du ministre sont annulées.

Signé à Calgary (Alberta) ce 10e jour d'avril 2000.

“ Michael H. Porter ”

J.S.C.C.I

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de novembre 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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