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Date: 20000526

Dossiers: 1999-4633-EI; 1999-4634-CPP; 1999-4639-EI; 1999-4640-CPP

ENTRE :

VALERIE M. SAUNDERS S/N V.M.S. MANAGEMENT,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET

CAMP WABIKON INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

VALERIE M. SAUNDERSS/N V.M.S. MANAGEMENT,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Weisman, C.C.I.

[1] Valerie M. Saunders (“ Mme Saunders") et Camp Wabikon Inc. (le “ Camp ”) interjettent tous les deux appel à l'encontre de la décision de l'intimé selon laquelle Mme Saunders occupait un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi[1] et de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada[2] alors qu'elle était employée par le Camp entre le 1er janvier 1998 et le 20 avril 1999.

[2] Le Camp offre des expériences de camping d'été pour des enfants de 6 à 17 ans qui viennent à Temagami, en Ontario, de partout autour du monde.

[3] Mme Saunders est responsable de la gestion de la production d'événements artistiques. Elle a enregistré la raison sociale “ V.M.S. Management ” en 1987 dans ce but. Elle organise des excursions nord-américaines pour des groupes jazz européens. Elle a géré des projets de ce genre pour des organisations à but lucratif et à but non lucratif comme le Hospital for Sick Children. Elle est tenue, dans l'exercice de ses fonctions, de publier des annonces dans les journaux étrangers, d'organiser le transport, de recueillir les recettes d'entrée et de payer toutes les dépenses. Elle annonce son entreprise, possède des cartes d'affaires ainsi qu'une ligne téléphonique et de télécopieur. Elle a un exercice financier, un numéro de TPS, un teneur de livres et un comptable. Son bureau, situé dans sa maison, est équipé d'ordinateurs modernes.

[4] Mme Saunders a beaucoup de qualifications dans le domaine des relations publiques et de la direction des affaires. De 1980 à 1984, elle était employée par le Royal Conservatory of Music, à Toronto, en tant que gestionnaire en relations publiques. De 1984 to 1987, elle a travaillé comme entrepreneure indépendante auprès de la station de radio de musique classique, CFMX. Elle s'y occupait des relations publiques, de la promotion artistique et de la gestion artistique. Elle avait la responsabilité de s'assurer que les documents publiés et les budgets étaient préparés d'une manière professionnelle, que la publicité était effectuée d'une façon efficace et que la station était bien administrée. Elle a possédé et exploité une boutique de cadeaux de 1987 à 1989.

[5] En 1989, Mme Saunders a commencé à produire le matériel publicitaire du Camp. En utilisant les compétences acquises au cours de ses projets précédents, elle a participé de plus en plus à la direction des affaires du Camp, à la préparation des contrats du personnel et des guides de camping, à la promotion des ventes, à la publicité et aux relations publiques.

[6] En 1996, Mme Saunders et le Camp ont officialisé leur relation par la rédaction d'un accord écrit. Mme Saunders s'est vue assurer un revenu annuel de 35 000 $ payable en douze versements mensuels égaux, sur production de factures. De plus, elle a reçu quatre semaines de vacances (non cumulatives) et devait travailler 35 heures par semaine en moyenne. Ses fonctions primaires comprenaient la gestion de dossiers de camping, ainsi que de la sollicitation et du transport relatifs au camping. Elle considérait sa participation auprès du Camp comme un long projet d'été semblable à ses projets artistiques en cours.

[7] La question est de savoir si le travail de Mme Saunders pour le Camp faisait partie de ses activités commerciales en gestion de projets artistiques ou si elle était employée en vertu d'un contrat de louage de services par le Camp et exploitait un entreprise dans le domaine artistique dans ses loisirs.

[8] La résolution de cette question nécessite l'application du critère qui est composé de quatre parties intégrantes, établi dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[3] de la manière suivante :

Contrôle :

[9] L'accord écrit entre les parties imposait à Mme Saunders de [TRADUCTION] “ consacrer une période de temps équivalant à celle allouée à un emploi à plein temps, c'est-à-dire cinq jours par semaine, huit heures par jour ”. Mme Saunders a accepté de tenir les dossiers précis de ses heures accumulées de sorte qu'elle puisse être compensée pour les heures supplémentaires et imputées à ses quatre semaines de vacances annuelles non cumulatives. Il devait y avoir un examen du rendement tous les ans.

[10] En raison de la récession de 1997-1998, les revenus du Camp ont diminué. En vertu d'un accord additionnel, les parties ont accepté de réduire de 40 heures les heures travaillées de Mme Saunders au moyen d'une semaine de travail de quatre jours, Mme Saunders ne travaillant plus les vendredi. Ses frais mensuels ont été réduits en conséquence. Des réunions mensuelles entre les parties ont été également demandées.

[11] En plus de ses responsabilités principales en gestion des dossiers, de la sollicitation et du transport en matière de camping, Mme Saunders s'est occupée de toute la publicité du Camp et tenu le bureau du Camp pendant l'été lorsque les propriétaires étaient à Temagami. Elle répondait au téléphone, engageaient et payait les étudiants d'été, percevait les comptes impayés, déposait les chèques et répondait au courrier. On lui avait remis la clé du bureau du Camp qui était situé dans la résidence des propriétaires. Elle agissait également comme directrice de l'organisme caritatif établi par le Camp afin de venir en aide aux enfants démunis. La synchronisation de ses activités était plus dictée par les besoins de l'entreprise de camping que par le Camp. Les dépliants publicitaires et d'information devaient être prêts en temps pour la prochaine saison de camping.

[12] Pour ce qui est de savoir si Mme Saunders devait exercer personnellement ses fonctions, Marcello Bernardo, le directeur du Camp a témoigné qu'il était essentiel, pour s'occuper des campeurs et de leurs parents, de bien connaître les affaires du Camp et de pouvoir inspirer un sentiment de calme et de confiance. En conséquence, seuls lui, son épouse et Mme Saunders se sont vue confier cette responsabilité.

[13] Compte tenu de la preuve, je suis convaincu que Mme Saunders a exercé personnellement toutes ses fonctions essentielles pour le Camp, que la nature et l'étendue de ces tâches allaient bien au-delà de ce qu'on pouvait s'attendre d'un entrepreneur indépendant et que le degré de contrôle exercé par le Camp sur ses heures, ses vacances et son rendement nécessitait un degré de subordination qui était proportionnel au fait qu'elle était une employée.

Instruments de travail :

[14] Mme Saunders possédait un équipement informatique dans sa propre maison qu'elle utilisait pour ses projets artistiques ainsi que pour les besoins du Camp. Elle a également utilisé l'ordinateur et d'autres équipements au bureau du Camp. Elle utilisait son propre véhicule afin de se rendre aux salons professionnels locaux, et le fourgon du Camp était utilisé pour des sorties à l'extérieur de la ville. Le facteur relatif aux instruments de travail produit en conséquence des résultats équivoques.

Le profit et la perte :

[15] Mme Saunders avait une chance de profit et un risque de perte relativement à ses projets artistiques si les revenus excédaient ses dépenses ou y étaient inférieurs. Elle n'a pas eu de telles occasions lors de sa relation avec le Camp. Son revenu était fixe, et on lui remboursait toutes ses dépenses liées au Camp à l'exception de celles relatives à son automobile. Elle devait exercer ses fonctions pour le Camp en personne et ne pouvait travailler pour un autre camp pour des raisons de confidentialité. Le facteur du profit et de la perte indique que Mme Saunders était une employée.

Intégration/organisation :

[16] Si Mme Saunders a intégré les besoins du Camp à son entreprise, cela tend à démontrer qu'elle était une entrepreneure indépendante. Si elle a intégré ses fonctions à l'entreprise du Camp, cela indique qu'elle était une employée. Mme Saunders a exercé certaines fonctions spécialisées pour le Camp semblables à celles comprises dans ses projets artistiques, particulièrement sa production graphique, la publicité faite à la fois ici et en Europe, ainsi que son organisation du transport. Elle a également, toutefois, tenu le bureau du Camp pendant les mois d'été et a exercé les nombreuses fonctions décrites précédemment, qui ne sont pas normalement réservées à un entrepreneur indépendant.

[17] À cet égard, une comparaison de ses sources de revenu est éclairante. En 1998, l'année principale sous étude, son revenu annuel brut provenant de tous ses projets artistiques s'élevaient environ à 6 608,54 $. Sa rémunération provenant du Camp était de 30 690,28 $. Les dépenses totales déclarées dans son état des résultats à des fins d'impôt sur le revenu s'élevaient à 30 128,55 $. Du total, 9 292,53 $ représentaient des frais d'automobile, 1 387,75 $, des frais de repas et de représentation, 1 899,93 $, des frais de bureau, et 3 224,41 $ servaient à payer les services publics.

[18] Bien que je puisse comprendre le souhait de Mme Saunders de déduire ces dépenses de certaines sources de revenu à des fins d'impôt sur le revenu, un examen des fonctions qu'elle a exercées pour le Camp et une comparaison de ses revenus artistiques et de ceux provenant du Camp mènent à la conclusion qu'elle a intégré ses fonctions dans les besoins du Camp et était l'employée de celui-ci.

[19] Bien que l'entreprise de Mme Saunders, qui était une entrepreneure indépendante en gestion de projets artistiques, soit déjà existante et une entreprise véritable, l'application du critère composé de quatre parties intégrantes de l'affaire Wiebe Door mène à la conclusion qu'elle était employée par le Camp en vertu d'un contrat de louage de services pendant la période en question et qu'il s'agissait, en conséquence, d'un emploi assurable et ouvrant droit à pension.

[20] Les appels sont rejetés.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de mai 2000.

“ N. Weisman ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour de novembre 2000.

Benoît Charron, réviseur



[1] L.C. 1996, ch. 23.

[2] L.R.C. 1985, ch. C-8.

[3] [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025).

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