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Date: 20020523

Dossier: 2001-219-IT-I

ENTRE :

MICHEL BOLAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Angers, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels de cotisations qui ont été établies à l'égard des années d'imposition 1993 et 1994 de l'appelant.

[2]            À la suite d'une demande de vérification concernant une société dont l'appelant était actionnaire en 1995, la vérificatrice de Revenu Canada à l'époque, a pris connaissance d'une certaine mise de fonds qu'avait faite l'appelant dans cette société. La vérificatrice voulait en savoir davantage et son travail l'a amenée à vérifier les déclarations de revenus personnelles de l'appelant pour les années 1993, 1994 et 1995. Elle a constaté que les revenus déclarés par l'appelant pour les années en question étaient de beaucoup inférieurs aux déductions qu'il réclamait et que son niveau de vie était supérieur à ce que pouvait lui permettre ses revenus déclarés. La vérificatrice a donc décidé de procéder à une détermination du revenu de l'appelant par la méthode de l'avoir net.

[3]            Avant cette détermination, un projet de cotisation a tout d'abord été préparé et remis à l'appelant. Après que l'appelant eut eu des discussions avec la vérificatrice et avec l'agente des oppositions de l'intimée et leur eut fait des observations, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi, le 27 octobre 2000, de nouvelles cotisations à l'égard des années d'imposition 1993 et 1994 de l'appelant en se fondant sur l'avoir net. Ce sont ces deux années qui font l'objet des présents appels.

[4]            L'appelant est présentement retraité. Durant les années d'imposition en litige, il était homme d'affaires. Il a immigré au Canada en novembre 1984. Originaire de la Suisse, il avait procédé à la liquidation de ses actifs avant son départ, vendant notamment des actions qu'il détenait dans une société connue sous le nom d'Augumi S.A. (ci-après « Augumi » ). Il a décrit Augumi comme un établissement de soir que lui et son épouse géraient. C'est précisément la vente de ses actions dans Augumi qui a soulevé des questions lors de la vérification par les représentants du ministre.

[5]            La vente des actions de l'appelant dans Augumi, selon la pièce I-5, a eu lieu le 30 mai 1984. L'appelant, lors de cette transaction, a accordé un crédit aux acheteurs pour le solde du prix de vente, lequel solde se chiffrait à 275 000 francs suisses. Cette somme devait être remboursée par versements réguliers, le taux annuel d'intérêt étant de 7 p. 100. Les modalités de remboursement n'ont pas été respectées par les acheteurs et, le 12 juin 1991, ces derniers ont procédé à la vente de ces mêmes actions à d'autres acheteurs avec le consentement de l'appelant. À l'occasion de ce deuxième transfert des actions, les parties au contrat ont convenu que le montant de la créance susmentionnée était de 355 088,10 francs suisses au 8 février 1991 et les nouveaux acheteurs en ont pris en charge le remboursement. Un tableau annexé à ce contrat de vente (pièce I-6) nous montre le calcul des intérêts qui ont été ajoutés au montant principal de la première créance pour en arriver au total de 355 088,10 francs suisses dus à l'appelant. Ce contrat prévoyait également un taux annuel d'intérêt de 7 p. 100. Selon l'appelant, les nouveaux acheteurs éprouvaient aussi de la difficulté à le rembourser, mais il reconnaît avoir reçu d'eux la somme de 60 000 francs suisses pour chacune des deux années en litige.

[6]            L'appelant a témoigné qu'il ne s'était jamais vraiment intégré au système fiscal canadien et qu'il s'en remettait donc à ses comptables. Il a déclaré n'avoir jamais cherché à frauder Revenu Canada et a reconnu que des omissions peuvent arriver. L'appelant a expliqué qu'en 1991 la nouvelle taxe sur les produits et services et la taxe de vente du Québec ont créé des difficultés pour ce qui est des touristes et ont ainsi nui au rendement de ses entreprises. Cela, conjugué avec une récession dans les mêmes années, explique la diminution des revenus de ses entreprises qui, selon l'appelant, a été considérable. Il a donc eu recours à sa fortune personnelle pour passer à travers cette période difficile.

[7]            Les chiffres relatifs à cette fortune personnelle figurent dans une annexe jointe à la Réponse à l'avis d'appel et ont été acceptés par l'appelant. L'annexe nous permet de constater que l'appelant avait, entre autres, plusieurs sommes d'argent investies dans différentes sociétés au Canada, et qu'il avait également deux créances en Suisse dont, celle résultant de la vente d'actions dans Augumi et une créance sur une société du nom de Mibo S.A. (ci-après « Mibo » ). Reproduit en annexe à la Réponse à l'avis d'appel se trouve également un tableau établissant les dépenses personnelles de l'appelant pour les années en litige, lesquelles dépenses ce dernier reconnaît et approuve.

[8]            Selon l'appelant, c'est précisément en raison des années difficiles que, dans ses déclarations de revenus de 1993 et 1994, on ne trouve que des revenus de 2 495 $ et de 50 804 $ respectivement. Son revenu de 1994 est composé d'un gain en capital imposable de 47 342 $, de revenus d'intérêts de 1 045 $ et d'un revenu de location net de 2 417 $. Son revenu de 1993 est constitué d'un revenu de location net de 2 495 $.

[9]            Selon les déclarations de revenus de l'appelant pour les années en litige, ce dernier a payé une pension alimentaire de 32 115 $ et de 36 086 $ pour ces deux années respectivement. C'est justement l'écart entre le revenu déclaré et la pension payée qui a amené madame Phi Anh Tran à faire la vérification des déclarations de revenus de l'appelant pour les années en question.

[10]          Madame Phi Anh Tran a témoigné qu'elle avait reçu la collaboration de l'appelant dans la vérification d'une société dont il était actionnaire mais que cette collaboration s'est détériorée lorsqu'elle a voulu vérifier les déclarations de revenus personnelles de l'appelant. Ce dernier a signé les autorisations nécessaires pour la vérification de ses registres bancaires pour l'année 1995 mais madame Phi Anh Tran avait dû procéder par voie de demandes péremptoires
concernant la fourniture de renseignements et la production de documents faites en conformité avec les alinéas 231.2(1)a) et b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour les années 1993 et 1994. Ces demandes ont été déposées en preuve sous la cote I-7.

[11]          Une fois cette information obtenue, elle a fait parvenir à l'appelant un projet de cotisation. Selon madame Phi Anh Tran, l'appelant n'a pas contesté le bilan mais a, par contre, présenté un nouvel état de l'avoir net en ajoutant la créance d'Augumi. C'est la première fois qu'il était question de l'existence de cette créance. Madame Phi Anh Tran a témoigné qu'elle avait alors demandé à l'appelant de confirmer les transferts bancaires par la production de bordereaux de dépôt ou d'autres documents pouvant démontrer que des fonds provenant de cette créance ont été transférés dans le compte en banque de l'appelant au Canada. Ce dernier n'a pas pu produire une telle documentation. En fait, madame Phi Anh Tran a déclaré qu'elle n'a vu dans le compte en banque personnel de l'appelant aucun dépôt de fonds provenant d'un placement en Suisse, sauf en ce qui concerne la deuxième créance, soit celle de Mibo, et dans ce cas le dépôt remonte à l'année 1995.

[12]          Madame Chantal Yelle a témoigné pour l'intimée. Madame Yelle, selon son témoignage a refait le calcul de l'actif, du passif et de l'avoir net de l'appelant en incluant la créance d'Augumi à titre d'actif. Elle a permis cette modification après avoir reçu les preuves documentaires établissant l'existence de cette créance, soit les pièces I-5 et I-6. L'appelant a informé madame Yelle qu'il avait tiré de ladite créance la somme de 69 798 $ pour chacune des années d'imposition et lui a demandé, de réduire aux fins du calcul de son avoir net pour l'année suivante, du montant ainsi reçu dans chaque cas la valeur de la créance, ce qu'elle a fait. L'appelant a dit avoir payé la pension alimentaire à même les fonds provenant de cette créance. Il a également confirmé à madame Yelle qu'il acceptait les calculs faits dans l'établissement de ses dépenses personnelles pour les années en question.

[13]          Cet exercice a permis à madame Yelle de conclure que le total des dépenses personnelles de l'appelant était de 109 106,94 $ pour l'année 1993 et de 109 015,17 $ pour l'année 1994. Informée de la créance d'Augumi, elle a refait le calcul de l'avoir net de l'appelant en incluant ce placement. Cet avoir net était déficitaire de 70 031,48 $ à la fin de l'année 1993 et de 65 776,99 $ à la fin de l'année 1994. Elle a donc soustrait des dépenses personnelles pour les années en litige la diminution de l'avoir net de l'appelant pour chaque année, ce qui a donné comme résultat un total de 39 075,46 $ pour 1993 et de 90 579,79 $ pour 1994 à titre de revenus calculés selon l'avoir net. La source précise de ces revenus est toutefois demeurée sans explication étant donné l'incapacité de l'appelant de prouver des transferts à son compte bancaire au Canada de fonds provenant de la Suisse. Après qu'on eut accordé à l'appelant les déductions appropriées, son revenu imposable revisé est passé à 6 960,46 $ pour 1993 et à 7 192,79 $ pour 1994. Cela n'a toutefois rien changé quant à l'impôt à payer, sauf que le ministre a imposé des pénalités conformément au paragraphe 163(2) de la Loi.

Années prescrites

[14]          Il incombe à l'intimée de faire la preuve justifiant les nouvelles cotisations pour les années 1993 et 1994. L'intimée doit convaincre le tribunal, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou qu'il a commis quelque fraude en produisant sa déclaration ou en fournissant quelque renseignement, selon les termes du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi.

[15]          Le fardeau de la preuve a été décrit de la façon suivante par le juge Strayer dans l'arrêt Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (C.F., 1re inst.) (Q.L.), 84 DTC 6247 :

                Je suis convaincu qu'il suffit au Ministre, pour invoquer son pouvoir en vertu de l'alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, de démontrer la négligence du contribuable, à l'égard d'un ou plusieurs éléments de sa déclaration de revenus au titre d'une année donnée. Cette négligence est établie s'il est démontré que le contribuable n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. C'est sûrement là le sens des termes « présentation erronée des faits, par négligence » , en particulier avec d'autres motifs comme l'inattention ou l'omission volontaire qui font référence à un degré de négligence plus élevé ou à une mauvaise conduite délibérée. Sauf si ces termes étaient superflus dans cet article, hypothèse que je ne puis accepter, le terme "négligence" impose un critère moins strict de faute, semblable à celui qui est utilisé dans les autres domaines du droit, comme la responsabilité délictuelle.

[16]          En l'espèce, l'appelant a accepté comme véridique le tableau fait par l'intimée établissant ses dépenses personnelles pour les années en litige. L'appelant a expliqué qu'il avait eu recours à sa fortune personnelle pour combler le manque du revenu nécessaire pour faire face à ses obligations financières. La provenance des fonds a été expliquée par l'appelant seulement après l'insistance du ministre, l'envoi d'une demande péremptoire aux banques où l'appelant faisait affaire et l'établissement d'un projet de cotisation. L'appelant a alors informé la représentante du ministère de l'existence de la créance d'Augumi et a précisé qu'il avait utilisé les fonds en provenant pour payer une pension alimentaire et pour combler son manque de revenu.

[17]          De plus, dans les pièces I-4 et I-6, lesquelles contiennent un bilan personnel de l'appelant au 31 mars 1993 et au 1er février 1995, la créance d'Augumi ne paraît pas sur la liste des placements faits par l'appelant. Ces deux bilans ont été dressés dans le but d'obtenir des emprunts bancaires et, quoique non vérifiés, ils constituent des déclarations faites par l'appelant qui ne dévoilent pas tous ses avoirs.

[18]          Même si, à première vue, les explications de l'appelant semblent indiquer la provenance des fonds, il n'en demeure pas moins qu'aucune preuve n'a été avancée pouvant convaincre le ministre ou la Cour qu'il y a effectivement eu, durant les années en litige, des transferts d'argent qui provenait de la Suisse et de la créance d'Augumi. Selon la vérificatrice du ministre, elle n'a pas vu dans le compte en banque personnel de l'appelant pour les années en litige des dépôts d'argent provenant de placements en Suisse, à l'exception de la créance de Mibo qui a été transférée dans son compte personnel pour l'année 1995. À la lumière de ce manque de preuve, la question de la provenance des fonds demeure sans réponse et l'écart entre les dépenses de l'appelant et son revenu demeure sans explication. Il y a donc présentation erronée des faits quant au revenu de l'appelant. Je suis convaincu que l'intimée s'est acquittée du fardeau de faire la preuve nécessaire pour justifier les nouvelles cotisations établies pour les années prescrites.

Calcul de l'écart par avoir net

[19]          Le ministre était-il justifié d'ajouter des revenus de 36 581 $ pour l'année 1993 et de 39 736 $ pour l'année 1994? L'appelant a accepté le montant de 109 106,94 $ comme représentant ses dépenses personnelles pour 1993 et de 109 015,17 $ comme représentant celles pour 1994. Il a déclaré un revenu de 2 494,60 $ pour 1993 et de 50 844,11 $ pour 1994. L'appelant n'a pas contesté les calculs de son avoir net qui ont servi à déterminer le calcul de l'écart par avoir net. Ces calculs se sont traduits par une diminution de son avoir net de 70 031,48 $ pour 1993 et de 65 776,99 $ pour 1994. Pour ce qui est des dépenses personnelles de 109 106,94 $ en 1993 et de 109 105,17 $ en 1994, il est facile de conclure que l'appelant s'est servi de sa fortune personnelle pour y faire face jusqu'à concurrence des diminutions établies ci-dessus. Mais, pour acquitter le solde de ses dépenses, il lui aurait fallu un revenu additionnel de 39 075,46 $ pour 1993 et de 90 579,79 $ pour 1994. De ces sommes, on soustrait les revenus déclarés pour chacune de ces années et on se retrouve avec un manque de 36 580,86 $ pour 1993 et de 39 735,68 $ pour 1994.

[20]          L'appelant, comme nous le savons, a expliqué qu'il avait tiré d'une créance en Suisse la somme de 69 798 $ pour chacune des années d'imposition en cause. Il lui a été impossible toutefois d'établir la provenance de ces fonds en produisant des preuves de dépôts bancaires ou des transferts de fonds dans son compte personnel. D'ailleurs, la vérificatrice a témoigné avoir vérifié les comptes en banque personnels de l'appelant et, sauf en 1995, aucun dépôt d'argent provenant de la Suisse n'y a été effectué. La provenance des fonds demeure donc inexpliquée.

[21]          Dans l'arrêt Hsu c. Canada, [2001] A.C.F. no 1174, la juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale a expliqué la justification du recours à la méthode de l'avoir net pour le calcul du revenu d'un contribuable :

                29             Les évaluations de la valeur nette sont une solution de dernier recours communément employée dans les cas où le contribuable refuse de produire une déclaration de revenus, qu'il a produit une déclaration fort inexacte ou qu'il refuse de fournir des documents qui permettraient à Revenu Canada de vérifier le rendement (V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax Law, 5e éd. (Toronto : Carswell, (1995) à la page 1089). La méthode de la valeur nette est fondée sur l'hypothèse selon laquelle une augmentation de la richesse d'un contribuable au cours d'une certaine période peut être imputée au revenu pour cette période à moins que le contribuable ne démontre le contraire (Bigayan, précité, à la page 1619). Cette méthode vise à libérer le ministre de l'obligation ordinaire qui lui incombe de prouver l'existence d'une source imposable de revenu. Le ministre est uniquement tenu de démontrer que la valeur nette du contribuable a augmenté entre deux dates. En d'autres termes, une évaluation de la valeur nette ne se rapporte pas à la détermination de la source ou de la nature de l'augmentation de la richesse du contribuable. Une fois qu'il est démontré qu'il y a eu augmentation, il incombe entièrement au contribuable de séparer son revenu imposable des gains provenant de sources non imposables (Gentile c. La Reine, [1988] 1 C.T.C. 253, à la page 256 (C.F. 1re inst.)).

30             Par sa nature, une évaluation de la valeur nette est une estimation arbitraire et imprécise du revenu du contribuable. Toute iniquité perçue se rapportant à ce genre d'évaluation est réglée en reconnaissant que le contribuable est celui qui est le mieux placé pour connaître son revenu imposable. Lorsque le fondement factuel de l'estimation du ministre est inexact, il devrait être simple pour le contribuable de corriger à la satisfaction de la Cour l'erreur que le ministre a commise.

[22]          Dans les circonstances, je suis convaincu qu'il y a eu augmentation de l'avoir net de l'appelant pour les deux années en litige et que ce dernier n'a pas réussi à s'acquitter de son obligation de justifier cette augmentation.

Les pénalités

[23]          Le ministre a imposé à l'appelant, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, une pénalité pour chacune des années d'imposition en litige. Ce paragraphe était ainsi formulé :

                (2) Faux énoncés ou omissions. Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse — appelé « déclaration » au présent article — rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

                [. . .]

[24]          Il incombe donc à l'intimée d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant a fait un faux énoncé dans ses déclarations de revenu pour les années en question et que cet énoncé a été fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.


[25]          Je souscris aux propos du juge Strayer dans la décision Venne (précitée) relatifs à la notion de faute lourde :

               

                [...]

La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi.

[26]          J'ai déjà traité de la conduite de l'appelant en ce qui concerne les années prescrites et les mêmes conclusions de fait s'appliquent à l'analyse de la preuve relative aux pénalités pour les deux années en litige. Je tiens compte également du témoignage de madame Phi Anh Tran, vérificatrice au ministère du Revenu, qui parle du manque de collaboration de l'appelant pour ce qui est de la divulgation de ses affaires personnelles alors qu'il avait très bien collaboré lors de la vérification de la société dans laquelle il détenait des actions. Madame Phi Anh Tran a témoigné qu'elle avait reçu l'autorisation de l'appelant pour vérifier les registres bancaires de ce dernier pour 1995 mais qu'elle a dû avoir recours à des demandes péremptoires (pièce I-7) pour les deux années en litige. La preuve de l'intimée a révélé également que la créance d'Augumi portait intérêt au taux annuel de 7 p. 100 et que, le 12 juin 1991, selon la pièce I-6, les intérêts accumulés auraient été capitalisés à l'occasion de la cession des actions.

[27]          Après avoir recueilli toute cette information, madame Phi Anh Tran a préparé un projet de cotisation visant l'appelant, et ce n'est qu'après lui avoir présenté ce projet qu'elle a appris l'existence de la créance d'Augumi et qu'elle a su que l'appelant s'était servi des paiements provenant de cette créance pour subvenir à ses besoins. Elle a demandé à l'appelant de confirmer ses affirmations par des documents sous forme de transferts bancaires ou de bordereaux de dépôt, mais l'appelant, tout comme son représentant, a été incapable d'en produire.

[28]          Il faut se rappeler que l'appelant est un homme d'affaires d'expérience. Il a géré plusieurs entreprises au Canada depuis son arrivée ici et n'est pas sans connaître l'obligation d'un contribuable de déclarer tous ses revenus. Pourquoi était-il si réticent à dévoiler la créance?

[29]          Comme il a accepté le calcul du montant de ses dépenses personnelles et qu'il a été incapable de démontrer la provenance du revenu qu'il lui fallait pour y faire face, il faut en conclure que l'appelant n'a pas déclaré tous ses revenus, y compris peut-être les intérêts qu'a rapportés la créance d'Augumi. Je suis convaincu que l'intimée s'est déchargée de son fardeau et a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant a fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde un faux énoncé dans ses déclarations de revenus pour les années en question.

[30]          En dernier lieu, l'appelant a contesté l'imposition d'une pénalité alors que les cotisations sont « néant » pour les deux années en litige. Une fois que les conditions du paragraphe 163(2) sont remplies, des pénalités peuvent être imposées. Tout comme on l'a fait dans la décision MacDonald c. Canada, [1997] A.C.I. no 277, je cite le jugement Chopp et al. :

5               Je me contenterai de citer un jugement, Chopp et al v. M.N.R., 1987 D.T.C. 374, à la p. 375, étant donné qu'il est dans une certaine mesure fort pertinent :

J'ai tout d'abord pensé, au cours de l'audience, que des pénalités ne pouvaient être imposées à l'égard d'années d'imposition lorsque les nouvelles cotisations établies sont des cotisations « néant » en ce qui concerne l'impôt exigible, croyant à tort que les pénalités imposées en vertu des dispositions du paragraphe 163(2) s'élèvent invariablement à 25 % d'un montant relié à l'impôt réellement exigible. À la réflexion, je suis d'avis que des pénalités de ce genre peuvent être imposées, même si aucun impôt n'est exigible pour une année d'imposition, pourvu, toutefois, que les conditions essentielles du paragraphe 163(2) soient respectées. Cette règle se conçoit. Pour des raisons évidentes, le Parlement désire que, lorsque les contribuables préparent eux-mêmes leurs cotisations en vertu de l'article 150 de la Loi, ils ne puissent, sciemment ou dans des circonstances justifiant l'imputation d'une faute lourde, faire d'omissions ou de faux énoncés. Ce genre de conduite entraîne des pénalités en soi, même


s'il n'y a pas d'impôt exigible au cours d'une année d'imposition donnée en raison du fait, par exemple, que les pertes sont reportées d'une autre année.

[31]          Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2002.

« François Angers »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                        2001-219(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                 MICHEL BOLAY

                                                                                                                et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    8 avril 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         L'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :                                      23 mai 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                                    L'appelant lui-même

Pour l'intimée :                                                       Me Claude Lamoureux

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimée :                                                       Morris Rosenberg

                                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                                Ottawa, Canada

2001-219(IT)I

ENTRE :

MICHEL BOLAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 8 avril 2002 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge François Angers

Comparutions

Pour l'appelant :                                            L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                                     Me Claude Lamoureux

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1993 et 1994 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2002.

J.C.C.I.

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